Capuche, casquette, lunette de soleil, on n’était jamais trop prudent. Jay sortit du taxi avant de se glisser dans le magasin de bandes dessinées qu’il avait l’habitude de visiter. En vérité, s’il venait pour la tranquillité, les lunettes, bien qu’aidant à garder son anonymat, étaient surtout là pour cacher ses cernes. Parce qu’il avait une tête qui ferait fuir la mort elle-même. La petite sonnette de la boutique sonna quand il ouvrit la porte, il referma derrière lui et se glissa dans les rayons en silence. Peut-être que le jeune vendeur, Axel était là. Mais pour le moment, Jay voulait juste, se perdre dans les comics, respirer l'odeur des BD neuves, faire une overdose d’onomatopée et mater des superhéros en collants… C’était l’une des raisons pour lesquelles il avait toujours adoré les comics. Les héros étaient forts, beaux et ils ne se laissaient marcher sur les pieds par personne. Quand son père se servait de lui pour déchainer sa colère, Jay aurait tout donné pour être un de ses héros, mais dans la famille, c’était Troy, Superman. Il en avait la carrure en tout cas. Il feuilleta quelques comics avant de se mettre à chercher ce qu’il voulait vraiment.

Mais après plus de trente minutes, pas le moindre signe de la bd qu’il cherchait, après, c'était un peu particulier. Il glissa quelques tomes qu’il n’avait pas sous son bras pour se diriger vers la caisse. Il retient un bâillement avant de s’accouder contre le comptoir. -”Salut Axel.” Il le connaissait, bien, peut-être pas, leur relation restait relativement superficielle, mais Jay aimait venir ici pour discuter avec le jeune homme. Il se sentait moins seul pendant ce temps. Et il pouvait parler de choses qu’il ne pouvait pas réellement faire avec les rares personnes qu’il avait dans son entourage. Quelque chose lui disait qu’aborder les bd avec Lincoln, Izan ou Jesse ne recevrait que très peu d’enthousiasme. -”Tiens, je vais te prendre ceux-là. Et tu as reçu ma commande de la semaine passée ? Ho et je voulais savoir, je n'ai pas trouvé, tu peux m’avoir Requiem-chevalier Vampire de Olivier Ledroit.” Il remonta ses lunettes sur son front  parce qu’il faisait vraiment sombre. -”C’est une histoire très… Particulière et adulte. Mais j’ai extrêmement envie de poser les yeux dessus.” Il pianota sur le comptoir avant de réfléchir un peu. -”Et tu as des nouveautés qui valent le coup ? J’ai plus rien à me mettre sous la dent là et je commence à tourner en rond à relire mes anciens Batman et Teen titans.”  Il retira sa casquette pour laisser libre ses cheveux qui commençaient à être un peu trop longs. Il avait absolument l’air de rien, pas coiffé, avec des cernes, longues comme son bras, son tee-shirt captain America troué et ses claquettes. Oué, les sexes symboles dans la vraie vie, c'était toujours une déception.

Il retient d’ailleurs difficilement un nouveau bâillement avant de sourire un peu. -”A part les bd. Est-ce qu’il y a de bonnes nouvelles de ton côté ?” Jay n’était peut-être pas très sociable, mais les amis qu’il avait, il en prenait soins.

Y'avait un truc que j'adorais dans ce métier, -et plus spécifiquement dans le métier de vendeur de comics et de mangas-, c'était quand la clientèle repartait avec un large sourire sur le visage et tout autant de tomes sous les bras. C'était que j'avais fait correctement mon boulot, et que j'avais réussi à fidéliser la clientèle. Parce que généralement, on s'arrêtait pas au bout d'un ouvrage. Y'en avait tout un panel qui suivait, histoire de grossir la collection et qu'elle en vienne à déborder.
Ça, c'était un peu ce qui se passait chez mon cousin, si je devais l'avouer. Mais tout comme ces études, que j'étais en droit de reprendre à la rentrée ... j'étais grave dans le déni.


Mais, c'était pas ça qui m'empêchait de faire mon job. Bien au contraire. Occupé à ranger les dernières commandes, j'entendis toutefois la sonnette caractéristique de chez Comics Etc, un petit tintement de clochette que j'avais apprécié le jour même où j'y étais entré pour la première fois. Et cette sonnerie, elle était annonciatrice d'une silhouette qui n'allait pas tarder à apparaître dans mon champ de vision. Je savais pas encore qui ça pouvait être, parce qu'on laissait toujours avec Georges un petit temps à la clientèle pour se familiariser avec la disposition des étagères présentes dans le magasin. Puis après, si elle était perdue ... on venait à son secours.


