who are we to fight the alchemy?
@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

Sa concentration avait été mise à l’épreuve toute la nuit, elle était encore la seule à s’en être aperçue et à s’en être fustigée sévèrement, pas vraiment du genre à avoir l’esprit qui vogue ailleurs que là où elle avait les pieds profondément ancrés dans le sol. Cela dit, son travail avait été impeccable personne ne pourrait le nier, personne n’en était particulièrement surpris non plus. Elle avait fait ce qu’elle avait jugé bon de faire, répondu aux questions qu’on lui avait posées, blagué avec les patients qu’elle avait visité et consenti à aller déposer les rapports de la nuit sur le bureau du titulaire de garde sans se figurer un instant qu’on la traiterait de lèche-bottes pour ça, se traînant déjà l’étiquette de la fayote de service, prête à tout pour assurer à sa place une vie éternelle — si seulement ils savaient, tous. Elle s’en moquait, elle avait autre chose en tête que les petites bassesses du service qu’elle avait hâte de quitter pour retrouver un semblant de liberté d’esprit, ce dernier envahi par la proposition faite par Ambrose par textos il y avait quelques jours de ça à peine.

Elle le détestait. Elle le détestait, oui, elle avait quand même envie de le voir maintenant qu’il lui avait plus ou moins fait savoir que sa porte était ouverte. Elle ne pouvait que songer à l’éventualité d’honorer son geste en s’y présentant sans crier gare, sans même savoir ce qu’elle comptait lui dire à part qu’elle le détestait — et rien que ça, ça la faisait le détester encore plus. Elle le détestait moins que Ruben, c’était déjà ça ; elle le détestait quand même au point de penser qu’elle exagérait, au point de se dire qu’elle se comportait davantage comme une adolescente aujourd’hui qu’à l’époque où elle en était réellement une et qu’ils avaient vécu une vraie histoire. Elle ne savait pas ce qu’ils avaient vécu aujourd’hui, elle s’autorisait à traiter ça comme elle l’entendait et qu’importe ce qu’aimerait en dire le principal concerné. En arrivant dans les vestiaires des internes, elle regarda l’heure — il était déjà demain, est-ce que ça se faisait vraiment de se pointer chez les gens à cette heure ? Elle remonta surtout leur dernière conversation en vérifiant s’il lui avait donné des indications spécifiques, mais comme elle ne lui avait pas répondu, c’en était resté là. Elle soupira contre elle-même, pestant en même temps qu’elle se déchargeait de sa blouse et repassait sa tenue de ville, et soupira encore quand, laçant ses chaussures, elle entendit son le vibreur de son téléphone émettre un bzz qui illumina l’écran sur une notification de match envoyée par l’application de rencontres sur laquelle elle était inscrite. Elle roula des yeux, ne regarda même pas cette fichue notification, et referma brusquement la porte de son casier. Mavis fora alors dans les tréfonds de sa mauvaise foi pour prendre ça comme un signe. De quoi ? Personne, pas même elle-même, ne le savait.

Elle se souvenait de l’adresse de Norman. Elle se souvenait de l’étage, elle se souvenait du numéro de porte. Seulement, c’était sécurisé. C’était un endroit huppé où le voisinage était traité comme des rois parce que la plupart se comportait comme tels, elle n’avait donc aucun moyen de faire passer son arrivée inaperçue et ça l’agaça. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même cependant, elle avait fait son choix, n’est-ce pas ? Elle se gara, emporta son sac avec elle, et marcha jusqu’à l’entrée de l’immeuble où se trouvait l’appartement qu’elle convoitait. Elle regarda l’interphone d’un mauvais oeil, affronta les boutons qu’elle voyait soigneusement alignées devant ses yeux, et inspira assez d’air pour se donner du courage, et faire ce pourquoi elle était plantée là ; du bout de l’index, forçant peut-être un peu trop, elle appuya. Quand la connexion se fit, ça ne grésilla même pas. C’était du haut-standing en matière d’installation électronique, et peut-être que ça l’aurait impressionnée si elle n’avait pas fait partie des gens qui pourraient habiter ici, elle aussi. Décidée, elle approcha sa bouche du haut-parleur, fit à Ambrose qui se trouvait de l’autre côté — elle n’imaginait pas que ce soit quelqu’un d’autre que lui. Il fallait que ce soit lui "T’es pas obligé de me laisser entrer, il est tard." Alors pourquoi être venue jusqu’ici, idiote ? Elle se posa intérieurement la question, sa voix intérieure aussi revêche que l’air qu’elle tentait de se donner en campant sur l’idée qu’elle le détestait, point final. Elle ajouta après un instant à vouloir sauver sa crédibilité, laquelle se perdit dans les méandres de sa bonne volonté pour continuer à faire bonne figure "Il fait un peu froid, par contre. Je te le dis, mais c’est pas pour t’influencer." C’était absolument pour l’influencer, au point que s'il continuait à faire traîner, elle se mettrait à claquer des dents pour l’attendrir et le pousser à enfin lui ouvrir.

