Scarlett savait que Jo lui donnerait du fil à retordre, qu’elle ne serait pas une cliente facile, comme les autres qui se laissent convaincre ou manipuler autour d’une tasse de thé et un rendez-vous. Scarlett aime le challenge, elle se sentait prête, parrée à faire face aux humeurs de la chanteuse, à ses envies tranchés et sa verve piquante. Mais Scarlett n’aurait pas imaginé - erreur de sa part - qu’une fois le contrat signé, Jo lui claque dans les doigts et disparaisse pendant un mois à l’autre bout de la planète sans prévenir ni donner de nouvelles. Ce n’est pas illogique au vu du personnage, s’est dit Scarlett, à la fois agacée de n’avoir pas pu anticiper, et amusée par cette situation presque ironique. L’anglaise est familière avec les désirs de fuite, ne juge pas Jo, même si elle ne peut pas s’empêcher d’estimer que les obligations professionnelles, surtout du niveau de Jo, demandent une forme d’engagement et de sérieux. Ou du moins plus de sérieux que ça. Mais bon, ça, Scarlett compte bien le garder pour elle-même, pour l’instant. Elle ne dira rien, mais n’en pense pas moins, en somme.

Le rendez-vous avec Jo a été fixée à coup d’assistante interposée, et aura lieu à l’agence. C’est la moindre des choses, se dit Scarlett, que Jo vienne à elle après avoir fui toute sa vie et son équipe à des milliers de kilomètres. Scarlett s’est préparée, professionnelle comme à son habitude, demandant à son équipe de préparer un report sur l’opinion des internautes et les divers articles de magazine au sujet du départ de Jo, tout le monde y avait trouvé quelque chose à dire - elle fait sa diva ou son breakdown, elle a rompu avec Midas, elle est partie tourner un clip, etc etc. Le silence radio instagram n’a pas été à calmer les théories et inquiétudes, et comme à chaque fois, Scarlett se fait la réflexion qu’elle ne supporterait décidement pas d’être connue et observée par des illustres inconnus qui voudraient commenter chaque détail et décision de sa vie. Et maintenant qu’elle a les avis de la terre entière sur ce qui se serait (ou non) passé, Scarlett a presque hâte de revoir Jo, de pouvoir sonder d’elle-même la situation et comment la chanteuse l’appréhende.

L’assistante de Scarlett lui signale l’arrivée de Jo, qui débarque quelques minutes plus tard dans son bureau, pimpante comme à son habitude, le teint légèrement plus hâlé mais les yeux toujours un peu cernés. Scarlett se lève pour aller à sa rencontre, sourire en coin et air poli vissé sur ses traits. Le bonjour et autres banalités sont échangées, et Scarlett fait un signe vers un coin de son bureau où est installé deux fauteuils et un canapé, autour d’une table basse ; un endroit plus détendu pour discuter et échanger qu’avec un bureau entre Scarlett et ses clients. « Tu veux quelque chose à boire, thé, café ? » Propose Scarlett alors qu’elle s’installe sur l’un des fauteuils, son dos bien droit. « Alors, c’était bien, l’Espagne ? » Elle demande, pas du genre à passer par quatre chemins.


@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

"On pourrait pas plutôt faire ça dans une autre configuration ?" Jo était arrivée précédée par le claquement feutré de ses talons compensés sur le marbre brillant des locaux de Tried & True avec la volonté évidente de démontrer qu’elle était bel et bien de retour, aussi redoutable qu’elle était fraîche, évidemment. C’était le cas depuis près d’un mois maintenant, qu’elle était de retour, et bien que sa présence dans les médias avaient été discrète, très discrète, voire quasi-inexistante en dehors des rumeurs habituelles qu’on colportait toujours sur ses fesses et celles de ceux qui constituaient son entourage proche, elle n’était pas moins active pour autant. Elle travaillait dur, que ce soit durant les répétitions de sa petite tournée qui débuterait dans quelques semaines à peine, que sur les dernières ajustements des titres que son label prévoyait d’ajouter à la version Deluxe de son album en plus des titres plus confidentiels qu’elle avait écrit en cure, ou encore sur ce qui l’avait amenée à l’autre bout du monde pour faire de la méditation et toutes les alternatives possibles, et relativement ludiques, à la thérapie. Cette putain de thérapie d’ailleurs, qu’elle suivait trois fois par semaine ici aussi. Elle en chiait à cause d’elle, et c’est pourquoi elle demanda à Scarlett, dès son arrivée, pas adepte de la manie qu’avait le monde entier d’être poli et d’arrondir les angles, de ne pas lui imposer ce cadre à la con, les deux fauteuils agencés autour d’une table-basse lui rappelant des souvenirs bien trop frais pour que ça ne la mette pas un peu mal à l’aise de s’y risquer de bon gré. Elle avait l’impression que si elle posait son cul moulé dans un bout de tissu jaune pâle à 1000 boules (alors qu’on lui voyait le fond de la culotte, mais au moins elle en portait une aujourd’hui, c’est ce qu’il fallait retenir et congratuler), elle serait forcée de dégueuler ses émotions pour en faire le tri et mettre à nu ce qui lui pesait toujours sur le coeur, sur la conscience et sur tout ce qui établissait le fait qu’elle n’était pas un robot doté que de deux commandes, et c’était le traumatisme et la névrose.

Elle n’avait pas envie de ça maintenant, elle avait juste envie de se mettre au travail, et d’avancer au lieu d’être poussée dans ses retranchements au point d’en perdre le sommeil et de se demander si elle ne devrait pas plutôt se recentrer sur ce qu’elle savait faire de mieux, sur ce qui lui avait sauvé la vie en définitive, même si ça la lui avait compliqué aussi : mordre pour qu’on la laisse tranquille "C’est bon, tu vas pas t’y mettre toi aussi." Elle mordait un peu là, pas assez patiente pour qu’on lui impose à nouveau une leçon de morale au sujet de sa fuite en avant. Elle avait essuyé assez de critiques à ce sujet, elle avait fait assez de mea culpa pour avoir le droit de se rebiffer quand on considérait ça comme étant opportun de tourner tout ça en dérision alors qu’elle faisait des putains d’efforts pour ne pas vriller pour de bon. Elle posa son sac sur la table-basse devant laquelle elle refusait de s’assoir, alla jeter un oeil au travers de la baie-vitrée qui constituait une bulle solide autour du bureau de la jeune femme qu’elle était venue voir aujourd’hui, et à qui elle fit après avoir pris une discrète respiration pour apaiser ses ardeurs "Y a pas un dicton qui dit qu’il n’est jamais trop tôt pour le champagne, ou une connerie de ce genre ?" Elle ne buvait pas, Jo. Que très occasionnellement, en tout cas, mais pour sauver les apparences, elle était prête à le faire au goulot, si ça lui permettait de faire bonne figure. Elle trouva même l’excuse parfaite pour que Scarlett, au lieu de lui remonter les bretelles, adhère à son plan, aussi l’air de ne pas y toucher, repoussant le rideau épais de ses cheveux bruns détachés pour les replacer entre ses omoplates, elle lui fit après avoir repositionné sa frange du bout des doigts sur son front "Quoi, on a un truc à fêter, non ?" Son retour en l’occurence, et c’était ça, son excuse parfaite.

Jo semble agitée, refusant de s’asseoir, arpantant le bureau, un papillon dont les ailes frénétiques cherchent tantôt à se coller à la lumière avant de la fuir. "On pourrait pas plutôt faire ça dans une autre configuration ?" Scarlett lève un sourcil, curieuse devant la remarque. « C’est généralement dans un bureau que l’on échange, surtout pour des questions de confidentialité, mais on peut aller marcher dehors, si tu préfères », elle répond, à la fois un peu blasée mais sincère. « Il y a un rooftop en haut de l’immeuble, sinon », elle propose. C’est l’avantage d’avoir une agence dans un bel immeuble de Spring Hills, avec parking, salle de sport, rooftop et restaurants. Scarlett préfère habituellement les rendez-vous de travail dans son bureau ou une salle de réunion, ne serait-ce que pour être tranquille, loin des oreilles qui trainent, au vu des sujets que Scarlett aborde généralement avec ses clients. Mais Jo serait bien le genre à ne rien vouloir faire comme les autres, et Scarlett s’adapte et se plie sans trop de difficulté - ce n’est pas la lune, cette demande, plus facile d’y répondre qu’aux questions de Scarlett, apparemment, vu l’attitude de Jo qui se braque rapidement.  

