Depuis qu’elle a appris la nouvelle, Harleen navigue la grossesse comme une véritable championne. Elle dort un nombre raisonnable d’heures par nuit, mange des repas équilibrés, s’assure de limiter au possible sa présence aux manifestations moins pacifiques auxquelles elle ne se gênait pas à prendre part par le passé. Elle porte des vêtements confortables, a appris à se masser les pieds convenablement, elle est à l’écoute de son corps et lui offre ce dont il a besoin lorsqu’il en a besoin. Et aussi, surtout, elle est un véritable paquet de nerfs et de larmes ambulant.

Olive devait passer chez Midas, ce jour-là? À peine sortie de sa troisième douche de la journée - Honey est environnementaliste seulement lorsque ses courbatures de mère en devenir ne lui bloquent pas le nerf sciatique au moindre faux mouvement - elle entend la soeur de son petit ami appeler à l'étage. Ou alors elle hallucine, et une fan est entrée par la terrasse, cherche le tiroir de sous-vêtements du chanteur, profitera de son butin pour le vendre en ligne et récolter un pactole. Harls roule des yeux à l’idée, mais sourit tout de même lorsqu’elle finit par reconnaître la silhouette rassurante d’Olive au bout du couloir. Midas n’est pas encore rentré d’une entrevue qu’il devait faire à l’autre bout de la ville, et elle, elle dégouline de gouttelettes d’eau chaude des épaules aux pieds, complètement à poil dans son élan débordant de bienveillance d'être une hôte chaleureuse.

Pouffant de rire, elle file en vitesse à la salle de bain se chercher un peignoir et de quoi essorer des cheveux au passage, avant de repointer une tête dans l’embrasure de la porte. Les yeux de Woody captent de suite ceux d’Olive, et elle jure, elle pourrait lever la main de Dieu et le dire haut et fort à la messe tant elle y croit, qu'elle est heureuse de voir la brunette passer à l’improviste. Sauf que : « C’est à cause de la pollution. » ses joues sont noyées d'un long fleuve de pleurs. Boule de nerfs et de larmes, on se souvient? Harleen est recouverte de peine, la voix rauque. Les sanglots l’étouffent, la prennent à la gorge et l’empêchent de faire autre chose que de blâmer l’environnement, et le capitalisme, et les compagnies de pétrole, et la mafia, et - « Le smog, tout ça. » presque à s’étrangler dans sa tristesse apparue de nulle part, Honey arrive de peine et de misère à retrouver son souffle, les doigts ancrés dans la moulure, les expirations rapides et saccadés qui martèlent sa cage thoracique.

« Dans deux secondes c’est fini. » qu’elle s’entendra rassurer Olive, une poignée de minutes plus tard. Elle se connaît, elle sait que ses hormones s’amusent à lui briser le coeur à outrance. Mais pourtant, c’est comme si chaque fois on lui piétinait le coeur tant les larmes n’en finissent plus de couler.

sorry about the carpet
@Harleen Honeywood ☆ crédit/ stefansalvatored

Olive n'était pas vraiment une habituée du "salut, je débarque à l'improviste", bien au contraire, elle prévoyait absolument tout dans le moindre détail. Alors forcément quand le taxi s'était stationné devant l'entrée du domicile de son ainé, elle avait ressentie un léger pincement au cœur à l'idée de ne pas avoir prévenu. Cela même si elle savait pertinemment qu'elle était toujours la bienvenue chez Midas, quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe. Il n'y avait en plus aucune urgence, hormis son envie dingue de récupérer cette vieille broche qu'elle avait un jour laissé trainer dans la salle de bain. Franchement, c'était une excuse assez débile pour dire qu'elle avait simplement besoin de prendre des nouvelles de son frère. Simplement besoin de venir voir que tout allait bien pour lui et qu'il menait ainsi sa barque tranquille. Il est vrai qu'elle aurait également pu lui faire parvenir un simple message pour prendre de ses nouvelles, cela aurait été peut-être mieux, mais elle avait agit sans réfléchir. Et ça, ça n'arrivait pas souvent. Elle était dans le coin et elle s'était simplement dit pourquoi pas. Cela même sans savoir si Midas était dans les parages. Au fond, elle avait aussi besoin de son totem pour un événement particulier, alors cette babiole lui permettait de faire une pierre deux coups.

