J’ai beau tout retourner dans tous les sens, il est absolument impossible que je garde cette chose qui grandit dans mon ventre. Depuis plusieurs jours, depuis que j’ai appris et que j’ai annoncé la nouvelle à Elio, je ne fais que ruminer, et même mes cours de danse n’arrivent pas à me changer les idées. Pire, je danse n’importe quoi, il m’est impossible de me concentrer correctement, je me sens affreusement lourde et empotée. Il est absolument impensable que j’abandonne la danse, ma passion, ma vie, pour une pauvre petite aventure et une énorme connerie. J’ai beau retourner la chose dans tous les sens, je ne peux pas garder ce bébé. Je sais qu’Elio m’en voudra sûrement d’avoir pris cette décision, mais de toute manière je n’aurai rien à offrir à ce pauvre enfant. Je n’ai rien, alors qu’est-ce que je pourrai lui offrir ? Le mieux pour lui serait encore que je le laisse entre les mains d’une famille qui désire vraiment un enfant. Mais à quoi sert de mettre au monde un bébé si c’est pour l’abandonner ? Je ne suis pas capable de ça, et je préfère encore m’en débarrasser avant qu’il ne ressemble à quelque chose d’un minimum construit. En sortant du conservatoire cet après midi, je fonce directement à la clinique et demande la procédure pour un avortement en urgence. Je ne peux pas me permettre d’attendre trop longtemps, ma carrière en pâtirait. Elle me donne un fascicule et une heure de rendez vous pour le lendemain matin. Heure à laquelle j’arrive, et même en avance. Une fois installée, une infirmière me fait une prise de sang et je préfère encore détourner les yeux. Je ne sais même pas comment je vais arriver à payer cette intervention, je n’ai pas de couverture sociale. « Je vais amener ça au labo pour savoir exactement de combien de semaines vous êtes enceinte. Vous pouvez vous changer et enfiler cette blouse. » Je hoche la tête mais ne réponds rien, la boule dans ma gorges est trop grosse. Je m’exécute alors, enfilant cette horrible blouse bleue/verte. Il faudra presque quarante minutes à tourner en rond, les bras croisés, pour que quelqu’un entre dans la pièce où je me trouve. « Melle Tamara Malikov ? » Je soupire un peu, plus vraiment l’habitude qu’on m’appelle par mon vrai prénom. « C’est moi. » « Les résultats de votre prise de sang viennent d’arriver. Vous êtes enceinte de treize semaines. » Je m’en fous, pourquoi il me dit ça. Ouais, ça correspond à mon week end à Auckland avec Elio, ça parait logique. De toute manière, je n’ai couché avec aucun autre mec depuis Elio, les autres mes paraissent tellement fades. « Je suis désolé mais le délais légal est dépassé mademoiselle. Nous ne pouvons pratiquer d’IVG après douze semaines. » Mes mâchoires se serrent et mes yeux commencent à s’embuer à une allure folle. « C…comment ça ? Ça veut dire que je suis OBLIGEE de le garder ? » « Je suis désolé, il fallait venir nous voir avant. La loi est faite ainsi. » « Allez vous faire foutre avec votre loi ! » J’arrache la blouse de je porte, de rage, avant de me retourner dos au médecin pour me rhabiller en vitesse. Je veux sortir d’ici le plus vite possible. Ce que je fais d’ailleurs, sans même signer quoi que ce soit. Qu’ils aillent au diable. A la sortie de l’hôpital, j’envoie directement un message à Elio, il faut que je le vois, il faut qu’il soit au courant, j’ai besoin de parler à quelqu’un, j’ai besoin de lui parler, à lui et à personne d’autre. Je lui donne rendez-vous dans le parc en face du conservatoire, je ne tiens pas en place, je ne sais même pas quand il arrivera. Heureusement le parc n’est pas bien grand et il n’aura pas de mal à me trouver. Je suffoque, j’ai du mal à respirer, tout tourne en rond dans ma tête, je n’arrive pas à croire que je vais devoir tout abandonner pour mettre au monde un gosse que j’ai jamais voulu. Ma vie est un enfer. Je passe nerveusement mes mains dans mes cheveux et essaie de respirer du mieux que je peux mais mon souffle se bloque au niveau de mon estomac, en même temps, il est tellement noué…Dépêche-toi Elio, je vais pas tenir… Et au moment où je me retourne, après plus d’une heure à l’attendre, mon regard accroche le sien. Je ne sais même pas quoi faire, le frapper, lui hurler dessus, éclater en sanglot ? Incapable de faire quoi que ce soit, je reste là immobile à le regarder arriver, et même si j’essaie au maximum de retenir mes larmes, je ne peux plus les retenir bien longtemps, et déjà elles perlent sur mes joues alors qu’il arrive près de moi, je me jette sur lui pour me blottir dans ses bras.
