Si cela faisait plusieurs mois que nous parlions de déménager avec Penny et que l'actrice prospectait avec sérieux les annonces, le projet devenait indéniablement plus concret ces dernières semaines, notamment avec le coup de coeur simultané que nous avions ressenti face à une propriété que nous jugions tous deux parfaite pour notre foyer. Les démarches restaient toutefois en cours mais je m'évertuais à vouer un optimisme vers notre départ prochain de Toowong, quartier que j'habitais depuis plus de dix ans. Je sentais le renouveau dans mes tripes, je désirais y croire, tout comme 2024 s'était montré annonciateur de nouveaux départs depuis son début me concernant.

C'est ainsi avec nostalgie que j'avais déposé mobilier, décorations et même petits électroménagers sur un des stands de la gallery of broken hearts. En vedette reposaient les vestiges de ma vie de célibataire et de couple avec mes exs desquels je voulais me défaire et, idéalement, auxquels je désirais donner une nouvelle vie. J'avais longtemps appréhendé quitter cette maison de Toowong pour laquelle j'entretenais un attachement particulier : elle avait été mon premier bien immobilier qui m'avait inoculé une profonde fierté. Elle représentait mon indépendance, mon entrée dans la vie d'adulte, ma marque d'autonomie et de mes premières décisions sans l'obtention de l'aval de qui que ce soit - et notamment de mes parents avec lesquels je n'avais désormais plus de relation. Néanmoins, ce domicile, au-delà de se montrer de plus en plus étroit pour la famille que je fondais avec Penny, regorgeait aussi de mauvais souvenirs. Certains étaient imprégnés dans les objets que je mettais en vente au sein de ce vide-grenier, d'autres perduraient dans la charpente même de la maison. Si Penny avait vite transformé la maison pour en faire un lieu douillet et à l'image de notre couple, il n'en demeurait que je me réjouissais de tourner cette page, de migrer notre vie, notre cocon, dans un espace qui était purement et exclusivement nôtre et auquel nous apposerons nos couleurs dès notre entrée ensemble en son sein. Les souvenirs de mon passé ne hanteraient pas les murs de cette nouvelle propriété : elle ne saurait inviter que notre avenir.

Aujourd'hui, était un jour très particulier. Un jour qui devait marquer un changement notable dans ma vie et me permettre d'enfin tourner pleinement la page de mon passé chaotique. Lorsque j'avais voulu vendre la maison de Bayside, certaines affaires m'avaient parus trop importante pour m'en débarrasser, j'avais donc missionné mon frère pour qu'il les récupère et les garde précieusement. Mais, il était à présent évident qu'il me fallait faire un choix, je devais me concentrer sur mon propre avenir et effacer les fantômes du passé qui hanter toujours mon esprit. Alors quand, Isy m'avait proposé de tenir un stand avec lui pour faire le vide, je n'avais pas beaucoup hésité. Il avait des affaires d'Oscar encore, des vêtements bien trop petits à présent pour Keïla et surtout, les vêtements neufs de cet homme qui avait partagé mon quotidien pendant quelque mois. Je me souvenais encore de la journée que nous avions passés à lui trouver des vêtements au centre commercial. Certains étaient encore neuf et possédaient leurs étiquettes.

J'avais donc rejoint mon frère pour cette journée de nettoyage de nos passés respectif, je savais combien l'exercice allait être compliqué pour moi mais, entièrement bénéfique. Je devais tourner la page et me concentrer réellement sur mes relations du présent et puis, dans le fond, j'avais bon espoir que ça puisse pleinement soigner mon alcoolisme, bien que j'étais sobre depuis plusieurs mois à présent. D'ailleurs, je n'avais pas encore fourni cette information à Isy, ne sachant jamais comment lui avouer la réalité de mon absence et surtout, comment justifier les mensonges que j'avais osée inventer. Un léger soupir fila entre mes lèvres à l'idée de devoir un jour trouver la force en moi pour tout lui avouer. Enfin, peut-être que ça viendrait tout seul ? La conversation serait peut-être naturelle ? Dans tout les cas, il faudra que je passe par là tôt ou tard.

