No rest for the wicked

  @Sergio Gutiérrez  ft. Gayle Danbury

central business district, spring hill ; bureaux de la GCA.

Les doigts de Gayle pianotaient tantôt sur son ipad tantôt sur son portable. La femme d'affaires qu'elle était n'avait pas une seconde de son temps à perdre comme le montrait son attitude dans la salle de réunion. Un coup d'oeil jeté à sa montre lui indiqua que Sergio n'allait pas tarder à arriver. Lui comme elle détestaient le manque de ponctualité. Si la blonde était arrivée avec quelques minutes d'avance elle ne doutait pas que son associé pousserait incessamment sous peu les portes de la salle. La Danbury avait vu juste puisqu'elle était en train d'envoyer l'adresse d'un shooting photo à l'un de ses mannequins lorsqu'elle le vit arriver. Un sourire amusé glissa sur son visage lorsqu'elle vit Sergio le nez plongé sur sa tablette. A bien les observer tous les deux, on aurait pu penser qu'ils avaient été faits dans le même moule. C'était sans doute l'une des raisons pour lesquelles ils travaillaient si bien ensemble. La blonde posa sa tablette et étira les muscles de son dos en levant les bras alors que Sergio regardait d'un air quelque peu dépité les trois piles de dossiers qui leur faisaient face. « Je n’arrive pas à déterminer si nous sommes efficaces dans notre travail ou si nous nous sommes sacrément égaré. » Elle secoua la tête de gauche à droite et reprit : « Nous ? Nous égarer ? Je dirais plutôt qu'on est victime de notre succès et de notre talent. » Un petit sourire amusé glissa sur son visage alors qu'elle aussi regardait avec un air passablement blasé tous les dossiers sous son nez. Jamais Gayle n'admettrait qu'ils s'étaient plantés quelque part ou qu'ils manquaient de rigueur mais force était de constater que la charge de travail s'était accumulée. Heureusement pour eux leurs assistants avaient fait le tri parmi leurs clients et avaient répertorié chaque information indispensable, comprenez par là : combien chaque client leur rapportait.

Gayle but une gorgée de son café noir alors que Sergio projetait sur le mur les différents revenus générés. La liste en vert ne leur poserait aucun problème et sans doute qu'ils ne prendraient même pas la peine de l'évoquer. Celle en rouge n'annonçait rien de bien joyeux mais Gayle n'avait aucun problème à licencier quelqu'un qui lui faisait perdre son temps et qui ne lui faisait rien gagner. Non, la liste qui les occupait était celle en orange et la jeune femme savait déjà que Sergio et elle risquait de ne pas être d'accord sur tous les cas. La veille au soir, elle avait jeté un coup d'oeil et certains noms l'avaient frappée de plein fouet. Lorsque son associé lui proposa d'envoyer Sam pour gérer la paperasse, elle acquiesça d'un signe de tête : « Bonne idée, oui. ». Elle n'aimait pas spécialement faire ce genre de choses alors autant que quelqu'un s'y colle à sa place. L'agent rebut une gorgée alors que Sergio lui pointait la pile du milieu. « J'écoute. Qui sont les noms contrariants ? ». Gayle posa à plat ses mains sur la table et prit le temps de réfléchir avant de parler. Elle savait qu'un dossier était particulièrement épineux mais devait-elle réellement commencer par celui-ci ? « Roy, Mcmachin là... » marmonna-t-elle. Un acteur de seconde zone dont le joli minois lui avait permis l'ouverture d'une porte menant jusqu'au petit écran mais dont le talent était plus qu'incertain. Elle soupira et poursuivit : « Sérieusement Sergio... Il est nul. » les mots étaient crus et directs, sans doute un peu excessifs mais l'idée était là. « Il est nul et en plus il est capricieux. Pire... Son attitude avec les femmes est à la limite du dégueulasse. » Qu'il s'envoie en l'air à droite et à gauche ne lui posait aucun problème, il faisait bien ce qu'il voulait de sa queue. Non le problème était que son comportement était border et qu'à tout moment ils allaient devoir gérer des accusations d'agression. Elle en était persuadée. Gayle n'avait aucune envie de le garder dans l'agence, d'autant plus qu'il ne leur rapportait pas tant de revenus que cela.

Le regard de la quadragénaire remonta jusqu'à celui de Sergio et alors qu'elle venait d'accrocher ses pupilles, elle ajouta d'une voix calme mais déterminée : « Maddy. » Pas besoin d'en dire plus. Le Gutiérrez savait de qui elle parlait. Il était là le dossier épineux. Dossier que Gayle comptait éplucher en long, en large, et en travers. Cette fille n'avait rien à faire dans l'agence et elle comptait bien le faire comprendre et admettre à son associé.   

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  @Sergio Gutiérrez  ft. Gayle Danbury

central business district, spring hill ; bureaux de la GCA.

La réunion avait plutôt bien commencé mais pourquoi en aurait-il été autrement ? Sergio et Gayle semblaient tous les deux de bonne humeur. Ils avaient d'ailleurs toutes les raisons de l'être. Leur entreprise fonctionnait à merveilles et ils n'avaient de cesse de faire fructifier leurs investissements. La GCA était désormais une entreprise connue et reconnue à Brisbane et d'éventuels futurs clients faisaient régulièrement la queue devant leur porte. Les deux agents savaient travailler ensemble et savaient aussi garder leur indépendance. Ils ne se marchaient pas dessus, se faisaient confiance et avaient en grande partie la même manière d'opérer. Si Gayle avait eu certaines appréhensions au tout début de leur collaboration, elles s'étaient très rapidement envolées. Elle avait craint que Sergio ne soit toujours sur son dos, ou qu'il cherche parfois à tirer la couverture sur lui mais ce n'était absolument pas le cas. Elle ne regrettait en rien d'avoir accepté sa proposition de venir co-diriger l'entreprise avec lui.