Elle veut me voir ? Quand ? Où ? Pourquoi ? Ces messages me donnent le tournis tant ils semblent emprunt de désespoir. Kyrah semble avoir besoin de moi et je n’ai aucune idée de comment réagir… « C’est elle ? » Tellement absorbé par mon portable je n’ai pas vu qu’Olivia était derrière moi. « Hem… C’est compliqué… Elle veut me parler. » Je me sens pris au piège, obligé de lui parler de tout ça alors que je n’en ai aucune envie – que je voudrais qu’on me laisse seul – qu’on me laisse gérer. « Elle s’en est débarrassée ? » Mes yeux s’écarquillent en étendant Olivia parler de cette façon, moi qui suis habitué à sa douceur je ne m’attendais pas à ce genre de phrase… « C’est fin Olivia bravo… Je te rappelle quand même qu’on parle de mon enfant. » Elle est un peu gênée maintenant – et c’est tant mieux. Je sais pourtant que je suis dur avec elle car c’est exactement le genre de phrase que j’aurais pu moi même sortir. « Justement… » Il me semble cette fois entendre dans sa voix un sorte de plainte. Je reste pourtant les bras ballants devant elle sans trop savoir quoi faire. « Il faut que je la vois… Tu crois que tu peux gérer ici ? » La bar est presque vide mais nous savons tous les deux que les choses peuvent changer très vite. « Le patron va criser quand il revient… » Je soupire un peu… « Je sais mais… Mais il faut que je le fasse et ça fait au moins une demi-heure que j’essaye de joindre quelqu’un personne ne peut venir. » Je sens bien que toute cette histoire la peine. Qu’elle n’a pas vraiment confiance en moi non plus et en même temps je ne peux pas lui en vouloir. Et elle finit par hoche la tête. « Je te raconterais tout Olivia ! On se voit tout à l’heure. » Je pose un rapide baiser sur son front avant d’attraper ma veste et de passer de l’autre côté du bar. « Je t’aime. » Mon cœur se serre à chaque fois que j’entends ces mots – peut-être parce que je n’ai pas l’impression qu’il me sont destinés que ce qu’elle connaît de moi et qu’elle aime n’est qu’une facette que je veux bien lui montrer. « Moi aussi… » Je me suis retourné mais mon regard la fuit quand je dis ça. C’est faux et je crois qu’elle le sait mais elle s’en satisfait. Moi je me contente des « moi aussi. » jamais de « je t’aime » Si je ne le dis pas alors c’est presque comme si je ne lui mentais pas… Presque…
Quand j’arrive au parc il est n’est pas bien difficile de trouver Kyrah. Elle semble à bout de nerf, son visage crispé laisse penser qu’elle peut éclater en sanglot d’une minute à l’autre et d’ailleurs plus je m’avance plus elle semble se lâcher. Mon pas est rapide, et j’arrive en quelques secondes auprès d’elle. Sa réaction est plutôt inattendue et j’ai presque un mouvement de recule quand elle vient se blottir contre moi. « Whouaa… » Je m’attendais plutôt à des cris et des coups mais de toute évidence c’est juste de ma présence qu’elle a besoin cette fois… Et une fois la surprise passée je viens l’entourer de mes bras comme pour la protéger de maux que je ne connais pas encore mais qui semblent la ronger. « Je suis là Kyrah… Calme toi… » Je présents que ce qu’elle va me dire risque d’être difficile à avaler et pourtant je pensais avoir déjà vécu le pire avec elle. Ma main frictionne son dos comme pour la réchauffer un peu, elle semble gelée et sa peau tellement pale que ça fait presque peur. Puis ma main remonte lentement dans son cou, le contact de sa peau m’arrache un frisson alors que je masse lentement son cou en tentant de la détendre un peu… « C’est bon… Calme toi, ça va aller… Tu veux boire quelque chose ? Ou qu’on ait s’asseoir ? » J’ai l’impression d’être avec un enfant et de tenter de décrypter ces besoins. Il faut qu’elle se calme, qu’elle m’explique avant que moi-même je ne commence sérieusement à paniquer.
« Whouaa… » C’est impossible pour moi de me retenir plus longtemps, voilà bien plusieurs heures que j’ai eu envie de me laisser aller, mais j’attendais qu’il soit là, sans même savoir pourquoi. Comme un besoin, irrépressible. Il met quelques secondes avant d’entourer ses bras autour de moi, et ma crise de pleurs de semble pas vouloir passer. « Je suis là Kyrah… Calme toi… » « Pourquoi on a fait ça ? Pourquoi ? » Sa main s’active dans mon dos comme pour me rassurer, me réchauffer, les deux à la fois sans doute. Mes jambes ont du mal à me tenir, c’est un trop plein d’émotions qui me submerge et que je suis incapable de retenir. Sa main remonte, passe sous mes longs cheveux blonds et s’arrête dans ma nuque. Ce simple peau à peau semble me calme et me faire du bien, même si ce n’est que quelques secondes. Je me force à respirer plus calmement mais ma tête tourne horriblement. « C’est bon… Calme toi, ça va aller… Tu veux boire quelque chose ? Ou qu’on aille s’asseoir ? » Je secoue à peine la tête, je ne sais même pas ce que je veux. Si, je voudrais juste remonter le temps et changer les choses. Je ne pourrai jamais regretter les moments passés ensemble, parce qu’ils m’ont fait me sentir plus vivante que jamais. Mais histoire d’avoir un minimum de jugeote, de penser à nous protéger, pour éviter d’en arriver là aujourd’hui. Ma tête tourne vraiment beaucoup et je me sens faible, si bien que mes jambes ne me tiennent plus qu’à moitié. Sûrement parce que je relâche un peu la pression, de l’avoir là près de moi. Sûrement aussi parce que je n’ai pas mangé depuis quasiment 24 heures. « Il faut que je mange un truc, j’ai pas mangé depuis hier… » Je me sens faible d’un seul coup et je m’accroche à son bras portant ma 2ème main à mon front en essayant de me concentrer alors que les sons s’assourdissent déjà et que ma vue devient trouble. Le malaise n’est pas loin, mais Elio a le bon réflexe de me soutenir jusqu’au bac à côté pour m’asseoir dessus. Je l’entends vaguement dire quelque chose mais je n’arrive pas à réellement savoir quoi, et déjà il est parti je ne sais où. Je ressens le