Il n’attendait personne, évidemment. Au beau milieu de la nuit, il n’y a personne qu’il aurait pu attendre. Pour autant, sa curiosité l’empêche de simplement se retourner dans son lit et retrouver aussitôt le sommeil. Au lieu de ça, il prend plutôt la peine de se relever pour vérifier l’identité en question. "T’es pas obligé de me laisser entrer, il est tard." Il fronce les sourcils et a besoin d’un instant pour s’assurer qu’il reconnaît aussi bien la voix que le visage visible face à la caméra. "Il fait un peu froid, par contre. Je te le dis, mais c’est pas pour t’influencer." Il ne la fait pas patienter davantage et appuie simplement sur le bouton d’ouverture de la porte d’entrée. Si elle a su retrouver le chemin jusqu’à l’immeuble, elle saura retrouver les derniers pas jusqu’à son appartement, raison pour laquelle il ne lui précise pas davantage le chemin. L’autre raison, c’est sans doute aussi parce qu’il lui tient encore un peu trop rigueur de leurs derniers échanges pour être en capacité de lui sauter dans les bras sans penser à rien d’autre.

Et même s’il lui en veut et que cela n’a pas changé en quelques secondes, il prend le temps de passer son visage sous l’eau avant de lui ouvrir la porte, juste avant qu’elle ne se présente devant cette dernière. Les bras croisés, il s’appuie contre la porte avant de se décaler dans un second temps seulement. « T’as perdu tes clés ? » Il n’ose poser la question qu’après qu’elle ait fait un premier pas dans l’appartement, parce qu’il sait que sa blague ne la fera pas rire et sans doute aussi qu’elle aura déjà à cœur de repartir dans la seconde. « Tu as faim ? » Il ne rêverait que de retourner dormir et n’a pas besoin de vérifier l’heure pour savoir qu’elle n’a rien d’acceptable pour se présenter chez quelqu’un sans avoir prévenu, mais il sait aussi que Mavis travaille et qu’elle ne choisit pas ses horaires - même si elle choisit chez qui toquer. Il est le premier à l’avoir invitée à venir, et dans le fond il est heureux qu’elle ait fait le déplacement. Il en profite pour décrocher de son porte clés les doubles qu’il n’a jamais pris le temps de ranger dans un autre endroit tant cela n’a pas fait partie de la liste de ses priorités dernièrement. Sans un commentaire supplémentaire, il les fait glisser sur la table jusqu’à Mavis, prêt à dégainer à tout instant l’argument que, la prochaine fois, il sera heureux de ne pas être réveillé au milieu de la nuit, comme si “prochaine fois” il pouvait y avoir alors qu’ils viennent de passer plusieurs semaines sans s’adresser le moindre mot. « Je peux te prêter quelque chose, si tu as froid. » Elle avait surtout froid quand elle était dehors sans la certitude qu’il lui ouvre la porte, Ambrose le conçoit aisément, mais il cherche à combler le vide autant qu’à lui faire comprendre qu’il n’est pas en train de nourrir des ressentiments à l’égard de Mavis, quoiqu’il s’est montré particulièrement agacé par sa capacité à repousser ceux qui tiennent à elle. « Ça va ? » Il reprendra le ton de l’ironie et du second degré quand il aura le certitude qu’elle n’a pas fait le chemin jusqu’à chez lui parce qu’elle en a besoin, pour une raison ou pour une autre, et il insiste de son regard plongé dans le sien pour obtenir une réponse sur cette dernière question.

