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Anthony ☆  @Charlie Beauregard    

Fin Juillet 2024
« Promis, on sera sage. Je serais sage comme une image et hésite pas à hurler si jamais tu as besoin de moi --- » Allongé dans leur lit à côté de Penelope, ils s’autorisent une courte pause pendant que les jumeaux dorment. Il a beau parler à Pénélope, il voit bien qu’elle est en train de s’assoupir … et que dans quelques secondes, il l’entendra ronfler. Mais il ne lui en parlera pas, pour ne pas se moquer … pas tout de suite, il conserve cette anecdote dans un coin de son esprit pour le sortir au bon moment. Anthony est allongé au côté d’elle … pour rester un petit moment avec elle, ordinateur sur les cuisses, il en profite pour donner un coup de main dans les coulisses. Régler quelques emails, gérer quelques factures. Faire son second boulot, celui d’associé et non celui de père.

Quand on frappe à la porte, il dépose un baiser sur le front de sa petite-amie, qui dort toujours pour finalement se lever et se ruer (ou presque) vers la porte d’entrée qu’il ouvre à la volée après avoir fait signe à son chien de ne pas bouger. Non, ce n’était pas le signe pour une promenade. Bandit se retourne dans son panier, boudeur sans doute. « Le plus beau ! », qu’il lance en venant enrouler ses bras autour de celui qu’il découvre sur le pas de la porte.  « Niquel que tu aies pu trouver un peu de temps dans ton emploi du temps super busy … c’est pas que j’ai le sentiment de me mettre à parler comme un abruti gaga à longueur de journées … mais si, ça ressemble un peu à ça … » Un signe de tête pour lui montrer la direction du salon pour qu’ils y prennent place. Et la scène démontre ce qu’il vient de dire. Des bavoirs, beaucoup trop de bavoirs. Des lingettes. Des couvertures. Un tas de trucs qui ne font pas vraiment de sens mais qui se sont agglutinés ici quand chacun des parents se concentre sur l’un des enfants … car dès qu’un est calme, l’autre se met à pleurer, réveillant celui qui était calmé … ça ressemblait presque à un cercle des Enfers. Sans doute.

Déplorer une naissance était au-dessus des forces de Charlie, et ce même si la naissance en question concernait le couple controversé que formaient Anthony et Penelope. Ce n'était pas sa faute, si son divorce avec Ettie, et la relation exigeante qu'ils entretenaient encore aujourd'hui, avait pris un coup dans l'aile. Il avait toutefois fait le calcul, et il préférait pour le moment ronger son pessimisme et soutenir Tony plutôt que de provoquer lui-même ce qu'il craignait depuis l'annonce de leur relation : être mis à l'écart. Avec des enfants, la disponibilité de son ami était vouée à décliner autant que ses sujets de conversation. Par chance, Charlie adorait les enfants, mais il craignait que ce nouveau mode de vie rende leur amitié incompatible, et leurs réunions beaucoup plus ponctuelles. La proposition de Tony de se voir aussi rapidement après l'arrivée des jumeaux, dans un contexte qu'il n'enviait pas au passé, avait suffi à apaiser ses craintes infondées. Charlie avait accepté avec plaisir, non sans songer que ce genre de soirée pouvait éveiller la jalousie de Penelope, décuplée par la fatigue et les contraintes de la maternité. Comme convenu il était donc passé acheter des bières au supermarché le plus proche de la maison dans laquelle Tony avait emménagé depuis peu, enfourchant sa moto pour l'occasion. Cet emménagement, qui avait lui aussi suscité quelques haussements de sourcil de sa part, comme si son ami se contentait de suivre le plan que Penelope avait imaginé pour eux, dans un ordre qu'il trouvait suspect. Leur couple, il aurait pu s'y faire avec le temps. La vie commune également. Mais le prétexte des enfants lui semblait tout de même excessif. Pour ne pas prendre le risque de perturber le sommeil des jumeaux, Charlie frappa discrètement à la porte. Manquerait plus qu'il sape des heures de bataille pour les endormir et leur permettre une soirée tranquille. Charlie estimait qu'il aurait largement d'autres opportunités de les rencontrer. Tony déboula rapidement sur le pas de la porte, manifestement aussi heureux que lui de partager ce moment trop longtemps repoussé par leurs impératifs respectifs. Il appréciait particulièrement le non événement qu'avait représenté son coming out à Tony, qui ne se privait pas d'agir comme il l'avait toujours fait en sa présence. « Je sais bien que tu parles du pack de bière, mais je vais faire comme si c'était pour moi. » plaisanta-t-il en mettant son offrance en évidence devant ses yeux. « Je trouverai toujours du temps pour toi, t'es un fou. » dit-il en enroulant son bras autour de ses épaules alors qu'ils se dirigeaient vers le salon. Le désordre, aussi mesuré fut-il, le confortait dans l'idée qu'il n'était pas prêt dans l'immédiat à accueillir un bébé. Mais peut-être que des nuits écourtées et une patience mise à rude épreuve rabaisseraient ses exigences de ménage. « On dirait une scène de guerre. J'ai aucun mal à imaginer les hurlements et les couches qui volent dans la pièce. Des jumeaux Tony. Vous faites vraiment pas les choses à moitié. » conclut-il, comme s'il venait soudain de réaliser la nouvelle page qui se tournait dans la vie de son ami. En un battement de cils il était passé du rang de célibataire à père de substitution. Charlie déposa le pack encore frais sur un recoin de table, en délogea deux canettes dont une qu'il tendit à Tony. « Pas de temps à perdre, t'en as besoin. »