C'était comme ça.


Or, j'attendis pas longtemps pour que Jayden, -il s'appelait comme ça-, me salue au comptoir tout en bâillant. Salutation sommaire, à laquelle j'eus pour réponse l'un de mes sourires en coin. Lui aussi, c'était un client régulier. Tout comme Lincoln. Mais il avait ce petit truc en plus qui me le rendait encore plus intéressant : j'étais un fan boy de ce rôle qu'il avait interprété au cinéma. Et ça, j'adorais qu'il foule le sol de la boutique avec sa célébrité. Ça me donnait l'impression d'être encore plus important. Et ouais, ça me plaisait.


- Yo Jay' ! Que je m'exclamais en souriant, heureux de le voir traîner par ici. Tout en fixant mes iris sombres dans les siens d'une teinte bien plus claire, je l'écoutais discourir sur le pourquoi de sa venue en ce lieu. Récupérant au passage, les comics qu'il me tendait, tout en sortant d'en-dessous du comptoir, ceux que j'avais reçu ce matin et dont la commande était à son nom. J'ai ! En souriant, je retirais le post-it que j'avais collé dessus pour le foutre à la poubelle.


... tout en me concentrant à nouveau, sur une autre doléance. Qu'est-ce que c'était que ce truc ? Ou plutôt, c'était quoi l'histoire derrière ? Ça me disait rien, alors que je notais sur un carnet le nom qu'il venait de me souffler. Mais moi, j'aimais à obtenir certaines précisions. Parce que j'avais, -bien évidemment-, tiqué sur les termes 'particulier' et 'adulte'.


- Je vais regarder si je peux te commander ça. Parce qu'à priori, ce titre me dit rien. Ou du moins, il est pas dans les rayons. Un silence. ... par contre, t'entends quoi par particulier et adulte ? Hein ? Le coin de ma bouche s'était relevé de quelques millimètres, signe que j'étais taquin, là. Alors que mon regard sombre, lui, était concentré. Qu'est-ce que je pouvais bien avoir comme nouveautés ? ... alooooors ... j'ai du nouveau chez DC, bien sûr. Et, j'ai de la nouveauté question mangas. Si t'aimes. T'aimes ? Néanmoins, je fis quelques pas, avant de m'arrêter net-


Que j'aimais pas ce genre de questions. Qui puaient la banalité sous couvert de bonnes intentions.


- Moi ça va. Un silence. ... toi par contre, t'as l'air crevé. T'es sûr que ça va ? Tout comme avec Lincoln, j'avais éludé sa question. Chassez le naturel et il revient (salement) au galop, comme on dit. Aha.