manque de lui instantanément, mais je reste concentrée pour arriver à me calmer. Il va revenir. Je m’en persuade. Tout est flou dans ma tête, dans mon corps, je déteste me sentir comme ça. Et puis je le sens revenir vers moi et je réouvre les yeux alors qu’il me tend un hot dog, sûrement trouvé au coin de la rue auprès du petit vendeur étranger. Je le remercie du regard et prend entre mes mains le bout de pain renfermant une saucisse purement chimique. Je me concentre pour ne pas laisser aller la nausée qui cherche à pointer le bout de son nez et croque dans le hot dog, même si c’est un peu à contre coeur, je sais que j’en ai besoin. Je soupire un peu et sans même regarder Elio, qui vient de s’accroupir devant moi, je lâche d’un seul coup : « Ils ont pas voulu. ». J’avale ma bouchée et regarde le jeune homme qui fronce déjà les sourcils. Mon regard redevient trouble à cause de ces putain de larmes, de ces putain d’hormones, et le pire c’est que ce n’est que le début. « Je pensais que ça datait de la dernière fois, mais en fait c’était la nuit à Auckland. » Ce gosse aura au moins le mérite d’avoir été conçu pendant un week end magique alors que ses parents étaient heureux ensemble, même si ça n’a duré qu’une vingtaine d’heures. « Treize semaines. Il est là depuis treize semaines, et le délais légal c’est douze semaines… » Je vois bien que j’ai perdu Elio à ce moment précis, il semble ne pas comprendre ce que je lui raconte, je voulais simplement amener les choses en douceur, pour une fois, mais je comprends qu’il faut que je sois plus directe cette fois. « J’ai pas pu avorter Elio. Je vais tout perdre à cause de lui… déjà que j’ai pas grand chose… » Je pose le hot dog à côté de moi sur le banc, je peux rien avaler de plus tellement ma gorge est nouée. Je secoue la tête et fuis au maximum le regard du beau brun. « Je veux pas devenir mère. Je veux pas de ce gosse ! J’ai peur, je suis pas prête, je suis trop jeune, j’ai même pas d’appart, pas de thunes pour m’acheter ne serait-ce qu’à bouffer ! Je vais faire quoi maintenant hein ? Je pourrai même plus danser, mon rêve se casse la gueule putain. Tout ça parce qu’on a été trop cons ! Je me déteste. Je te déteste. J’ai envie de mourir… » Je penche la tête en arrière et regarde le ciel pour essayer de ravaler mes larmes mais je crois qu’il y a véritablement un trop plein de gouttes salées qui séjournent moi, et qu’il faut que je les évacue.
Je voudrais avoir les mots pour la calmer, pour apaiser ces peurs mais Kyrah semble dans un tel état de panique que rien ne pourrait l’en sortir. « Pourquoi on a fait ça ? Pourquoi ? » Je voudrais avoir une réponse à lui donner mais rien ne me vient si ce n’est que nous avons été des imbéciles. Evidement nous aurions du nous protéger, combien de fois l’avons nous entendu auparavant ? Mais avec Kyrah tout semble toujours hors du temps, tellement fougueux et plein de passion qu’il n’y a jamais eu de place pour penser à un détail tel qu’une capote. Et pourtant… C’est le genre de détail qui vous change une vie. « Il faut que je mange un truc, j’ai pas mangé depuis hier… » Je sens son corps devenir plus lourd entre mes bras et ses jambes commencer à flancher. Il faut vraiment que je lui trouve un truc à manger. Une fois Kyrah assise, je m’éclipse en vitesse. « Je reviens bouge pas… » De toute façon je ne pense pas qu’elle aurait la force de bouger. Je vais au plus proche, un marchant de hot-dog au coin de la rue ? Ca fera l’affaire je lui en commande un et reviens au pas de course à côté de la jeune femme qui semble toujours aussi bouleversée. « Mange ça, ça ira mieux. » Je m’accroupis devant elle alors qu’elle porte la nourriture à sa bouche et pose mes mains sur ces cuisses alors qu’elle semble déjà reprendre un peu de force. « Ils ont pas voulu. » Qu’est ce qu’elle me raconte ? Pas voulu quoi ? Qui ? Je me contente d’un haussement de sourcil pour lui faire comprendre que je ne sais pas de quoi elle me parle. « Je pensais que ça datait de la dernière fois, mais en fait c’était la nuit à Auckland. » Comment oublier cette fameuse nuit… C’était donc ce jour là que nous avions fait la connerie de ne pas nous protéger. « Treize semaines. Il est là depuis treize semaines, et le délais légal c’est douze semaines… » Je continue de froncer les sourcils cherchant à décrypter ce qu’elle me dit. Douze semaines le délais pour quoi ? Je suis un peu perdu ou alors mon cerveau cherche à faire l’autruche parce que c’est plus simple de ne pas voir la réalité. Pourtant Kyrah est bien décidée à me sortir de mon déni. « J’ai pas pu avorter Elio. Je vais tout perdre à cause de lui… déjà que j’ai pas grand chose… » « Oh bordel… » Je capte enfin et d’un coup le souffle semble me manquer. Je suis bien incapable de dire ce que je ressens à ce moment précis mais c’est opressant. Je tente de garder mon calme, mes yeux cherchant le regard de Kyrah qui me fuit. « Bordel, bordel… » Je commence moi aussi à m’agiter un peu, ma main va à ma bouche pour cacher ma mine de stupéfaction. Je n’ai pas envie de me rendre compte de ce que cela veut dire… Plus le choix… Nous n’avons plus le choix. « Je veux pas devenir mère. Je veux pas de ce gosse ! J’ai peur, je suis pas prête, je suis trop jeune, j’ai même pas d’appart, pas de thunes pour m’acheter ne serait-ce qu’à bouffer ! Je vais faire quoi maintenant hein ? Je pourrai même plus danser, mon rêve se casse la gueule putain. Tout ça parce qu’on a été trop cons ! Je me déteste. Je te déteste. J’ai envie de mourir… » Je suis incapable de prononcer un mot – de faire un geste tant l’annonce de cette nouvelle me fracasse. Est-ce que je devrais être heureux ? Je semblais pencher pour qu’on le garde, qu’on ne se débarrasse pas de ce gosse comme d’un vulgaire sac à poubelle mais maintenant que la vérité de cet enfant s’offre à moi elle ne peut que m’effrayer. Comment est-ce