"C’est bon, tu vas pas t’y mettre toi aussi." Jo réplique, agacée, et Scarlett a un léger mouvement de tête, comme si elle s’écarquait d’une araignée qui pourrait piquer. Elle a un sourire en coin, pas le moins vexée par l’attitude de Jo : elle ne s’était pas attendue à moins de sa part. « Quoi, on prétend que les dernières semaines n’ont juste pas existé ? » Elle demande, pas du genre à jouer les fausses innocentes. Elle n’est pas là pour faire la leçon à Jo, qui est assez grande pour savoir que ses actions ont des conséquences, et que le job de Scarlett consiste aussi à discuter des choix qu’elle a fait.

"Y a pas un dicton qui dit qu’il n’est jamais trop tôt pour le champagne, ou une connerie de ce genre ?" Scarlett penche la tête, surprise du changement d’attitude de Jo, et de sa proposition ; elle n’a pas oublié leur conversation à LA, elle sait que Jo n’est pas spécialement du genre à célébrer avec de l’alcool, c’est pour les occasions vraiment spéciales, et Scarlett ne sait pas comment interprêter ce revirement de situation. Elle doit avoir l’air assez surprise, car Jo agite ses cheveux, sourire pseudo-innocent en coin. "Quoi, on a un truc à fêter, non ?" Scarlett voudrait répondre qu’il ai vrai qu’elles n’ont pas eu le temps de trinquer à leur collaboration, puisque Jo est partie si vite, mais elle suspecte Jo de faire référence à son retour, plutôt qu’au contrat signé, et de ne pas aimer non plus qu’on remette encore sur le tapis cette histoire d’Espagne. Elle se lève, et se dirige vers son bureau, sur lequel un petit interrupteur ouvre la communication avec l’une de ses assistantes. « Deux coupes de champagne », elle ordonne. Scarlett n’est pas du genre à aimer boire, mais elle a l’habitude de trinquer dans le domaine professionnel, et de boire deux gorgées, pour qu’on la pense sur la même longueur d’onde, avant d’abandonner discrètement sa coupe quelque part. Elle joue le jeu, avec Jo : deux minutes plus tard, pas plus, et une petite blonde rentre dans le bureau, plateau à la main, deux coupes de cristal dessus. Scarlett les attrape, en tend une à Jo, qui n’est toujours pas assise. « Alors, à quoi on trinque ? Ton retour ou ton envolée espagnole ? » Elle demande avec un sourire. « Car ça t’a fait du bien, non ? »


@Jo Carter  

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"On serait pas un peu paranoïaque, Scar ?" Pour brandir la confidentialité comme une carte joker ? OK, elles évoluaient dans un monde où le secret faisait légion, mais demander à ne pas rester enfermée lors d'un entretien professionnel, ce n’était pas non plus une conjoncture qui nécessitait qu’on lui rappelle qu’elle était susceptible qu’on la traque, qu’on l’épie, qu’on l’écoute, qu’on la trahisse — elle le savait, elle partageait la vie de quelqu’un qui vivait avec ce poids sur le coeur au point d’en cacher la chose la plus précieuse qu’il avait au monde, elle avait une idée plutôt précise de ce qu’elle risquait. Cela dit, au plus elle évoluait dans ce milieu, au plus elle avait l’impression que c’était ceux qui le dirigeait qui nourrissaient les angoisses et les névroses des pions qu’ils tachaient de déplacer selon leur bon vouloir… pour mieux les contrôler ? La question se posait. Toujours est-il que Jo n’était pas un putain de pion, et qu’elle avait assez morflé ces derniers temps pour vouloir ajouter la paranoïa à son panel de contrariétés, quand bien même elle n’était pas sans savoir qu’il y en avait certains qui n’attendaient qu’une chose et c’était qu’elle faillisse pour de bon pour la vendre en pâture et danser sur ses restes fumants ; qu’ils aillent se faire foutre, elle avait bataillé pour retrouver sa liberté à l’époque, quand elle avait quitté sa campagne et ce putain d’environnement toxique qu’avait été sa cellule familiale, ce n’était pas pour se faire mettre en cage quelques années plus tard, surtout pas à son âge. Scarlett lui offrit tout de même une alternative, laquelle lui plaisait davantage que ce simulacre de séance qu’elle n’avait pas envie de subir aujourd’hui. Dans un grand sourire imparfait, bien qu’éclatant, mi-sincère mi-parfaitement hypocrite, elle tournoya sur ses talons beaucoup trop hauts, et dans une grande ouverture de bras gracieux, elle lui répondit avec un enthousiasme aussi feint que le reste "Alors, allons-y, chérie." Chérie, à la française, pour marquer le sarcasme et sa volonté de rester en plein contrôle de la situation.

Elle soupira fort au travers de sa mine de bout-en-train du dimanche, finit  par l’abandonner au profit d’un roulement d’yeux ostentatoire, ses bras écartés retombant mollement contre ses hanches, lorsqu’elle entendit la question de Scarlett qu’elle choisit de prendre comme tout le reste : soit pas très sérieusement malgré l’agacement évident qu’elle ressentait, se sommant de ne pas bondir pour lui rappeler qu’elle avait le droit à l’erreur, qu’elle avait aussi le droit de considérer n’avoir de compte à rendre à personne. Sauf qu’elle avait tout de même laissé une équipe complète sur le carreau, alors sur ce point, peut-être qu’elle se racontait des histoires pour ne pas creuser plus profond encore dans le sentiment de culpabilité qu’elle traînait comme un boulet depuis la fin du mois de mars — quatre mois étaient passés merde, le temps passait si vite. Elle se ressaisit, haussa les épaules en même temps qu’elle s’avançait vers la jeune femme "C’est pas ce que j’ai dit." Pourquoi détournait-on toujours ses paroles ? "J’ai dit que c’était pas nécessaire d’en faire tout un plat. Je me suis excusée", pas auprès de Scarlett, mais ça finirait bien par arriver, "je suis vivante, aussi belle et talentueuse que je l’étais en partant, c’est ce qui compte, non ?" À quelques nuances près, très certainement. Ses sourcils se froncèrent tout à coup, son menton la désignant d’un petit coup en avant "Et puis je t’ai donné du boulot. Combien de rumeurs à la con sont sorties pendant mon absence ?" Au moins une qui la dépeignait comme un cliché de fêtarde et qui avait fait sauter Midas au plafond "Combien t’as dû en démentir exactement ?" À ça de la forcer à lui dire merci pour le boulot, Jo arqua un sourcil en serpentant doucement de la tête. Sa mauvaise foi n’était pas restée à Ibiza, c’était une certitude.

Sur l’instant, elle ne dit rien de plus… et puis son impatience notoire la fit brusquement soupirer très fort, s’agiter avec détermination "On bouge, ou quoi ?" Elle ne comptait vraiment pas rester là. Scarlett répondit à la requête qu’elle lui avait faite juste avant, le champagne qu’elle avait demandé pour noyer le poisson étant apporté quelques instants plus tard par une petite blonde que Jo contourna sans vraiment la voir pour se diriger vers la porte,  prête à quitter le bureau de Scarlett pour le rooftop qu’elle lui a vendu comme la solution miracle au problème de sentiment d’oppression constant qu’elle ressentait sans le dire, pas encline à s’épancher auprès de tout le monde, pas encline à s’épancher tout court "On trinquera là-haut, sous le soleil." Ses lunettes de soleil était restée sur le haut de sa tête, elle les enfila immédiatement, dissimulant le liseré de strass qu’elle avait sous les yeux. Du reste, elle laissa la petite blonde sortir du bureau avant elle, et réserva sa réponse à propos des bienfaits de son séjour ibérique à plus tard — ou à jamais, elle n’avait pas besoin d’en discuter avec la jeune femme. Charmeuse, elle minauda en sortant enfin, s’assurant d’abord qu’elle la suivait bel et bien "Sois pas si impatiente, je vais finir par croire que je t’ai manqué." Et puis parce que c’était plus fort qu’elle, elle lui fit avec un sourire en biais, la malice marqué par la profondeur de la fossette qu’elle avait dans la joue "C’est le cas ?" Je sais que c’est le cas, disait le rire savoureusement éraillé qui s'échappa de sa gorge, le bout de sa langue comblant l’écart minime qu’elle avait entre ses dents devant.

