ancient dreams in a modern land

@cesar gutiérrez

lieu: workshops, le temps du rêve - event de février.
(c): queenmakings (gif), luleaby (codage).

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La curiosité de Damon était la plupart du temps très discrète, lui qui n’appréciait en rien se mettre en avant d’aucune sorte, préférant baisser le regard et faire profil bas dès la possibilité lui était offerte. Lorsqu’un sujet l’intéressait, il était plutôt du genre à scruter de loin, à prendre des notes et à analyser quand il pouvait intervenir sans que cela n’attire trop de regards sur lui, plutôt que de foncer dans le tas. L’art de façon générale faisait partie de ce lot là - il préférait regarder de loin ce que faisait les autres plutôt que de s’exposer seul sous les protecteurs. Il n’émit pas timide, il était simplement réservé lorsqu’il s’agissait de choses qui lui tenaient à coeur. Peindre faisait partie de cette catégorie. Il avait toujours pris le temps de peindre, qu’importait où il se trouvait dans le monde; il aurait bien voulu dire qu’importait également les commentaires que ses parents pouvaient avoir sur la question mais cela serait mentir puisqu’il avait attendu d’être livré à lui même pour s’exprimer pleinement dans ce domaine. Mais c’était par les pinceaux sur toutes surfaces où l’art pouvait naitre qu’il s’exprimait librement depuis des années, qu’il en faisait son exutoire et l’endroit où se sentait presque le mieux sur cette planète.

Etant donné que ses journées n’étaient pas bien remplies ces derniers temps, ayant terminé ses études et n’ayant plus d’engagement auprès de la MHI, Damon avait davantage le temps de prendre le temps et d’apprécier peindre. S’il avait la place et le matériel chez lui, l’endroit où il se rendait assez régulièrement pour sortir de chez lui était l’atelier d’Auden - ce dernier lui avait donné un double des clefs à son arrivée à Brisbane et ne l’avait jamais repris depuis, ne lui avait jamais dit qu’il ne pouvait plus l’utiliser non plus alors il avait pris son avantage sur cette situation. Aujourd’hui, ce n’était pas à cet endroit là qu’il se rendait, mais quelque-part où il avait vu la publicité faite sur les réseaux sociaux. Un workshop avait été organisé par la ville avec comme thème l’art aborigène et les arts associés. Damon se doutait bien qu’il pourrait y chaussure à son pied sur place, et qui plus était en apprendre un peu plus sur le pays dans lequel il vivait depuis quatre ans désormais - presque plus longtemps que bien d’autres endroits où il avait pu poser ses valises. Après avoir salué les organisateurs de l’événement sur son chemin, il finit par jeter un coup d’oeil circulaire aux tables disposées ici et là travers la pleine réservée pour l’occasion; et si sa curiosité ne se démontrait pas sous une forme d’observation intensive et surtout silencieuse, de loin, il y avait de fortes chances pour qu’il n’ait jamais reconnu le visage sur lequel se posaient ses yeux en cet instant. Mais comme il était attentif aux détails la plupart du temps, il avait parfaitement reconnu le brun - et ce fut avec un petit sourire aux lèvres qu’il se dirigea vers ce dernier. « Ca te dérange si je m’assoie à ta table ? Les autres ont l’air déjà bine occupées. » Et puis surtout, c’était plus plaisant de s’asseoir face à quelqu’un dont le visage n’était pas inconnu. « Cesar non, si je me trompe pas, c’est ça ? » Qu’il lui dit en se penchant un brin en avant pour avancer sa main et serrer la sienne. « Damon. Je sais pas si tu vois qui je suis. »

J’ai toujours aimé peindre, avoir de la peinture sur les doigts et sur mes vêtements. Maman aimait moins quand j’étais petit mais je crois qu’en grandissant elle s’est fait une raison sur le fait que les t-shirts blancs ne resteraient pas blancs longtemps avec moi. Depuis que j’achète moi-même mes fringues je fais plus attention, j’ai mes habits de peinture et les autres que j’essaie de préserver comme je peux. Comme je peux parce que l’art vient toujours au moment où on l’attend le moins. En me baladant ce matin dans Brisbane je n’aurais jamais pensé tomber sur un festival pareil et encore moins sur un atelier de peinture aborigène. C’est le hasard et je ne suis vraiment pas sapé pour faire un truc pareil. Alors je me fais une raison, ma pile de vêtements à peinture va encore gagner un pantalon et un tshirt -plus très- blanc. Tant pis, je m’amuse trop pour arrêter et faire le vieux aigri qui a sali ses petites mains.

Très concentré sur ce que je fais, trop peut-être vis à vis des personnes qui m’entourent je ne remarque pas tout de suite que quelqu’un m’observe. C’est sa voix qui me tire de mes pensées et de mon génie créatif à base de points et de traits colorés. « Ca te dérange si je m’assoie à ta table ? Les autres ont l’air déjà bien occupées. » Je relève brusquement la tête, surpris d’avoir quelqu’un si près de moi. “Y a pas de soucis, installe toi.” La main pleine de peinture bleu électrique je désigne le siège en face de moi qui est libre. Je ne prête pas plus attention à lui, j’ai un boomerang à peindre, je ne suis pas venu spécialement pour discuter. « Cesar non, si je me trompe pas, c’est ça ? » Je fronce légèrement les sourcils, d’où est-ce qu’il me connaît le blondinet ? “Euh oui?” Mon ton est méfiant, il faut dire que la situation est presque flippante parce qu’il sort de nulle part alors que je n’ai aucune idée de qui est ce type. « Damon. Je sais pas si tu vois qui je suis. » Il tend sa main et je lui tends mon poignet, histoire de ne pas tartiner sa main de peinture bleue. Le prénom ne me dit absolument rien. “Hum désolé je suis pas super physionomiste je te remets pas.” Je l’observe plus en détails, je dois sûrement être flippant à mon tour mais j’essaie de faire fonctionner mes méninges. “On se connait de... ?” On se connaît forcément, il ne peut pas se tromper. Je réfléchis encore et là des souvenirs, bien que flous me reviennent. “Ah mais si!” Je me souviens l’avoir croisé après des cours avec Auden. On avait parlé très rapidement mais pas suffisamment pour que je me souvienne de son visage ou de son prénom. “T’es pas élève à la galerie par hasard ?”