qu’on va faire ? Je regarde Kyrah et la seule chose que je vois en elle c’est une fille en panique et pas du tout prête à accueillir un enfant. « Ils peuvent pas nous obliger à le garder… On doit bien pouvoir faire un truc non ? » La panique s’entend d’un coup dans ma voix et je me lève prenant de la distance avec elle pour aller faire les cents pas. Je tente de respirer convenablement mais l’air semble peiner à trouver son chemin, ma trachée se bouche à chaque inspiration me donnant l’impression de suffoquer. Je regarde Kyrah et ce que je lis dans son regard est pire que tout… Il n’y a pas de solution de rechange. Ce bébé va naitre – notre bébé va naitre et il va falloir qu’on fasse avec. Je m’arrête en prenant conscience de cette information. L’air est froid et je me rends compte que c’est sans doute ce qui me donne cette impression de suffoquer. Il faut juste que je me calme, que je revienne lentement vers Kyrah pour reprendre ma place initial accroupie face à elle. Les larmes coulent de plus belles sur ces joues et j’attrape sa tête entre mes mains pour les essuyer… « Je t’en pris Kyrah il faut pas que tu craques d’accord. On est là dedans ensemble. Je suis là d’accord ? Ca va aller ! » Je caresse sa joue d’une main et de l’autre je vais attraper sa main pour la serrer fortement dans la mienne. « Je sais que c’est super effrayant ce qui est entrain de t’arriver… ca l’est pour moi aussi et… Je ne voulais pas ça mais on n’a pas le choix maintenant. Ca va rien gâcher… C’est juste… Ca complique juste un peu les choses mais ce bébé va naitre et on va… » Merde… Je veux la rassurer, je le veux vraiment mais je n’ai aucune idée de ce qui nous attends, de ce qu’on va bien pouvoir faire. « On va trouver quoi faire… Tout problème a une solution… Il faut juste que… » Je regarde Kyrah et tout ce que je peux voir chez elle c’est cette envie de fuir de se débarrasser du gamin et je la sens déterminée à tout même au pire… Cette idée me terrifie. Je ne peux pas être à l’origine de tout ça… « Faut pas que tu fuis Kyrah… D’accord ? » Je sens l’émotion me serrer la gorge alors que je serre un peu plus fort ma main dans la sienne et que je croche son regard dans le mien. « Je pourrais pas supporter que tu t’en fuis… Personne ne fuit. » Je me souviens de ce qu’elle m’a dit. De son projet de rentrer en Russie et tout mes sens sont en éveille comme pour attraper la moindre faiblesse dans sa voix qui me ferait douter de son engagement à rester près de moi. « Je suis pas si incapable tu sais… J’ai un travail, même deux, un appart, j’ai même pas dépensé l’argent du shooting c’est… C’est pas impossible d’accord ? Tu vas pouvoir refaire de la danse. Je suis sûr que pleins de danseuses connues ont eu des enfants non ? C’est pas une fin en soit juste un arrêt, une sorte de pause ou quelque chose dans le genre. » Je ne sais pas qui j’essaye de convaincre, elle ou moi… Je ne sais pas qui j’essaye de rassurer mais j’ai l’impression d’échouer lamentablement.
C’est difficile, difficile de lui dire tout ça. J’ai encore du mal à accepter, à comprendre, à me rendre compte que je vais bel et bien devoir mettre un enfant au monde, alors que je ne suis encore moi-même qu’une enfant. Je crois que je ne me suis jamais autant détesté que ces dernier jours. J’ai envie de me taper la tête contre les murs d’avoir été aussi conne. Et à peine fini ma tirade, je vois Elio s’éloigner. Je ne sais pas ce qui est le pire. Savoir que je suis enceinte de lui, ou le voir s’éloigner un peu plus. Je n’aurai jamais fait ça, même pour essayer de le retenir près de moi. Je suis folle mais pas à ce point. « Bordel, bordel… Ils peuvent pas nous obliger à le garder… On doit bien pouvoir faire un truc non ? » Je ferme les yeux fortement, comme si j’allais pouvoir oublier tout ça, me concentrer si fort que par un pouvoir inconnu je pourrai remonter le temps et revenir treize semaine en arrière. Il n’y a rien à faire, non, malheureusement. A moins de passer par des moyens illégaux, mais si la loi est faite ainsi, ça doit bien vouloir dire que le foetus est trop grand pour être tué. Il est sans doute considéré comme un vrai petit être vivant. Merde. Je regarde alors Elio et secoue doucement la tête pour lui dire que non, il n’y a plus rien à faire. Il revient alors vers moi et mon coeur se serre un peu plus alors que ses mains viennent essuyer mes larmes. Je suis pitoyable. « Je t’en pris Kyrah il faut pas que tu craques d’accord. On est là dedans ensemble. Je suis là d’accord ? Ca va aller ! ». Il est là, mais c’est pas lui qui porte ce truc, c’est pas lui qui vomit dix fois par jour, c’est pas lui qui vit à la rue, c’est pas lui qui va devoir abandonner son rêve pour cette putain de connerie. C’est pas lui. Non, c’est pas lui. Je ferme les yeux lorsqu’il caresse ma joue de sa grande main, et il vient attraper ma main pour la serrer fort. « Je sais que c’est super effrayant ce qui est entrain de t’arriver… ca l’est pour moi aussi et… Je ne voulais pas ça mais on n’a pas le choix maintenant. Ca va rien gâcher… C’est juste… Ca complique juste un peu les choses mais ce bébé va naitre et on va… » On va rien du tout. On est deux gros boulet, on a rien à faire ensemble, qu’est-ce qu’on va foutre avec un gosse putain ? « Faut pas que tu fuis Kyrah… D’accord ? » Cette fois je plonge mon regard rempli de larmes dans le sien. « Je pourrais pas supporter que tu t’enfuis… Personne ne fuit. ». Qu’est-ce que je pourrai bien faire ici de toute manière. « Y’a rien qui me retient ici, j’ai rien, j’ai plus rien. » Oui, il y a lui, évidemment, mais il a sa vie, sa petite amie, les jumeaux. Il a une vie, lui. Chose que définitivement je n’ai pas. Mon quotidien se résumait à passer ma vie à danser, et ce ne sera bientôt plus possible. « Je suis pas si incapable tu sais… J’ai un travail, même deux, un appart, j’ai même pas dépensé