"On serait pas un peu paranoïaque, Scar ?" Les yeux de Scarlett se lèvent au ciel malgré elle : elle n’aime pas qu’on lui donne ce surnom dans le milieu professionnel, elle qui a à cœur de tenir sa réputation, sa facade, loin de celle de la bonne amie que l’on surnomme. Scarlett ne relève même pas la remarque sur la paranoïa, qui l’agace un peu : Jo fait peut-être la maligne, mais Scarlett espère bien qu’elle n’est pas assez naïve pour croire qu’en effet, la précaution n’est pas essentielle. Scarlett travaille dans ce milieu depuis assez longtemps pour savoir que les oreilles trainent partout, que la rumeur se propage vite, et lorsqu’il s’agit de réunion importante - comme par exemple, hm, qui sait, le retour de Jo Carter après un mois à avoir disparu - il veut mieux faire attention. Mais soit, Jo veut monter au rooftop, elle ponctue sa phrase d’un chérie et d’un sourire narquois, et Scarlett se rappelle qu’elle a voulu la représenter pour le challenge aussi, qui comprend composer avec son attitude.

Avant de monter au rooftop, la conversation est vite amenée sur l’Espagne, Scarlett décidant de répondre au piquant de Jo par la sienne aussi, moins narquoise, plus directe. "C’est pas ce que j’ai dit." Se défend Jo, quand Scarlett l’accuse de vouloir occulter le sujet Ibiza. "J’ai dit que c’était pas nécessaire d’en faire tout un plat. Je me suis excusée", ah ? première nouvelle, songe Scarlett, qui n’a pas eu droit à ces fameuses excuses, "je suis vivante, aussi belle et talentueuse que je l’étais en partant, c’est ce qui compte, non ?" Scarlett secoue la tête, à la fois amusée et agacée. « C’est vrai que la frange te va bien », elle concède, accordant ce compliment avant de probablement attaquer un peu plus tard, parce qu’elle n’est pas du genre à laisser les choses passer si facilement. "Et puis je t’ai donné du boulot. Combien de rumeurs à la con sont sorties pendant mon absence ? Combien t’as dû en démentir exactement ?"  « J’ai une liste, on pourra faire le point. Puisque tu étais injoignable, j’ai anticipé sur certains sujets, j’ai pensé que je ne me mouillais pas trop en démentant que tu étais partie pour faire la saison 10 de Too Hot To Handle : Ibiza Edition », elle explique, tout à fait sérieusement.

Jo est bien décidée à s’échapper du bureau, et le fait comprendre sans beaucoup de douceur, souhaitant qu’elles aillent sur ce fameux rooftop. Scarlett fait un signe de tête, approuve, se met à la suivre, agacée que Jo mène la danse et ouvre le pas - Scarlett n’aime pas suivre, surtout pas lorsqu’on est dans son élément, ses bureaux. Mais pas la peine de traîner le pas pour être de mauvaise foi, elles ont des choses à faire, et Scarlett met son égo de côté pour laisser Jo faire son petit numéro. "Sois pas si impatiente, je vais finir par croire que je t’ai manqué." Elle n’en ratait vraiment jamais une. "C’est le cas ?" « Ça te plairait, hmm ? » Elle réplique d’un ton taquin. Elle fait un signe de la main pour que Jo se dirige vers l’ascenseur qui file dans les étages jusqu’au rooftop éclairé par le soleil fatigué de l’automne. Il fait bon, presque un peu frais, et Scarlett se dirige vers un coin un peu calme, toujours portée sur la discrétion. Mais la vue est superbe, le quartier de Spring Hill s’étend sous leurs regards. « C’est bon, les conditions sont optimales pour qu’on puisse trinquer, alors ? » Elle propose, en référence à l’impatience de Jo de quitter le bureau, et elle tend sa coupe vers celle de la jeune femme. « Tu vas au moins me dire si ça t’a fait du bien, ces vacances improvisées ? Que je sache si tu en prépares d’autres pour les prochains mois ou si tu es remise sur pied. » Elle demande, curieuse de savoir où Jo se place.


@Jo Carter  

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Les yeux de Jo grossirent, son visage s’illumina sans qu’elle ne s’efforce à sourire pourtant "Je sais. C’est pas trop beau hm ?" Elle fit jouer sa frange en secouant la tête, la replaça sur son front du bout de ses doigts en prenant soin qu’elle ne lui tombe dans les yeux ; nul doute que la frange rideau ferait son come-back dans les salon de coiffure d’ici sous peu, c’était ça de créer des tendances. Elle était ravie que Scarlett note son changement de coiffure ceci étant — ce n’était pas les bonhommes de son entourage qui lui feraient la remarque, ces mufles —, mais ne s’appesantit pas sur le sujet, préférant mettre sa mauvaise foi au profit de sa discussion avec la jeune femme qui avait dû avoir pas mal de travail pour faire taire les racontars pendant l’absence de Jo. Elle avait une vague idée de ce qui avait pu se raconter simplement parce que c’était toujours les mêmes rumeurs qui couraient à son sujet : rupture, mariage, bébé, elle était certaine qu’au moins l’une des trois avaient accompagnée les photos d’elle qui avaient circulé sur les réseaux sociaux. On avait dû scruter sa mine pour tacher de deviner si la rupture était récente en fonction des cernes qu’elle avait sous ses yeux, passé à la loupe son annulaire gauche pour y dénicher l’ombre d’un diamant éclatant, disserté longuement sur sa silhouette, son abdomen, sa poitrine pour y déceler un changement notoire rapidement visible sur un petit gabarit comme elle… pas de chance, à part sa frange qui démontrait tout juste qu’elle avait besoin d’autre chose, rien n’était probant dans l’étude minutieuse des photos prises à plusieurs mètres de distance pendant une putain de balade salvatrice dans les hauteurs de Santa Inès. Elle se mit à rire, ne croyant pas un instant qu’on puisse la croire assez cheap pour participer à un programme de télé-réalité comme celui que Scarlett venait de mentionner. Elle devait surement la charrier. Oh merde. elle se rendit compte qu’elle était sérieuse et ça lui fit perdre très brusquement son sourire "Putain, les bâtards. J’ai un Grammy quand même." Une moitié de Grammy. Mais quand même. Elle ne la bouclerait jamais à ce sujet-là, faites avec "Je travaille trop sur mon image pour qu’ils me croient capable de ce genre de choses." Mais ce n’était pas la fin du monde non plus, c’est pour ça qu’elle ajouta, son espièglerie pointant le bout de son nez au travers de sa déception d’être assimilée aux radasses qui finissaient dans ces programmes "Ceci dit, c’est vrai que je suis too hot to handle, alors je comprends l’amalgame." Evidemment, Josephine, évidemment.

Dans l’ascenseur, Jo s’accota par la hanche à la paroi pour mieux regarder Scarlett qu’elle toisa brièvement, sans raison particulière, juste parce que c’est ce qu’elle faisait : examiner les autres, examiner son environnement, en faire son terrain de jeu et mieux appréhender les obstacles pour les défoncer avec la force d’un poids lourd lancé à pleine vitesse sur l’autoroute "Les gens chouinent que je suis une plaie, sauf qu’ils se rendent vite compte à quel point leur vie est vide de sens quand je suis pas là." Bien sûr qu’elle aimait qu’on lui dise tu m’as manqué, même si bien souvent, ça ne la surprenait pas, même si ça la touchait davantage quand ça venait de personnes qui comptaient pour elle. Elle poursuivit, battant des cils avec exagération tout en repoussant l’ondulation d’une mèche posée sur son épaule "J’ai pas besoin que tu me le dises, je sais que c’est le cas." Son humilité était restée dans le bureau de Scarlett — à noter que si elle avait demandé du champagne, elle n’avait même pas daigné emporter sa coupe avec elle, preuve ultime qu’elle avait juste tenté de détourner l’attention pour avoir gain de cause.