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Elle lança un regard à la caméra qui accompagnait l’interphone, eut un mouvement de tête qui imitait la gratitude quand elle entendit la porte de l’immeuble être déverrouillée à distance, et n’attendit pas une seconde de plus avant de monter. Mavis n’avait aucun argument valable à donner à Ambrose pour expliquer sa présence aussi tardive si ce n’était la proposition subtile qu’il lui avait faite, et elle ne comptait pas réfléchir à autre chose que ça pour se défendre s’il lui demandait ce qu’elle faisait là. Elle grimpa les marches tranquillement, boudant l’ascenseur en bonne sportive qu’elle était, et se laissa guider par ses souvenirs. Ils étaient impeccables, aussi vifs qu’ils étaient doux dans son coeur, douloureux dans son esprit, l’insouciance — et l’innocence — des moments qu’ils avaient passé ici, à se planquer dans les angles luxueux de la résidence où se trouvait l’appartement de Norman pour s’embrasser en secret, semblait avoir disparu avec l’âge qu’ils avaient pris. Elle effectua son dernier pas jusqu’au palier Weatherton, trouva Ambrose dans l’embrasure de la porte, les bras croisés et la mine ensommeillée, elle pouvait le deviner sans même avoir besoin de s’y arrêter plus que ça, bien que ses yeux se posèrent sur lui sans attendre d’y être invitée. Elle le trouva douloureusement beau, ainsi drapé par le contraste entre sa peau et l’éclairage du couloir qu’elle traversa pour le rejoindre "T’es tout seul ?" lui demanda-t-elle avec un soupçon de provocation, sous-entendant qu’étant donné qu’il s’était arrêté sur son profil sur les applications de rencontres, il aurait tout aussi bien pu ne pas l’être.

Il l’était. Encore une fois, elle n’attendit pas vraiment d’invitation et passa à côté de lui presque avec une attitude de défi malvenu, comme si elle attendait qu’il lui demande ce qu’elle fichait ici pour lui rétorquer, satisfaite, que c’était lui qui lui avait dit de passer une fois qu’elle aurait terminé de se comporter comme une idiote — croyait-il vraiment qu’elle l’était, idiote ? Elle ralentit peut-être un peu le pas en le contournant, ne le lâchant pas des yeux jusqu’à ce qu’elle y soit obligée, et puis elle finit par les rouler en les détournant, confrontée à son entame à laquelle elle ne répondit pas, délaissant son sac sur le premier meuble rencontré "Ça a pas changé ici." lui fit-elle remarquer, lançant des regards à la dérobée autour d’elle en tirant sur les manches de sa veste pour l’enlever, sur celles de son sweat ensuite pour mieux couvrir ses mains qui étaient fraîches — elle n’avait pas autant exagéré que ça, il faisait un peu froid à l’extérieur, ça lui faisait du bien d’être ici. Elle s’autorisa à marcher au petit bonheur dans l’appartement, et si tout lui paraissait moins grand que lorsqu’elle était plus jeune, syndrome qui frappait tout ceux qui prennent de l’âge et qui réalisent que tout est une question de perspective, elle n’a pas menti : rien n’avait vraiment changé ici. Elle se retint de se répéter, retourna la tête vers Ambrose qui déposa une clef sur la table. Feignant à peine d’être intriguée, elle s’approcha plus près, baissa les yeux pour la regarder, mais ne lui demanda pas d’explication ; elle la fit tout simplement glisser jusqu’à elle avec ses doigts pour s’en emparer et la glisser dans la poche arrière de son pantalon.

