(brisbane aquatic center) Il ne sait pas quoi penser des hauts et bas dans le quotidien de sa relation avec Min-Kyung. Il l’apprécie sincèrement, ce n’est pas remis en question, mais son amitié avec lui ne fait que nourrir l’impression toujours plus prenante qu’il a simplement un attrait pour les causes perdues ou celles qui nécessitent au moins qu’on se batte pour elles. Min est de ce genre là, il mérite qu’on se batte pour lui et surtout il mérite qu’on lui demande de se battre pour sa propre personne tant il ne le fait pas par lui-même. Il laisse tout couler, Min, et même pour une personne telle que Swann qui est aussi du genre à en faire de même, c’est évident. Les choses semblent peu à peu changer, notamment grâce à son couple qu’il a accepté de montrer au plus grand nombre, mais il y a encore un point sur lequel il est toujours aussi inactif : sa santé. Celle de ses genoux, tout particulièrement, est l’éternelle oubliée d’un check up médical que Swann n’est même pas certain qu’il existe. A dire vrai, il n’ose pas poser la question, certain qu’il serait fatigué d’en connaître la réponse.

Maintenant qu’ils reprennent le cours des consultations à son cabinet, Swann espère bien qu’il n’y aura plus aucun retour en arrière et qu’il se tiendra avec une certaine assiduité à ses consultations autant qu’à ses exercices. « T’es mon dernier patient, attends moi cinq minutes et je te rejoins. » est ce qu’il lui a sobrement annoncé à la fin de la séance, le temps pour lui de fermer la cabinet convenablement sans rien presser, tout en étant bien certain que Min pourrait attendre quelques minutes sans être mal à l’aise. En réalité, ce n’est de toute façon pas comme si Swann avait organisé ses mots de façon à ce qu’ils deviennent une question : il voulait qu’il l’attende à la fin de sa journée, justement parce qu’il avait lui aussi une petite idée derrière la tête et bien assez de temps pour la réaliser, cette fois.

« Tu te souviens de la piscine où tu m’as promis de t’inscrire ? » Il a intérêt de s’en souvenir, parce que l’idée n’est pas sortie un seul instant de l’esprit de Swann de son côté. Bien au contraire, elle a toujours avancé dans son bout de chemin et dans son esprit. Ce genre de sport serait évidemment bénéfique à son ami, mais l’anglais se dit aussi et surtout et que cela ne pourrait pas lui faire de mal non plus de son côté. Trouver un sport lui ferait du bien, pas tellement pour des questions de physique mais bien pour son mental, cette fois. Il ressent le besoin de s’occuper, surtout maintenant que la présence de Robin lui demande d’être bien plus souvent chez eux qu’il ne l’a jamais été. Il ne regrette rien, évidemment, mais il doit encore travailler pour trouver le parfait équilibre. Pour le moment, son équilibre est simplement très bon, et il sait qu’il peut prétendre à encore mieux. « On va le faire maintenant. » Et là encore, Swann n’en fait pas une question. Ils vont le faire, tous les deux, et puisque leurs pas les mènent jusque devant la structure, cela signifie que l’inscription est imminente et qu’il n’a aucun moyen de s’en dérober. « Et me dis pas que t’as pas le temps. Au pire, t’iras les week-ends. » Et sinon, il le traînera par lui-même.

@Swann Craine

Après leurs retrouvailles à la clinique vétérinaire, Min-Kyung avait promis à Swann de passer à son cabinet. Il avait l’habitude d’y aller pour ses genoux, puis avait arrêté quand sa vie était devenue trop mouvementée. Il était temps d’y retourner et de prendre soin de lui. Difficile d’imaginer qu’il puisse se négliger lorsqu’on le voyait. En dehors de la course, il pratiquait le surf en plus de fréquenter régulièrement la salle de gym, et lorsqu’il vivait à Melbourne, il jouait dans une ligue amicale de football. Il portait une attention particulière à ce qu’il mangeait et était principalement végétarien à l’exception du poisson et des fruits de mer. Il buvait peu d’alcool surtout parce qu’il la supportait très mal et il ne fumait pas. Son dernier bilan de santé était stellaire. Min-Kyung était un exemple à suivre si l’on oubliait l’état déplorable de ses genoux. Il n’était pas encore au point de devoir se faire opérer, mais celle-ci sera inévitable s’il ne levait pas le pied maintenant. On le lui avait répété plusieurs fois avec une insistance grandissante, mais il n’écoutait pas même s’il comprenait parfaitement tout ce que ça impliquait. La course à pied représentait une grande partie de sa vie, autant lui demander d’arrêter de respirer.

Min n’avait pratiquement pas dormi la nuit précédant le rendez-vous. Il était fatigué et n’avait pas envie de se battre. Du coup, peu importe ce que dirait Swann dans la prochaine heure, il allait acquiescer et faire ce qu’il dirait sans protester. Sauf s’il lui demandait de renoncer au marathon. Min n’en était pas encore rendu là. Étonnement, le sujet ne fut pas abordé durant la séance qui se déroula sans aucun accroc. Swann appliqua le traitement, un mélange de massage et d’exercices ayant pour objectif de soulager la douleur et de renforcer les articulations avec tout le professionnalisme que Min lui connaissait. Ça lui fit le plus grand bien et il regretta d’avoir négligé ses séances aussi longtemps. Toutefois, qu’il ne mentionne pas la course à pied intriguait Min. Il connaissait Swann, il était aussi têtu que lui. Ça ne lui ressemblait pas de baisser les bras aussi facilement. Il reviendrait forcément à la charge. « T’es mon dernier patient, attends moi cinq minutes et je te rejoins. » Ah! Visiblement, Swann gardait la conversation pour la fin. « Prends ton temps. » Il savait très bien que Swann avait quelque chose derrière la tête, mais il ne le pressa pas de question. Il se contenta d’attendre tout en réfléchissant à ce qu’il mangerait plus tard.