Désormais arrivées sur le rooftop, Jo prit une profonde inspiration en s’avançant plus loin pour jeter un oeil au-dessus du parapet, ses lèvres roulant l’une sur l’autre en songeant à tout et son contraire quand enfin, elle revint vers Scarlett. Elle lui montra ses mains en les écartant, lui répondit en même temps "J’ai oublié la mienne, mais", du bout des ongles de son pouce et de son index repliés, elle fit tinter le cristal de la coupe de Scarlett en complétant "cheers, my dear." Elle la laissa boire si ça lui chantait, repoussa de nouveau le rideau de ses longs cheveux entre ses omoplates et reprit une profonde inspiration en daignant enfin répondre à Scarlett "C’était pas des vacances pour commencer." Elle ne lui dit pas ce que c’était exactement ceci étant, elle aurait des détails auprès de son manager si elle en voulait, elle n’avait pas envie de parler de ça maintenant, elle pouvait tout juste lui assurer, traçant une croix sur son coeur quand elle le fit "J’ai promis de pas recommencer, tu peux dormir sur tes deux oreilles." Promis à Midas, promis à elle-même… et elle tenait ses promesses, quoi qu’on en dise. Réfléchissant vite, elle remua pour marcher le long du toit et finit par lui demander, lui lançant un petit regard par-dessus son épaule après avoir légèrement baissé la monture de ses lunettes de soleil sur son nez "Alors, prête à partager ta liste de rumeurs ? Je suppose que c’est aussi pour ça qu’on se voit aujourd’hui, non ?"

Scarlett n’accorde pas la même importance à toutes les rumeurs. Il y a celles qui sont crédibles, nuisibles, qu’il faut balayer le plus vite possible et avec professionnalisme. Celles qui sont stupides, mais génèrent du clic, voire le début d’un meme (Lea Michele aurait été encore autant de mention sans cette ridicule rumeur sur sa capacité de lecture ?) et qu’on pouvait laisser traîner, voire nourrir discrètement. Celles qui sont ridicules mais nuisibles, et qu’on veut balayer sans leur accorder de l’importance. Jo sur Too Hot To Handle, c’était un peu la troisième catégorie, et sans surprise, son évocation arracha un froncement de sourcil à la chanteuse. "Putain, les bâtards. J’ai un Grammy quand même." Scarlett hausse légèrement les épaules, l’air de dire que ça n’a rien à voir, ou plutôt tout à voir : plus l’on devient quelqu’un d’intéressant, plus on nourrit les jalousies et les rumeurs. "Je travaille trop sur mon image pour qu’ils me croient capable de ce genre de choses. Ceci dit, c’est vrai que je suis too hot to handle, alors je comprends l’amalgame." Un sourire s’étire sur les lèvres de Scarlett, qui s’est attendue à ce que Jo prenne la perche. « Ils prenaient peut-être leur désir pour des réalités, oui », elle réplique.

Dans l’ascenseur, Jo continue son numéro, piquante, exactement là où Scarlett l’attendait. "Les gens chouinent que je suis une plaie, sauf qu’ils se rendent vite compte à quel point leur vie est vide de sens quand je suis pas là." Scarlett a un petit rire, ses bras croisés sur sa poitrine, coupe de champagne à la main. « Hm, ça m’a l’air sain comme dynamique  », elle ironise avec légerté, marchant sur la ligne fine où elle rentre dans le jeu de Jo mais ne cherche pas à la braquer non plus. Elles ne sont pas amies, la dynamique est particulière, Scarlett ne l’oublie pas et sait où est sa place. "J’ai pas besoin que tu me le dises, je sais que c’est le cas." Scarlett ne répond pas, garde son sourire en coin. Elle aime bosser, elle aime ses dossiers mouvementés, et donc oui, elle n’est pas mécontente que Jo soit revenue, mais elle n’irait pas jusqu’à dire que la chanteuse lui a manqué.

L’air frais du rooftop ne calme pas Jo, qui regarde autour d’elle, son attention un peu ailleurs, et Scarlett se demande si elle essaie juste de gagner du temps, et qu’elle n’est finalement pas si à l’aise avec la conversation qu’elle veut l’affirmer avec ses grands airs. Quand Scarlett propose de trinquer, elle remarque les mains vides de Jo, et retient un sourpir. "J’ai oublié la mienne, mais", d’un coup de doigts, le verre tinte. "cheers, my dear." Scarlett lève sa coupe avec un sourire, mais la pose rapidement dans un coin, sans y toucher - elle n’aime pas boire, n’a jamais aimé ça, et ne le fait que par convenance dans le milieu professionnel. Jo ne boit pas vraiment non plus, lui a-t-elle dit, et Scarlett constate que ce champagne n’était qu’un caprice. "C’était pas des vacances pour commencer." « Et je suppose que tu ne veux pas parler de ce que c’était ? » Suggère Scarlett, qui n’est pas stupide. Elle se doute que le décès de l’amie de Jo y est pour quelque chose. "J’ai promis de pas recommencer, tu peux dormir sur tes deux oreilles." Scarlett hoche la tête, suit Jo qui décide d’explorer le rooftop, incapable de rester en place. "Alors, prête à partager ta liste de rumeurs ? Je suppose que c’est aussi pour ça qu’on se voit aujourd’hui, non ?" Back to business, ça convient parfaitement à Scarlett. « Ah, je pensais que tu me montrerais des photos de la plage d’Ibiza », elle plaisante avant de se reprendre. « Il y a eu beaucoup des rumeurs classiques : rupture, tromperie, enceinte. Ce sont habituellement les rumeurs qu’on ne commente pas, pour marquer qu’on ne leur accorde aucune importance, mais je te laisse me dire si tu préfères qu’elles soient démenties », elle explique à Jo, curieuse d’où la jeune femme va vouloir se placer. « Twitter s’est amusé à imaginer que tu étais partie fêter ton anniversaire à Ibiza, relançant des théories sur ton âge », elle raconte avec un sourire, parce que pour le coup, ces rumeurs sont presque amusantes, font partie du lore Jo Carter. « Mais il y a une rumeur qui me parait plus nuisible : certains internautes ont affirmé, avec leurs preuves plus ou moins crédibles, que tu étais à Ibiza pour voir l’une des producteurs de X-Factor Australia, qui a une villa là-bas, et avec qui tu aurais eu une liaison pendant le tournage. Certains pensent que c’est lui qui t’a eu ta victoire. Et ça a relancé des théories autour de ton contrat apparemment “trop beau pour être vrai” », ses doigts forment des guillemets dans l’air sur la fin de la phrase.

@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

"Putain, je suis sûre que t’es du genre buzzkill en soirée, toi." L’impatience de Jo ne s’évaporerait pas du jour au lendemain, alors quand Scarlett la questionna à nouveau sur Ibiza, l’air de rien, elle réagit à la hauteur du sentiment perpétuel d’exaspération qui faisait partie intégrante du costume sur-mesure qu’elle portait sur le dos. Elle venait de lui dire que ce n’était pas des vacances, avait-elle besoin de plus de détails que celui-là ? Probablement. Ça servirait sa stratégie pour répondre aux questions qu’on lui poserait plus tard, lorsqu’on lui demanderait pourquoi elle avait mis ses réseaux en pause pendant plus d’un mois, pourquoi elle avait été photographiée en Europe, dans une destination bien connue des serial noceurs, et que par-dessus le marché, ça avait été sans Midas qu’on associait à chacun de ses moindres faits et gestes. OK, elle comprenait pourquoi Scarlett insistait, ça la fit relativiser sur son agacement furtif, mais pas lâcher le morceau au contraire du soupir qui quitta ses lèvres, son regard dérivant pour accrocher à peu près tout, sauf les yeux de Scarlett "Plus tard, pas maintenant." Maintenant, elle voulait s’amuser de ce qu’on racontait à son sujet, s’attendant à du fun, à du léger.