En attendant, je déposais un sourire sur mes lèvres en apercevant le stand où j'allais passer la journée. En voyant mon frère, ce sourire se fit plus sincère et je marchais un peu plus vite pour le rejoindre, faisant virevolter ma robe à fleurs. "Hey !" Je venais déposer un baiser sur sa joue, "Comment vas-tu ?" Depuis mon retour, on avait pas eu l'occasion de passer beaucoup de temps ensemble, alors naturellement, l'idée de passer une journée entière avec lui, me faisait réellement du bien. "C'est donc ici que ça se passe ?!" Je regardais le stand, voyant immédiatement les fameuses affaires. Mon coeur se serra un instant et je prenais une grande inspiration pour retrouver contenance, hors de question de craquer ! Le passé était du passé, place à l'avenir maintenant !

Un air songeur habitait mon visage tandis que j'observais le stand que j'avais monté pour la journée. Des vestiges de mon passé d'un côté, des bribes de celui de Phoebe de l'autre. Les Jensen produisaient le grand ménage de leur révolu pour repartir plus légers sur leur avenir. Si certains objets me ramenaient à des souvenirs que j'avais longtemps jugé trop personnels ou déterminants pour être vendus ou jetés, aujourd'hui, je ressentais le besoin de faire table rase sur ces parts du passé. J'étais serein vis-à-vis de l'idée d'offrir une deuxième vie à ces biens matériels et d'en faire profiter des individus qui en feraient probablement bon usage.

"Salut la globe-trotteuse !" Je taquinais gentiment ma cadette qui me rejoignait, sourire aux lèvres. "Ca va merci et toi ?" Je lui répondais sincèrement. Pendant le périple géographique de Phoebe, je m'étais pour ma part investi dans une épopée thérapeutique. Avec le soutien de Penny et d'Olivia, j'avais entamé des démarches pour suivre une nouvelle stratégie de soins pour lutter plus efficacement contre ma dépression et depuis, je me sentais réellement plus épanoui. Ce résultat n'avait pas été sans peine ni sacrifice, en particulier pour ma conjointe, mais je sentais profondément la différence et j'étais sincèrement heureux d'avoir pu suivre cette thérapie et d'avoir reçu l'appui indéniablement de ma petite amie pour cela. En effet, l'actrice avait assuré les enfants, la maison et même une partie de l'association Run for Judy durant plusieurs semaines et pour cela, je lui en serai éternellement reconnaissant. Je ne m'étais toutefois pas étendu à ce sujet avec ma sœur, bien que je comptais lui en parler quand le moment s'y prêtera.

"Eh oui, voici le point de départ d'une nouvelle vie pour nos souvenirs," je commentais. "Ca fait assez bizarre de voir toutes ces affaires en vente mais d'un côté, ça me soulage aussi," je confiais à ma sœur. "J'espère qu'on fera une bonne vente." Pas autant pour le côté financier, mais surtout pour ce débarras sentimental. "Sinon, je pense que je déposerais ce que je n'ai pas vendu à une association," j'annonçais. Après réflexion, l'idée de revenir à la maison avec ces biens me déplaisait. J'avais vraiment envie, voire besoin, de m'en départir.