Elle le détestait toujours, soit dit en passant "Je me contenterais de ce que tu as, merci." lui répondit-elle quand il lui demanda si elle avait faim. C’était le cas, elle sortait d’une longue garde, et sans savoir pourquoi, elle avait envie qu’on s’occupe d’elle. Est-ce que c’était pour ça qu’elle était là, pour qu’il s’occupe d’elle ? Elle recommença à marcher dans l’appartement, finit par rejoindre Ambrose pour s’arrêter à bonne distance de lui, et lui demanda, façon bien à elle de répondre à sa proposition de lui prête quelque chose de plus chaud à se mettre "Je peux prendre une douche avant ?" Elle ne doutait pas qu’il lui dirait oui, elle resta pourtant plantée à proximité de lui en attendant sagement qu’il l’autorise à disposer de la salle de bain et haussa les épaules à sa dernière question "Tu m’as proposé de venir, tu m’as pas donné d’heure ou de raison à respecter, si ?" Elle aussi, elle plongea son regard dans le sien, répondant à l’insistance qu’elle voyait briller dans ses yeux, et ajouta pour faire bonne mesure "C’était juste pour être poli ? Tu veux déjà que je te rende ta clef ?" Avait-elle besoin d’aller bien pour attraper sa perche ? Etaient-ils vraiment obligés de s’expliquer ?

En une seconde, et malgré la fatigue, il réalise à quel point la présence de Mavis entre ces murs est étrange. Norman a toujours apprécié l’amie qu’elle représentait pour Rose et n’a jamais refusé les invitations de son fils d’adoption, mais c’était il y a une vie de ça. Tout remonte à une époque où ils étaient jeunes et presque autant insouciants. Preuve en est, les questions ont désormais des sous-entendus bien différents. "T’es tout seul ?" Il aurait pu ne pas l’être. S’il était allé plus loin avec ne serait-ce une seule personne, il aurait pu être accompagné pour cette soirée comme pour beaucoup d’autres, parce qu’il ne vaut pas moins qu’elle qui n’a apparemment pas hésité avant de se lancer corps (c’est le cas de le dire) et âme dans le projet. « Ce soir oui. » est tout ce qu’il répond en gromellant.

Il préfère très largement changer de sujet pour qu’elle se mette à l’aise plutôt qu’ils reprennent leur dispute là où ils ont pu la laisser la dernière fois, ou même celle d’avant. Ambrose hoche la tête lorsqu’elle accepte de manger quelque chose. « Croque monsieur ? » Il fait la proposition après avoir ouvert le refrigérateur, bien trop immense pour se montrer aussi vide. Elle a besoin de manger quelque chose après être restée debout aussi longtemps, mais force est de constater qu’il n’est pas un exemple. "Je peux prendre une douche avant ?" Mavis répond à ses questions par d’autres mais il ne cherche pas à lui reprocher, comprenant simplement qu’il va effectivement devoir lui trouver des affaires plus chaudes, lesquelles vont aussi peut-être être celles dans lesquelles elle va passer la nuit. « Fais comme chez toi. Je te mets des affaires devant la porte. » Après tout, elle a maintenant un double de la clé de porte d’entrée, alors cela devrait suffir pour qu’elle comprenne qu’elle est la bienvenue autant que sa capacité à se montrer de mauvaise foi, elle, peut rester derrière la porte.

"Tu m’as proposé de venir, tu m’as pas donné d’heure ou de raison à respecter, si ? C’était juste pour être poli ? Tu veux déjà que je te rende ta clef ?"
« Je me suis pas réveillé pour un interrogatoire, je te préviens. »