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Au moment où il s’était avancé vers la table occupée par le jeune homme, il était sur de lui et des liens qu’il avait effectué dans son esprit, remettant facilement un prénom sur un visage. Tout ceci fut remis un instant en question lorsqu’arrivé à sa hauteur et engageant la discussion, la surprise fut de mise sans une once d’hésitation sur le visage du brun. « Y a pas de soucis, installe toi. » Au moins, il ne l’envoyait pas paitre à peine face à lui, ce qu’il pouvait surement considérer comme une petite victoire - contre quoi, il ne savait pas, mais une petite victoire tout de même. « Euh oui? » Sa seconde victoire fut d’avoir réussi effectivement à associer nom et visage sans errer; mais cela ne fit que rendre le dit-Cesar plus suspicieux qu’autre chose sur la raison qui poussait un inconnu à s’adresser à lui par son prénom tout en cherchant à lui serrer la main. Ils n’étaient pas de vrais inconnus, cependant, puisqu’ils s’étaient croisés à plusieurs reprises avant aujourd’hui; les souvenirs étaient simplement un brin compliqués à faire remonter à la surface. « Hum désolé je suis pas super physionomiste je te remets pas. On se connait de... ? » Les yeux du jeune homme le scrutaient avec intention, s’appuyant surement sur des détails permettant de lui mettre la puce à l’oreille - et si Damon n’avait pas été celui engageant la conversation, il aurait surement été décontenancé par cette faculté d’observation; ici, il ne pouvait cependant s’en plaindre.

Et puis de toute manière, il vit dans le regard du brun que quelque-chose changea, comme s’il remettait davantage dans un lieu autre que celui actuel le visage qu’il avait sous les yeux. « Ah mais si! » Un petit sourire aux lèvres, Damon haussa quelque peu l’un de ses sourcils. « T’es pas élève à la galerie par hasard ? » Et à cette réponse donnée, bien sur que ce fut dans un premier temps un petit rire qui lui échappa, alors qu’il s’asseyait enfin en face de Cesar - maintenant qu'il avait au moins une vague idée de qui il pouvait être, il pouvait se permettre de s’installer. « Presque. » Qu’il avoua dans un premier temps. « Mais effectivement on s’est croisés à la galerie, oui. » Retirant sa veste de ses épaules, il la posa à ses côtés, à distance de la peinture et des éclaboussures que cette dernière pourrait effectuer malgré lui pendant la séance. « Je suis de la famille d’Auden, mais je suis pas élève là-bas. » Depuis quelques temps déjà, Damon prenait le parti de dire qu’ils étaient de la même famille sans préciser leur lien, cela lui semblait plus juste comme histoire à raconter. Personne ne saurait la différence, puisqu’ils n’étaient que peu à appartenir à la catégorie des gens au courant du réel lien de parenté entre les deux, mais pour lui cela semblait mieux énoncé ainsi. « Toi par contre t’es élève là-bas si je me trompe pas non ? Je crois que c’est à la fin d’un cours la dernière fois qu’on s’est croisés. » Ses mains se mettaient déjà à choisir pinceaux et couleurs pour participer à son tour à l’atelier. « Et je me demande si on a pas participé à la même exposition l’année dernière, aussi. Mais j’en suis moins sur de ça. » C’étaient surtout des événements qui attiraient pas mal de monde et il était parfois un brin compliqué de réellement repérer des visages connus à travers la foule.