Swann réapparut quelques minutes plus tard avec l’air déterminé de celui qui a une cause et qui est prêt à la mener à bien. « Tu te souviens de la piscine où tu m’as promis de t’inscrire? » Min-Kyung haussa un sourcil. Il se souvenait effectivement d’avoir mentionné ça lors de leur dernière rencontre. « Oui », qu’il répondit simplement en emboîtant le pas à Swann. Mais où espérait-il en venir? « On va le faire maintenant. » Min cligna des yeux. Il ne s’attendait pas à celle-là, pourtant c’était son genre. « Quoi? T’es sérieux? » Oh, il l’était. La piscine n’était qu’à quelques mètres devant eux. « Et me dis pas que t’as pas le temps. Au pire, t’iras les week-ends. » Il s’arrêta. « J’ai dis que j’allais me mettre à la natation et je vais le faire. » Il avait même ajouté la présence d’une piscine dans ses critères de recherche pour sa future maison. Il était particulièrement intéressé par les bassins qui produisaient un courant suffisamment fort pour permettre à l’occupant de nager comme s’il était dans une grande piscine en faisant du sur place, mais ce n’était pas le moment de penser à ça. Min voulait protester, lui dire qu’il le ferait de lui-même lorsque le moment sera bon même s’il y avait de grandes chances qu’il ne vienne jamais, trop occupé par la vie. La natation était une bonne idée et il était tenté de la proposer à Lincoln. Il avait banni la course à pied de son existence, mais peut-être que la nage l’intéresserait. Min ouvrit la bouche, mais sous le regard insistant de Swann, il la referma. Ses épaules s’affaissèrent en signe de défaite. Il n’avait tout simplement pas l’énergie pour s’obstiner. « Très bien, je te suis. »

L’absence de commentaires de la part de Swann était le signe évident qu’il gardait un autre sujet dans un coin de son esprit, ce que l’invitation à l’attendre quelques minutes après la séance ne fait que confirmer. Pour le moment, Min n’en sait pas davantage, et Swann n’a pas à cœur de tout lui révéler à l’instant. Ou presque. Il lui dévoile au moins les grandes lignes de son plan. « Quoi? T’es sérieux? » Evidemment qu’il l’est. Il l’est très souvent, et s’il n’avait pas autant d’humour, il pourrait être particulièrement ennuyant comme garçon. « J’ai dis que j’allais me mettre à la natation et je vais le faire. » - « Bien. » Il n’a aucune raison d’en faire plus de commentaires et il ne le fera pas. Il va le faire, c’est tout ce qu’il voulait entendre, et si cela se fait sans même avoir à se battre contre lui alors tant mieux, parce que Swann ne demandait pas plus que ça : un accord passé sans plus de tracas d’aucun côté.

« Très bien, je te suis. » Tant mieux, puisque c’est plus ou moins ce qu’il vient déjà de lui promettre. « T’as le temps pour une première séance ce soir ? » Il sait que Min lui donne sa main et qu’il demande le bras tout entier, mais c’est aussi un moyen de s’assurer que l’inscription ne risque pas d’être faite dans le vent pour qu’il ne mette pas le moindre bonnet de piscine de sa vie ensuite. Non qu’il manque de confiance envers son ami, mais il sait à quel point repousser à plus tard peut parfois être le choix le plus simple à faire. « Je dois récupérer Robin chez la nounou dans une heure max. » Ce qui sous-entend qu’il aura au moins le mérite de ne pas longtemps lui mettre le couteau sous la gorge et que leur soirée à la piscine ne sera pas bien longue, pour la première fois au moins. « On peut commencer doucement, j’ai pas nagé depuis longtemps non plus. » Il n’est pas un expert et pas un professionnel non plus : Swann est un sportif amateur comme Min, ce qui signifie qu’ils avanceront au même rythme et que personne n’a rien à envier à personne. « A moins que tu me caches dix ans de club derrière toi ? » Il tente de faire la discussion dans un rire, son regard se posant un instant sur son ami alors qu’il tente d’en apprendre un brin plus à son sujet. Maintenant, il se rend compte qu’il ne sait pas grand chose de ses pratiques sportives, si ce n’est celles qu’il lui reproche toujours d’avoir pour passion une course à pied qui ne fait que ronger sa santé un peu plus à chaque fois qu’il troque la marche pour la course. Swann est d’autant plus en colère contre cette façon de faire alors que Min est pleinement conscient de ce avec quoi il joue à chaque fois qu’il part courir.