Elle avait hoché la tête lorsqu'il lui avait dit : « Ne gaspillons pas notre temps alors. » Elle était parfaitement d'accord avec lui d'autant plus qu'elle devait se rendre sur le tournage d'un film pour suivre les débuts de l'une de ses actrices sur le grand écran. Rapidement, la Danbury avait évoqué le cas de Roy. Elle n'aimait pas ce gamin, et ne s'en privait pas pour le montrer. A chaque fois qu'elle le croisait, elle avait envie de le gifler ou de lui mettre son pied dans les couilles mais heureusement pour la starlette, Gayle savait se tenir et prendre sur elle. Ce misérable leur rapportait de l'argent, tant que Sergio et elle ne s'étaient pas mis d'accord sur son cas, elle ne ferait rien qui pourrait porter préjudice à l'acteur. Sergio alla dans son sens concernant son caractère et le fait qu'il soit devenu de plus en plus insupportable. Lorsqu'il lui expliqua néanmoins qu'il avait signé pour une série Netflix, Gayle grimaça. Elle savait très bien où la conversation allait en venir : une série pour midinettes, il fallait le garder. Et ce fut ce que lui suggéra Sergio. « Tu permets ? » elle poussa sa tablette dans sa direction et l'observa faire. Lorsqu'il lui montra les bénéfices qu'il leur rapportait elle soupira. Elle détestait ce crétin mais elle savait que Sergio avait raison. Pour le moment, c'était dans leur intérêt de le garder. « Selon son comportement peut-être qu'on pourrait même attendre de voir pour la saison 2. S'il pose problème, on le vire. Je peux te proposer ce deal. » Elle passa une main dans ses cheveux tout en acquiesçant : « Je te suis sur ce coup-là. Mais je te préviens Sergio, la moindre histoire sordide avec une fille, on le dégage. Je me tuerai pas à la tâche pour redorer son image. » Elle avait fait bien des choses pour certains clients, des choses parfois peu recommandables et à la limite de la légalité mais chacun en valait la peine. Pas lui. Elle ne risquerait pas de se brûler les ailes pour un gamin qui n'en valait pas la peine.

Le cas de Roy avait été facile à gérer et si le garçon avait obtenu un sursis, il pouvait être certain que la quadragénaire ne le louperait pas. Le sujet suivant n'allait néanmoins pas être aussi simple, G. le savait parfaitement alors lorsqu'elle lança le nom de Maddy, elle ne quitta pas du regard Sergio cherchant à capter la moindre de ses réactions. Son visage se ferma instantanément et le regard froid qu'il lui lança lui fit bien comprendre qu'il n'était absolument pas d'accord avec elle. « Maddy est hors d'atteinte. Elle reste dans l'agence, et tu ne t'en mêleras pas. » Gayle ne cilla pas et ne laissa transparaître aucune émotion. C'était l'un de ses points forts, être capable de ne laisser transparaître que ce qu'elle désirait. Elle garda le silence, sans détourner le regard mais intérieurement elle bouillonnait. Elle avait envie de lui faire ravaler son faux sourire poli et de le remettre  à sa place concernant le ton qu'il employait lorsqu'il lui parlait. Elle laissa passer quelques secondes, lui laissant ainsi l'opportunité de poursuivre : « Autrement, je propose qu'on parle de Sasha Franklin ? ». Un rire amère glissa hors des lèvres de la blonde. Elle secoua la tête, blasée par la situation et presque déçue par sa réaction. Elle cherchait à évincer Maddy, il choisissait de s'en prendre à une artiste qu'elle appréciait tout particulièrement ? C'était petit, peu digne de Sergio. Gayle ne dit rien mais baissa la tête sur sa tablette. Il lui suffit de tapoter trois quatre fois l'écran avant d'obtenir ce qu'elle désirait. Elle poussa l'objet en direction de Sergio et lui dit : « A gauche, c'est ce qu'on dépense pour Maddy et pour toutes les suites plus luxueuses qu'elle occupe chaque week-end, parfois même des semaines pour on ne sait quelle raison. A droite, c'est ce qu'on dépense pour Sasha. » Les faits étaient sans appel. Sasha ne leur coûtait presque rien puisqu'elle n'avait pas les mêmes goûts de luxe que l'autre. Elle soupira et lui dit : « Alors oui, Sasha ne nous fait pas gagner de gros montants mais Maddy ? » Maddy non plus puisque Maddy ne tournait plus dans aucun film. Le problème c'était qu'elle continuait de leur siphonner leur fond budgétaire. Sergio avait raison lorsqu'il évoquait le cas de Sasha, et sans doute qu'à un moment Gayle accepterait de se séparer d'elle, mais pas maintenant, c'était trop tôt. « Je dis pas que je veux garder éternellement Sasha, je dis juste qu'elle se défonce et qu'elle essaie. Je dis pas non plus que Maddy n'a pas de talent et ne vaut rien, je dis juste qu'elle fait plus rien. » Là aussi c'était un fait. Il voulait qu'elle reste ? Très bien mais à lui de faire comprendre à la jeune femme qu'il fallait qu'elle se mette à bosser et surtout à arrêter de claquer leur pognon dans le vent.  

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