A force de fixer ce fameux Damon qui ne me dit absolument rien j’ai enfin l’illumination : on s’est croisés à la galerie. Spontanément je lui demande s’il est élève là-bas aussi. « Presque. » Sa réponse me surprend, mais qu’est-ce qu’il peut bien faire à la galerie s’il n’est pas élève ? Ce n’est pas par plaisir de discuter avec le chaleureux propriétaire des lieux. Auden est un génie, mais il a la sympathie et un sens de l’accueil digne d’une porte de prison. Je me souviens encore de la manière dont il s’est moqué de mon poireau quand on s’est rencontrés. Il faut dire qu’entrer dans une galerie d’art avec les courses qui dépassent du sac à dos c’est pas le plus courant pour sa défense. Mais je suis quand même resté et j’ai appris à apprécier Grincheux petit à petit. « Mais effectivement on s’est croisés à la galerie, oui. » Maintenant qu’il le dit, c’est vrai que s’il avait été élève au même cours que moi je m’en serais souvenu. Je ne viens pas à la galerie pour discuter ou me faire des amis mais je ne suis pas un enfant sauvage à ce point. Je le regarde avec plein de questions, attendant qu’il m’en dise un peu plus. « Je suis de la famille d’Auden, mais je suis pas élève là-bas. » C’est bien la première fois que j’entends parler d’une famille pour Auden, mais après tout on ne se connaît pas tant que ça. Je connais son style, j’apprends ses techniques et je me nourris de son expérience dans le milieu mais je me rends compte que je ne connais pas grand chose de la vie privée de mon prof. “Ah d’accord, je comprends mieux pourquoi je ne me souvenais pas de toi alors.” Je me retiens de faire des blagues sur à quel point la vie avec Auden doit être difficile, je ne le connais pas et je n’ai pas envie qu’il aille me balancer. J’essaie en même temps de deviner quel est leur lien de parenté. Vu l’âge de Damon et de Grincheux ça m’étonnerait qu’ils soient frères, peut-être que c’est son neveu ? Je n’en sais rien et je ne suis pas intrusif donc je ne lui demanderai pas des détails qui ne me regardent pas. « Toi par contre t’es élève là-bas si je me trompe pas non ? Je crois que c’est à la fin d’un cours la dernière fois qu’on s’est croisés. » Je hoche la tête à mesure qu’il parle. “Je prends des cours à la galerie depuis presque trois ans. J’y vais le mardi et le jeudi donc c’est carrément possible qu’on se soit croisés.” Il y a des fois où je me dis que je vois plus Auden dans la semaine que ma propre famille. « Et je me demande si on a pas participé à la même exposition l’année dernière, aussi. Mais j’en suis moins sur de ça. » Je fronce les sourcils, fouillant dans ma mémoire. Je repense au vernissage qui a eu lieu l’année dernière et là à nouveau l’évidence me frappe. “Si si, tu as raison. Je me souviens du vernissage. On s’était pas parlés mais ce que t’avais fait c'était super intéressant.” J’ai un petit sourire en constatant que le hasard a encore frappé : la communauté des artistes de Brisbane est donc plus petite que je le pensais. “Le monde est petit en tout cas.” Je continue de peindre mon tout en lui posant la question suivante : “C’est Auden qui t’a appris à peindre aussi ?” Je fais une petite pause avant d'ajouter. "C'est pas le prof le plus délicat ou le plus patient mais c'est vraiment un bon prof." J'ai énormément progressé depuis que je prends des cours avec lui, je lui dois beaucoup. Sans lui je ne suis pas sûr que j'aurais pu remporter le concours artistique du Queensland il y a quelques mois. "Mais bon il faut pas lui dire, il prendrait la grosse tête."

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Si Damon avait fait partie des personnes un peu mesquines, il se serait amusé de l’étonnement qui était perceptible sur le visage du jeune homme face à lui. Ce n’était en rien là sa façon naturelle d’agir, si bien que rapidement il en vint à préciser la raison du pourquoi, effectivement, ils s’étaient déjà croisés à la galerie. Apparement cependant, l’explication ne permit pas de supprimer de suite l’expression de surprise - pouvait-il en vouloir à quelqu’un dans cette situation ? Il savait à quel point son père n’était pas de ceux qui s’épancher sur leur vie, et il était fort probable que d’associer le terme de famille à ce dernier ne soit pas naturel chez autrui. S’il était un peu moins coincé trois quarts du temps, il aurait surement eu un sourire et un rire spontané de circonstances - il n’en fit rien, bien sur. « Ah d’accord, je comprends mieux pourquoi je ne me souvenais pas de toi alors. » Et heureusement qu’il n’avait pas l’égo de celui avec qui il partageait une même ADN, sinon cette remarque là lui aurait fait mal. A défaut que ce soit le cas, ce fut à ce moment là qu’il eut un petit rire. « C’est moins marquant, ouais. » Et il en était presque satisfait.

« Je prends des cours à la galerie depuis presque trois ans. J’y vais le mardi et le jeudi donc c’est carrément possible qu’on se soit croisés. » Ce n’était donc pas qu’une légende ou qu’une ligne entrée dans un planning: certaines personnes prenaient donc véritablement des cours sur place. « Trois ans, pas mal. » Et qui avaient beaucoup de patience, donc.

Peut-être que son visage ne disait rien à Cesar alors que l’inverse était vrai dans un premier temps, mais mentionner une des expositions à laquelle ils s’étaient tous les deux retrouvés sembla réanimer quelques souvenirs chez le brun. Peut-être qu’un sourire un brin plus détendu fit son apparition à ce moment là sur ses lèvres. « Si si, tu as raison. Je me souviens du vernissage. On s’était pas parlés mais ce que t’avais fait c'était super intéressant. » - « Merci. » - « Le monde est petit en tout cas. » - « Tu trouves ? » La question était sincère; il était vrai que certaines choses semblaient corréler trop facilement parfois. Pour une fois, il n’était pas tant fâché que ce soit le cas: cela lui permettait de s’installer à un atelier avec quelqu’un de qui il connaissait au moins le prénom par avance, et c’était agréable.

« C’est Auden qui t’a appris à peindre aussi ? » Plissant le bout de son nez, Damon secoua quelque peu sa tête. « Oh non. » Ce n’était pas là une réponse emplie de dégoût, mais d’une sincérité qu’il aurait peut-être dû garder pour lui. Il reprit rapidement la parole pour compléter. « On était pas dans le même pays quand j’ai grandi, j’ai commencé à peindre avec lui que récemment. » Il existait toute une version de la réalité dans laquelle ils évoluaient tous pourtant où il aurait effectivement pu apprendre de celui qui était son père et non son oncle comme le reste du monde le pensait. « C'est pas le prof le plus délicat ou le plus patient mais c'est vraiment un bon prof. » Alors qu’il se penchait pour attraper un pinceau ou deux, le sourcil qui s’arqua sur le visage de Damon fut la réaction la plus authentique qu’il put avoir depuis le début de cette conversation, sincèrement étonné d’entendre une remarque aussi franche concernant Auden; les gens évitaient de le froisser, de près ou de loin, d’ordinaire. « Mais bon il faut pas lui dire, il prendrait la grosse tête. » - « Oh non, faut pas lui dire. » Et puisque cela semblait être de mise, il eut un petit rire et décida de prendre le reste de cette conversation avec une certaine touche de légèreté. « Il a déjà la grosse tête sans ça, pas besoin d’en rajouter une couche. » Parce-que lui pouvait se permettre de dire de telles choses sans risquer aucune représailles, pas alors qu’il pouvait dépendre d’un certain apprentissage de la part de son père en tous cas. « Mais il a du talent, pour vrai. C’est ça qu’est chiant. » Auden le savait, le soulignait facilement et en jouait tout autant. « C’est pour ça que tu prends des cours avec lui non ? Parce-qu’il a du talent ? Parce-que c’est pas pour son amabilité non plus je pense. »