Elle revint près d’elle, s’autorisa cette fois à verrouiller son regard au sien "T’as autant envie de me voir en maillot que ça ?" Tu veux voir mes marques de bronzage ? qu’elle se retint de lui demander, attendant qu’elle arrête enfin de tourner autour du pot pour les lui donner, ces putains de rumeurs. Aucunes d’elles ne seraient salvatrices, certaines seraient même du genre à diminuer le travail qu’elle faisait pour garder une image qui s’accordait à ce qu’elle voulait projeter et qui n’était pas vilaine, depuis quelques mois désormais. Pour l’instant, celles soulevées par Scarlett ne cassaient pas trois pattes à un canard. Elle en avait l’habitude, de ces rumeurs-là "Je démentirai aucune des trois, même si elles sont fausses, pour ton information." La rupture n’était pas d’actualité, la tromperie était une insulte faite à son couple, quant à la grossesse… dans le milieu, il n’y avait que les grognasses de téléréalité qui se faisaient engrosser aussi tôt dans une relation. Dans la vraie vie, c’était les meufs qui vivaient dans un van de merde et qui refusaient toutes formes de contraception ou de solutions au cas-où (cette description n’impliquait personne en particulier, c’est promis). Elle pinça les lèvres, fronça les sourcils en entendant la suite "Mon anniversaire ? En juin-juillet ?" Elle posa une main sur sa poitrine,  retenant un sursaut, donnant soudain l’air d’une vieille tante excentrique qui retient son collier de perles après avoir entendu dire que son neveu préféré est encore puceau à 32 balais "Je suis née en novembre, Scarlett. Je suis scorpion, pas cancer." Quelle horreur, et puis quoi encore "Ma date de naissance est juste soit dit en passant, c’est sur l’année que les experts hésitent. Tu sais grâce à quoi, d’ailleurs ? La crème solaire meuf, ça fait des miracles." La crème solaire et ses gènes. Il fallait voir ses parents pour comprendre que Jo ne vieillirait jamais, inutile de chercher à débusquer la vérité. Presque déçue — pas d’être assimilée à un signe pourri comme le cancer, bel et bien d’avoir suscité rien d’autre que des rumeurs aussi banales —, elle dit en balayant sa frange de la monture de ses lunettes de soleil qu’elle fixa sur le sommet de son crâne "Si c’est que ça, c’est pas si p —" Elle allait dire pire, celui qui arriva juste après, Scarlett ayant ironiquement gardé le "meilleur" pour la fin.

Jo la fixa, la mâchoire contractée "J’ai jamais eu d’aventure avec qui que ce soit à part Midas, et c’était pas une aventure." C’était le moins important à justifier, encore que quitte à gaiement se faire traiter de pute, autant qu’elle ait son mot à dire sur le sujet, et vu la gueule des producteurs de l’émission en question, jamais de la vie elle ne se serait rabaissée à flirter avec qui que ce soit, à faire pire que ça encore, mais d’accord, c’était un autre débat. Elle fronça les sourcils, ses yeux quittant ceux de Scarlett pour se baisser sur rien en particulier, puis remonter aussi rapidement à l’énoncé de la suite qui fit tomber quelque chose au fin fond de son ventre. Rapidement, elle rétorqua "J’ai mérité ma victoire. C’est quoi ces conneries ?" Elle avait fini par l’oublier, toute cette histoire, elle l’avouait. Midas avait raison : ça devenait naturel de mentir à ce sujet, et pourtant Dieu savait qu’elle était bien du genre à préférer dire des vérités qui dérangent que se cacher derrière des bobards, seulement c’était aussi facile d’oublier la réalité des faits quand les faits penchent en votre faveur. Comme pour se protéger, elle replaça soudain ses lunettes de soleil sur ses yeux, joueuse de poker soucieuse de ne pas donner en pâtures ses émotions qu’elle dissimula sous ses verres teintés. Replaçant sa frange d’un coup de tête, elle demanda à Scarlett en même temps "T’as communiqué sur ça ? Qu’est-ce que t’as dit ?" Elle préférait réagir par des questions plutôt qu’autrement — en s’emportant, par exemple —, pas certaine au fond d’avoir les bonnes cartes pour continuer à donner le changer à ce sujet. Midas avait toujours refusé d’en discuter, ou plutôt, il avait toujours éludé en lui promettant des plus tard qui ne venaient jamais, même quand elle le lui avait demandé.

Jo a raison : Scarlett est une buzzkill, en soirée, en déjeuner, tout le temps. Elle n'a jamais su débrancher du sérieux trop longtemps, ne sait pas rater aucune occasion de s'enfoncer dans une brèche qui s'ouvre. Sa curiosité est acide, bien ou mal placée, peu importe, elle est là. Surtout dans un contexte professionnel où elle veut comprendre au maximum la situation et ce qu'il se joue. Jo résiste, elle ne lui donnera pas d'informations en plus sur sa fuite espagnole, préfère rester dans son rôle de jeune femme piquante et pétillante. Tant pis, se dit Scarlett, elle a assez d'informations et d'instinct pour deviner qu'en effet, ce n'était pas des vacances, mais bien un besoin de s'éloigner pour se sauver, dans un moment où sa vie devait sembler lui échapper. Elles n'en resteront pas là, mais Scarlett abandonne le sujet un instant, car rien ne sert de brusquer Jo dans leur conversation, et le début de leur collaboration. A la place, la conversation dévie sur les rumeurs. "Je démentirai aucune des trois, même si elles sont fausses, pour ton information." Scarlett hoche la tête. Elle n'est pas surprise, elle s'en doutait ; Jo est trop ambitieuse pour mettre un enfant dans l'équation à ce stade, et beaucoup trop loyale à Midas pour le tromper, et ce dernier la regarde trop comme la huitième merveille du monde pour qu'une rupture semble être sur la table. Même si Scarlett se demande bien ce que le chanteur a pensé de cette parenthèse Ibiza.

"Mon anniversaire ? En juin-juillet ?" Jo s'exclame, outrée. "Je suis née en novembre, Scarlett. Je suis scorpion, pas cancer. Ma date de naissance est juste soit dit en passant, c’est sur l’année que les experts hésitent. Tu sais grâce à quoi, d’ailleurs ? La crème solaire meuf, ça fait des miracles." Scarlett a un sourire amusé - dans le monde qu'elles fréquentent, le botox est la crème solaire de demain. « Tu n'as jamais pensé à surfer sur la vague de l'engouement skincare ? » Elle demande, mi-amusée mi-sérieuse. « Et je connais ta date de naissance », elle fait remarquer, « On a eu accès à tes papiers d'identité pour préparer le contrat. » Scarlett a un sourire en coin : le secret de Jo est bien gardé avec elle, évidemment, c'est littéralement son métier. « Mais certaines personnes pensent que tu mens sur toute la ligne, y compris le mois, pour brouiller vraiment les pistes. Vraiment, Twitter est très inventif, et ça créé tout un lore qui contribue à ton charme », conclue Scarlett pour appuyer qu'elle trouve l'idée ingénieuse et amusante, d'un point de vue pr.

Ce qui est moins intéressant, d'un point de vue pr, c'est les rumeurs autour de Jo et son contrat et/ou ses aventures scandaleuses. "J’ai jamais eu d’aventure avec qui que ce soit à part Midas, et c’était pas une aventure." Evidemment, Jo défend toujours avant tout l'honneur de son couple avec Midas, d'une fierté qui serait presque touchante si Scarlett n'était pas aussi fermée émotionnellement. "J’ai mérité ma victoire. C’est quoi ces conneries ?"  Scarlett ne sous-entendrait jamais que Jo n'est pas méritante - elle tient trop à sa tête pour ça - mais elle doit bien avouer que les détails du contrat de Jo peuvent interroger les plus pointilleux. « C'est assez habituel qu'on accuse les émissions d'être truquée », souligne Scarlett, l'air de dire : ce n'est pas toi le problème. "T’as communiqué sur ça ? Qu’est-ce que t’as dit ?" Si Jo est innocente, elle a un comportement étrange, ses yeux vers le sol puis relevé un peu trop vite, ses lunettes remises sur son nez dans un geste un peu trop dégagé. Scarlett reste neutre, son visage de trahissant aucune de ses réflexions. « Je me suis permise d'être pro-active sans te consulter, oui, il valait mieux que la rumeur ne circule pas trop longtemps. Le producteur voulait aussi lui-même démentir, de toute façon. La rumeur d'aventure a été démentie, pareil pour le contrat : on a pris l'angle de souligner que c'était sexiste d'insinuer que tu avais eu besoin de coucher avec un homme pour gagner, et que l'on n'accuserait pas un gagnant masculin de la même chose. » Quoi que l'on pense du féminisme comme étendard, c'était plutôt pratique en ce moment comme bouclier. « Et il se pourrait bien que les papparazzis qui ont pris en photo ce fameux producteur en train de dîner avec une influenceuse, il y a deux semaines de ça, n'aient pas été dans les parages par hasard... » Scarlett hausse les épaules, faussement innocente. Elle sait détourner l'attention du public quand il le faut. « Je n'ai rien communiqué sur les détails liés aux spécificités de ton contrat. As-tu déjà communiqué et démenti officiellement cette rumeur là ? Je sais que ce n'est pas la première fois qu'elle circule. » Scarlett ne demande pas frontalement à Jo si c'est vrai ou faux, pour l'instant, attendant de voir le comportement de la brune.


