(c) crookedvultures

move through the world with a heart broken

@harleen honeywood & nina

lieu: event, broken hearts gallery

Ce n’était qu’un triste constat qui était venu remuer ses tripes. La réalisation était venue l’attraper à la gorge, faisant s’alourdir le poids de cette boule qui la gênait depuis des mois. Subitement, sans avoir le temps de voir les choses venir, Nina avait réalisé que peu de choses avaient réellement changé dans son quotidien depuis cette fameuse journée. Après une sombre période dont elle ne fera jamais mention, elle avait à nouveau laissé son travail dicter chacune de ses journées. Et depuis, les semaines s’écoulaient de la même manière qu’avant. Les gardes venaient envahir son calendrier et c’est seulement lorsqu’elle s’accordait une pause qu’elle pouvait noter une différence. Et encore. Avant, elle passait son temps à essayer de coordonner son agenda avec celui de Ruben, et même lorsque c’était le cas, il avait toujours une bonne raison pour ne pas être là. Alors Nina remplissait ses maigres temps libres de la présence de ses amis. Il lui manquait ? Bien sûr que son mari lui manquait. Mais est-ce qu’elle avait noté une réelle différence ? Pas vraiment. À quelques jours du départ pour son voyage humanitaire, elle continuait à s’efforcer de passer le moins de temps possible dans la chambre d’ami de son frère aîné. Nina s’était donnée pour mission de ne pas avoir le temps de noter l’absence de Ruben à ses côtés. Elle n’avait pas le temps pour cela, pas le temps pour les discussions qu’il réclamait, mais qui ne menaient jamais à rien. Elle s’en sortait sans lui, qu’importe le manque, qu’importe les questions qui commençaient à émaner de la part de leurs amis communs et de sa famille. Elle pouvait gérer une journée de plus. Dans quelques jours, elle sera sur un autre continent, loin de la trahison qui était venue mettre sa vie et ses plans d’avenirs sans dessus-dessous. Certains diront qu’elle jouait à l’autruche, Nina affirmait ne pas vouloir laisser sa vie se faire dicter par une relation humaine. Le robinet de ses émotions avait fui des semaines durant, mais elle avait su colmater les fissures et mettre un terme à cet écoulement sans fin. Elle avait à nouveau dressé une barrière invisible tout autour d’elle, ne laissant transparaître qu’une indifférence glaciale.

Harleen était la seule personne qui avait réellement vu Nina perdre pied. Cela n’avait duré qu’une seule soirée. Ce fameux soir. Lorsque son monde s’était arrêté de tourner sur son axe, lorsqu’elle avait connu au première loge l’horrible sensation de ce savoir tromper par l’homme en qui elle avait le plus confiance. Nina avait offert sa vulnérabilité à son amie qui avait su l’accueillir, à sa manière un peu délurée, mais forte d’une empathie sans faille. L’expérience ne s’était pas reproduite, mais Nina avait bien relevé le changement de comportement. Harleen se voulait plus attentive, elle prenait soin de lui écrire, de conserver un réel contact quand, auparavant, il leur arrivait de passer des mois sans le moindre échange. Quand la brunette a insisté pour qu’elles se retrouvent en ville, Nina n’avait pas émis de doute. Grossière erreur de sa part.

« Non. » Elle n’avait même pas enlacé Harleen, comme c’était pourtant toujours le cas. Bras croisé sur la poitrine, elle était sur le point de secouer la tête afin de souligner son mécontentement. « C’est hors de questions. » Avec son sourire mutin, Harleen l’attendait devant un local promouvant un vide-grenier pour les cœurs brisés. Elle n’en avait que faire des émotions des autres, des catastrophes d’autres couples. Il n’était pas question de s’apitoyer sur son sort en public non plus. Nina est une femme mariée. Qu’importe si tout se voulait en suspens et si elle n’avait pas la moindre idée de ce que donnerait la suite. 

« Non. » elle aurait mieux fait de retenir le rire qui se casse sur ses lèvres, mais Harls ne donne pas dans le contrôle de soi et la bienséance. La vérité, c’est qu’elle ricane depuis que l’idée lui a germé en tête. Elle n’avait même pas lu l’entier descriptif du truc qu’elle bookait déjà Nina les yeux brillants la bouche en coeur. La voir ralentir le pas dès qu’elle a pu prendre connaissance de l’endroit où elle se trouvait valait tout l’or du monde, et Honey ne se gênera pas pour ramener la scène sur le tapis la prochaine fois que sa meilleure amie se retrouvera devant elle, le coeur un peu moins brisé qu’aujourd’hui. Harleen est désabusée mais elle n’est pas méchante pour autant.

Tâtant le diable, elle réduit la distance entre elles deux, s’avançant pour prendre son amie butée dans ses grands bras tatoués au henné d’insultes envers Ollie pour l’occasion. Elle a dégainé les plus colorées, elle s’est amusée comme une petite folle à lui attribuer tous les noms, elle a même causé une dispute pour rien en trois paliers le matin même juste pour booster un brin son imagination. Pas peu fière de son oeuvre temporaire, ce serait mentir de dire que Woody n’a pas sélectionné au passage quelques gros mots dédiés à l’homme de sa vie qu’elle aurait envie de se faire tatouer pour vrai, d’ici la fin de la semaine. Elle verra comme il se situe dans son palmarès de con vers vendredi. « C’est hors de questions. » le regard qu’Honey renvoie à Nina est catégorique ; si ça l’était vraiment, la blonde aurait rebroussé chemin dès son arrivée. Harleen sourit, pose les mains sur ses hanches, redresse le menton. Elle sait qu’elle a raison, elle y tient dur comme fer. Cette journée est exactement ce dont Nina a besoin, et elle le lui assurerait même si elles ne se connaissaient pas par coeur depuis des années. La soirée passée à pleurer le cas pathétique de Ruben est derrière elles, la crème glacée qu’elles ont engloutie par litres aussi. Aujourd’hui, on passe à la phase deux du plan, phase beaucoup plus amusante si Nina arrête de s’enfoncer dans ses sourcils froncés et ses refus en carton.

« J’ai des photos de lui, un briquet, et des dards. » Harls n’a pas tout à fait compris le concept du truc, n’a amené que des babioles de chez elle qui lui faisaient penser à Ben (une brosse à récurer les toilettes, un sac à ordure, les restes des clopes qu’Ollie fumait un matin où ils se détestaient). Ça, et assez de photos de lui pour que Nina puisse en faire des poupées voodoo à martyriser si l’envie lui en prend. « Tu dois bien avoir une petite dose de colère enfouie à cracher sur sa tête, non? » son sourire ne fait que grandir, quand elle tend à son amie sa boîte remplie de victuailles. Au fond, une bouteille de champagne et une autre de jus d’orange donneraenit presque des airs de brunch festif à leur petite journée de filles.