« C’est moins marquant, ouais. » Il se met à rire, visiblement pas vexé par ma remarque peut-être un peu trop spontanée. Tant mieux, je ne suis pas physionomiste. Il y a quand même une fois où j’ai dit bienvenue à un mec à la galerie pour qu’il me réponde qu’il est là depuis plus de six mois deux fois par semaine. Oups, il avait qu’à être plus bavard pour qu’on le remarque. « Trois ans, pas mal. » Je hoche la tête. Le temps passe vite, trois ans déjà que je suis entré dans la galerie d’Auden parfaitement au hasard après ma journée de boulot. 3 ans que je supporte ses humeurs mais surtout 3 ans que j’apprends de vraies techniques et que j’ai des retours objectifs sur mon travail. Auden c’est comme une enfant de 3 ans : si mon dessin est complètement moche il me le dira sans aucun filtre. Au contraire, quand j’arrive à lui arracher un hochement de tête, je me dis que j’ai passé un nouveau cap. “Mais bon j’ai toujours peint, avant c’était juste un peu plus freestyle disons.” J’ai appris tout seul à force de faire et refaire des croquis de mon côté et en regardant des tutoriels sur Youtube, il y avait forcément quelques marges de progression. « Merci. » Je ne me rappelle pas en détail de toute l’exposition mais je me souviens de quelques toiles qui étaient plutôt réussies et c’est plutôt pas mal. « Tu trouves ? » Je hoche la tête, convaincu de ce que j’avance. “La ville est grande, il y a pas mal d’artistes dans le coin mais je pense qu’au bout d’un moment on commence à croiser les mêmes têtes.” Il y a de quoi se construire un excellent réseau et je compte bien agrandir le mien petit à petit. “Surtout quand on traîne dans les expositions et les galeries je pense.” Le temps me dira si j’avais raison ou pas.

« Oh non. » Il n’a eu aucune hésitation pour me répondre, ils ne doivent sûrement pas être très proches. « On était pas dans le même pays quand j’ai grandi, j’ai commencé à peindre avec lui que récemment. » Je hoche la tête sans savoir trop quoi lui répondre. J’ai l’impression de marcher sur les yeux, la discussion n’est franchement pas confortable de mon côté. Mais qui est ce type ? Un cousin éloigné de Damon ? Un oncle ? Je n’en sais rien mais je ne suis pas sûr de vouloir me mêler de ça et d’histoires de familles que je ne maîtrise pas. Je mets donc ma curiosité de côté quant à leur relation pour plutôt parler d’Auden et de son caractère de cochon, un sujet bien plus facile à évoquer. Enfin je commence d’abord par vanter ses bons côtés, ce qui est assez rapide.  Oh non, faut pas lui dire. Il a déjà la grosse tête sans ça, pas besoin d’en rajouter une couche. » Visiblement il est d’accord avec moi, ce qui me fait rire aussi. Je n’en rajoute pas une couche, décidant d’être quand même prudent. Je ne connais pas ce type, il pourrait aller raconter à Auden ce que j’ai dit et le connaissant il n’apprécierait pas du tout. Je ne veux pas risquer ma place : je ne retrouverais pas des cours gratuits d’une aussi bonne qualité de sitôt sinon. « Mais il a du talent, pour vrai. C’est ça qu’est chiant. » Je hoche la tête. “Totalement.” Je n’ai pas vu Auden peindre depuis que je suis arrivé à la galerie mais il n’y a qu’à voir ses toiles et le succès que ses expositions ont eu pour forcer le respect. Ce mec a réussi et j’aimerais que l’on parle de moi comme ça un jour aussi. « C’est pour ça que tu prends des cours avec lui non ? Parce-qu’il a du talent ? Parce-que c’est pas pour son amabilité non plus je pense. » C’est un bon résumé mais il manque quelques pièces au puzzle. “Entre autres.” Je prends quelques instants pour formuler ma phrase avant de reprendre. “Comme je te disais c’est un super prof, techniquement il est au top. Humainement…bon c’est pas le plus chaleureux mais c’est pas grave.” Il n’y a qu’à regarder la manière dont j’ai été accueilli, il y avait de quoi en faire fuir plus d’un mais je ne me suis jamais formalisé. Dans ma tête même si mon prof d’art a un grain ce n’était pas grave tant que c’est un bon prof. Et j’ai eu raison de penser comme ça, je lui dois beaucoup. “Pour te dire, quand j’ai débarqué dans la galerie je revenais des courses et du boulot et il s’est moqué de mon poireau.” L’anecdote est risible formulée comme ça et peut être mal interprétée. “Du poireau qui dépassait de mon sac bien sûr. Enfin voilà il m’a bien vanné, mais il a décidé de me faire intégrer les cours de la galerie pour presque rien.” Il a été généreux et des gens comme ça on n’en compte très peu dans la vie. “J’avais vraiment pas une thune pour payer des cours, je me suis fait refouler de partout sauf par Auden.” Je n’aime pas révéler des détails aussi personnels mais je ne peux pas m’empêcher d’être reconnaissant avec l’ours qui me sert de prof. “Donc je lui dois beaucoup. Sans lui, j’en serai pas au niveau où je suis aujourd’hui.”