l’argent du shooting c’est… C’est pas impossible d’accord ? Tu vas pouvoir refaire de la danse. Je suis sûr que pleins de danseuses connues ont eu des enfants non ? C’est pas une fin en soit juste un arrêt, une sorte de pause ou quelque chose dans le genre. ». Les sanglots reviennent au galop et mon ventre se soulève et se contracte sous les assauts et mes soubresauts liés à une nouvelle crise de larmes et de panique. « Je peux pas Elio je peux pas, je serai pas à la hauteur, je sais même pas m’occuper de moi comment je pourrai m’occuper de quelqu’un d’autre ? J’ai préféré continuer mon école de danse plutôt que de trouver un boulot pour avoir un appart. Je vis dans la rue ! J’veux pas élever un gosse putain ! » Sans vraiment le vouloir, je suis en train de tout lâcher, de lui dire une partie de la vérité, de ce que je suis. De pourquoi j’ai été si proche de Caitlyn. Je n’arrive à rien contrôler, les sanglots, les larmes, j’ai du mal à respirer, je crois que j’ai besoin de tout lâcher. Ma tête vient tomber sur l’épaule d’Elio et il change de position pour se mettre à califourchon sur le banc, face à moi, pour que je puisse me blottir contre lui. Je ne me fais pas prier et je me recroqueville en boule pour me serrer un peu plus dans ses bras. Je me sens comme une enfant. Je n’ai pas versé une larme à la mort de mon père et moi voilà en train de pleurer plus que jamais aujourd’hui, dans les bras de l’homme que j’aime et que je déteste quasiment à part égale. Je reste là plusieurs minutes, qui en deviennent des dizaines, sans m’arrêter de pleurer, il faut que ça sorte, et d’ailleurs Elio ne parle plus, il se contente de me garder contre lui, de caresser mes cheveux, pour je suppose essayer de me rassurer. Et puis près de vingt minutes plus tard, mes larmes commencent à se calmer, physiquement il est impossible de pleurer pendant des heures, et je me sens tellement faible que je me force presque à arrêter par peur de ne plus arriver à rien gérer. C’est comme si mon âme quittait mon corps, je n’ai plus aucune sensation, et même les frissons provoqués par les caresses d’Elio ne me font plus d’effet. « C’est horrible. » J’ai encore du mal à respirer mais je me concentre pour calmer mes hoquets. « C’est horrible de savoir qu’on va lui donner une vie merdique parce qu’on est trop cons. Et on peut rien faire pour l’en empêcher. On est des monstres… » Je me déteste tellement, d’avoir cédé à son charme, d’avoir oublié de nous protéger, d’avoir attendu si longtemps pour faire ce putain de test. Et aujourd’hui, je sais que ma vie ne sera plus jamais la même.
Je voudrais pouvoir dire que je suis fort – que je fais face et que je ne m’inquiète pas. Je devrais sans doute être cette personne – c’est ce qu’on attend de moi – ce que Kyrah attend sans doute elle aussi, mais la peur me noue le ventre me donnant l’impression que je me noie dans une mare de boue. « Y’a rien qui me retient ici, j’ai rien, j’ai plus rien. » Je secoue la tête pour lui dire que non. « T’as pas rien… Plus maintenant. Cet enfant est aussi le mien et je suis là… Je veux être là. » Je ne sais pas pourquoi c’est si important pour moi, pourquoi je pourrais pas simplement laisser ce gamin vivre loin et prétendre que je n’en ai jamais entendu parler mais pourtant c’est le cas – Ca a de l’importance. C’est un bout de moi – un mélange de nous et il va naitre alors ça a de l’importance. « Je peux pas Elio je peux pas, je serai pas à la hauteur, je sais même pas m’occuper de moi comment je pourrai m’occuper de quelqu’un d’autre ? J’ai préféré continuer mon école de danse plutôt que de trouver un boulot pour avoir un appart. Je vis dans la rue ! J’veux pas élever un gosse putain ! » Tout son corps se contracte, ces sanglots se faisant de plus en plus violents je comprends qu’il ne sert à rien que je continue de lui répondre. Qu’elle n’est pas encore prête à envisager l’avenir. Je dois lui laisser un peu de temps. Le temps de pleurer sur la vie qu’elle n’aura plus, sur les rêves auxquelles elle dit peut-être au revoir… Je sais qu’elle a bien plus à perdre que moi et je connais cette sensation. Je l’ai vécu quand j’ai pris la garde des jumeaux, quand j’ai décidé de changer toute ma vie. Je sais que ça n’est pas rien – et que c’est bien pire quand on n’a pas le choix. Alors je la garde tout contre moi dans le silence uniquement coupé par ces sanglots qui me fendent le cœur. Mon esprit s’en va loin – quelque part ou il fait chaud et ou tous les problèmes disparaissent. Je ne sais pas combien de temps cette parenthèse dur – à quel moment exact les larmes de Kyrah ont arrêté de ruisseler en masse sur ces joues mais quand elle relève ces yeux vers moi elles ont disparues – ne laissant place qu’à ce regard triste et terrorisé qui se pose sur moi. Je la sens tellement fragile – plus que je n’aurais jamais pensé la voir un jour et je mesure tout le mal que je lui ai fait… Tout le mal que l’on se fait. Peut-être qu’elle a raison au fond… Peut-être qu’on serait bien mieux très loin l’un de l’autre. Sauf que maintenant il y a ce bébé – notre bébé et que ça change tout. « C’est horrible. » Je ne sais plus quoi penser de toute cette situation. Nous sommes maintenant deux âmes perdues. « C’est horrible de savoir qu’on va lui donner une vie merdique parce qu’on est trop cons. Et on peut rien faire pour l’en empêcher. On est des monstres… » Mes yeux se plissent cette fois laissant apparaître un éclair de colère dans mon regard et ma voix se fait un peu moins douce. « Tu peux arrêter de dire des trucs comme ça ? On n’est pas des monstres ! On a fait une connerie mais ça veut pas dire qu’on va donner une vie de merde à ce gosse. Ma sœur était bien plus jeune que nous quand elle a eu les siens et elle avait pas plus d’argent et ça fait pas de ces jumeaux des enfants du malheur – Ils sont heureux. C’est que de l’argent que… C’est