A son soulagement, la porte est ouverte, ce qui signifie qu'elle n'a pas besoin de rentrer par effraction chez son ainé. Au mieux, d'utiliser le double de la clé qu'il lui a un jour confié au cas où. Ce qui était aussi une facilité pour Midas de rassurer sa sœur qu'il serait toujours là en cas de besoin. Elle ne voulait pas abuser de sa gentillesse, cela jamais, mais elle admettrait volontiers que sans lui, elle est parfois complétement larguée. Olive n'est qu'un petit bout de femme de vingt-deux ans complétement perdu dans ce nouvel univers. Ses premières années de médecine sont fructueuses mais elle se demande trop souvent si elle a fait le bon choix. Elle commence tout juste sa vie d'adulte et ça l'effraie totalement. Mais bien sûr, ce n'est pas vraiment le sujet de sa venue, et elle ne tardera pas à repartir. C'est promis.

Sa voix s'élève alors qu'elle cherche son frère. Ce n'est pourtant pas lui qu'elle aperçoit au loin et pourtant un large sourire se dessine sur son visage. Même si trop rapidement elle se rend compte que la silhouette à l’apparence d'Eve. Olive détourne le regard en même temps que la jeune femme disparait. Elle ne presse pas le pas, espérant qu'elle puisse avoir le temps de se changer avant de débarquer. Harleen porte bien quelque chose, mais Olive n'a pas le temps de venir la prendre dans ses bras, heureuse de la voir ici, qu'il commence à pleuvoir sur le visage de la brune. Olive fronce les sourcils avant de s'empresser de se rapprocher. « C’est à cause de la pollution. » Olive est perdue et a peur de mal faire les choses, au point que sa main tremble légèrement quand elle vient la déposer sur la joue d'Harleen pour chasser une larme. « Le smog, tout ça. » - « C'est donc si terrible de me voir ? » Elle tente un brin d'humour la jeune Olive, même si ce n'est clairement pas son point fort. « Dans deux secondes c’est fini. » Là-dessus, elle ne pouvait que lui faire confiance ne sachant pas du tout ce qui était la cause de ses flots. « As-tu besoin de quelque chose ? » Un mouchoir, un câlin, que savait-elle, tout ce qui pourrait lui faire du bien peut-être.

« C'est donc si terrible de me voir ? » les larmes ne font que couler de plus en plus, Honey se noie dans sa peine momentanée. Elle éclate de rire, aussi, le mélange est grandiose et gracieux. La chance de ne pas porter de maquillage au quotidien lui sauve le ridicule d’avoir les joues barbouillées de mascara en permanence depuis que le test de grossesse lui a confirmé qu’elle portait l’enfant de Midas. Olive devant elle tente également de rendre la scène un peu plus drôle et Harleen ne la laisse pas pantoise, essuyant ses joues tartinées du revers de la main. « L’enfer. » elle ne pourrait pas plus mentir, elle qui a tout de suite adoré la soeur de Midas à la seconde où elle l’a rencontrée. Il faut dire qu’Harls déteste rarement et lorsque c’est le cas, ce n’est que momentané. Son énergie est dédiée à chercher le bon en qui que ce soit elle peut bien croiser ; persuadée que personne sur Terre n'est vraiment méchant. Sauf les propriétaires d’oléoducs, et les hommes blancs au pouvoir particulièrement lorsqu’ils sont policiers. Le reste passe crème, toujours.

Resserrant le peignoir autour d’elle, Woody reprend son souffle. La peine commence à s’estomper, c’est un bon point, encourageant. Ses hormones apprennent doucement à mieux se comporter en public. Parce qu’on repassera pour le malaise et l’onde de choc d'exploser en larmes au supermarché ou en pleine manifestation environnementale. « As-tu besoin de quelque chose ? » fidèle à elle-même, Olive prend le temps de jauger les traits d’Harls. Doucement, la brunette sent le regard de sa belle-soeur caresser son visage, chercher l’inquiétude, le stress, les réponses. Harls les ignorent elle-même, se laissant plus que jamais porter par ses émotions. Elle n’a jamais vraiment été contre, mais depuis qu’elle est enceinte ses ressentis sont plus forts, plus larmoyants. Elle apprend à vivre avec la larme à l’oeil constamment. « Le plus gros sac de popcorn que t’auras jamais vu et du ketchup. Beaucoup. » joueuse, elle ment à peine, savourant déjà la collation à peine elle y a pensé. Un immense sourire prend place sur ses lèvres, creuse des fossettes au coin de ses joues. Honey arbore son air de méfaits, son expression de petite peste, puis prend la main d’Olive dans la sienne et la serre avec complicité. « Viens, on va fouiller. » ce qui est techniquement faux puisqu’elle habite chez Midas avec Midas et donc, que ce que ses placards contiennent lui appartient autant qu’à lui. Il faudra qu’elle s’y habitue, à ça, d’ailleurs. À ça comme à tout le reste. Avoir un vrai petit ami qui rentre dormir tous les soirs, qui passe son bras autour de ses épaules pour la rassurer et qui pense à ses besoins à elle avant de penser aux siens en permanence, c’est aussi flippant que différent de ce qu’elle connaît. Elle y prendra peut-être goût, un jour. Qui sait.