@Jo Carter  

now rumor has it
@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

"J’ai autre chose à foutre que de vendre des crèmes et des baumes." La réponse était toute trouvée, elle n’avait pas besoin de cumuler les casquettes pour l’heure, elle avait une putain de carrière à mener, Josephine. Plus tard, quand elle aurait la certitude de durer, d’être bien installée dans l’industrie de la musique, elle s’intéresserait à d’autres business, mais pour l’heure, la musique, c’était sa seule priorité, et c’était déjà un gros morceau pour vouloir se disperser. On disait ce qu’on voulait de Jo, on faisait circuler toutes les rumeurs possibles et imaginables, elle avait la tête sur les épaules et elle restait concentré, incroyablement concentrée. Sa passion pour la musique était réelle, ce n’était pas une vitrine pour vendre autre chose, ce n’était pas un prétexte pour devenir célèbre non plus, même s’il était clair que, dans l’état actuel des choses, elle faisait vendre — du papier notamment "Félicitations, tu fais partie du cercle. La prochaine étape qui t’attend, c’est le pacte de sang et le tatouage au fer chaud." Le sarcasme comme réponse à tout, c’était pratique et facile. Elle ne savait même plus comment avait commencé cette histoire d’âge, surement quand elle était arrivée à Sydney, et que là, elle s’était vieillie un peu pour pouvoir chanter dans les bars et trouver du boulot en forçant sur le maquillage. Son attitude l’avait toujours fait paraître plus vieille lorsqu’elle était adolescente, maintenant c’était le contraire : elle savait que des théories voyaient le jour sur Reddit, elle savait que ses photos d’enfance circulaient à droite et à gauche, et ça ne la gênait pas plus que ça, c’était le jeu, et comme les rumeurs au sujet de son couple, de son utérus, ou encore d’une autre partie de son anatomie, elle ne jugeait pas nécessaire de démentir quoi que ce soit à ce sujet. Ça la faisait marrer, au moins.

Pas comme les vraies rumeurs, celles qui faisaient du mal et qui appuyaient sur le nerf sensible. Si elle était la seule à risquer quelque chose dans cette histoire de contrat truqué, Jo n’aurait pas attendu avant de s’exprimer dessus, mais la vérité, c’était qu’elle craignait plus pour Midas qu’elle ne craignait pour elle, et que par la force des choses, ça le rendait drôlement plus hostile quand on remettait en cause la légitimité de sa victoire de l’an dernier. Une partie d’elle se disait qu’en effet, c’était habituel que dans ce genre de programme, la tricherie soit soulevée, et qu’en parler, ça ne ferait plus de dégâts que ça parce que c’était presque obligé, qu’on pipe un peu les dés : c’était de la télé, du spectacle. Mais l’autre, elle, elle réfléchissait à tout ce que ça impliquait vraiment sans savoir ce que c'était au fond puisque son entourage faisait l’autruche, elle y compris, elle devait bien l’admettre, se complaisant dans ce que lui avait apporté cette victoire, reconnaissante d'avoir été choisie par celui qui était passé par là avant elle et qui s’était échiné à rétablir l’ordre cosmique pour le meilleur.

Elle rechaussa ses lunettes, fronça les sourcils dessous en relevant son visage sur Scarlett qui lui expliquait comment elle avait géré les choses en son absence. Jo eut un très léger rire lorsqu’elle prononça la phrase on a pris l'angle de souligner que c'était sexiste d'insinuer que tu avais eu besoin de coucher avec un homme pour gagner, et que l'on n'accuserait pas un gagnant masculin de la même chose recevant en pleine poire ce dont elle redoutait le plus qu’on l’accuse si on venait vraiment à s’intéresser à cette histoire : d’avoir profité, non pas d’un producteur véreux, mais de Midas, tout simplement. Ça lui était insupportable, et ça ne datait pas d’hier. Elle recula un peu de Scarlett, médita un instant sur la suite de ses propos avant de lui demander "Ça se fait encore, d’appeler les paparazzis pour photographier des faux-plans ? Je croyais que tout se jouait via les réseaux sociaux maintenant ?" Détail, elle préférait encore s’arrêter sur ça que sur le reste, mal à l’aise, mais droite dans ses bottes, prête à se défendre, à défendre qui que ce soit d’autre, même devant Scarlett qui continuait en lui posant une question à laquelle elle répondit d’abord par un hochement de tête à la négative "Comme tu l’as dit tout à l’heure, c’est habituel qu’on accuse ce genre d’émissions d’être truquées." Elle poursuivit, rejoignant le parapet pour y poser les mains et regarder par-dessus, le paysage urbain s’étalant sous ses yeux "Même avant que les résultats soient annoncés, on disait partout dans la presse que c’était fait exprès que Midas et moi, on se soit retrouvés tous les deux en finale, exactement comme la première fois." Elle haussa les épaules "Ça semblait gêner personne dans le public, il a toujours été de notre côté, et grâce à ça, l’audimat a explosé, donc personne a jugé bon se tirer une balle dans le pied en nous faisant communiquer sur le sujet, ou en communiquant eux-mêmes sur le sujet." Sauf que maintenant, l’émission était terminée, même si la franchise était repartie de plus belle justement grâce à cette version All-Star qui avait tant suscité d’intérêt : Midas était retourné à sa carrière, Jo s’engageait dans la sienne avec une énergie que personne ne pouvait lui retirer, battant des records, gagnant des prix, marquant les esprits "Je veux pas m’exprimer sur ce genre de conneries. A quoi ça servirait ? L'émission est terminée, mon premier album est sorti, et j’ai gagné un putain de Grammy." Une moitié de Grammy "C’est pas mon honnêteté à moi qui est remise en cause au fond, c’est celle de la prod’ de X Factor. C’est eux qui établissent les contrats de leurs candidats. Nous, on est que ça : des candidats." Du moins, ils l’étaient quand ils restaient à leur place, ce qui était plus compliqué quand les candidats en question pesaient lourds et étaient déterminés à rectifier le tir de quelque chose qu’ils voyaient comme une injustice.

Scarlett ne s’est pas lancée dans le pr pour connaître les secrets des puissants, mais elle doit bien avouer que cela l’amuse, parfois, d’être dans les confidences, de voir les envers des miroirs. Elle pourrait raconter un tas d’histoires sur un bon nombre de célébrités adulées par le grand public, qui ignore tout de leurs vraies personnalités. C’est la magie du showbusiness, du marketing. En apparence, Jo fait partie de ces stars qui ne savent pas être autre chose qu’elles-mêmes - n’est-ce pas pour ça qu’elle est partie à Ibiza, pour ne pas avoir à prétendre être quelqu’un qui supporte les flashs des caméras en plein deuil ? - mais Scarlett se doute qu’il y a plus derrière cette franchise en apparence totale. A commencer par le petit secret autour de sa date de naissance. "Félicitations, tu fais partie du cercle. La prochaine étape qui t’attend, c’est le pacte de sang et le tatouage au fer chaud." Scarlett penche sa tête, fait mine de réfléchir. « On peut choisir le design, ou c’est forcément un portrait de toi ? » Elle demande, ironique, sourire en coin.