Jayden adorait l’ambiance des boutiques de BD et des librairies, il y avait un calme, une sérénité qu’il ne trouvait nul par ailleurs. Sauf dans un musée. Il aimait ces endroits quille calmait, qui le recentrait un peu sur lui-même. Lui qui passait son temps à être quelqu’un d’autre, il se perdait parfois. Ici, il était calme, il n’entendait que des bruits feutrés, l’odeur des livres neufs qui venait lui chatouiller les narines, les bruit doux des feuilles qui glissaient les unes contre les autres. Arrivé au comptoir, il sourit. Il aimait bien Axel aussi, sa simplicité, sa discrétion et sa conversation. Il aimait la simplicité avec laquelle il s’adressait à lui, même s’il avait vu son regard se mettre à briller quand il avait reconnu, mais il n’était pas hystérique ni collant. Il rigola un peu, il aimait ce genre de salutation et après plusieurs questions il se laissa tomber sur le comptoir à demi-avachie. -”Hum ? Hein ? Ho… C’est un soldat nazi qui meurt et qui arrive au purgatoire, il va devenir un des seigneur  de l’enfer… Et il y a pas mal de nudité et de torture… Je ne suis pas certain que ça me plaise… Mais je ne veux pas mourir idiot.” Et puis, il ne fallait pas s’arrêter au résumé, les dessins et les réflexions qui traversaient les différentes BD étaient d’après les critiques très intéressantes. Enfin… Je verrais bien ce que ça donne.” Oui, Jay aimait parfois se plonger dans des choses un peu niche, peu connu du grand public, il s’en sevrait beaucoup pour jouer ses rôles par la suite. Parce qu'il y avait de l’inspiration partout et puis ne savait-on jamais. Il pourrait être amené à jouer un rôle aussi compliqué. Il avait besoin d’avoir le plus de références possible.
Il tira à lui le petit tas de comics qu’il avait commandé et son regard se fit pétillant quand il posa la main dessus et qu’il les feuilleta. Les couleurs et les bulles lui sautaient aux yeux. Un gamin le matin de Noël. -”Ho !! Il y a le nouveau costume de Spider-Man noir ! Trop classe ! Haha !! J’adore ce comics.” Puis se rendant compte qu’il n’était pas seul, il releva les yeux vers Axel et sourit, gêné avant de se racler la gorge… -”Pardon, je m’emballe un peu…” Il referma les comics pour enchainer sur autre chose. -”Je vais bien. Ne t’en fais pas.” C’était totalement faux, mais il n’allait pas embêter Axel pour des bêtises. -”C’est juste que j’enchaine pas mal de truc, plus beaucoup de sport pour un nouveau rôle et ça me fait des journées un peu longue. Et comme je dors mal, la fatigue s’accumule aussi. Mais c’est la rançon de la gloire, pas vraie ? Je serais bien égoïste de me plaindre…” Oui, il passerait pour un con, pas vrai ? Mais si seulement les gens autour de lui pouvaient lire dans ses pensées… Non, il ne valait mieux pas. L’obscurité et le vide, ça faisait peur à n’importe qui. -”Je dois juste travailler un nouveau rôle, compliqué, alors j’ai peu de temps libre et je bois beaucoup, trop, de café.” Oui, il survivait grâce au café, ce qui était assez étonnant, c'est qu’il puisse encore tenir debout. Il remit ses lunettes de soleil. -"Je fais moins peur comme ça ?"

Avec ma verve et généralement mon sourire en coin pétri de sarcasme, j'attirais toujours un type de clientèle. Ou du moins, je parvenais facilement à la fidéliser. Parce qu'en plus de mon tempérament, je distribuais des masses de conseils à la pelle. Et, c'était en grande partie pour ça, que les acheteurs et les acheteuses convaincus revenaient. Là, je me disais que j'avais fait un putain de bon boulot.
Assuré par le large sourire des visiteurs qui n'hésitaient pas à revenir encore et encore. Faisant le bonheur de Georges et le mien, par la même occasion. Et, l'ensemble des vendeurs hein. Même si eux, ils étaient pas souvent sollicités.
C'était toujours moi pour ainsi dire. Pas que je m'en plaigne. Bien au contraire.

Puis, honnêtement, ce serait méga con d'ailleurs.

- Wow. WOW. WOW. Trop d'infos, en si peu de temps ! Que je m'exclamais en riant, concernant son choix concernant la revue graphique que je me devais de lui commander. Un soldat nazi qui crève. Le Purgatoire. Seigneur de l'Enfer. Wow. Ouais, beaucoup trop d'infos ! Mais avec en plus de ça, de la nudité et de la torture.

... ah ouais. Quand même.

- ... je vois. Monsieur est donc intéressé par ce genre d'ouvrages quelque peu décadents ? Où se nichent à la fois du sexe et de la torture ? Je levais mes sourcils, ainsi que mes lèvres, pour un sourire quelque peu mutin. Parce qu'honnêtement, qui ne serait pas intéressé avec un tel résumé hein ? Moi, j'irais certainement jeter un œil et ce serait assurément pour la bonne cause. Pour pas mourir idiot, comme il venait si justement de l'avouer. Alors, je te commande ça. Mais, c'est vraiment pas pour mourir con, hein. Hein ? Que je lui répétais avec un large sourire, comme à mon habitude. Rien que pour emmerder et titiller.

Toujours. Souvent.
Surtout avec les gens que j'appréciais un tant soit peu et qui étaient expressifs comme pouvait l'être l'acteur présent en face de moi. Et qui pourtant, s'évertuait à parfois jouer un rôle, sans se reconnaître pour autant. C'était une forme d'abandon de soi et c'était clairement perturbant que de s'envelopper d'un rôle, non ? En tout cas, je lui avais jamais posé la question à ce sujet. Vu que notre relation, elle se cantonnait plus à ça. Du commercial mais avec quelques affinités en plus.