@Swann Craine

Ah! Non seulement Swann voulait s’inscrire maintenant, mais en plus il comptait faire la première session dans la foulée. Un détail lui échappait pourtant, et non le moindre. Un minimum de préparation était nécessaire avant de se rendre à la piscine. C’était le genre d’activité qui demandait le bon équipement, maillot et bonnet, simple, mais nécessaire. Ils n’avaient qu’une heure devant eux avant que les obligations familiales de Swann l’appellent ailleurs. Ça ne leur donnait pas assez de temps pour se rendre chez Min et récupérer le nécessaire. Il y avait définitivement réfléchi, mais pas à tout apparemment. « On peut commencer doucement, j’ai pas nagé depuis longtemps non plus. A moins que tu me caches dix ans de club derrière toi? » Min-Kyung secoua la tête négativement. « Je suis un nageur respectable qui fait du surf à l’occasion, mais je suis loin d’être un champion olympique. » Il inspira profondément. « Écoute, je ne crois pas qu’on va pouvoir nager aujourd’hui. Je veux bien faire l’inscription, j’ai dit que je le ferais et je ne vais pas revenir sur ma parole, mais je crois que tu as oublié un détail important : je n’ai pas de maillot avec moi. Donc, à moins que tu aies prévu de me jeter dans la piscine complètement habillé ou, au contraire, complètement nu, ça n’arrivera pas aujourd’hui. » Il essaya de sourire, mais n’était pas tellement convaincant. « Tu aurais dû m’en parler. Je ne dis pas que j’aurais accepté, mais au moins tu aurais pu mettre ça sur le fait que je ne suis qu’une tête de mule qui se dirige tout droit vers l’autodestruction plutôt que sur un simple oubli. » Il comprenait les intentions de Swann et, honnêtement, ça le touchait de voir quelqu’un d’aussi résolu à vouloir l’aider alors que lui-même se cachait la tête. « On peut aller au gym à la place. J’ai toujours un sac de sport dans ma voiture et je peux amener un invité à la salle pour un essai. » À l’avenir, il devra également prévoir le nécessaire pour la piscine. « Sinon, on peut toujours aller se balader après l’inscription, mais si tu es vraiment résolu à te baigner maintenant… » D’un geste de la main, il désigna un magasin de sport au coin de la rue. « Donne-moi cinq minutes et j’aurais tout ce qu’il faut. » Min espérait que Swann n’était pas déterminé à ce point.

« Je suis un nageur respectable qui fait du surf à l’occasion, mais je suis loin d’être un champion olympique. » Ce qui rassure Swann, il doit bien l’avouer, parce qu’il aurait été un brin embêté si le niveau de Min avait été largement supérieur au sien et qu’il s’était uniquement révélé être un suiveur et un boulet à son pied. Fort heureusement, il a maintenant bon espoir que cela ne soit pas le cas et qu’ils puissent évoluer ensemble. « C’est mon frère qui m’a initié au surf en arrivant en Australie. On pourra en faire à l’occasion, si tu veux. » Et sur le surf en particulier, Swann doit bien avouer qu’il est d’autant plus loin d’être un champion, même si un entraînement intensif doublé d’un bon instinct de compétition face à son frère l’a toujours poussé à donner le meilleur de lui-même.

Son ami se montre un brin rabat-joie lorsqu’il avance l’argument du maillot de bain ce qui, bien qu’un brin handicapant, n’a jamais été synonyme d’impasse dans le plan de Swann. S’ils arrivent au moins à passer le bas de l’inscription, pourtant, l’anglais ne cherchera pas davantage à se battre et sera prêt à considérer cette soirée comme un bon début et un premier pas. « Je suis à peu près certain qu’ils en vendent à l’accueil. » Comme les claquettes ou les bonnets de bain, parce que ce sont au moins deux choses que tout le monde oublie une fois sur deux avant de se rendre à la piscine, et parce que personne n’a envie d’annuler toute une séance pour du simple matériel. « Tu aurais dû m’en parler. Je ne dis pas que j’aurais accepté, mais au moins tu aurais pu mettre ça sur le fait que je ne suis qu’une tête de mule qui se dirige tout droit vers l’autodestruction plutôt que sur un simple oubli. » Cette remarque est bien moins capable de susciter un sourire sur le visage de Swann, tel que le prouve l’instant présent alors qu’il penche légèrement sa tête sur le côté, désolé de toute cette situation. Min fait son possible avec ce qu’il a à disposition, c’est évident, mais il continue de penser qu’il a parfois besoin d’être aidé - comme en cet instant.

Il lui propose tour à tour un passage à la salle de sport et une ballade dans les alentours, deux choses que Swann aurait pu accepter par défaut. Malgré tout, il préfère encore la dernière idée en date de Min, laquelle se résume à un doigt pointé en direction d’un magasin non loin. « Donne-moi cinq minutes et j’aurais tout ce qu’il faut. » - « Cinq minutes et pas une de plus. » Qu’il rétorque avec un sourire bien trop immense pour être véritable, preuve qu’il comprend sans mal que cette réponse n’est pas celle que Min attendait. Malgré tout, il ne compte pas abandonner son idée, sans doute un peu trop têtu de son côté aussi. « Je vais commencer à remplir ta feuille d’inscription, hm ? » Sans doute une preuve de plus qu’il ne compte définitivement pas changer d’avis - et par extension, qu’il ne compte pas l’abandonner, lui et son autodestruction.