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« Mais bon j’ai toujours peint, avant c’était juste un peu plus freestyle disons. » Il opina du chef quelque peu. De toute manière, très souvent, les personnes qui en arrivaient à leur âge à prendre des cours étaient des personnes qui avaient commencé à peindre bien des années plus tôt. « La ville est grande, il y a pas mal d’artistes dans le coin mais je pense qu’au bout d’un moment on commence à croiser les mêmes têtes. Surtout quand on traîne dans les expositions et les galeries je pense. » Vu de cette manière là, effectivement le monde pouvait être petit; Damon ne faisait peut-être pas assez d’efforts pour se mêler au reste de ces personnes là pour s’en rendre compte surement. « Je vais tacher d’être plus attentif alors, pour voir si c’est vrai. »

Parler d’Auden était aussi simple que cela pouvait être un calvaire, pour le jeune italien - tout était dans le contexte et dans la personne qui se trouvait face à lui. En l’occurrence, Cesar ne faisait pas partie des personnes qui pouvaient montrer une curiosité malsaine quant à la réelle composition de la famille William, il n’était pas si compliqué pour Damon d’en parler ici. « Totalement. » Personne ne pouvait réellement renier le talent de son père, ce dernier le savait et en jouait lorsqu’il pensait que cela était nécessaire - ou qu’il s’ennuyait, au choix. Mais ce talent attirait le monde - était-ce la raison pour laquelle Cesar s’était engagé à prendre des cours avec lui ? « Entre autres. Comme je te disais c’est un super prof, techniquement il est au top. Humainement…bon c’est pas le plus chaleureux mais c’est pas grave. » Cela pouvait déprendre selon le point de vue qui était le notre, mais ce n’était pas le moment pour argumenter contre cette idée là; il se contenta d’étirer un petit sourire et de laisser l’espace à Cesar pour poursuivre. « Pour te dire, quand j’ai débarqué dans la galerie je revenais des courses et du boulot et il s’est moqué de mon poireau. » Il aurait peut-être du l’interrompre - il n’avait pas envie d’entendre de nouveau une histoire sordide qui concernait Auden, ou aucun de ses pères en réalité: une fois c’était déjà de trop, deux fois c’était à peine imaginale, mais trois ? A la vitesse où le jeune homme se reprit, il comprit rapidement cependant que c’était là une erreur de formulation - alors Damon eut rapidement un petit sourire amusé qui se glissa sur ses lèvres. « Du poireau qui dépassait de mon sac bien sûr. Enfin voilà il m’a bien vanné, mais il a décidé de me faire intégrer les cours de la galerie pour presque rien. » - « Heureusement que t’as donné plus d’explications à ton histoire quand même. » Il laissa entendre un petit rire.

« J’avais vraiment pas une thune pour payer des cours, je me suis fait refouler de partout sauf par Auden. » - « Il a le coeur sur la main parfois alors. » Disons que ce n’était pas dans ce genre de contexte qu’il avait l’opportunité de croiser son père, et les problèmes d’argent n’était pas monnaie courante dans la famille. « Donc je lui dois beaucoup. Sans lui, j’en serai pas au niveau où je suis aujourd’hui. » Laissant un silence s’installer, il opina quelque peu du chef. « Tant mieux. » Il ne pourrait pas autant en dire de son côté, puisque les relations entre l’artiste et son fils n’avaient jamais été assez mises en avant pour que cela puisse être le cas. « Je suis content que quelqu’un puisse profiter de son enseignement. Tes mains voudront de l’or un jour. » Tout ce qui était relatif à Auden en valait déjà d’une certaine manière, alors le jeune qu’il formait ferait partie de ce lot aussi un jour. « Tu comptes exposer à la prochaine date ? Savoir si je verrai tes toiles dans les parages. Ou si je vais devoir aller fouiller à l’atelier pour les voir. » Bien sur qu’il disait ça sur un ton amusé. « Je veux voir ce que ça donne moi, d’être l’élève d’Auden. » A défaut de pouvoir dire de mon père.

« Heureusement que t’as donné plus d’explications à ton histoire quand même. » Damon a un petit rire et moi aussi. Effectivement mon histoire portrait à confusion racontée comme ça. Et il est hors de question de laisser imaginer qu’il s’est passé des trucs crados avec Auden. C’est le genre de pensée qui me filerait la nausée. “Ouais je me suis rendu compte que ça sonnait bizarrement.” Je poursuis en lui expliquant qu’Auden est un type généreux, ce qui est vrai puisque les cours à la galerie sont pratiquement gratuits, défiant la concurrence de très très loin. « Il a le cœur sur la main parfois alors. » Je hoche la tête, convaincu qu’il a ouvert une galerie pour apprendre, transmettre et pas pour faire du fric comme beaucoup le font. “On peut dire ça oui. Pas sûr qu’il aime qu’on parle de lui comme ça mais c’est vrai.” Je ne le connais sûrement pas aussi bien que Damon mais je ne pense pas qu’Auden ait envie qu’on parle de lui comme mère Thérésa ou quelqu’un dans le genre. « Tant mieux. Je suis content que quelqu’un puisse profiter de son enseignement. Tes mains vaudront de l’or un jour. » Je hausse les épaules. J’en rêve depuis toujours mais ce milieu est tellement difficile et incertain que c’est difficile à dire. Combien d’artistes avant moi ont passé leur vie à attendre le succès sans jamais le trouver ? “J’espère. En tout cas j’essaie de mettre toutes les chances de mon côté.”  J’ai envie d’y croire, je travaille dur pour y arriver mais j’ai toujours cette peur qui me prend au tripes de finir complètement anonyme dans ce milieu sans marquer les esprits. Et chez les Gutiérrez on est pas des losers, alors il est hors de question que je finisse juste moyen. « Tu comptes exposer à la prochaine date ? Savoir si je verrai tes toiles dans les parages. Ou si je vais devoir aller fouiller à l’atelier pour les voir. Je veux voir ce que ça donne moi, d’être l’élève d’Auden. » Je laisse échapper un petit rire, content de voir que Damon a réellement l’air intéressé par mon travail. “Je vais participer à un concours bientôt. Si ça marche j’exposerai. Sinon pour l’instant j’ai pas de date de prévue pour une prochaine expo. Je m’y pencherai quand le concours sera passé plutôt.” Damon, un parfait inconnu il y a quinze minutes à peine est donc plus au courant de mes projets artistiques que ma propre famille. Je n’ai encore rien dit à Mama ou aux autres. Il n’y a qu’Emery qui est au courant puisque c’est elle qui m’a parlé du concours. J’ai mis Auden au courant il y a peu de temps parce que j’avais besoin de son avis sans ménagement sur ma toile mais ce sont les seuls au courant. “Et toi, t’exposes bientôt ?” S’il s’intéresse à ce que je fais c’est réciproque, j’ai envie de savoir si des membres de la famille d’Auden sont aussi bons que lui, histoire de voir si le talent est génétique dans cette famille.