rien ! On va lui offrir beaucoup plus que ça ! Moi je le ferai en tout cas, je lui donnerais ce que j’ai et il sera pas malheureux. Je peux bosser plus je peux… Je suis pas sans ressource. Si il le faut je demanderais de l’argent à mon père. » Rien que cette idée me donne envie de gerber – je me suis toujours refusé à le faire, mais je sais pourtant que je pourrais le faire en dernier recours, qu’il a l’argent qu’il faut. « Va falloir apprendre à penser à quelqu’un d’autre, à le faire passer avant et je sais que t’en a pas envie mais… Mais je suis sûr que t’en est capable. » Evidement Kyrah est un esprit libre, pas le genre à s’encombrer d’un gosse et je présent à quel point cet enfant risque de la faire tomber dans un trou de dépression. « Et si tu l’es pas… Je le ferais… » Au fond qu’est ce que c’est qu’un gosse de plus dans le bordel qu’est déjà ma vie ? Si j’ai réussi à m’en sortir jusque ici j’y arriverai encore. « Tu as tes décisions à prendre Kyrah… Les miennes sont déjà faites et je ne laisserais pas ce gamin grandir sans son père… Je ne lui offrirais pas une vie de merde, je le sais. » Je ne veux pas me laisser réduire à ça. J’ai grandi dans l’argent et je suis le mieux placer pour savoir que ce n’est pas ça qui fait le bonheur, que ce n’est pas ça qui forge le caractère. « En plus si c’est un mélange de nos deux caractères je suis plutôt sûr qu’il sera pas du genre à se laisser faire par la vie non plus… » Je rigole un peu et j’ai l’impression que ça détend légèrement l’atmosphère. Je pense à cet enfant, à ce à quoi il pourrait ressemble. Je sais qu’il faut que je commence à me projeter mais il me semble encore bien dur d’entrevoir l’avenir.
« T’as pas rien… Plus maintenant. Cet enfant est aussi le mien et je suis là… Je veux être là. » Mine de rien, ça me fait du bien d’entendre ça. Ça me fait du bien parce qu’au fond, élever cet enfant seul est la plus grande de mes peurs désormais. Et savoir qu’il sera là, qu’il m’aidera, j’en ai besoin, même si je n’en ai pas encore conscience totalement. Mais pour l’instant, mon esprit est trop embrouillé, il n’est pas tout à fait là, il est partout à la fois. Je pense à tout ce que je vais abandonner pour cette grossesse que je n’ai pas voulu, je pense à ce gamin à qui on ne pourra pas offrir une vie de rêve. Je pense à ma vie qui va changer du tout au tout, et à la sienne, parallèlement. Après m’être laissée aller pendant quelques dizaines de minutes dans ses bras, je finis par dire des trucs idiots, mais je ne les réfléchis pas, comme toujours. Et Elio me tombe rapidement dessus. Sa voix est plus dure désormais, et je l’écoute, les sourcils froncés, comme une gamine qu’on engueulerait. « Tu peux arrêter de dire des trucs comme ça ? On n’est pas des monstres ! On a fait une connerie mais ça veut pas dire qu’on va donner une vie de merde à ce gosse. » Je ne quitte pas ses yeux, absorbée par ses paroles. Je sais au fond qu’il a raison. « Moi je le ferai en tout cas, je lui donnerais ce que j’ai et il sera pas malheureux. Je peux bosser plus je peux… Je suis pas sans ressource. Si il le faut je demanderais de l’argent à mon père. » Je cligne quelques fois des yeux, pour être sûre que je ne suis pas en train de rêver. Il a bien dit qu’il serait capable de demander de l’argent à son père ? Son père qu’il déteste ? Je soupire un peu et fuis finalement son regard. « Va falloir apprendre à penser à quelqu’un d’autre, à le faire passer avant et je sais que t’en a pas envie mais… Mais je suis sûr que t’en est capable. » Moi je n’en suis pas tout à fait certaine, mais s’il peut y croire à ma place, je le laisse faire. « Et si tu l’es pas… Je le ferais… » Je reste là, les yeux baissés à regarder le banc, je me sens affreusement nulle, et qu’est-ce que ça sera quand je vais accoucher et que je vais devoir m’occuper d’un bébé, alors que je déteste les enfants. « Tu as tes décisions à prendre Kyrah… Les miennes sont déjà faites et je ne laisserais pas ce gamin grandir sans son père… Je ne lui offrirais pas une vie de merde, je le sais. » Je soupire, encore. Je sais bien qu’il a raison, et au fond, ça me rassure de savoir qu’il sera là pour notre enfant. Parce que je ne sais pas encore si je serai capable d’être là pour lui. Après tout, il y a bien des enfants qui grandissent très bien avec leur père, mais pas avec leur mère, non ? « En plus si c’est un mélange de nos deux caractères je suis plutôt sûr qu’il sera pas du genre à se laisser faire par la vie non plus… » Sa phrase et son léger rire me font sourire. Il n’a pas tort. « Il va nous faire vivre un enfer ouais si c’est un mélange de nous deux ! » Je secoue la tête et prends une grande inspiration comme pour essayer de me calmer. « T’es conscient que je vais être chiante… » Je le regarde et reste très sérieuse. « J’veux dire, je suis déjà chiante, mais les hormones et tout. Il se peut que je t’appelle à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour te demander des trucs impensable. » J’arque les sourcils et finis par hausser un peu les épaules. « Si Olivia me détestait déjà, je crois que la elle va me haïr jusqu’à la fin de mes jours… » Je trifouille le bas de mon t-shirt comme une enfant en gardant les yeux baissés. « Tu l’aimes ? » Je le regarde à nouveau. C’est con comme question. Je sais pas pourquoi je lui demande ça, je crois que je préfèrerai qu’il me dise que non, mais après tout, ce n’est pas mes oignons. Il m’a dit qu’il était bien avec elle, c’est le principal je suppose. Mais au fond, j’espère qu’ils ne resteront pas ensemble. Je suis égoïste, je l’ai toujours été, et ça ne va pas changer demain. « Ils feront des drôles de tontons les jumeaux… » J’esquisse un petit sourire, faisant mine d’effacer ma question précédente, à laquelle il n’a pas répondu. Finalement, c’est peut-être mieux que je ne sache pas. Ça me ferait peut-être trop mal.