Il n’est pas énervé, il n’est même pas agacé. Son ton est plat, calme. Il statue les faits : il ne jouera pas à ce jeu maintenant, peu importe si Mavis a besoin de se défouler, des personnes sur qui crier et un besoin irrationnel de se faire repousser. « Pourquoi t’es venue ? » Est-ce qu’elle avait simplement envie de faire autre chose que rentrer directement chez elle, au final ? Est-ce qu’elle avait juste envie de parler à quelqu’un d’autre que son reflet dans le miroir ? « Perds pas la clé. » Il veut qu’elle la garde, donc, et une minute à peine écoulée n’est pas suffisante pour qu’il veuille revenir sur sa décision après l’avoir regrettée. « Je suis content que tu sois là. » Il s’en rend compte sur le tard, après une seconde de silence et un regard posé sur la jeune femme. Il étire un sourire fin mais bien présent. « Même si je compte bien mettre ma mauvaise humeur et le manque de sommeil sur ton compte demain. » Et sur ce point, il étire un sourire un brin amusé, parce que si c’est la pire chose qu’il doit prévoir pour le temps à venir alors il n’y a vraisemblablement rien dont il devrait s’inquiéter réellement. Ambrose esquisse finalement quelques pas en sa direction pour se retrouver juste devant la jeune femme, où il prend le temps d’abaisser son visage à son niveau avant d’en venir à une nouvelle conclusion: « En effet, tu pues Barnes, va te laver. » Et de sourire aussi simplement qu’ils pouvaient le faire, à l’époque. Il ne se recule pas pour autant, parce qu’elle ne sent pas si mauvais qu’il aime bien le dire mais parce qu’il est aussi heureux de la retrouver qu’il l’a dit, par contre.

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"Les recherches pour trouver ta future femme sont pas fructueuses, on dirait." Elle se moquait de lui, elle ne s’en cachait même pas. Mais c’était bien lui qui avait soulevé son inscription sur les applis de rencontres pour amorcer un retour dans sa vie dont elle l’avait éloigné parce qu’elle lui en voulait d’être tout aussi faible que celui pour qui il avait les yeux qui pétillaient et le coeur qui battait. Elle coinça sa langue dans une dent du fond, pas certaine que sa présence ici était une bonne idée. Seulement, elle était là, et la chaleur de l’appartement était agréable. Elle adorait son duplex, mais elle s’y sentait seule parfois ; c’était silencieux, ça la mettait mal à l’aise. Ce n’était pas moins silencieux ici, maintenant qu’elle y songeait, s’arrêtant sur les détails de la décoration, sur ceux des agencements décidés avec goût. Sauf qu’Ambrose était là au milieu de tout ce silence, alors elle était prête à le supporter.

Elle hocha simplement la tête, acquiesçant à sa proposition de menu sans discuter, aussi facile à contenter qu’elle se fichait bien de ce qu’elle allait manger ce soir. Il fallait juste qu’elle mange, point final. Pour l’instant, elle garda pour elle ses questions concernant la clef qu’elle venait de gagner, pragmatique au point de ne pas ignorer qu’elle venait avec des consignes et des conditions, mais ça pouvait bien attendre, non ? Elle se laissait une marge de manoeuvre pour décider si oui ou non elle s’en servirait vraiment, avait envie d’évaluer si, dans quelques heures, elle détesterait toujours autant Ambrose, ou si elle était prête à lui pardonner ses offenses. Dans l’immédiat, elle était toujours prête à les lui faire payer en se montrant économe avec sa verve, se contentant du peu, se servant de ses yeux pour parler, et uniquement de ça "Merci." se contraignit-elle pourtant à lui dire lorsqu’il l’autorisa à utiliser la salle de bain et à lui assurer de ne pas se promener nue après sa douche salvatrice. Ça lui fit penser à la robe que son cousin lui avait prêté et qu’elle avait renvoyé à l’atelier par coursier en se jurant de ne plus jamais se laisser convaincre d’en porter une autre comme celle-là. Elle dit à Ambrose, ses yeux s’amarrant aux siens en même temps "J’ai rendu la robe, au fait." Peut-être s’en fichait-il, peut-être serait-il rassuré de le lui entendre dire, peut-être cherchait-elle seulement quelque chose à dire parce que rien, dans sa présence, n’avait vraiment de sens.