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« Ouais je me suis rendu compte que ça sonnait bizarrement. »

« On peut dire ça oui. Pas sûr qu’il aime qu’on parle de lui comme ça mais c’est vrai. » Bien sur que Damon se permit d’avoir un petit rire à cette remarque là. « Oh, il détesterait. » Il ne connaissait pas aussi bien Auden qu’il aurait voulu, que cela génétique l’aurait voulu, que bien que des choses auraient voulu et surtout auraient du être autrement. Mais il était certain d’une chose: si les compliments étaient réceptionnés avec grand plaisir par son père, ce n’était pas de ce type là de compliments qu’il se nourrissait. Avoir le coeur sur la main se devait de ne pas être quelque-chose à célébrer à ses yeux - mais bien plutôt quelque-chose qui pourrait nuire à une personne. Mais en parler dans son dos ne pouvait pas réellement faire le moindre mal à qui que cela pouvait être. Surtout si c’était pour conclure qu’en l’occurence, avoir le coeur sur la main de son côté permettait de transmettre son savoir et de former quelqu’un à être presque aussi doué que lui - presque, jamais personne n’arriverait réellement à son niveau. « J’espère. En tout cas j’essaie de mettre toutes les chances de mon côté. » Damon esquissa un petit sourire. « Y’a pas de raison alors. » Il était un garçon plutôt optimiste dans son genre.

« Je vais participer à un concours bientôt. Si ça marche j’exposerai. Sinon pour l’instant j’ai pas de date de prévue pour une prochaine expo. Je m’y pencherai quand le concours sera passé plutôt. » L’italien opina quelque peu du chef. « Quel type de concours ? »

« Et toi, t’exposes bientôt ? » A cette question là, il eut un petit rire et bien sur que ses joues prirent une petite teinte rosée: c’était là sa façon naturelle de réagir lorsque quelqu’un en venait à s’intéresser à ce qu’il pouvait faire de ses dix doigts. Tout le monde ne le faisait pas, heureusement: il passerait son temps à rougir sinon. « Bientôt, je sais pas. » Son regard se posa sur les couleurs et le matériel qu’ils avaient à disposition aujourd’hui, ses doigts jouant avec le poils de l’un des pinceaux qui était encore propre. « Je peins peu en ce moment, j’aurais rien de vraiment intéressant à montrer aux gens. » L’inspiration n’était pas autant de mise qu’elle avait pu l’être à certaines périodes de sa vie. Il cligna quelque peu des yeux, étira un petit sourire alors qu’il relevait le regard vers Cesar. « Mais t’as peut-être déjà vu ce que j’ai pu peindre, j’ai plusieurs toiles plus ou moins finies qui trainent à l’atelier d’Auden. Je les continue que quand je vais là-bas, et ça fait un bail que j’y suis pas allé. Tu me diras, il les a peut-être jeté. » Il eut un petit rire mais cette réalisation n’était peut-être pas aussi amusante que cela à avoir. Surtout: si Auden savait que ces toiles étaient à son fils, il ne les jèterait pas.

« Oh, il détesterait. » Auden dépeint comme mère Thérésa ? Il y a de quoi le rendre grincheux -plus que d’habitude- et visiblement on est tous les deux d’accord là-dessus. “C’est clair.” Je ne sais pas à quel point Damon le connaît, mais sûrement bien mieux que moi vu qu’ils sont de la même famille. Être de la même famille qu’Auden ça doit être quelque chose, je n’ose même pas imaginer à quel point ça doit être difficile à vivre. « Y’a pas de raison alors. » Je n’ai pas envie de le contredire ou de faire mon rabat-joie mais si il y a tout un tas de raison qui peuvent faire que je n’y arrive jamais. Le monde est plein de gens qui ont vu leurs rêves réduit en miettes et qui avaient pourtant tout fait pour réussir. La place sous la lumière des projecteurs est très limitée et des gens talentueux laissés sur le carreau il y en a des tas, plus que des personnes qui ont réussi. Mais je me contente de sourire, je ne voudrais pas qu’il pense que je manque de confiance en moi, simplement je reste prudent pour ne pas être déçu si finalement ça ne marchera. J’essaie de me protéger mais je sais très bien que si je n’arrive pas à mon objectif de me faire un nom et de réussir dans ce milieu, j’aurais toujours l’impression d’avoir raté ma vie et qu’elle ne sera jamais parfaitement complète. L’idée de rester moyen toute ma vie sans jamais exploser me prend souvent aux tripes et c’est là que je puise ma motivation quand je fatigue par moments. Et puis il y a ma famille qui n’y a longtemps pas cru et qui n’y croit sûrement pas encore complètement voire pas du tout pour Rudy ou Papa. Je dois leur prouver qu’ils auraient dû croire en moi dès le début plutôt que me traiter de con et d’idéaliste.