@Swann Craine

« Cinq minutes et pas une de plus. » Min-Kyung ne s’attendait pas à ce que Swann opte pour la troisième proposition. Il resta un peu surpris, réalisant qu’il n’y échapperait pas finalement. Tous les Anglais étaient-ils aussi entêtés que lui? Ce devait être un trait de caractère commun, car l’Angleterre a été, à un moment de son histoire, à la tête d’un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Pour y arriver, il fallait être non seulement entêté, mais également sans pitié, deux traits qui s’appliquaient parfaitement à Swann. Son sourire ne mentait pas. Il savait très bien ce qu’il faisait. « Je vais commencer à remplir ta feuille d’inscription, hm ? » « Après, on se demande pourquoi l’Angleterre a conquis la moitié de la planète… Je reviens. »

Alors qu’il s’éloignait en direction du magasin, Min fut tenté de prendre la fuite. Il pourrait continuer à marcher pour prendre un bus plus loin et rentrer chez lui, abandonnant sa voiture devant la clinique de Swann. Il la récupérerait, éventuellement, sans doute au milieu de la nuit comme un lâche. Il voyait deux problèmes à cette idée. Premièrement, il ne savait pas quel bus prendre jusque chez lui. Deuxièmement, il ne pouvait pas faire ça à Swann. Pour le premier problème, il suffisait de prendre un taxi, une solution à la fois simple et potentiellement couteuse. Quant au second problème… Swann avait tellement fait pour lui, même quand Min n’avait pas été un très bon ami. Sans lui, il n’aurait peut-être jamais eu le courage de faire entrer Lincoln dans sa vie et de rêver d’avoir une famille. Aujourd’hui, ce rêve se trouvait obscurci par ce qui lui était arrivé avec ses parents. En fait, son monde tout entier s’était assombri. Le soleil ne brillait plus autant sur Brisbane. Tous les matins, Min se levait et allait travailler comme il le faisait toujours dans l’espoir que ce malaise finirait par passer, comme un virus qu’il aurait attrapé. Les jours et les semaines passaient et la situation restait la même. Il ne savait plus quoi faire. Puis Min pensa à la façon dont Swann le regardait, comment il avait penché la tête tout à l’heure à la blague sur son autodestruction plutôt que d’en rire. Il savait que quelque chose n’allait pas, mais plutôt que de le pousser à parler, Swann attendait que Min le fasse de lui-même. Voilà qui expliquait toutes ces manigances. Oui, il voulait que Min arrête la course à pied pour le bien de sa santé, mais il voulait surtout lui donner une occasion de s’exprimer. Voilà pourquoi plutôt que de prendre la fuite, il poussa la porte du magasin pour en ressortir avec tout le nécessaire pour nager. Peut-être qu’il lui a fallu un peu plus que cinq minutes, mais il revint au centre aquatique un sac à la main. Les papiers étaient déjà remplis, il ne restait plus qu’à signer et à payer le droit d’entrée.

Quelques minutes plus tard, Min se tenait au bord du bassin en compagnie de Swann. Une section de la piscine était divisée en corridors de nage laissant le reste à ceux qui désiraient nager sans nécessairement multiplier les longueurs. À première vue, ceux qui utilisaient les corridors étaient de très bons nageurs, au point de faire douter Min de ses propres aptitudes, un peu comme un coureur débutant affrontant un habitué des marathons. « Tu en penses quoi? Les corridors ou la partie libre? C’est ton idée, je vais te suivre. »

Pour satisfaire votre curiosité:

« Après, on se demande pourquoi l’Angleterre a conquis la moitié de la planète… Je reviens. » S’il y a bien une chose à laquelle il ne s’était pas attendu qu’on le compare, c’est bien un colon. Malgré tout, il admire la répartie de son ami et en sourit avec un amusement véritable : il est simplement heureux que Min ose partager ce genre de mots avec lui, lesquels auraient aisément pu être mal interprétés dans une amitié de façade. Entre eux, il n’y a rien de ça. « Traîne pas. » Swann rétorque dans un sourire sincèrement amusé. Il lui fait confiance pour revenir et ne pas se défiler de leur sortie sportive élaborée à la dernière seconde ; ce ne serait pas le genre de son ami.

Preuve en est, ils se retrouvent la piscine peu de temps ensuite, enfin parés pour la nage comme l’anglais l’entendait au début. « Tu en penses quoi? Les corridors ou la partie libre? C’est ton idée, je vais te suivre. » Le regard naturellement sombre de Swann se pose sur la piscine et ses divisions, avant qu’il ne le repose sur Min à nouveau. « On peut commencer doucement. » Il juge par ailleurs que ce serait le plus raisonnable pour eux, d’y aller pas à pas plutôt que de vouloir jouer dans la cour des grands dès la première seconde. Après tout, Swann a à cœur de penser que ce n’est pas leur dernier passage dans la piscine et qu’ils auront bien le temps de s’améliorer avant de se frayer un chemin dans les corridors. « Je vais pas faire la fermeture, on y va. » Qu’il lui annonce pour les motiver tous les deux à aller dans l’eau, lui qui sait qu’une fille autant qu’un mari l’attendront chez lui pour partager un repas ensemble. Il a du temps pour ses amis, mais il aura aussi toujours un chez lui particulièrement accueillant où retourner, surtout alors qu’il l’a déjà prévenu avoir un timing à respecter pour aller chercher sa fille chez la baby-sitter.