Elle ne réussit pas longtemps à se taire, enchaîna les questions en s’approchant de lui avec la volonté de provoquer quelque chose, qu’importe ce que c’était. Elle rit juste un peu à la rebuffade d’Ambrose qui ne se déroba pas vraiment au mouvement qu’elle fit pour le rejoindre, leva la tête pour le fixer plus longtemps quand il lui demanda pourquoi elle était venue. La réponse lui fût donnée sans réflexion préalable, le sourire en coin qui fendit ses lèvres en même temps prouvant qu’elle n’était pas sérieuse, qu’elle lui donnerait une autre réponse, plus tard, quand elle se serait décidée à plus parler, à moins jouer "Parce que tu m’as invitée." Ou plus ou moins. L’autre réponse, la vraie, elle la lui donna une seconde après qu’elle retrouva enfin son sérieux "J’avais pas envie de rentrer chez moi." Une petite pause, et puis elle ajouta "J’avais envie de te voir aussi." Pourtant, je te déteste. Elle porta sa main à la poche arrière de son pantalon quand il mentionna la clef, y glissa ses doigts sans aller la chercher, voulant juste sentir les reliefs du métal sur sa peau pendant qu’elle lui demandait "Pourquoi tu me l’a donnée ?" Pourquoi tu veux que je la garde ? Il ne s’était pas réveillé pour subir un interrogatoire, elle avait retenu la leçon. De ce fait, elle tut cette question.

Elle croisa les bras autour d’elle quand il lui dit qu’il était content qu’elle soit là, enserrant sa propre taille pour se réchauffer un peu. Elle ne répondit pas qu’elle était contente d’être venue, préférant réserver son jugement pour plus tard parce que c’était dense, ce qui se passait entre eux à ce moment-là. Il ne se passait rien pourtant, il y avait tout de même quelque chose qui flottait, et c’était déstabilisant tant ça n’avait pas de forme, encore moins de sens. Mavis resta silencieuse un instant de plus, sa langue se coinçant entre ses lèvres qu’elle humecta doucement en plissant les yeux lorsqu’il reprit la parole, et qu’elle lui fit, en haussant les épaules "Tu t'attends déjà à ce que je te mette de mauvaise humeur ?" À une époque, il lui avait dit qu’il aimait sa présence. Il avait fallu d’une fois, d’un moment désagréable, pour qu’il change son fusil d’épaule et l’associe à du mauvais. Si elle avait eu assez d’audace, elle lui aurait demandé si Ruben avait droit à autant de radicalité de sa part quand il faisait des erreurs, mais elle n’était pas certaine de vouloir connaître la réponse. Encore un peu, elle le laissa venir à elle, suivant le parcours qu’il accompli avec une avidité contenu dans le regard, la tête levée dans sa direction pour ne rien manquer "Pas ma faute si tu sais pas reconnaître l’odeur de la réussite, Constantine." lui répondit-elle en ne se vexant pas de son commentaire, y reconnaissant une pointe de malice qui la fit frissonner sous l’épaisseur de son sweat. Il baissa la tête, elle leva la sienne encore un peu pour les voir de près, ses yeux — et pas que : elle s’arrêta sur ses traits sans savoir quoi y chercher vraiment, les siens s’animant sous l’impulsion de l’espièglerie qui la poussa à lui dire, dans un murmure exagéré par leur proximité "Tu viens avec moi ?" Sous la douche. Il n'était pas idiot, elle n’avait pas besoin d'expliciter sa requête.

"Les recherches pour trouver ta future femme sont pas fructueuses, on dirait." La remarque n’aurait pas bien été perçue si elle avait été donnée par qui que ce soit d’autre que Mavis, c’est au moins une chose sûre. De sa part, il est pourtant capable de faire la part des choses et d’accepter ses mots avec simplicité, bien conscient qu’elle s’y connaît un minimum sur le sujet sans pour autant avoir eu le droit à l’histoire dans son entièreté. « Si tu as des candidatures à faire passer, n’hésite pas. » Il rétorque simplement, mimant la parfaite indifférence face à une problématique justement plus si problématique que ça. "J’ai rendu la robe, au fait." - « Je sais. » Une robe de cette valeur avait un retour particulièrement attendu à l’atelier, si bien qu’Ambrose a été informé de son retour sûrement à la seconde où ce dernier a été effectif. Que Mavis puisse penser lui apprendre la nouvelle lui tire malgré tout un sourire sincèrement amusé.