« Quel type de concours ? » “Le Queensland regional art awards.” Un concours très prestigieux dont il a forcément entendu parler puisqu’il est un peu du milieu. La renommée du concours n’est plus à faire et je passe sûrement pour un mec trop ambitieux donc j’ajoute. “Y a une catégorie artiste émergent, donc j’ai bien envie de tenter.”

« Bientôt, je sais pas. » Il a l’air gêné qu’on parle de lui et ça me surprend un peu, pour quelqu’un de la même famille qu’Auden il est aux antipodes avec lui. Offrez à Auden l’occasion de parler de lui, de son travail et de son génie et il le fera automatiquement. « Je peins peu en ce moment, j’aurais rien de vraiment intéressant à montrer aux gens. » Je hoche la tête. “La création c’est pas linéaire c’est clair, y a des phases comme ça.” Je le comprends plus que bien et dans les périodes de page blanche je suis loin d’avoir sa patience et son flegme. « Mais t’as peut-être déjà vu ce que j’ai pu peindre, j’ai plusieurs toiles plus ou moins finies qui trainent à l’atelier d’Auden. Je les continue que quand je vais là-bas, et ça fait un bail que j’y suis pas allé. Tu me diras, il les a peut-être jeté. » Je hausse les épaules, j’ai peut-être déjà vu ses toiles sans le savoir, c’est possible. “J’ai peut-être déjà vu ça oui, t’aurais pas une photo de ton travail ? Pour me rafraîchir la mémoire.” C’est aussi une façon plus discrète de voir s’il est aussi talentueux qu’Auden, le génie artistique est peut-être dans les gênes dans leur famille.

ancient dreams in a modern land

@cesar gutiérrez

lieu: workshops, le temps du rêve - event de février.
(c): queenmakings (gif), luleaby (codage).

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« Le Queensland regional art awards. » Damon opina sans une once d’hésitation du chef, voyant parfaitement de quoi il parlait. Il n’y avait pas mille et un concours dans la région, et qui plus était il gardait assez constamment un regard sur ce qui se passait dans les alentours lorsque cela concernait ce domaine; alors forcément qu’il en avait entendu parler. « Y a une catégorie artiste émergent, donc j’ai bien envie de tenter. » - « T’as raison. » S’il avait autant de courage et surtout la moindre inspiration qui pourrait lui permettre d’en faire de même, peut-être que ça aurait été là un quelque-chose qui aurait intéressé Damon. Le seul soucis étant qu’il n’était pas courageux et que la peinture était un domaine qu’il préférait garder comme hobbies, ne cherchant pas à en tirer quelconque profit. « Auden t’encourage à y participer ? » Le soutenait-il à ce point là, ou gardait-il son poulain sous la main en oubliant de le prêter aux autres ?

« La création c’est pas linéaire c’est clair, y a des phases comme ça. » Et les phases étaient nombreuses, ainsi que dans bien des domaines malheureusement ces derniers temps pour lui. « J’aimerais bien parfois que ce soit plus facile de contrôler tout ça. » Il ne parlait pas spécialement que de la peinture, mais le brun à ses côtés n’avait pas besoin de connaitre tous les détails.

Il était possible que César ait déjà vu quelques créations de Damon, même sans le savoir. Il lui arrivait assez souvent - plus avant que maintenant, mais de manière assez notable tout de même - de peindre au sein de l’atelier d’Auden et de laisser ses toiles dans un coin pour ne pas les ramener chez lui ou les entreposer ailleurs à chaque fois. Son père ne lui avait pas donné l’accord pour le faire, mais ne lui avait jamais reproché d’agir ainsi alors il avait continué de cette sorte depuis des mois maintenant sans réelle gêne sur la question. Peut-être que certaines toiles avaient été mis à la poubelle, tant il n’y était pas allé depuis un bout de temps, mais peut-être surtout qu’effectivement le jeune homme avait pu en voir une ou deux. « J’ai peut-être déjà vu ça oui, t’aurais pas une photo de ton travail ? Pour me rafraîchir la mémoire. » Glissant la main dans la poche de son pantalon, Damon en sortit son téléphone - répondit dans le même temps rapidement au message qui apparaissait sur son écran de sa femme -, avant d’ouvrir l’album photos contenant ses créations. Il tourna l’appareil vers César. « Je sais pas lesquelles ont pu trainer à l’atelier, mais ça te donnera une idée de mon style. » Et peut-être, comme à son habitude, que ses joues prirent une certaine teinte rosée. « Y’a rien d’extraordinaire, mais ouais, c’est quand j’ai de l’inspiration. » Quand son esprit arrivait assez à rester léger pour faire glisser les pinceaux sur la toile et former des formes, ajuster des couleurs, pour donner un rendu qui serait à peu près agréable à l’oeil. « J’ai pas le talent d’Auden, en tous cas. » Il était bon et cela coulait dans ses veines; mais l’ainé Williams était particulièrement doué dans le domaine, le savait et avait toujours entretenu son talent pour ne pas perdre la main. Ce n’était pas le cas de son rejeton, qui avait été brimé sur le sujet et n’avait pu s’exprimer autant que désiré.