Il ne fallut pas longtemps pour que je trouve mon frère devant un stand remplis de nos souvenirs. Des souvenirs douloureux, qui nous ramenais à un passé bien trop lourd et remplis d’angoisses pour ma part. Voir ainsi les vêtements que j’avais soigneusement choisi pour le coréen me serraient le cœur. Mais ainsi va la vie et la mort en faisait partie. Je m’efforçais de sourire alors que mon frère me gratifier d’un petit globe trotteuse, la culpabilité pouvait certainement se lire sur mon visage, mais ça n’était ni l’endroit, ni le moment d’aborder la vérité. Je reculais en permanence l’annonce de la réalité de mon année de quotidien, les pays que je n’avais pas vu et pas foulé une seule seconde. Je trouvais simplement les idées dans les magazines présent à l’hôpital lors de ma cure. Je ne cessais de me sentir pathétique, surtout face à ma famille, ils méritaient la vérité c’était certains, mais comment pourraient ils comprendre mes mensonges. C’était un véritable casse toi et pour l’instant je n’étais pas prête de le résoudre.

Je hochais la tête aux remarques de Isy, je comprenais son besoin de se délester de son passé. Faire le vide dans une maison pour avoir le sentiment de repartir du bon pied. « J’imagine que c’est le mieux à faire ! Il est temps qu’on chasse les démons qui nous ont accompagnés depuis tout ce temps ! » D’un côté avoir vendu ma maison, avait été un grand soulagement et un moyen de balayer une belle partie de mes démons, mais il subsistait toujours quelques uns encore. « Votre projet de nouvelle maison avance avec Penny ? » Bien que je sois partie quelque mois, j’avais suivi tout de même les grandes lignes de la vie de mon frère, comme celle de ma fille. Je n’avais jamais rompu le contact avec eux, ils représentaient bien plus de soutiens que n’importe qui. J’avais bien vu lors de ma relation avec le coréen que mes parents ne seraient jamais dans le soutiens mais, toujours dans le jugement. Il fallait savoir faire le tri dans sa propre famille également. « En tout cas, je trouve ça super cool ! Vous allez partir sur une nouvelle base ensemble ! Et tu élimineras une partie de tes démons aussi comme ça ! » je lui lançais un sourire avant de glisser mes doigts sur le tissu d’un t-shirt appartenant à mon défunt petit ami. Une certaine nostalgie s’empara de moi, mais il était interdit de resombrer dedans. Je me l’interdisais formellement.

J'étudiais quelques instants ma sœur lorsqu'elle me rejoignait, en particulier le rictus qu'elle m'affichait lorsque je la qualifiais de globe-trotteuse. Depuis son retour à Brisbane, je ne pouvais m'empêcher de soupçonner que son voyage ne s'était pas aussi bien passé qu'elle me l'avait assuré. Toutefois, je mettais cette impression sur le compte du motif dramatique de son départ, un point que je préférais ne pas aborder moi-même, ne désirant pas remuer de couteau dans une plaie encore ouverte chez ma cadette. Bien sûr, si Phoebe ressentait le besoin de partager quelconque événement ou sentiment avec moi, je lui serais toute ouïe, mais je ne forcerais jamais quelconque conversation. En attendant, je l'observais en silence tout en m'inquiétant de son bien-être et en espérant que le temps sache panser ses blessures et amoindrir ses chagrins.

« Entièrement d'accord. C'est fou quand même comment on peut s'attacher à des choses qui finalement, nous pèse plus qu'autre chose, » je remarquais, songeur. Dans un sens, c'était se faire du mal inutilement, se rendre esclave de souvenirs dont l'on devrait se délester. Cependant, j'étais devenu assez expert dans la matière de m'attacher à des personnes ou des objets qui m'étaient toxiques, peut-être que ce comportement conservateur relevait de la même racine de problème. « Votre projet de nouvelle maison avance avec Penny ? » J'acquiesçais, un sourire enthousiaste se dessinant sur mon visage. « Oui, normalement, on a trouvé notre futur cocon. J'ai si hâte de déménager maintenant ! » Autant j'avais eu du mal à me faire à l'idée de quitter ma maison de Toowong, autant maintenant il s'agissait de la meilleure chose à faire à mes yeux. Notre nouvelle propriété nous offrirait plus d'espace pour nos quatre enfants, l'environnement où elle se situait était optimal à la sérénité et surtout l'absence de paparazzis amateurs, et elle marquait encore plus cette nouvelle vie que j'adorais bâtir avec Penny. « En tout cas, je trouve ça super cool ! Vous allez partir sur une nouvelle base ensemble ! Et tu élimineras une partie de tes démons aussi comme ça ! » « C'est totalement ça, » je confirmais. Phoebe lisait en moi comme dans un livre ouvert, notre complicité imbattable dès notre plus jeune âge. « Et toi, comptes-tu te trouver un chez toi dans le coin ? » Je questionnais ma sœur, curieux. « Ou as-tu le projet de voyager de nouveau ? » L'avantage du métier de ma sœur était qu'elle pouvait l'exercer un peu partout, à condition d'avoir son matériel de couture avec elle. « Comment se porte ma nièce préférée ? » J'ajoutais. Keila était désormais une jeune femme, mais j'étais toujours soucieux de son devenir, comme sa mère pouvait l'être également.