- T'es pas le seul à t'emballer. T'en fais pas. Je lui offrais un sourire bienveillant, alors que je voyais bien que c'était pas la forme. Même s'il tentait de me persuader du contraire, le Holmes. ... hum hum.

Pour sûr que je le croyais pas. Ou qu'à moitié.

- La rançon de la gloire ? Mais à quel prix. Perso', je le prendrais pas. Pas que j'en veuille pas mais ... Quand je voyais son état, ça me paraissait plus qu'inquiétant. Et, perturbant. ... café, clope ? Ou d'autres trucs pas cools ? L'observant, je voyais bien qu'il tentait de donner le change en remettant ses lunettes de soleil, pour soit-disant pas me faire flipper. La blague. ... t'es con. Ce rôle qui te bousille la santé à petit feu, il parle de quoi ? C'était ça le souci, non ? Mais, j'étais sûr et certain qu'il fallait gratter un peu plus le vernis en surface pour le découvrir. C'était du moins, ce qui me venait à l'esprit et j'étais assuré de pas me tromper.

Jayden espérait ne pas avoir effrayé Axel avec sa description de l'œuvre. Il en avait entendu parler sur YouTube, et même si son discours pouvait sembler étrange de prime abord, il voulait tout de même se plonger dans cet univers. L'idée de découvrir un monde complexe l'attirait irrésistiblement, malgré son côté sombre. "Hum... Je te jure que je ne suis pas bizarre." Dit-il en riant légèrement, essayant de dissiper toute gêne. "Les personnages sont vraiment bien plus que simplement mauvais. Certes, ils le sont, étant donné ce qu'ils étaient dans une autre vie et les personnages que l'on croise, ainsi que les incarnations du mal qui peuplent l'enfer dans lequel se déroule l'histoire. Mais il y a un côté réellement mystérieux, d'après ce que j'ai compris, avec des personnages très bien écrits. Et la charte graphique est fascinante, même si, vu le sujet, il ne faut pas mettre ça entre les mains de n'importe qui." Jayden observa Axel attentivement, espérant que son enthousiasme transparaissait et que cela inciterait Axel à s'intéresser à l'œuvre malgré son côté sombre. "Et puis, bien que la violence et d'autres éléments du genre soient au centre de l’histoire, elle n’est pas glorifiée pour autant. Au contraire… C’est même plutôt le contraire," ajouta-t-il avec une intensité croissante.
Il joua un peu avec ses doigts, une habitude qu'il avait lorsqu'il était nerveux. Il se demandait s’il ne passait pas pour un psychopathe en parlant de ça. Mais durant une de ses nombreuses nuits blanches, il avait trouvé une vidéo parlant de l’œuvre, et il avait été captivé par le potentiel narratif qu'elle promettait. "Ce n'est pas le sexe et la torture qui me plaisent." Ajouta-t-il rapidement, se sentant obligé de clarifier. Les scènes souvent dépeintes, mettant en avant des femmes en tenues légères, n’étaient pas ce qui l’attirait. "Mais les auteurs réinventent des personnages qu’on croit pourtant connaître. Dracula, la comtesse Bathory, et ils réinventent le mythe de l’enfer et des créatures qui le peuplent." Il s'arrêta un instant, réfléchissant à la profondeur de ces réinterprétations. Oui, bon, il n’allait pas se justifier… Quoique… Il secoua la tête avec vigueur, faisant danser ses bouclettes brunes autour de son visage. "Oui, merci. Mais seulement le tome 1, parce que si finalement ça ne me plaît pas, je ne veux pas me retrouver avec une collection complète que je n’ouvrirai pas." Il sourit légèrement, conscient de ses tendances à faire des achats compulsifs et inutiles. Il essayait d’être plus… Adulte, en pesant ses décisions avec soin.