Mais Jo s’amuse moins de la situation lorsque son contrat est mentionné, son attitude changeant radicalement - ton sec, lunettes de soleil comme une barrière - et Scarlett note mentalement chaque détail, l’ajoutant à sa note mentale sur la chanteuse, qu’elle tient à connaître dans les moindres détails. Elle explique les devants qu’elle a dû prendre, en l’absence de Jo, qui l’écoute avec attention. "Ça se fait encore, d’appeler les paparazzis pour photographier des faux-plans ? Je croyais que tout se jouait via les réseaux sociaux maintenant ?" Scarlett déteste qu’on mette en doute ses méthodes, même si elle n’attendait rien de moins de la part de Jo, qui l’attend à tous les tournants possibles. « Ne t’inquiète pas, un “insider” avait d’abord “fuité” l’information à Deuxmoi, et a été reprise par plusieurs internautes », elle précise, formant des guillemets avec ses doigts. « Ne me sous-estime pas, Jo », rajoute Scarlett, car si elle reste consciente que Jo est, en un sens, son employeuse, elle s’attend à un certain niveau de respect égal.

Jo gagnerait-elle du temps avant de parler des vrais sujets qui fâchent ? Scarlett attend patiemment qu’elle revienne sur cette histoire de contrat. "Comme tu l’as dit tout à l’heure, c’est habituel qu’on accuse ce genre d’émissions d’être truquées." C’est clairement monnaie courante, mais c’est vrai que certains aspects de la victoire de Jo peuvent mettre un doute plus prononcé. Ne serait-ce que cette fameuse finale avec Midas. Elle semble en avoir totalement consciente, puis qu’elle continue : "Même avant que les résultats soient annoncés, on disait partout dans la presse que c’était fait exprès que Midas et moi, on se soit retrouvés tous les deux en finale, exactement comme la première fois." Scarlett voudrait demander si les doutes étaient fondés, mais elle sait qu’elle est sur un terrain glissant, et laisse d’abord Jo continuer, pour ne pas la brusquer. Elle n’aura pas le luxe de faire beaucoup de sous-entendus avant que la brune ne s’emporte et clame probablement son innocence. "Ça semblait gêner personne dans le public, il a toujours été de notre côté, et grâce à ça, l’audimat a explosé, donc personne a jugé bon se tirer une balle dans le pied en nous faisant communiquer sur le sujet, ou en communiquant eux-mêmes sur le sujet." Scarlett hoche la tête. "Je veux pas m’exprimer sur ce genre de conneries. A quoi ça servirait ? L'émission est terminée, mon premier album est sorti, et j’ai gagné un putain de Grammy." Mais les gens n’oublient pas toujours, malheureusement, comme le montrait la situation. "C’est pas mon honnêteté à moi qui est remise en cause au fond, c’est celle de la prod’ de X Factor. C’est eux qui établissent les contrats de leurs candidats. Nous, on est que ça : des candidats." « Ah, mais tu sais que ce n’est jamais aussi simple », répond Scarlett en pinçant un peu ses lèvres. « Les détracteurs ne veulent pas voir tomber une prod’ anonyme à laquelle personne ne fait attention. C’est les candidats que l’on cherche à piéger. Et souvent, plus ils ont du succès après une émission, plus on cherche à prouver que ce succès n’était pas mérité depuis le début. » Comme les platistes qui pensent qu’un mensonge aussi gros que la forme de la terre permet de prouver que tout le reste est faux aussi, en quelque sorte. « Ecoute, je vais garder un oeil sur cette rumeur. On va mettre en place quelques actions préventives pour la faire disparaître, comme faire circuler plusieurs informations sur des contrats que tu as avec des marques, ce genre de choses, pour brouiller le référencement quand les gens tapent “Jo Carter contrat”, pour commencer », elle propose, une technique simple mais qui se revèle plutôt efficace. Faire reculer dans les recherches google le moindre article incriminant. « Je me fiche de savoir sur cette rumeur est vraie ou non, et tu n’as pas besoin de moi pour savoir que tu méritais ta victoire et ton succès », commence Scarlett, « mais si ça s’emballe, je serais obligée de te poser des questions qui t’ennuieront. » Sous-entendu : je serais obligée de te demander si c’est vrai, tout ça.


@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

Jo s’exempta de faire savoir à Scarlett que ce serait ses initiales qu’elle se ferait graver sur la fesse gauche, de préférence, s’engageant à la place dans un débat autour d’un sujet plus important que le nombre d’années qu’elle avait au compteur. Au fond, tout le monde s’en cognait, mais tant que ça générait du flux autour de Jo et de ce qu’elle proposait au monde, qui était-elle pour le bouder ? Elle aurait préféré bouder la question de sa victoire en revanche, mais force était de constater qu’après plus d’un an désormais, des interrogations étaient apparues, et qu’une certaine portion de ceux qui la suivaient voulaient des réponses claires, nettes, précises. Putain de fouille-merde, voilà ce qu’elle pensa sans le dire, roulant des yeux face à la remarque de Scarlett sur la manière dont elle la sous-estimait quand elle ne faisait en fait que lui poser des questions. C’était le gros problème de ceux qui jouaient aux devinettes avec elle et qui s’attachaient à penser qu’ils savaient ce qu’elle pensait juste parce qu’elle avait le débit de parole agressif et le sarcasme facile. D’un coup d'un seul, ils montaient sur leurs grands chevaux, leur égo fragile ne se remettant pas d’avoir à faire à quelqu’un qui ne s’aplatissait pas devant l’adversité. A quoi bon dorloter l’égo de Scarlett à ce moment ? Elle pensait ce qu’elle voulait, et Jo ne doutait pas qu’elle était une grande fille, qu’elle se remettrait bien vite de ce qu’elle avait visiblement pris comme un affront, alors que bordel de merde, Jo ne faisait que poser des putains de questions.

Elle était tendue, Jo. Elle le sentait dans chaque parcelle de son petit corps ferme, enveloppé dans la matière coûteuse de sa robe du jour. Elle regrettait de ne pas porter de manteau, elle aurait apprécié de s’emmitoufler dedans pour retrouver un tantinet de réconfort, consciente qu’elle n’en trouverait pas auprès de Scarlett dont la froideur faisait sa réputation — grand bien lui faisait, ce n’était pas une critique, plutôt une constatation faite au fil de l’eau. A la place, elle se cacha derrière ses lunettes de soleil, son regard s’arrogeant de l’observation du panorama pour se diriger vers la jeune femme à ses côtés qui répondait point par point à ce que Jo lui avait dit quelques secondes au préalable. Sa première réplique, elle la piochait dans l’oeuvre de celle à qui elle s’adressait "Je sais comment fonctionnent les haters. Ne me sous-estime pas non plus, Scarlett." Elle avait essuyé plus de critiques encore que le dernier titre de cette pouffiasse de Katy Perry, elle savait effectivement comment ça fonctionnait. Elle n’avait vraiment pas besoin qu’on lui rappelle pourquoi c’était son mérite qu’on remettait en doute. A l’époque, Midas avait échappé à ça… et putain que ça lui faisait mal au coeur de le penser comme ça, mais c’était malheureusement la dure loi de la jungle dans laquelle ils évoluaient tous les deux : il était un homme, tout lui avait été offert sur un plateau sans qu’on envisage de remettre en doute la place qu’il avait gagnée, la lui réchauffant même avant qu’il ne l’investisse, en bon roi prédestiné qu’il était, son prénom le faisant héritier d’une destiné dont il se montrait digne malgré les doutes qu’il avait de son côté. Jo en revanche ? C’était une autre histoire ; de sa participation dans le concours à son histoire avec Midas, on remettait tout en doute sous le prétexte qu’elle donnait l’air d’avoir les dents qui rayaient le parquet, une tare pour une femme, semblait-il. Elle soupira fort, ferma les yeux sous ses lunettes en ayant aucune intention de rebondir sur ce que Scarlett était en train de lui dire, estimant ne pas avoir besoin de lui apprendre à faire son boulot. Pour ne pas lui donner la sensation qu’elle prenait tout ça par-dessus la jambe, elle lui dit tout de même "C’est ton boulot, tu sais comment le faire. J’ai confiance, me déçois pas." Signal qui l’autorisait à faire tout son possible pour s’occuper de cette histoire dont elle devrait impérativement discuter avec Midas, qu’il le veuille ou pas.