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Anthony ☆  @Charlie Beauregard    

Fin Juillet 2024
« Je sais bien que tu parles du pack de bière, mais je vais faire comme si c'était pour moi. Je trouverai toujours du temps pour toi, t'es un fou. » Et, je me sens presque comme à la maison quand il enroule un bras autour de moi. Le retrouver, le revoir, c’est un peu comme me revoir. Le moi qui existe en dehors du rôle du petit-ami « parfait » et désormais du père des jumeaux. C’est un nouveau statut auquel je dois m’habituer et Charlie est la pause dont j’avais besoin. Charlie et les bières qu’il a rapporté. On se dirige vers le salon et j’essaie du mieux que je peux de faire en sorte que ça ressemble moins à un champ de bataille … et plus à un salon mais avec Penelope, on avait surtout tendance à se vautrer dans le canapé, les pieds sur la table dès qu’on avait une minute de libre. « On dirait une scène de guerre. J'ai aucun mal à imaginer les hurlements et les couches qui volent dans la pièce. Des jumeaux Tony. Vous faites vraiment pas les choses à moitié. » Impossible de retenir un éclat de rire que j’essaie d’étouffer en le bousculant doucement. « T’abuses un peu --- franchement là, c’est même plutôt bien rangé … », que je réplique tout en mentant … évidemment que non. Ranger est devenu un concept désuet. « Parfois, ils dorment … », je conclus en me redressant, les poings sur les hanches. J’ai un peu peur d’ajouter « comme maintenant » et d’entendre des pleurs au loin, provenant de la chambre à coucher alors je me retiens et me contente de lui offrir un sourire qui se veut convaincu.

Je me saisis de la canette comme du Saint Graal. « Pas de temps à perdre, t'en as besoin. » Acquiescement d’un signe de tête suivi d’un pshh, douce mélodie à mes oreilles. Je lève ma canette, sans trinquer, et en bois une gorgée avant de me laisser tomber dans le canapé. Si la satisfaction a un visage, c’est le mien en ce moment. « Je sais que ça ressemble à un calvaire, là, vu comme ça mais franchement, c’est pas si mal et on se débrouille bien avec Penne … », je prépare le terrain doucement, « mais promis, je me retiens de te montrer des photos … hors de question que je sombre davantage dans le cliché du papa poule. » Trop tard.