Alors, il se plongea dans son tome de Spider-Man Noir, qui étalait sous ses yeux, une charte graphique qu’il adorait. La palette de couleurs sombres et l'ambiance rétro-futuriste du comic le fascinaient. Un peu honteux par sa réaction précédente, il se mordit la lèvre avant d’être légèrement rassuré par le jeune vendeur, qui lui avoua qu’il n’était pas le seul dans cet état. Jayden ne savait pas encore bien s’il était rassuré par cet état de fait ou non… Il glissa le tout dans le sac à bandoulière qu’il avait passé sur son épaule pour ne pas avoir à porter ses comics sur le chemin du retour, avant de sourire un peu. "Oui, il y a un prix à payer que beaucoup de personnes ne voient pas. Ou ne veulent pas voir. Mais je ne vais pas non plus trop me plaindre." Il se sentait toujours mal quand il se plaignait, parce qu’il avait une vie tellement plus simple que beaucoup d’autres. Il avait de l’argent, une villa, il pouvait se rendre où il voulait quand il le voulait. Se plaindre serait égoïste et mesquin. Il secoua la tête. "Non, non, juré, sauf peut-être de la mousse au chocolat, mais je ne prends rien d’autre," dit-il en levant la main en l’air comme s’il se trouvait dans un tribunal, ses yeux pétillant d'humour.

Il eut un petit sourire triste aux mots d’Axel. "Oui, je le sais. Hum… C’est un film tiré d’un jeu. Dans un monde ultra-futuriste et cyberpunk," expliqua-t-il. Il ne voulait pas trop en dire, parce qu’il avait peur de trop se dévoiler sinon.

Je te jure que je ne suis pas bizarre.
Qu'est-ce que j'avais pu les entendre ces mots, au détour d'un rayonnage ou même à la caisse quand un gars et sa nana assumaient pas trop d'avoir acheté un hentai ou un truc sulfureux pour pimenter un couple qui battait déjà un peu de l'aile.
Moi, qu'est-ce que j'en avais à foutre, franchement ? Qu'est-ce que ça pouvait bien me faire leurs lectures ? Moi, tout ce que je souhaitais, c'était qu'ils apprécient. Qu'ils reviennent même. Et que, s'ils en viennent à acheter des ouvrages répudiés par les bonnes mœurs, en ce qui me concernait moi, ça me faisait les apprécier d'autant plus.

... comme Jayden, là. Qui manquait de me dérouler tout un argumentaire pour pas que je le condamne à être un weirdo. Je l'avais dit non : j'en avais strictement rien à secouer.

- T'es pas bizarre. Parce que j'en ai connu des gens bizarres. Toi, t'es juste un gars qui aime les récits teintés d'une forme de profondeur. Je peux pas te blâmer. Un silence, assorti d'un sourire ironique. ... par contre, si tu me confesses que t'ADORES Twilight et que t'es un putain de grand fan de Fifty Shades, là, je peux dire que je reconsidèrerais la vision que je peux avoir de toi.

Évidemment, je le taquinais. Et, que je le charriais sans m'en priver pour autant.
Mais putain, pitié ! Que je tape pas dans le mille, comme je le faisais presque à chaque fois ! Parce que j'avais jamais lu une purge pareille. Par contre, ce qu'il m'incitait à la lecture, mon interlocuteur, ça eut le mérite de prétendument m'intéresser. Et ça, ça se voyait dans mes iris noirs qui se mettaient à pétiller d'une lueur bien particulière.
C'était banco, pour ceux et celles qui me connaissaient un peu.

- J'aime déjà le fait de pas mettre ce genre de trucs entre les mains de n'importe qui. Cette mise en garde, elle a déjà le don de me titiller, hein. J'esquissais un nouveau sourire en coin, attendant qu'il en termine avec son plaidoyer. Et ... force était de constater, qu'il était vachement doué dans l'exercice. ... c'est même le contraire ?!

Alors là, PARDON, mais il en disait à la fois trop et pas assez à mon goût. Et ça, cet état de fait, il avait toujours eu pour but premier, d'éroder ma putain de patience qui était déjà extrêmement minime dans certains cas.
Fort heureusement, mon vis-à-vis eut la jugeote de se rattraper bien vite. Et ce, pour son propre bien. M'avouant même que c'était ni la violence, ni le sexe qui avait orienté son choix et son désir de se procurer cette œuvre clivante.
AH.

- Je vois. Fallait que je le lise, maintenant. Surtout si on y mentionnait Dracula. Bien que la meilleure adaptation cinématographique soit celle opérée avec Gary Oldman. Le reste ? Sensiblement à chier. ... et go, pour le tome un. J'aimerais pas savoir que t'aies une collection et que tu la lises pas. C'est pas le but premier d'un livre, ça.