J’ai besoin de me persuader que les choses iront bien – que ça ne peut pas être autrement sinon je sais que la peur va prendre possession de moi. Je dois bien l’avouer Kyrah ne m’aide pas trop mais je ne peux pas la blâmer. Sa situation est bien plus compliquée que la mienne et cet enfant ne va pas juste chambouler un peu sa vie, il va tout changer. Alors même si je tente de la convaincre qu’il ne va pas tout gâcher, je ne suis sûr de rien. Je connais au fond peu de chose de la vie de Kyrah – de la façon dont elle la mène et ce qu’elle devra changer à cause de cette grossesse. A cause de moi et de ce petit être qui grandit en elle… Mais au fond de moi une certaine tendresse pour ce petit est déjà entrain de naitre – une appartenance. « Il va nous faire vivre un enfer ouais si c’est un mélange de nous deux ! » Je souris tendrement osant à peine m’imaginer quel genre de caractère pourrait avoir un mélange de nous deux. « T’es conscient que je vais être chiante… » Je relève le regard vers elle sans rien dire attendant de voir où elle veut en venir. « J’veux dire, je suis déjà chiante, mais les hormones et tout. Il se peut que je t’appelle à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour te demander des trucs impensable. » Cette fois un léger sourire s’affiche sur mon visage. « Alors je serai ton homme. » Evidement je n’ai aucune idée de l’aventure dans laquelle je suis entrain de m’engager. « Si Olivia me détestait déjà, je crois que la elle va me haïr jusqu’à la fin de mes jours… » Cette fois mon sourire disparaît. Je sais qu’avouer la vérité à Olivia risque d’être compliqué, que ça va tous changer, que sans doute elle va souvent s’inquiéter, avoir de moins en moins confiance et je ne suis pas sûr de pouvoir gérer cette partie là de ma vie aussi facilement que je le voudrais. « Elle te déteste pas, c’est juste un peu compliqué… Et de toute façon elle est comme nous, elle n’a pas vraiment le choix. » Ou oui, elle a celui de partir et elle aurait sans doute raison de le faire mais je soupçonne Olivia de ne pas être ce genre de fille. Pas le genre à s’enfuir. Non elle va sans doute être compréhensive comme elle l’est toujours – et ça me rendra probablement fou qu’elle le soit – parce qu’elle ne devrait pas être aussi parfait, parce que s’en est presque ennuyeux. « Tu l’aimes ? » Sa question me clou sur place. Je reste le regard un peu perdu pendant un instant puis comme elle, il finit par se pose sur le banc. Je me racle un peu la gorge ne sachant ce qu’il me faut répondre à cette question. « Je… » Est-ce qu’il faut que je lui dise que je ne peux pas imaginer ressentir ce que j’ai ressenti pour elle, pour quiconque, que quand je suis avec elle je ne sais jamais si c’est de l’amour de la haine ou sans doute une mélange des deux alors qu’avec Olivia c’est juste le calme. Comme si je n’étais pas capable de ressentir des choses aussi forte – j’oublie presque cette capacité – puis je pense à Kyrah et tout me revient toujours avec une telle violence… « Ils feront des drôles de tontons les jumeaux… » Evidement elle essaye de changer de sujet de conversation et je suis soulagé qu’elle le fasse je ne peux pas le cacher. Un sourire sincère se dessine sur mes lèvres. « Ils vont être totalement fous ! J’ose même pas imaginer ce que ça va être de devoir les gérer. » J’en suis presque sûr ça sera la partie la plus épuisante. « Eux qui ne font que de dire qu’ils auraient voulu un petit frère. » Je laisse cette fois un léger silence avant de reprendre. « Enfin c’est pas dit que ça sera un garçon… » Je relève enfin les yeux vers elle pour regarder sa réaction. C’est étrange de parler de cet enfant comme un être qui va vraiment venir au monde je ne réalise pas vraiment. « C’est quoi la suite ? Je veux dire tu dois faire des tests ? Des trucs comme ça ? » C’est marrant mais depuis que j’ai parlé de la possibilité que ça puisse être un garçon ou une fille je me dis que j’aimerai le savoir. Je ne sais pas si Kyrah est plutôt du genre à garder la surprise mais me connaissant j’aurais de la peine à ne pas céder à la tentation de savoir ? « Est-ce que on peut déjà savoir de quel sexe il est ? Et tu crois qu’il fait quel taille. ? Est ce qu’il…» Je suis tellement plein de questions d’un coup mais je me stoppe, me rendant compte que ma façon d’en parler peut être effrayante pour Kyrah qui a déjà de la peine à accepter cette grossesse. « Désolé je suis un peu… Je suis curieux… Et pas vraiment au courant, c’est trop pour toi ? » Je sais que tout ça c’est beaucoup pour elle, et que je vais sans doute trop vite, je le sais déjà et pourtant je voudrais qu’elle me dise non. Voir autre chose que cet air de femme dévastée sur son visage. Ma main glisse le long du banc jusqu’à trouver la sienne et à ce contact je frissonne légèrement. « Bon dieu Kyrah t’es gelée… Vient on va aller boire quelque chose ! Faut que tu te réchauffes. » Je tire sa main pour qu’elle se lève et l’attire contre moi encore une fois. Dans une ultime étreinte. « Je suis désolé tu sais… Je suis vraiment désolé… » Je murmure ces quelques mots à son oreille. Je devais le lui dire… Que ça sorte au moins une fois. Elle sait que je n’ai jamais voulu ça moi non plus – mais surtout que je n’ai jamais voulu la mettre dans cette situation…