Le ton employé par Anthony n'était pas suffisamment convaincu pour être convaincant, mais il avait eu le don d'amuser Charlie qui rétorqua seulement en penchant la tête sur le côté, exagérant une moue dubitative. « J'imagine que quand ils dorment c'est le signal pour faire la même chose. » déclara-t-il, sous-entendu qu'il ne tenait pas vraiment rigueur à son ami de se laisser aller sur le ménage, la sophistication de ses repas ou même le temps qu'il consacrait pour s'apprêter au quotidien. « Tu vas pas t'endormir sur mon épaule quand même ? » demanda-t-il, comme si le scénario n'était jamais arrivé après des soirées durant lesquelles leur absence de responsabilités n'imposait aucune limite. L'obligation de se lever le lendemain à une heure bien trop matinale devait certainement encourager un certain pragmatisme chez les jeunes parents, qui préféraient sacrifier leur vie sociale plutôt que d'être accusés d'avoir vieilli ou encore d'être trop sages, trop raisonnables. Charlie considérait cette invitation comme la preuve que Tony n'était pas dans cet état d'esprit, si bien qu'il se demandait si ses craintes étaient palpables à ce point, ou si ce n'était qu'un leurre pour faire passer la pilule. Il ne s'était pas gêné pour remettre en doute la précipitation avec laquelle son ami se lançait dans cette relation, que toutes les années d'amitié intense qui lui avaient précédé ne semblaient inquiéter que lui. Face aux doutes de Charlie, Tony avait-il vraiment le choix de feindre l'assurance, au risque de perdre cette bataille pour persuader le monde que Pen et lui avaient eu raison de franchir ce pas. Tony connaissait suffisamment l'obstination de son ami pour ne pas le laisser s'engouffrer dans la moindre hésitation de sa part. Ce soir, ces préoccupations paraissaient loin, même si elles flottaient insidieusement autour d'eux. Charlie s'autorisa à lâcher un peu de lest, à se contenter de passer un bon moment en compagnie de son ami sans l'ombre du jugement pour planer sur ses discours souvent moralisateurs, jamais très objectifs. Ils levèrent leurs canettes au doux son du gaz qui se libérait de sa cage en aluminium, avant d'en avaler une première gorgée et de s'avachir en parfaite synchronisation dans le canapée. « J'ai aucun doute que vous gérez, de toute façon je suis personne pour juger des parents, et encore moins de jumeaux. » dit-il pour rassurer Tony. Lui n'était qu'un oncle qui ne partageait que les bons moments avec les enfants, pas les crises des premiers mois, ni les crises de nerfs du quotidien. Il avait bien gardé ses nièces et neveux plusieurs nuits, mais il y avait toujours ce soulagement quelque part de savoir que c'était temporaire et qu'il pourrait ensuite retrouver le cours de sa vie. « Allez vas-y, sors les photos qu'on en finisse avec ça. En plus j'ai vraiment envie de voir. » insista-t-il, sceptique face à la capacité de Tony de s'éloigner des clichés du papa poule. Il était beaucoup trop investi pour ça, et ce depuis l'annonce de la grossesse. « Penelope compte nous rejoindre ou pas du tout ? Elle m'en voudra pas si je vais pas dire bonjour ? »

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Anthony ☆  @Charlie Beauregard    

Fin Juillet 2024
« J'imagine que quand ils dorment c'est le signal pour faire la même chose. » « Ou prendre une douche … », je précise en roulant des yeux. c’est fou comme notre vie s’est transformée. Tout se cale selon le rythme des jumeaux et le programme est assez chargé, on ne va pas se mentir et faire comme si on parvenait à jongler comme des pros. « Tu ne vas pas t’endormir sur mon épaule quand même ? » « Je peux rien te promettre mais je vais faire de mon mieux - promis », et je lève les mains pour finalement en poser une sur mon cœur en signe de promesse, un sourire idiot aux lèvres. Bosser dans la restauration est plutôt pas mal quand on y penser. Ne dormir que quelques heures, travailler sous pression continue, ça m’avait donné de bonnes bases pour tenir le coup et surtout, je me disais qu’on avait de la chance qu’ils soient juste des nouveaux nés, une fois qu’ils se mettront à courir partout … ça sera sans doute bien différent.