« T’as raison. » Entendre quelqu’un m’encourager dans cette voie, même si c’est quelqu’un que je ne connaissais pas il y a -quinze minutes- me fait du bien. J’ai gardé mon inscription au concours plutôt secrète, seule Em est véritablement au courant et même si elle m’encourage c’est toujours bon d’entendre d’autres retours positifs. « Auden t’encourage à y participer ? » Je hausse les épaules : je n’ai encore rien dit à Auden. Mais il va falloir que je lui en parle rapidement quand même, j’ai encore trois semaines pour lui montrer la toile que je compte présenter au concours et j’ai besoin de son avis. “Je lui ai encore rien dit.” Connaissant Auden, j’avais peur qu’il me dissuade de participer pour une raison ou pour une autre donc je préférais m’inscrire et lui demander des conseils plus tard une fois le processus bien avancé. “Mais je comptais lui en parler cette semaine, on a cours ensemble demain.”

« J’aimerais bien parfois que ce soit plus facile de contrôler tout ça. » Je hoche la tête, je ne peux pas être plus d’accord avec lui : les phases de pages blanches sont difficiles à supporter. Elles ont tendance à mettre à mal ma confiance en moi sur ma capacité à durer dans le temps et c’est plus que épuisant. Faire une bonne toile un jour c’est facile, produire des chefs d’œuvre à intervalle régulier, durer dans le temps et marquer les esprits sur du long terme c’est bien plus difficile. A chaque fois que l’inspiration me fait défaut je me remets donc en question. Heureusement ces périodes ne sont jamais très longues et je trouve toujours une façon de rebondir et c’est peut-être ça qui fait toute la beauté du processus créatif : les bas inspirent les hauts et font grandir l’artiste au passage. “Ce serait peut-être trop simple sinon.” Il doit se dire que je me la joue philosophe ou grand sage mais je le pense vraiment.

« Je sais pas lesquelles ont pu traîner à l’atelier, mais ça te donnera une idée de mon style. » Damon me tend son téléphone et je fais défiler les toiles, les sourcils légèrement froncés pour faire fonctionner ma mémoire. « Y’a rien d’extraordinaire, mais ouais, c’est quand j’ai de l’inspiration. » Il est trop humble, ce qu’il fait reste intéressant et en observant son style j’ai le souvenir d’avoir vu l’une d’entre elles traîner à l’atelier. « J’ai pas le talent d’Auden, en tous cas. » Si on écoute Grincheux il n’y a que lui sache tenir un pinceau sur cette planète. “Personne n’a le talent d’Auden voyons.” Une référence à son égo surdimensionné, mais au talent qu’on ne peut pas lui nier. “En tout cas ça me revient maintenant, je me souviens de ton travail.” Je lui rends son téléphone. “En tout cas, si tu repasses à la galerie à l’occasion on pourra peindre ensemble si ça te tente.”

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@cesar gutiérrez

lieu: workshops, le temps du rêve - event de février.
(c): queenmakings (gif), luleaby (codage).

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La question était, selon l’expérience et les connaissances de Damon, plutôt légitime à être posée; il savait à quel point Auden pouvait être de mauvaise composition quand il s’y mettait - volontairement ou non, d’ailleurs - et il n’était pas assez dupe pour se dire que ce type de façon d’être ne s’allongeait pas jusqu’à son travail. Même plutôt: qu’elle était l’essence même de son travail. Etait-ce aussi complexe avec celui qu’il avait décidé de prendre sous son aile, ou était-il plus clément avec lui ? Laissait-il Cesar faire des choix qui pourraient l’amener à réussir loin et sans lui ? « Je lui ai encore rien dit. » Il n’eut même pas le temps d’opiner quelque peu du chef que déjà, Cesar reprenait la parole. « Mais je comptais lui en parler cette semaine, on a cours ensemble demain. » Ce fut une esquisse de sourire un peu triste qu’il lui offrit là. « Tant mieux. » Puisque dans le cas échéant, il n’était pas sur que de se retrouver à lui cacher quelque-chose était une idée de génie. S’il lui en parlait rapidement, c’était la meilleure chose à faire pour lui surement.

« Ce serait peut-être trop simple sinon. » Il eut un petit rire. « T’as surement raison. Et si c’était trop simple, tout le monde essayerait de le faire. » Et le monde de l’art et associés serait une branche saturée, là où il y avait encore des moyens de réellement percer avec du talent pour pour le moment.

Il avait quelques toiles sur son téléphone, de celles qu’il n’avait pas jeté ou oublié presque aussitôt; si bien qu’il eut de quoi montrer au jeune homme ce que lui arrivait à produire quand les étoiles étaient alignées et lui permettaient de ne pas être si mauvais. « Personne n’a le talent d’Auden voyons. » Damon eut un petit sourire en coin: non, effectivement, personne ne pouvait avoir le talent d’Auden. Même si ça faisait mal de l’admettre - et qu’il ne devait surtout pas l’entendre -: il était doué bien au delà de son simple égo surdimensionné. « En tout cas ça me revient maintenant, je me souviens de ton travail. » Avec un petit sourire, il hocha brièvement la tête en rangeant son téléphone - bien sur que ses joues étaient quelque peu rosies par l’échange mais qu’il n’en fit rien, tant il était habitué à une réaction comme ça de sa propre part. « En tout cas, si tu repasses à la galerie à l’occasion on pourra peindre ensemble si ça te tente. » - « Carrément. » Il rangea son téléphone. « C’est assez rare d’y croiser des gens de mon âge là bas en plus donc ça fera du bien de s’y recroiser. » Et puis aussi: il échangeait et créait avec peu de personnes, ça ferait du bien à sa créativité et ses méthodes que d’échanger et travailler avec d’autres gens. « On termine l’atelier ici d’abord ? » Avec un petit sourire en coin un brin amusé: ils auraient tout le reste du temps pour terminer ou lancer le reste.