Je préfère prévenir Elio, s’il décide comme il a l’air de me dire, d’assumer son rôle de père auprès de cet enfant, il se devrai d’être présent lorsque j’en aurai besoin. Et déjà que je suis chiante au naturel, alors ne parlons pas des hormones qui vont considérablement changer ma manière d’être, de penser et de réagir. Ça va être un putain de bordel. Je n’imagine même pas Kelya avec qui je vais vivre. « Alors je serai ton homme. » Sans savoir réellement pourquoi, cette simple phrase, ces quelques mots font accélérer mon coeur. L’idée même qu’il soit là pour moi me fait quelque chose d’étrange. Je crois que ça me fait du bien. Et puis j’enchaîne la discussion sur Olivia, sa petite amie. J’ai besoin d’être sûre qu’il me fera passer avant elle quand j’en aurai besoin. « Elle te déteste pas, c’est juste un peu compliqué… Et de toute façon elle est comme nous, elle n’a pas vraiment le choix. » Il n’a pas tort. Elle n’a pas le choix, pas plus que nous. Je détourne un peu les yeux et hoche la tête doucement, pensive. Je la plains, la pauvre. Mais égoïstement, je me dis que personne plus que moi ne mérite l’attention d’Elio. Je lui demande s’il l’aime, c’est n’importe quoi, je n’ai même pas envie de connaître la réponse, il ne vaut mieux pas après tout, on se sait jamais. Je n’ai pas envie d’être déçue, d’avoir encore un peu plus mal. Alors je change de sujet, parlant des jumeaux. Et directement, je vois les yeux d’Elio s’illuminer. Il les aime, ces gamins. Il sourit. J’aime ce sourire. J’aime son sourire. « Ils vont être totalement fous ! J’ose même pas imaginer ce que ça va être de devoir les gérer. Eux qui ne font que de dire qu’ils auraient voulu un petit frère. » Un léger instant de panique se lit dans mes yeux, et c’est à cet instant qu’il s’arrête net. « Enfin c’est pas dit que ça sera un garçon… » Non, c’est pas dit. Et c’est encore trop tôt pour le dire. Je ne prononce aucun mot, ne dis rien, de toute manière, je ne sais pas quoi dire. « C’est quoi la suite ? Je veux dire tu dois faire des tests ? Des trucs comme ça ? » Je hausse les épaules. En fait, j’en sais rien. « J’sais pas trop. je suppose qu’il va falloir que je trouve un gynéco pour être suivie, programmer des échographies pour vérifier que tout va bien. Pour le moment, je sais juste que je suis… enfin que ça fait 13 semaines quoi… » J’ai failli dire le mot ‘enceinte’, mais j’ai encore beaucoup trop de mal avec ce terme. « Est-ce que on peut déjà savoir de quel sexe il est ? Et tu crois qu’il fait quel taille. ? Est ce qu’il…» Je le regarde, il est en train de me perdre. Dans mes yeux, la panique, il va trop loin, c’est beaucoup trop tôt. Je suis perdue dans ce flot d’inquiétudes et d’incertitudes. « Désolé je suis un peu… Je suis curieux… Et pas vraiment au courant, c’est trop pour toi ? » Je baisse le regard et me pince la lèvre, voilà, j’ai de nouveau envie de pleurer . Bien sûr que c’est trop pour moi. L’idée même que quelque chose grandit en moi, c’est trop pour moi. Je ne sais pas comment je vais pouvoir payer les spécialistes qui vont s’occuper de moi, comment je vais élever ce gamin alors que je n’ai rien, ni même un toit pour le protéger. Je déglutis avec difficulté alors que la main d’Elio vient chercher la mienne. Un frisson me parcourt à ce contact, et je ferme les yeux tellement la chaleur se sa main sur la mienne est saisissante. « Bon dieu Kyrah t’es gelée… Vient on va aller boire quelque chose ! Faut que tu te réchauffes. » Je ne m’en rends même pas compte, mais je me sens atrocement faible. Tout ça c’est trop pour moi. Il tire ma main et je le laisse faire, me retrouvant dans ses bras une nouvelle fois. Je viens me blottir contre lui, doucement, sans rien dire, comme un besoin rassurant. « Je suis désolé tu sais… Je suis vraiment désolé… » Je ferme les yeux en entendant ses mots. Finalement, il a l’air d’être quelqu’un de bien. Je me suis sans doute trompée sur lui. Au fond, je m’en doutais, mais je préférais imaginer qu’il n’était qu’un petit con, pour éviter de m’attacher un peu plus à lui. Je repense à ma discussion avec Kelya, celle où elle me faisait ouvrir les yeux quant à mes sentiments pour Elio. Je ne peux pas lui parler de ça, il a une petite amie, et puis je me sentirai trop conne. « Tu me laisseras pas toute seule hein ? » Oui, j’ai vraiment besoin d’être rassurée, c’est important. Il se peut même qu’il faille qu’il me rassure souvent, mais de toute manière, il n’a plus vraiment le choix désormais. Il secoue la tête et je me serre un peu plus contre lui comme pour profiter un dernier instant de cette étreinte.