Swann ne tarde pas davantage avant de se laisser glisser à l’intérieur du bassin, poussant son corps à s’attarder rapidement à la température fraîche qui lui rappelle un brin l’Angleterre. « On se dit quand même que le plus rapide est le meilleur ? » La proposition d’un concours est faite avec un sourire digne d’un adolescent, son regard ne quittant plus celui de son ami. Il cherche à le motiver, il cherche à se motiver aussi, et il apprend à connaître les leviers et les limites de Min qu’il ne connaît finalement pas tant que ça. Tout ce qu’il espère, c’est qu’ils pourront repartir d’ici avec le coeur à revenir plus tard, encore et encore. Au moins, cela lui occupera l’esprit, et cela serait sans doute une bonne chose tant de nombreux sujets semblent le peser sans que cela puisse avoir quoi que ce soit de sain. « La semaine prochaine j’ai mon premier patient qu’à 10h, jeudi. » Ils peuvent revenir ensemble, donc, mais Min peut aussi prendre l’initiative de le faire sans Swann - ce qu’il lui souhaite sincèrement. « Tu me dis après deux longueurs. » qu’il annonce finalement avant de s’élancer dans le bassin, un dernier sourire imprimé sur ses lèvres dont la couleur est altérée par l’eau.

TW : agression - homophobie - rejet parental

@Swann Craine

« On peut commencer doucement. » Min acquiesça d’un signe de tête. De toute façon, aujourd’hui, il n’avait pas l’énergie pour se lancer avec les nageurs plus expérimentés. Il n’était pas certain de pouvoir suivre le rythme et ça serait désagréable pour tout le monde s’il ralentissait le groupe en ayant surestimé ses capacités. En plus, ils avaient moins d’une heure devant eux avant que Swann ne soit rappelé auprès de sa famille. Autant y aller en douceur, question d’avoir envie de répéter l’expérience plus tard lorsqu’ils auront un peu plus de temps, déjà que Min n’était pas le plus motivé des deux au départ.

Min se laissa flotter un petit moment, savourant la sensation de ne plus être sous l’emprise de la gravité. Il aimait nager, mais pas en bassin où il avait l’impression d’être confiné et de tourner en rond. Ça lui faisait penser qu’il devait absolument amener Lincoln à la mer, peut-être même louer une maison pour quelques jours. Ça leur changerait les idées à tous les deux et il pourrait voir l’effet de l’eau salée sur ses bouclettes.

« On se dit quand même que le plus rapide est le meilleur? » Min s’extirpa de ses pensées, délaissant non sans regret des images de Lincoln étendu sur la plage, souriant, avec le vent jouant dans ses cheveux. Swann lui souriait aussi, ce qui lui donnait des airs d’adolescent. Il ne put s’empêcher de le faire en retour, surtout qu’il lui semblait voir l’éclat de la compétitivité briller dans son regard. Dans tous les cas, Swann savait comment le motiver. Min ne refusait jamais un défi même s’il ne croyait pas vraiment en ses chances à la nage. « D’accord. Donne tout ce que tu as. » N’étant pas très en forme aujourd’hui, Swann avait toutes les chances de gagner. « La semaine prochaine j’ai mon premier patient qu’à 10 h, jeudi. » Il planifiait déjà la suite, mais ça n’étonnait pas Min. Swann voulait vraiment qu’il délaisse la course pour une activité plus douce, quitte à le trainer de nouveau par la main jusqu’ici. « Est-ce que ça veut dire qu’on ne fera plus du tout de course à pied? » C’était comme ça qu’ils s’étaient rencontrés peu après son arrivée en ville. Il avait posé la question sur un ton léger qui manquait pourtant de conviction. « Je commence à 8 h tous les matins et Tessa a eu des problèmes de santé récemment. Pour l’aider, j’ai repris pas mal de responsabilités dans la gestion de la clinique… » Min soupira. « Je peux m’arranger », dit-il enfin, conscient qu’il venait de donner tout un tas d’excuses pour se désister alors qu’il savait très bien que ça ne fonctionnerait pas. « Au lieu d’aller courir, on pourrait venir ici. Je ferai arranger mon horaire en conséquence pour que je puisse commencer un peu plus tard jeudi. » Il ne savait pas à quelle heure le centre ouvrait le matin, mais ça ne devrait pas causer de problèmes pour cette fois.  

« Tu me dis après deux longueurs. » « Oui, je surveille ton temps. » Il y avait un gros cadran accroché au mur de la piscine qui servait à calculer le temps. Aujourd’hui, avec les montres intelligentes pouvant aller dans l’eau, ça ne servait plus à grand-chose, mais Min n’avait pas sa montre avec lui. Il regarda Swann s’élancer en faisant des éclaboussures. Sa technique n’était pas au point, mais il y mettait tous ses efforts. Il voulait vraiment être le plus rapide. Au début, le regard de Min passait de Swann au cadran, surveillant son temps. Toutefois, au bout d’un moment, il cessa de surveiller pour se concentrer uniquement sur son ami. Est-ce que c’était le bon moment? Il y avait pas mal de monde dans la piscine, mais personne ne lui prêtait attention. En plus, il y avait pas mal de bruit, personne ne l’entendrait. En même temps, s’il attendait le bon moment, peut-être qu’il ne viendrait jamais.

