— Tu roules à une allure excessive alors que le soleil commence à décliner. Pour la première fois, depuis longtemps, tu as accepté de sortir de ton antre pour rejoindre un ami. Fait assez étrange quand on te connaît. T’es plutôt ce casanier qui passe son temps libre enfermé dans son bureau à travailler. Même s’il t’arrive très souvent de prendre le large avec ta fille pour vadrouiller. Te rapprocher comme tu le peux de votre vie d’avant et t’éloigner du tumulte de la ville que tu peines parfois à dompter. Après tout, c’est juste une autre façon de t’isoler. Sans les murs et la nature à perte de vue pour remparts invisibles. T’es heureux de te dire que Millie a plus de facilité que toi à s’adapter. Elle a la magie de l’enfance et cette capacité de se reconstruire d’un rien et de poussières de fée. T’es soulagé, de voir que son innocence est encore préservée. Malgré ce drame qui aurait pu faire éclater votre bonheur maintenant si fragile. T’as ce sourire fébrile aux bords des lèvres, lorsque tes pensées dessinent le visage d'Emma. C’est elle, qui veille maintenant sur vous. Et cette simple idée voile de larmes ton regard qui tombe instinctivement sur ton alliance. Mais étrangement, ta douleur te semble plus douce à accepter. Peut-être que ton cœur commence à cicatriser ses plaies que tu pensais devoir à jamais endurer. Une part de toi espère pouvoir combler un jour le trou béant que sa mort a laissé dans ta poitrine. Puis il y a cette phrase que Wild t’a dite lors de retrouvailles qui résonnent encore en toi : la douleur ne disparaît jamais. On doit juste apprendre à vivre avec. Tu regardes avec attention la route pour ne pas rater là prochaine sortie pour aller chez Ulysse. Ils ne vous arrivent que trop rarement de vous voir en dehors de l’hôpital. Pourtant, le brun est l’une des rares personnes avec qui tu as su créer un lien dès ton arrivée à Brisbane. Il a été ce sourire accueillant et sincère venu à ta rencontre lors de ta prise de poste aux urgences. Et sans t’en rendre compte, Ulysse est devenu très vite ce binôme avec qui tu as trouvé tes marques. L’un des rares avec Helen et Nina avec qui tu aimes passer du temps. Il a su dompter l’électron libre que tu es tout en respectant cette distance naturelle que tu préserves. Aux urgences, vous êtes ces deux médecins capables de se synchroniser sans le moindre mot tout en anticipant les gestes de l’autre lors de vos diverses interventions. Malgré vos personnalités très différentes, vous vous retrouvez dans cette même passion pour la médecine, alliée à ce besoin de toujours faire au mieux qu’importe la situation. C’est ce que tu apprécies le plus chez lui, cette façon qu’il a de toujours traiter au mieux ses patients, sans jamais oublier l’humain. Il n’est pas de ces médecins qui ne parlent qu’en numéro de boxe ou de cas. Tu sais que ses ambitions sont grandes et tu espères que son dévouement pour l’hôpital payera un jour.

Tu arrives dans Beachcrest Road et devant le numéro qu’Ulysse t’a indiqué. Tu te demandes un court instant si tu ne t’es pas trompé et tu vérifies machinalement sur ton téléphone. Tu empruntes l’allée après avoir annoncé ton arrivée et tu restes bouche bée devant l’immensité de la bâtisse blanche qui se dépeint devant toi. Tu oses à peine te garer à côté des véhicules de luxe qui n’ont rien à voir avec ta voiture familiale. Tu sors de ta voiture avec une bouteille de vin à la main. À peine as-tu monté les marches qui mènent à l’entrée principale que tes yeux se rivent sur la silhouette du brun. « Wow, tu m’avais dit que c’était grand chez toi, mais ce n'était qu’un doux euphémisme. » Tu le regardes avec un large sourire un brin taquin, alors que tes doigts pointent de part et d’autre la villa. Si tu donnais de l’importance aux apparences, t’aurais l’impression de faire tache dans le paysage. Tu savais qu’Ulysse venait d’un milieu bien plus aisé que le commun des mortels, mais ce n’était qu’une simple donnée que tu avais enregistrée sans jamais y apporter la moindre valeur. Tu lui offres une accolade et ton sourire s'adoucit avec sincérité. « Je t’ai ramené une bonne bouteille. » Tu lui tends un rouge de Penfolds Grange. « Un patient est venu m’en déposer toute une caisse dans le service pour me remercier. » Ethel allait certainement râler en apprenant que tu n’avais pas gardé la dernière bouteille pour vous. « C’est un très bon vin, mais je pense que tu es plus fin connaisseur que moi en la matière. »

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