Je m’enfonce un peu plus confortablement dans le canapé, étend même mes jambes sur la table basse. « J’ai aucun doute que vous gérez, de toute façon je suis personne pour juger des parents, et encore moins de jumeaux. » Je lui offre un sourire qui veut dire merci avant de boire une longue gorgée. « Allez vas-y, sors les photos qu'on en finisse avec ça. En plus j'ai vraiment envie de voir. » Je sursaute presque et me redresse aussitôt, enlevant mes pieds de la table pour aller chercher mon téléphone portable, scroller comme un malade et le lui tendre. « T’as vu comment ils sont chous ? Je veux dire … là, comment ils se cherchent, se tiennent la main … », je lui dis en commentant chaque photo qu’il regarde. Forcément mon regard ne voit que ces moments magiques … je ne pense pas de manière rationnelle au fait que ce ne sont pas vraiment mes enfants et que les commentaires faits au sujet de nouveau-né est souvent : à qui ressemble qui ?! « Penelope compte nous rejoindre ou pas du tout ? elle m’en voudra pas si je vais pas dire bonjour ? » Je ris. « Nan, t’inquiètes, elle est en train de dormir… la nuit a été assez agitée. » Je reprends place à côté de lui, récupérant mon téléphone car je vois bien qu’on ne va pas s’étendre très longtemps sur ces clichés.

« Je les ai reconnus, Charlie. On a officialisé la décision quelques semaines avant leur arrivée … je suis le père, de manière officielle …. » Je balance la bombe à la Lewis. Arracher le pansement dans un cri … puis le silence.

« Ah ouais, t'en es réduit à ça. Attends je vérifie s'ils ont dormi aujourd'hui. » dit-il en se penchant pour faire mine de renifler son ami. Pas d'odeur désagréable à déplorer, visiblement Tony avait encore assez de respect pour Charlie pour prendre le temps de se doucher avant de l'inviter à s'installer sur son canapé. Alors qu'Anthony s'enfonçait un peu plus dans le dossier pour étendre ses jambes, Charlie resta droit comme un piquet. Non pas qu'il ne se sentait pas à sa place, même si de fait il avait un peu l'impression tenace d'être un intrus sous le toit de Penelope lorsque cette dernière n'était pas présente ne serait-ce que pour valider sa présence, mais parce qu'il était trop maniaque pour poser ses pieds sur une table. « Ok mais juste bave pas s'il-te-plait, ça me dégoute. » implora-t-il en blaguant qu'à moitié. Charlie tâcherait de ne pas raconter d'histoire trop barbante, au risque de provoquer l'effet d'une berceuse chez Tony, qui semblait malgré tout tenir le coup. Il avait l'air plutôt en forme, monté sur un ressort, ce qui n'étonnait Charlie qu'à moitié. Ils n'étaient pas si proches pour rien. Il s'éjecta presque du canapé pour s'emparer de son téléphone, achevant de prouver qu'il se délectait de ce rôle de père qui lui était un peu tombé au coin du nez, et que n'importe qui d'autre que lui aurait pu fuir. Charlie espérait au moins que Pen se rendait compte des efforts et des sacrifices qu'il faisait pour leur relation, car de son côté elle semblait enchainer les stratégies irréversibles pour lui mettre le grappin dessus. Ou lui faire prendre ses jambes à son cou, ce qui ne fonctionnait visiblement pas.