« Elle m’a lancé un vase à la figure. » Dit-il soudainement alors que Swann venait à peine d’arrêter de nager. Min ne le regardait pas. Il fixait plutôt l’autre extrémité de la piscine. « Ma mère, elle m’a jeté un vase à la figure quand je lui ai dit… pour Lincoln et moi. J’en ai gardé les marques pendant une semaine. Elle a aussi détruit mon téléphone en le lançant au mur. Quant à mon père, il est resté silencieux. Il n’a pas dit un seul mot… » Les gens autour d’eux continuaient à nager et à s’amuser. « J’ai toujours été doué pour faire semblant que tout va bien. Je pousse tout ça dans un coin de ma tête et je continue comme si rien n’était arrivé. Sauf que là, je n’y arrive pas. Les seuls moments où je me sens bien, c’est quand je cours. Ma tête se vide, je ne pense à rien, tout va bien. Enfin, c’était le cas jusqu’à ce qu’on me dise que je ne devrais plus courir. Maintenant, je me sens coupable chaque fois que j’enfile mes chaussures de course, mais je persiste à le faire même si je sais que mes genoux vont en souffrir, parce que c’est la moins pire de toutes les options. Si j’arrête… Si j’arrête, j’ai peur de ce que je pourrai faire. » Cette fois, il regarda Swann. « Je crois que j’ai besoin d’aide. »

« Est-ce que ça veut dire qu’on ne fera plus du tout de course à pied? »
« J’aimerais autant que non. »

Il se montre honnête sur ce point, mais il ne peut pas l’imposer à Min et le sait bien. S’ils n’en font pas ensemble, il pourra encore trouver le temps de le faire de son côté, et l’anglais ne jouera jamais au bad cop au point de le fliquer. Il lui a dit tout ce qu’il avait à lui dire sur ce point et sur le pourquoi du comment cela a tout d’une très mauvaise idée, mais au-delà de ça il sait qu’il ne peut rien faire ou dire de plus, au risque d’engendrer l’effet inverse dans l’esprit de Min. Et dans ses actions ensuite. « Je commence à 8 h tous les matins et Tessa a eu des problèmes de santé récemment. Pour l’aider, j’ai repris pas mal de responsabilités dans la gestion de la clinique… Je peux m’arranger. » Les mauvaises nouvelles viennent d’abord, la capacité de Min à s’adapter vient ensuite. Swann hoche la tête, conscient qu’il ne peut pas tout diriger. « On verra bien, ok ? » Son but n’est pas d’ajouter une pression supplémentaire sur les épaules de Min, après tout, et il serait bien malheureux que cela finisse par arriver par sa faute. Son travail est prenant et Swann le comprend bien, si bien qu’il ne lui imposera pas des fichues séances de natation si cela tire trop sur la corde pour lui. « Je ferai arranger mon horaire en conséquence pour que je puisse commencer un peu plus tard jeudi. » Swann hoche la tête avec un peu plus de conviction. « Vendu. » Et à cela il ajoute un sourire aussi rassuré que rassurant. Au fond, il sait que son ami le connaît assez pour savoir que cette réponse n’est pas encore une assurance et qu’il doit en discuter avec son travail, mais elle n’en reste pas moins un bon début et une source d’espoir.

Leur discussion prend fin lorsqu’ils décident enfin à s’élancer dans la piscine pour faire des longueurs, Swann le premier et surtout le plus déterminé à connaître son temps, si bien qu’il ne prend même pas le temps de reprendre son souffle avant de poser la question. « Combien ? » - « Elle m’a lancé un vase à la figure. » - « Hm ? » Il interroge au moment même où il passe sa main sur son visage pour en chasser l’eau, et plonger son regard encore brumeux dans les yeux de Min ensuite, incapable de comprendre ce dont il lui parle sur l’instant. L’histoire devient plus claire et malheureusement bien plus compréhensible lorsque Min ajoute des détails et des explications à cette dernière, lui avouant finalement la façon dont ses parents ont (peu) accepté la nouvelle de son couple, et surtout de son homosexualité. « Je suis désolé. » Autant qu’il est fatigué de s’excuser à cause d’autrui et de leur fermeture d’esprit, bien incapable de comprendre en quoi la sexualité d’autres peuvent bien les regarder. « Ils te méritent. » Et sur ce point, il refuse de faire dans la demie-mesure et dans la recherche constante d’excuses. Il n’y en a pas face à un tel comportement, il ne peut y en avoir. « J’ai toujours fait du sport pour pas avoir à penser à certaines choses, et la seule chose que je peux te dire c’est qu’ils fonctionnent tous. » Au moins, il n’a pas spécifiquement besoin de course à pied pour ça et il pourrait tout autant trouver la paix dans la natation, ce qui représente un maigre réconfort parmi tout le reste. Mais un réconfort tout de même.

« Si j’arrête… Si j’arrête, j’ai peur de ce que je pourrai faire. Je crois que j’ai besoin d’aide. » Il hoche ainsi la tête, sa propre histoire lui apprenant que de tels mots demandent une force et un courage infini - lesquels il n’a jamais eu, pour sa part. « Je vais te donner un numéro. Sur ce que je peux pas aider. » Il restera son ami, il restera son soutien, mais cela a ses limites et il le comprend plus que jamais depuis qu’il a enfin accepté de voir un psychologue, après avoir fait peur à ses proches maintes et maintes fois. Il n’a pas supporté toute la tristesse dans le regard de son mari lorsque ce dernier a compris qu’il avait recommencé à se scarifier. « Ce que je peux au moins te dire, ce que t’as d’autres familles. » Pas du sang, certes, mais il a des amis, il a un petit-ami, il a des collègues. Il existe un monde autour de lui, et il continuera de tourner, que cela plaise ou non à ses parents. C’est une certitude. « Et que tout va bien se passer. » Il finit par annoncer en souriant. Il aurait aimé qu’on lui dise ces mots, alors il les partage au moins à Min.