Il a posé la question tout en sachant qu’il avait bien plus de chances de trouver une réponse de façade plutôt qu’autre chose, et Mavis ne lui donne pas tort sur cette idée. "Parce que tu m’as invitée." Ce qu’il a pourtant fait avec le sous-entendu qu’elle viendrait en prévenant un peu en avance, ou tout du moins qu’elle viendrait à des heures où les visites sont encore jugées acceptables. Que Mavis se fonde dans la masse serait pourtant trop lui demander, si bien qu’il n’est ni véxé ni étonné de sa visite nocturne. "J’avais pas envie de rentrer chez moi." La réponse lui suffit, il hoche la tête. "J’avais envie de te voir aussi." Evidemment, cette réponse-ci le rend d’autant plus heureux et il ne sait réprimer le fin sourire qui se faufile naturellement sur le contour de ses lèvres. "Pourquoi tu me l’a donnée ?" Le sourire d’Ambrose s’estompe, il retrouve son sérieux qui le caractérise tant. « Il est hors de question que je me lève à nouveau au milieu de la nuit pour t’ouvrir. » Elle est la bienvenue. Si elle est venue une fois, elle peut revenir autant de fois qu’elle le désire à l’avenir, et c’est ce que cette clé suffit à signifier. Au fond, elle n’avait sûrement même pas besoin de l’expertise d’Ambrose sur ce point. "Tu t'attends déjà à ce que je te mette de mauvaise humeur ?" - « Un peu, oui. » C’est ce à quoi se résume la plupart de leurs conversations, non ? Un brin d’insouciance, quelques blagues, et une fin en apothéose où chacun se retrouve à en vouloir à l’autre pour une idée ou une autre. Il préfère aussi ne pas avoir trop d’attentes, bien conscient qu’il digère mal les mauvaises nouvelles et espoirs éventrés.

"Pas ma faute si tu sais pas reconnaître l’odeur de la réussite, Constantine." Il mime de renifler une fois de plus son odeur, comme s’il en avait besoin, comme si une confirmation était nécessaire. La remarque lui tire un sourire en même temps qu’elle pique un peu son égo, évidemment. Pour autant, son esprit n’a pas le temps de s’attarder davantage sur le problème, surtout à partir de la seconde même où Mavis reprend et ajoute sa proposition au lot de toutes les autres. "Tu viens avec moi ?" Il jauge le sérieux de sa proposition en faisant passer son regard d’un oeil à l’autre de la jeune femme, avant de la juger une ultime fois particulièrement digne d’intérêt. Cette fois-ci, il abaisse son visage au niveau du sien avec plus de délicatesse et bien moins d’ironie, ses mimiques sarcastiques laissant place à un baiser qu’il prolonge tout en posant sa main contre sa nuque. « Pour ? » Il ne sait s’empêcher d’ajouter, son sourire revenant déjà. « Ok, mais juste pour être sûr de dormir avec quelqu’un qui pue pas. » Il hausse les épaules avec nonchalance et redresse son dos, son regard pourtant toujours posé sur la jeune femme. Au fond, il se demande si elle avait prévu de lui répondre de cette façon avant de venir jusqu’à chez lui ; et il se dit dans le même élan que la réponse ne l’intéresse de toute façon pas. Lui n’avait rien prévu, mais il n’est pas le dernier heureux de la tournure que prend la situation, déjà en train d’avancer qu’elle restera non seulement pour la nuit mais qu’elle sera aussi à ses côtés, comme s’il n’y avait rien de plus logique que cette idée.