Or, y'avait quelque chose de bien plus préoccupant chez l'acteur que sa prétendue bizarrerie, hein. Son état de santé, par exemple. Pas vraiment au beau fixe, même s'il avait tenté de me rassurer, spoiler : ç'avait pas des masses fonctionné.
Haussant un sourcil, j'eus un léger rire suite à sa formulation d'excuses. C'était fou, comme il voulait pas exister. Ou plutôt si, mais juste avec ses avatars à l'écran. Ses différents personnages. Et lui, dans tout ça ?
Il s'oubliait. Je pouvais pas le dire autrement.

- Hé ! T'as le droit de te plaindre hein. Je vois pas pourquoi, tu le ferais pas, d'ailleurs. Croisant mes bras, j'observais l'appréciateur de Comics. Avec un air circonspect. ... t'es dans la vibe de Monsieur Lupin ? Mangez un carré de chocolat, Monsieur Potter ... et tout ira bien mieux ? Note que, c'était pas déconnant, ça. Et, le reste ? Outch, je vis ce sourire triste sur le visage du grand brun, ce qui me fit m'approcher. ... c'est quoi ton rôle exactement ?

Car, vu comme il était en train de me dépeindre les coulisses, ça m'avait pas l'air bien fameux, tout ça.

Un petit rire s’échappa des lèvres de Jayden alors qu’une teinte rosée envahissait doucement ses joues et descendait jusqu’à son cou, trahissant une gêne qu’il tentait de dissimuler. Il baissa légèrement les yeux, ses doigts effleurant nerveusement le tissu de sa veste, comme s’il cherchait à s’occuper les mains, avant de reprendre, d’une voix légèrement hésitante : « Tu sais… J’ai passé le casting pour 50 nuances de Grey... » Il mordilla sa lèvre, un geste à la fois instinctif et révélateur de son malaise. C’était presque imperceptible, mais suffisant pour trahir son inconfort face à cette confession. « Mais ça tombait en même temps qu’un autre de mes films, et j’ai dû faire un choix. Bon ou mauvais, je ne sais toujours pas. Le film a bien marché, c’est sûr, mais je n’aurais pas aimé que cette image-là me colle à la peau. » Il haussa les épaules dans un geste à moitié fataliste, ses yeux fixant un point vague devant lui, comme s’il cherchait à éviter un jugement invisible. Une moue pensive apparut sur son visage, ses sourcils légèrement froncés, et pendant un moment, il sembla perdu dans ses pensées. La sincérité dans ses mots se reflétait dans l'éclat azur de ses yeux, un mélange d'incertitude et de soulagement. Il n’était pas certain qu’il aurait pu assumer ce rôle si controversé, encore moins vivre avec les conséquences de l’image qu’il aurait projetée. Un soupir discret s’échappa de ses lèvres, comme s’il se libérait enfin de ce poids, avant qu’un sourire amusé, mais teinté de prudence ne vienne adoucir ses traits : « Et puis, je ne pense pas que j’aurais voulu que ce film fasse partie de ma filmographie. »

Un léger éclat malicieux traversa son regard, et son sourire s'élargit, presque moqueur, comme s’il se délectait de l’ironie de la situation. Pourtant, il n’y avait pas de véritable regret, juste une réflexion sincère sur le chemin qu’il avait pris. Lorsqu’il aborda Twilight, son ton changea subtilement. Il y avait dans ses paroles un mélange de reconnaissance et de détachement : « Je n’ai même pas passé les castings pour Twilight, mais il faut admettre une chose : même si ce n’est pas un chef-d'œuvre, ce serait mesquin de dire que ça n’a pas été un tremplin incroyable pour ceux qui y ont joué. » Son corps se redressa, ses épaules se détendant alors qu’il parlait des acteurs de la saga avec une admiration sincère. Il ne pouvait nier l'impact qu’elle avait eu sur leurs carrières, même si le contenu du film n'était pas à son goût. Ses yeux brillèrent légèrement d’un respect discret pour ces acteurs qui, malgré les critiques et le ton moqueur de certains, avaient réussi à transformer cette opportunité en quelque chose de grand. Jayden connaissait la réalité impitoyable du milieu ; chaque décision pouvait façonner ou briser une carrière, et cela, il l’avait appris à ses dépens.