@Swann Craine

Min ne pensait pas pouvoir y arriver. Pourtant, il lui avait suffi d’ouvrir la bouche pour que les mots en sortent. À la tête qu’il faisait, Swann ne s’attendait pas à de telles révélations, pas à la piscine en tout cas. La gêne de l’Asiatique était évidente, lui qui détestait embêter les gens avec ses problèmes, mais ce n’était rien comparativement au soulagement qu’il éprouvait, comme si on venait de lui enlever un poids de sur les épaules. Swann savait. À partir de là, Min ne savait pas trop quoi faire, mais une part de lui espérait que les choses iraient en s’améliorant. Elles pouvaient difficilement être pires de toute façon même s’il n’osait pas trop y penser de peur que l’univers voie cela comme un défi.

« Je suis désolé. »  Il ne savait pas comment Swan réagirait à ses révélations, mais il ne s’attendait pas à recevoir des excuses. Min le regarda, étonnée. « Ce n’est pas toi qui m’as lancé un vase à la tête… Tu n’as pas à t’excuser. » Cela dit, il comprenait le sentiment. Swann était désolé que ça lui soit arrivé, que ses parents n’aient pas été capables de faire preuve d’ouverture d’esprit en acceptant leur fils tel qu’il est. Min n’était pas le premier ni le dernier à qui ça arrivait. En ce moment même, quelque part dans le monde, quelqu’un comme lui subissait bien pire encore.

« J’ai toujours fait du sport pour ne pas avoir à penser à certaines choses, et la seule chose que je peux te dire c’est qu’ils fonctionnent tous. »  Min soupira. Swann voulait le convaincre qu’il n’y avait pas que la course à pied qui pouvait lui faire du bien, mais il n’y arrivera pas aussi facilement. Le sport en général permettait d’évacuer le stress, certes, mais rien ne lui apportait autant de paix que la course. Cette paix, non seulement il en avait besoin, il la recherchait désespérément en ce moment. Si Swann ne voulait plus courir avec lui, Min n’insisterait pas. Ce n’était qu’un deuil de plus à ajouter la liste déjà trop longue… « Si tu le dis. » Swann n’aimera sans doute pas sa réponse, mais Min n’avait rien de plus à ajouter.

« Un psy, c’est ça? » Lorsque Swann lui parla d’un numéro de téléphone qu’il voulait lui donner, c’est la première chose qui passa à l’esprit de Min. Ça ou une ligne d’écoute. Il y pensait déjà depuis un certain temps, mais l’idée d’aller dans le bureau d’un inconnu pour lui raconter sa vie et réaliser que son enfance ne fut qu’une longue suite de traumatismes et d’abus… Disons que ça ne lui faisait pas tellement envie même si ça faisait partie du processus de guérison. Et peut-être que ça se voyait sur son visage, car Swann essaya de se montrer rassurant en lui disant que tout ira bien. Min voulait tellement le croire. Dans l’immédiat, il voulait surtout que tout revienne comme avant. « Je n’aurais pas dû le dire à mes parents. Je sais que tout finit par se savoir, mais j’aurais pu continuer à faire semblant. En vivant à Brisbane alors qu’ils sont à Melbourne, c’était faisable… J’ai vraiment tout gâché. »

Swann regarde Min avec une expression empreinte de compréhension et de douceur. Il sait que ce que son ami traverse n’est pas facile, et il ressent une immense empathie pour lui. Les mots de Min, lourds de regret et de tristesse, résonnent en lui. Il se souvient de ses propres luttes pour accepter son homosexualité, de la douleur de se sentir différent et du long chemin qu'il a dû parcourir pour en arriver là. Swann sait combien il est difficile de se sentir rejeté par ceux qui sont censés vous aimer inconditionnellement. « Je comprends ce que tu ressens, vraiment. » dit-il doucement, posant une main réconfortante sur l'épaule de Min. « Ce n’est jamais facile de parler de ces choses, et encore moins avec ses parents. Mais tu n’as rien gâché, Min. Ce n’est pas à toi de porter la responsabilité de leurs réactions. » Swann soupire, cherchant les mots justes pour exprimer ce qu’il ressent. Il veut que Min comprenne qu’il n’est pas seul, que d’autres ont traversé des expériences similaires et qu’il y a toujours de l’espoir, même dans les moments les plus sombres. Il veut qu’il comprenne que, par-dessus tout, il n’est pas le problème. Il veut qu’il comprenne que, à ce sujet, il ne sera jamais le problème.

« Tu sais, j’ai aussi eu des moments où je pensais que j’aurais dû rester silencieux, où je me suis dit que la vie aurait été plus facile si j'avais continué à cacher qui j'étais. Mais à la fin, vivre dans le mensonge, c’est une prison. » Swann regarde Min avec une intensité sincère. S’il avait continué à mentir à ses proches, même par omission, cela aurait fini par le ronger de l’intérieur, bien plus qu’il ne le faisait déjà naturellement lui-même. « Tes parents ont peut-être du mal à accepter ça maintenant, mais tu n’as pas à t’excuser d’être qui tu es. » Il laisse ces mots flotter un instant, espérant qu’ils résonnent avec Min. Il se rappelle de son propre parcours, de la difficulté de s’ouvrir aux autres et de la peur viscérale du rejet. Swann sait qu'il ne peut pas enlever la douleur que Min ressent, mais il veut au moins lui offrir un peu de réconfort et de soutien.