Détachant ses mains de la rambarde du parapet, elle haussa les sourcils à la suite des paroles de Scarlett "Je chante depuis que j’ai cinq ans, j’ai aucun doute au sujet de ce que je mérite ou pas." La petite Jo Carter savait déjà ce qu’elle valait à l'époque, autant dire qu’aujourd’hui, elle le savait d’autant plus qu'elle avait eu des années de vache maigre pour remettre en perspective ses rêves et ses attentes "Je travaille dur. Je suis pas une branleuse qui attend que tout lui tombe dans les bras." se sentit-elle obligée de dire, parce que dans les faits, ce n’était pas aussi simple que ça, et que son après-victoire avait été atroce pour son amour-propre ; ça continuait de l’être à certains moments, quand elle lisait les critiques au sujet de son album, quand ça lui faisait douter de ne pas être capable d’exister en dehors de son duo — pas de son couple, c’était une autre histoire — éphémère avec Midas. Elle sentit son coeur se serrer, elle sentit ses membres grouiller de quelque chose de désagréable, et c'était une bouffée d’anxiété qui l’obligea de nouveau à prendre une profonde inspiration tandis que Scarlett mettait en avant l’éventualité de la questionner pour de bon si les choses prenaient de l’ampleur. Elle eut un léger rire, du genre lâché sans y penser "Je suis pas naïve au point de croire que les choses ne s’emballeront pas." commenta-t-elle sans pour autant prendre les devants en anticipant les questions que Scarlett murissait déjà très certainement. Elle ne l’encouragea pas à les lui poser à voix-haute, mais le sous-entendu était clair : pourquoi attendre ?

Scarlett aurait pu rebondir, plaisanter ou taquiner lorsque Jo lui indiqua lui faire confiance et qu’il ne fallait pas décevoir, mais en réalité, cela ne l’amuse pas, non, elle le prend au contraire très au sérieux. Son métier et son ambition sont sa fierté, son armure, la chose dont elle est le plus fière ; et malgré toutes les joutes verbales avec Jo, elle est contente que celle-ci ait signé avec elle, et elle compte bien honorer son contrat. Elle ne fait pas les choses à moitié, Scarlett, et n’aurait jamais pris une cliente comme Jo si elle ne s’en sentait pas les épaules, car malgré tout le talent de Carter, elle faisait aussi couler beaucoup d’encre. Scarlett n’est pas une sentimentale, et ne serait pas du genre à dire qu’elle apprécie Jo, mais elle reconnaît tout de même qu’elle respecte les femmes qui ont du caractère dans un monde où cela les dessert constamment. Faute de pouvoir avoir une affection sincère pour Jo, Scarlett peut au moins reconnaître qu’elles ont des points communs.

"Je chante depuis que j’ai cinq ans, j’ai aucun doute au sujet de ce que je mérite ou pas." Scarlett le sait, elle connaît l’histoire de Jo sur le bout des doigts, parce qu’elle a fait ses recherches avant de prendre le dossier, évidemment. A ce stade, elle pourrait probablement mieux rédiger sa page wikipédia que ceux qui l’ont fait - et qui n’ont pas sa date de naissance, eux. "Je travaille dur. Je suis pas une branleuse qui attend que tout lui tombe dans les bras." Scarlett hoche la tête, se demande si Jo cherche à se rassurer ou à la convaincre. « Je n’en doute pas un seul instant », elle réplique, sincère. Et pourtant, quelque chose dans l’attitude de Jo a changé, une nervosité nouvelle transparaît, un visage que Scarlett n’a jamais vu. Dans la voiture, lors de l’avant-première avec cette journaliste intrusive, Jo avait été retournée, un peu vulnérable, tout en gardant la face. Là, elle semble batailler avec quelque chose qui pulse sous sa peau, émane d’elle. "Je suis pas naïve au point de croire que les choses ne s’emballeront pas." Scarlett croise les bras et penche la tête, consciente qu’on lui tend une perche, mais qu’il faut la jouer fine, sans jamais braquer Jo. Rien ne sert, par exemple, de souligner qu’elle semble nerveuse. « Est-ce qu’il y a quoi que ce soit que je devrais savoir, concernant cette histoire, pour mieux anticiper ? » Elle demande, ne posant aucune accusation, mais laissant la porte ouverte.


@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

Jo s’en voudrait plus tard d’avoir tendu une perche à Scarlett. Ça ne laissait plus vraiment planer de doute au sujet de cette histoire de victoire, sinon elles seraient passées bien vite à autre chose. La chanteuse lui aurait peut-être raconté ce qui s’était passé à Ibiza, elles auraient encore un instant tourné les rumeurs qui couraient à son sujet en dérision, et puis elle serait repartie comme elle était venue : avec panache. Sauf que ça pesait sur sa conscience et que les rumeurs qui tombaient, elle ne tournait qu’autour de ce qu’elle, elle avait dû faire pour le gagner, ce trophée. Elle s’en foutait, la plupart du temps, qu’on la traite de tous les noms, qu’on cherche à salir son éthique de travail et sa détermination, simplement dans cette histoire, il ne s’agissait pas que de ça, alors ça la touchait plus que d’ordinaire, c’est vrai. Qu’on puisse imaginer un seul instant que c’était elle qui avait orchestré tout ça en se servant de Midas, c’était là la pire des insultes à ses yeux, et une part d’elle voulait s’en défendre corps et âme… mais c’était tortueux : elle n’était pas la seule impliquée, elle ne serait pas la seule à en pâtir, surtout. Expliquer une histoire sans aller dans le détail, c’était brader la vérité, autant dire que ce n’était pas dans les habitudes de Jo qui préférait être sincère à outrance — si c’était pour mentir, autant se taire, c’est comme ça qu’elle voyait les choses, pas assez bonne élève pour se plier à l’exercice.

Elle sentait le regard de Scarlett sur elle, et elle se demandait ce que Midas en penserait si là, elle lui confirmait qu’il y avait bien quelque chose derrière tout ça. Le prendrait-il comme une trahison ? Considérerait-il qu’il ne pouvait pas lui faire confiance ? Après des mois à travailler dessus, la confiance, elle ne se sentait pas l’âme de vérifier si ça deviendrait son signal pour la fuir. Pourtant, elle aurait eu le droit de mettre Scarlett dans la confidence. Elles étaient sous contrat, le sceau de la confidentialité avait été apposé sur leur collaboration, aussi le risque qu’elle se retourne contre elle était assez mince pour que Jo redoute qu’elle la trahisse de son côté. Seulement, aussi curieux que c’était pour quelqu’un qui semblait respirer la suffisance comme elle, l’image qu’on se faisait d’elle restait moins importante à ses yeux que l’image que Midas avait d’elle ; parce qu’il avait investi sa propre réputation pour la porter au sommet, et que si elle ne lui devait pas son talent, ses idées et sa créativité, elle lui devait tout de même son accès à ce monde qui l’avait tant fait rêver… aussi, lui ne prendrait peut-être pas ses confessions pour de la trahison, mais de son côté, c’est comme ça qu’elle le vivrait, et elle ne voulait pas se l’imposer sans en avoir discuté avec lui. De ce fait, c’est après un moment seulement qu’elle secoua la tête à la négative, faisant savoir en silence à Scarlett qu’elle n’avait plus rien à dire sur le sujet. Elle ne parla pas tout de suite, elle attendit quelques secondes supplémentaires, détournant la tête pour jeter de nouveau un regard au panorama, et décida après s’être aperçue qu’elle était profondément mal à l’aise, qu’il fallait qu’elle s’en aille "J’avais qu’une heure devant moi, je dois y aller là." lui fit-elle savoir en la contournant, ses sourcils se fronçant très fort sous la monture de ses lunettes. De loin, elle lui demanda de lui envoyer par mail le planning de ses apparitions-presse et média au cours des prochaines semaines, et lui jura de travailler sur sa bonne foi pour ne pas faire de vagues quand ce serait l’heure pour elle d’être sur la sellette, à être questionnée sur son absence, sur les photos prises à Ibiza et sur le reste. Sauf ça, de toute évidence.

rp terminé.