Le fait de connaître suffisamment mon frère me laissais penser qu’il se doutait de quelque chose. C’était le prendre pour un idiot que de penser le contraire mais, ça n’était ni l’endroit, ni le moment pour moi de parler de la réalité de mon absence. Un jour, il aura toute l’histoire, un jour où je serais confiante et qu’on serait pleinement détendu pour en parler. Toute façon, ce jour arriverait bien assez tôt, je n’en doutais pas. Je préférais donc plutôt tourner la conversation sur autre choses afin de pouvoir dissimuler un peu mon malaise face à sa remarque sur mon voyage. Je hochais la tête, est-ce que ça n’était pas le propre de chaque être humain ? Tellement sentimentale qu’un rien pouvait devenir symbolique ? L’être humain était fais pour croire en quelque chose et si ça n’était pas dieu alors, des petits objets prenaient le relais. Enfin ça n’était qu’une supposition et je serais mal avisé de le penser à haute voix.

Je préférais donc m’enquérir sur la future maison de mon frère et ma belle-sœur, projet qui allait bientôt se concrétiser et j’étais réellement heureuse pour eux. C’était un super projet et ainsi ça allait leur permettre de construire réellement des choses ensemble. Effacer les démons du passé pour laisser place au futur. Un nouveau sourire se dessina sur mes lèvres à l’évocation d’un nouveau chez moi ou d’un futur voyage, « Non plus de voyage pour l’instant… » Après tout voyage rimé avec cure de désintoxication pour moi donc clairement, je ne voulais pas y retourner. « Une maison pourquoi pas…mais encore faut-il avoir le budget…et puis… » Je posais les yeux sur une des chemises sur la table face à nous, « J’ai rencontré quelqu’un…Je ne sais pas encore exactement ce que ça va donner mais, j’aime bien passer du temps avec lui et on se retrouve sur différents points commun. » Je souriais un peu plus à l’évocation de @Ulysse Norrington. « J’aimerais bien faire les choses correctement cette fois et ne pas trop me précipiter…bien que je suis une amoureuse de l’amour c’est indéniable. » je riais un peu, « En plus…il est médecin aux urgences. Étrangement c’est un milieu que je connais bien. » Je donnais un léger coup de coude à mon frère avant de rire un peu.

« Sinon ta nièce va bien…ses études semble lui plaire ainsi que l’internat. Elle vit sa vie maintenant et j’avoue que par moment je me sens un peu seule sans elle. Mais je suis contente qu’elle soit aussi épanouie et qu’avec son chéri ça se passe bien…j’espère juste qu’elle ne fera pas la même erreur que moi. Faut qu’elle profite de sa jeunesse plutôt que d’avoir un bébé maintenant. » Je souriais et bien que je ne regrettais rien, je conseillais à Keila de ne pas vivre la même expérience que j’avais pu le faire, surtout quand on voyait ce que ça avait donné. « Comment vont les petits ? Miss Maia a toujours un fort caractère ? » c’était une bonne chose pour appréhender la vie.