« Ils sont d'autant plus chous qu'ils te ressemblent pas... trop tôt ? » dit-il, taquinant son ami sur le fait que, pour des enfants qui n'étaient pas les siens, ils suscitaient chez lui un drôle d'enthousiasme. Peut-être était-ce simplement l'idée de construire quelque chose avec Pen, en tout cas il y avait un calcul qui échappait à Charlie dans cette équation. « Mais franchement j'avoue, ils ont l'air adorable comme ça. J'imagine que vous allez faire ces clichés niais qu'on voit dans les films pour décorer la maison. » Ils étaient sur la bonne voie en tout cas. Rassuré de ne pas subir les foudres de Penelope, Charlie s'autorisa à boire une nouvelle gorgée de bière, tandis que Tony s'installait à nouveau près de lui. Sa nouvelle confession, qui sortait de nulle part, expliquait finalement pourquoi Tony avait insisté pour le voir. Il savait bien que Charlie aurait détesté apprendre cette nouvelle de la bouche de quelqu'un d'autre. « Attends tu as... quoi ? » s'étonna-t-il en s'inclinant pour reposer sa bière sur la table. Heureusement qu'il avait déjà dégluti, car il aurait difficilement pu se retenir de cracher ou de s'étouffer. « C'est une caméra cachée, Ezra et toi vous jouez à qui aura ma peau. » essaya-t-il de se convaincre en observant tous les recoins de la pièce. Pourquoi tous ses proches avaient des idées aussi absurdes pour ruiner leurs vies ? « T'es sérieux Tony ? » demanda-t-il à nouveau, tentant de déchiffrer le moindre signe d'espièglerie dans ses yeux. Mais rien. Juste la déception, ou la confirmation, de constater que Charlie trouvait qu'il allait beaucoup trop loin dans cette affaire. « Putain t'as l'air sérieux. Pourquoi t'as fait ça ? Je veux dire, à long terme peut-être mais pourquoi maintenant ? Ils doivent bien avoir un père ces enfants. » Un père biologique, aurait-il préféré dire s'il n'était pas si sidéré à cet instant.

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Anthony ☆  @Charlie Beauregard    

Fin Juillet 2024
« Ils sont d'autant plus chous qu'ils te ressemblent pas... trop tôt ? » Je manque de m’étouffer avec la gorgée de ma bière si bien qu’un peu de bière s’échappe de mes lèvres en un jeyser. Je me penche en avant pour m’emparer d’un bavoir et essuyer mes lèvres dans un éclat de rires. « Il est jamais trop tôt pour s’foutre de moi, non ? » que je réplique d’une voix rieuse. A mes yeux, ce n’est pas trop tôt. Il n’est jamais trop tôt pour digérer les informations gênantes avec humour. Le meilleur des remèdes. « T’as une sage femme qui trouvait que Matteo avait quelques-uns de mes airs --- mais à moi, on ne la fait pas, Charlie, à vrai dire, ils se ressemblent un peu tous. » Et je prends une nouvelle gorgée de ma bière, reposant le bavoir sur la table.

« Mais franchement j'avoue, ils ont l'air adorable comme ça. » « Ah ! Tu vois ! » « J'imagine que vous allez faire ces clichés niais qu'on voit dans les films pour décorer la maison. » Je relève la tête pour fixer un des murs vierges et m’imaginer un portrait des enfants. Est-ce qu’on allait être ce genre de personnes ? Possible. A vrai dire, je nous voyais plus comme la famille qui affiche les portraits de famille ratés sur ces murs, les grimaces, le doigt dans le nez d’un enfant de quatre ans, ouais … la vraie vie quoi. « T’emballes pas, on est pas non plus des clichés ambulants. » Et je lui donne un petit coup de coude … impatient d’être noel pour lui envoyer une carte de vœux avec nos têtes dessus. Rien que pour lui.

« Attends tu as... quoi ? » J’affiche une bouille innocente, lève même les bras comme pour lui faire comprendre que je n’avais pas pu faire autrement. « C'est une caméra cachée, Ezra et toi vous jouez à qui aura ma peau. T'es sérieux Tony ? » « Jamais été aussi sérieux de toute ma vie, je crois. Et j’ai bien fait de te le dire sans Pen dans les parages parce que putain --- va falloir bosser sur ta tête des bonnes nouvelles », lui dis-je sur un ton taquin, sachant pertinemment qu’il s’inquiète pour moi. « Putain t'as l'air sérieux. Pourquoi t'as fait ça ? Je veux dire, à long terme peut-être mais pourquoi maintenant ? Ils doivent bien avoir un père ces enfants. » « Un père biologique tu veux dire, » je précise, « j’ai moi aussi suivi des cours de biologie, ouais. Ils ont un père biologique … inconnu. Que je les reconnaisse maintenant ou plus tard, ça change quoi exactement ? Je suis convaincu, persuadé, de faire la bonne chose. Charlie », une tape du plat de la main sur le bras, « j’ai jamais été aussi heureux de toute ma vie. Je te le promets. T’as pas à t’inquiéter. C’est niais, fou, je sais mais c’est comme si --- c’était ce que j’avais attendu toute ma vie … »