« Je suis contente que tu sois là. » installée sur l’îlot, Harleen balance ses jambes dans le vide en ouvrant le premier sac de croustilles qu’elle a trouvé. Le popcorn l’ennuyait, finalement, une fois préparé et fraîchement servi. Les chips lui vont mieux. « T’as l’air bizarre. » Une bouchée prise puis une autre, c’est à son tour de scruter Olive d’un oeil. Quelque chose cloche, on dirait.

sorry about the carpet
@Harleen Honeywood ☆ crédit/ stefansalvatored

Peut-être que finalement, c'était le destin qui avait décidé de faire venir Olive chez son ainé. Sinon, elle n'aurait jamais eu l'occasion de tomber sur sa belle-sœur, jamais eu l'occasion d'avoir cet échange imprévu au programme de sa journée. Ce n'était peut-être pas plus mal, et ça lui convenait bien à Olive d'avoir ce moment privilégié avec Harleen. « L’enfer. » - « Je comprends. » Olive grimace avant de lui tirer la langue. Elle sait que ce n'est pas la vérité, autrement la relation avec la brune ne serait pas si facile. Olive s'approche pour la consoler, pour tenter de comprendre ce qui la bouleverse. Elle n'a pas idée à quel point la grossesse alterne les émotions de Harls. La brune voulait comprendre, voulait aider. Peu importe ce que Harleen lui demanderait, elle le ferait. Hormis s'il s’agissait d'un prétexte pour la ridiculiser bien sûr. « Le plus gros sac de popcorn que t’auras jamais vu et du ketchup. Beaucoup. » Olive lui sourit tendrement, la réponse lui ayant même décroché un petit rire franc. Cette proposition lui semble honnête, qui que quelque peu difficile à mettre en place. « Viens, on va fouiller. » Olive serre un peu plus fort la main d'Harleen qui part déjà en direction de son trésor. « C'est un peu la caverne d'Alibaba, tu trouveras forcément ton bonheur. » Au pire, Olive serait prête à prendre le premier taxi venu pour faire le tour de la ville à la recherche du sésame de la jeune femme. Tant que tout cela pouvait lui redonner le sourire, Olive était partante.

« Je suis contente que tu sois là. » Olive lui sourit tendrement, les fesses posées sur le comptoir en face de Harleen. « Alors je suis contente aussi. » Parce qu'elle ne voulait pas déranger Olive, parce qu'elle ne voulait pas être là au mauvais moment. Ce n'était pas prévu après tout alors bon. « T’as l’air bizarre. » Olive se mit à rire à la remarque de sa belle-sœur. Presque vexée qu'elle puisse lui dire cela sans le moindre haussement de sourcil. « Je dois le prendre comment ? » Olive pourrait facilement se vexer, d'ailleurs c'est le cas, mais elle sait qu'avec Harls il n'y a pas de raison. Au pire, elle pourra mettre ça sur le coup des émotions liées à la grossesse. « Et non, tout va bien. » Du moins c'est ce dont elle tentait de se persuader. Après tout, pourquoi ça ne pourrait pas aller alors que tout lui souriait ? « Et toi alors, bébé pousse bien? » Olive était impatiente de découvrir le doux visage de sa nièce. De ce qui deviendrait très rapidement son évidence. Il ne restait que quelques temps à patienter encore avant qu'elle puisse faire sa rencontre. Et puis, cela permettait de changer un peu de sujet aussi. Ni vu, ni connu.