Il se passa une main dans les cheveux, geste familier lorsqu’il réfléchissait, avant de poursuivre, son ton légèrement plus posé. « Moi, j’ai écouté mon agent à l’époque. Elle insistait pour que je passe le casting de 50 nuances parce que je commençais à être un peu connu, mais elle m’avait déconseillé Twilight. » Un léger rire, plus amer cette fois, franchit ses lèvres. À l’époque, il était encore jeune, frais dans l’industrie du cinéma. Il n’avait pas osé donner son avis, trop prudent pour contester les conseils d’un agent chevronné.« Franchement, je n’étais pas sûr que jouer un vampire végan soit vraiment mon truc, » ajouta-t-il avec un sourire en coin. « Si je devais jouer un vampire un jour, je voudrais que ce soit Dracula ou rien d’autre. » Il s’appuya contre le comptoir sur lequel ses BD attendaient sagement, croisant les bras comme pour marquer une certaine conviction dans ses paroles.

« En tout cas, si j’ai réussi à piquer ta curiosité, j’en suis satisfait. Si tu y jettes un œil, n’hésite pas à me dire ce que tu en as pensé ! » dit Jayden avec un sourire complice, un éclat malicieux dans le regard. Pour lui, la lecture était bien plus qu’une activité solitaire. Lire, c’était bien, mais échanger à propos de ses découvertes, c’était encore mieux. La littérature, tout comme n’importe quel autre art, était faite pour être partagée, disséquée et analysée. Chaque opinion, chaque sentiment, enrichissait l’expérience. Le visage de Jayden s’éclaira d’un enthousiasme sincère, ses yeux pétillants d'une passion qu’il ne cherchait pas à cacher.

Jayden sourit de plus belle, un sourire presque fier, ravi d’avoir réussi à transmettre une partie de son engouement. Il sentait un lien discret mais réel se tisser à travers ces échanges littéraires, lui rappelant à quel point les histoires pouvaient rapprocher les gens. Ce moment de complicité lui réchauffait le cœur et le confortait encore davantage dans son choix d’être acteur. Après tout, c’était précisément ce qu’il faisait : partager des histoires, sous différentes formes, sur différents supports. C’était ce qui le nourrissait. Pourtant, derrière son sourire se cachait une fatigue sourde, une lassitude qu’il peinait à dissimuler. La conversation, jusque-là joyeuse et légère, commença à glisser vers une atmosphère plus lourde. Jayden essayait de garder son entrain, mais au fond, il était triste, et une angoisse profonde ne cessait de lui serrer le ventre. C'était comme un monstre aux yeux noirs, plantant ses griffes dans ses entrailles, refusant de le lâcher. Il pouvait presque sentir ce poids, lourd, pesant sur ses épaules, celui de ses secrets, de ses cicatrices qu’il gardait soigneusement enfouis. Chaque jour, cette charge devenait plus difficile à porter. « Hé ! T'as le droit de te plaindre, tu sais. Je vois pas pourquoi tu te retiendrais. » Jayden tenta un sourire timide en réponse, touché par l’empathie du plus jeune, mais incapable de s’ouvrir complètement. « Je suis riche, je vis dans une villa, et pourtant, je trouve encore le moyen de me plaindre... Tu ne trouves pas que c’est un peu... mesquin ? » Sa voix était teintée d’ironie, mais derrière cette façade se cachait une certaine culpabilité. Il haussa les épaules comme pour minimiser ses paroles, avant de rire légèrement, un rire nerveux, presque forcé. Puis, dans un changement soudain de ton, il sourit à la référence à Harry Potter. « Monsieur Lupin a raison, le chocolat peut résoudre bien des soucis. Dans ma famille, on a une recette de mousse au chocolat secrète... » Il se pencha légèrement en avant, ses yeux pétillant de malice comme s’il s’apprêtait à confier un grand secret. « Un ingrédient secret qui fait toute la différence. » murmura-t-il, son ton complice.

Mais en réalité, il n’avait plus le droit de la préparer. Lui qui, en cuisine, avait le niveau d’un enfant de quatre ans jouant à faire des mixtures avec de la boue. Et son frère et sa soeur avaient décrété lors d’un conseil de famille que Jayden n’aurait plus le droit de préparer la mousse jusqu’à nouvel ordre. Et la mousse au chocolat dans la famille, c'était une affaire sérieuse. ... c'est quoi ton rôle exactement ? Un soupir à briser, une pierre sortie de ses lèvres et il passa ses doigts dans ses boucles rebelles. Il se mordilla la lèvre. Je ne peux pas trop t’en dire plus que ce qui est sortie dans la presse. Je vais jouer un mercenaire dans un monde cyberpunk. Pour le reste, il avait peur d’en dire trop et qu’Axel comprenne ce qu’il cachait.