« Il existe aussi d’autres moyens de prendre soin de toi. » Il sourit doucement, tentant de réchauffer l’atmosphère. La course est une bonne idée pour beaucoup d’autres personnes, sans doute, mais la santé de Min atteste que cela ne peut pas être une bonne chose pour lui. Ses genoux lui disent le contraire. En voyant la réticence de Min, il décide de ne pas insister, respectant le besoin de son ami de trouver son propre chemin vers le bien-être et le bonheur. Cependant, il se sent obligé de mentionner une dernière chose, espérant que cela pourrait être utile à Min. « Oui, un psy. » Il hoche la tête avec un air sérieux, sans rien démentir. « Je sais que ce n’est pas facile de parler à un étranger, mais ça peut vraiment aider. Je connais un excellent thérapeute à Brisbane, il pourrait t’aider à faire le point. Et si  c’est pas ce que tu veux pour le moment, y’a toujours des lignes d’écoute. » Ils seront bien mieux formés que Swann à l’exercice, et sans doute bien plus doués aussi par extension. Le blond prend le temps d’une profonde inspiration. « Tu as le droit de te sentir perdu ou en colère. Ou les deux. Mais n’oublie pas que tu n’es pas seul. Il y a des gens qui tiennent à toi et qui sont prêts à t’aider. » Swann y compris, comme le démontre son sourire qui essaye de transmettre un peu de chaleur et d’espoir. « T’as pas à tout affronter seul. » Il termine en regardant Min avec une compassion sincère. Il espère que ses mots ont pu apporter un peu de réconfort à son ami, même si ce n’est qu’un peu. Il sait que le chemin vers la guérison est long et ardu, mais il est déterminé à être présent pour Min, peu importe les difficultés à venir.

@Swann Craine

Min écoutait Swann en silence. Voilà pourquoi il s’était confié à lui. Il savait que Swann comprendrait ce qu’il était en train de vivre et qu’il trouverait les mots justes pour le rassurer. Il avait aussi Lincoln évidemment, mais Min ne souhaitait pas l’inquiéter ni lui causer du stress inutile. Il a la fâcheuse habitude de fumer beaucoup plus lorsqu’il est nerveux et comme il faisait tout pour diminuer sa consommation de tabac, ça pourrait ruiner ses efforts jusqu’à maintenant. Il lui dira, éventuellement. Ce genre de chose ne pouvait pas être caché indéfiniment, surtout pas à un conjoint, mais avant, il voulait aller chercher de l’aide. Comme ça, il pourra lui dire que ça ne va pas, mais qu’il a entrepris des démarches pour aller mieux. La nouvelle serait moins un choc pour Lincoln. C’est ce qu’il espérait en tout cas.

Sa sœur, Doo-na, avait dit à peu près la même chose à propos de la réaction de leurs parents. Ce n’était pas sa faute s’ils avaient réagi comme ça. Une part de lui le comprenait, alors pourquoi ce sentiment d’échec refusait-il de le quitter? Ses parents avaient sacrifié tellement de choses pour lui permettre d’en arriver là où il était aujourd’hui. Tout ça dans le but d’éviter à leurs enfants les misères qu’ils ont vécues. Min avait travaillé sans relâche pour qu’ils soient fiers de lui, mais il y avait une chose qu’il ne pouvait pas leur donner. Il se disait qu’en gardant le silence, ça n’aurait pas fait disparaître Lincoln. Ils auraient continué à être heureux ensemble dans leur petite bulle ici à Brisbane, ses parents à distance jusqu’au jour où la vérité aurait forcément éclaté.

« Est-ce que ça aurait vraiment été un mensonge que de rien leur dire? Tous les gens que je fréquente ici à Brisbane savent que je suis homosexuel. Il y a même une photo de Link et moi dans ma salle de consultation de la clinique. Elle n’est pas en évidence en plein milieu du mur, mais elle est là. Je ne me cache plus comme avant. C’est vrai que ça donne l’impression que je mène ici une double vie, mais au moins que je n’aurais pas l’impression d’avoir constamment un énorme nuage au-dessus de ma tête. Et je dormirais la nuit. J’ai vraiment de la difficulté à dormir en ce moment. »

Dès qu’il fermait les yeux, son cerveau devenait hyperactif. Ses pensées allaient dans tous les sens au point de le garder éveillé. L’épuisement finissait par avoir le dessus, mais ça prenait parfois du temps. À force d’enchainer les nuits courtes, les effets se faisaient sentir.

« J’ai parfois l’impression que tu peux lire dans mes pensées » , dit-il, l’ombre d’un sourire sur les lèvres. « Je vais prendre le numéro du psy. Je n’aime pas l’idée de parler à un pur inconnu, c’est vrai, mais je fais confiance en ton jugement. Je crois que tu ne me le proposerais pas si tu n’avais pas la certitude qu’il peut m’aider. » Min se passa une main sur le visage. « Merci pour tout, Swann. Je ne voulais pas t’embêter avec mes problèmes. Je déteste être un poids pour les autres, mais je ne savais plus quoi faire. J’ai un peu gâché l’ambiance, n’est-ce pas? » Cela dit, il devait avoir remarqué que quelque chose n’allait pas chez lui et qu’il espérait que cette activité en tête à tête le ferait parler. « On devrait peut-être partir. Je n’ai pas l’impression que je vais accomplir quoi que ce soit aujourd’hui et tu as ta fille à récupérer. Je ne veux pas prendre plus de ton temps. On se reprendra jeudi prochain et je promets d’avoir de bonnes nouvelles. » En gros qu’il aura appelé au fameux numéro pour prendre un rendez-vous.