Même les blagues les plus impertinentes trouvaient grâce auprès de Tony, parce qu'il avait cette exceptionnelle propension à l'autodérision qui faisait souvent défaut à Charlie. Sa complaisance était sa plus belle qualité autant que son plus gros défaut, le plaçant dans des situations inconfortables simplement par manque d'indignation ou de fermeté pour poser des limites par ailleurs si simples à franchir. Charlie savait très bien se révolter pour les autres, mais il avait tendance à ne pas se rendre compte lorsqu'il jouait lui aussi les bourreaux. « Ni trop tôt ni trop tard. Mais je sais que je vais trop loin parfois, alors t'as le droit de me dire de la fermer. » l'autorisa-t-il, comme si Tony s'était déjà privé de le remettre à sa place. Ses proches le faisaient sans se faire prier. Savoir lui tenir tête était même un impératif pour rester dans sa vie. L'observant se débarbouiller, Charlie avala quelques gorgées de bière en guise de provocation. « Une sage femme a dit ça ? Genre à la naissance ? Et c'était censé être un compliment ? » s'étonna-t-il, se grattant la tête avec un air penaud. Comme le disait son ami, tous les nouveaux nés se ressemblaient, et c'était d'ailleurs un peu démesuré d'affirmer qu'ils ressemblaient à quelque chose. Mais Charlie n'était pas non plus très objectif, il l'avait prouvé à chaque naissance de ses neveux et nièces, capables lui aussi de trouver des airs ou des compliments à accorder aux parents. Malgré des allures de champ de bataille, la maison renfermait un potentiel de petit nid familial que Charlie pouvait déceler en un coup d'oeil. Et il suffisait de voir à quel point Tony était passé du statut de célibataire à père de substitution en si peu de temps pour réaliser qu'il ignorait lui-même ses inclinaisons aux niaiseries dont faisaient preuve les parents. « Vous êtes pas ENCORE des clichés ambulants. Par contre si vous les habillez pareil, je te jure que je t'en mets une. » dit-il avec un sourire en coin, se doutant que la tentation serait vraiment forte.

S'il y avait bien un domaine dans lequel Charlie était mauvais, c'était pour faire semblant. Il avait trop d'opinions sur tous les sujets pour ne pas les exprimer sur son visage. Ce qui n'avait pas échappé à Tony, qui venait de confirmer à demi-mot que Penelope en voulait bien à Charlie pour une raison qu'il n'avait jusque là pas réussi à identifier. « Je savais qu'elle m'en voulait pour quelque chose, j'ai fait une tête quand vous avez annoncé votre couple c'est ça ? Je m'en souviens pas, et franchement j'étais content pour vous. » assura-t-il en opinant. Il avait eu des réserves, mais quel hypocrite serait-il de ne pas se réjouir de voir des amis de longue date passer à l'étape supérieure quand il avait fait exactement la même chose avec Ettie. Il se détestait parfois pour ça, d'avoir juste enfoncé le clou de l'argument qui affirmait que l'amitié entre hommes et femmes n'existait pas, mais se consolait de voir où ils en étaient aujourd'hui tous les deux. Tony n'avait pas l'air en colère face à la réaction de son ami, ce qui ne l'étonnait pas outre mesure. Il était beaucoup trop gentil pour endosser ce rôle. « Moi je crois que ça change quelque chose Tony. Je dis ça pour toi, j'ai aucun doute que t'es heureux mais il va se passer quoi si le père débarque dans quelques années et qu'il exige de nouer un lien avec les enfants ? » demanda-t-il, véritablement inquiet à l'idée que son ami se sente rejeté parce qu'il n'avait pas de lien de sang avec ces enfants. On avait beau raconter ce qu'on voulait, la pression biologique était réelle. Tout le monde avait ce besoin impérieux de connaître ses origines. « J'ai pas envie que tu te retrouves sur la touche alors que t'as tout donné depuis le premier jour. C'est toujours les mecs sympas qui trinquent, et je vais pas supporter te voir mis de côté si Pen est obligée d'intégrer le père dans sa vie. Elle sait vraiment pas qui c'est ? »