Ses pas se pressent jusqu’à la salle de bain, où l’idée de cuisiner un repas devient particulièrement secondaire. Il se déleste rapidement de son t-shirt, laissant apparaître la quasi-totalité de ses tatouages, avant d’en faire de même avec le reste de ses affaires. Le jet d’eau est réglé sur une température particulièrement chaude, parce qu’il n’a pas oublié qu’elle se plaignait d'avoir froid, après tout. « On arrête de jouer aux ados à partir de maintenant ? » Ils arrêtent de jouer comme s’ils avaient repris leur relation là où ils l’ont laissée à l’époque, entre deux-trois baisers et deux-trois pelotages ? Ambrose ne cache pas son intérêt pour l’idée, quand bien même il n’a pas souvent été celui à lui faire des signes - preuve en est, elle est celle qui a à elle seule pris les choses en main ce soir. « Parce que j’aime bien l’idée, qu’on se le dise. » Il appuie d’autant plus cette idée en s’avançant au fond de la cabine de douche.

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"J’y penserai." Elle n’avait pas de copines, Mavis, elle ne pourrait pas en brancher une avec Ambrose selon son bon plaisir. Et quand bien même elle en aurait, elle ne le ferait pas pour tout un tas de raisons, la première étant qu’elle ne supporterait pas de le voir avec quelqu’un d’autre, peu importe qui était l'autre, son imagination étant déjà assez prolixe en la matière pour qu’elle accepte la torture en direct. Masochiste, elle l’était, mais pas au point de flirter avec les limites ; ou du moins, pas au point d’être la seule à souffrir, s’appliquant à chaque fois à être accompagnée pour ça. Elle ne réagit pas davantage à tout ça, tout comme elle ne réagit pas davantage quand il lui dit déjà savoir qu’elle avait été une gentille fifille en renvoyant la robe qu’elle avait porté pour la soirée de l’enfer à l’atelier de son cousin. Ça ne la surprenait pas tant que ça, ils étaient comme des frères, leur lien était spécial et fort, assez pour que le créateur s’assure auprès d’Ambrose du bon déroulé des choses. Rien ne s’était bien déroulé au demeurant, les egos avaient bousculé, les coeurs avaient été entaillés, mais la robe, elle, s’en était sortie intacte, et c’était encore là tout ce que James devait savoir.

Elle remarqua son fin sourire quand elle lui avoua être ici parce qu’elle avait envie de le voir aussi. Ça l’agaça un peu, ça lui donna l’impression qu’il savait déjà qu’elle était susceptible de lui répondre quelque chose de ce genre quand elle n’avait vraiment aucune idée de pourquoi elle était vraiment là ; si c’était pour rétablir un semblant de retour à la normale, pour combler un vide, ou pour continuer à jouer avec quelqu’un d’autre que Ruben. Elle en détourna les yeux en les roulant doucement avant de se dire que ce ne serait pas une mauvaise idée de s’enquérir des raisons du cadeau qu’il venait de lui faire sous la forme délicate d’une simple clef d’appartement. Pourquoi ? Elle avait envie de savoir, elle avait envie qu’il lui dise que ça lui paraissait normal, que si elle ne recevait pas ce genre de passe-droit, personne d’autre ne devait en recevoir, que c’était l’évidence, que ça l’était pour lui en tout cas. Mais Ambrose n’était pas du genre à caresser son ego, et la réponse qu’il lui donna, elle était aussi sarcastique que celle, qu’elle, elle lui avait donné quelques instants plus tôt "Qui te dit que je compte venir une autre fois ? T’es aussi confiant que ça ?" Elle arqua un sourcil, se rappela qu’elle aussi, elle avait fini par tomber sur son profil sur l’application de rencontres qu’ils utilisaient tous les deux et se servit de ça pour ajouter, imperturbable "Quand on match sur ce genre de truc, c’est que pour une fois généralement." Alors c’était pour ça qu’elle était là ? Que devenaient les souvenirs, la tendresse et les discussions ? A d’autres, Barnes. Elle secoua la tête, pas vexée qu’il établisse déjà qu’elle puisse l’énerver au terme de ce qui se passerait ce soir. Evidemment, elle prit ça comme un défi, le lui fit savoir avec malice "À moi de te prouver le contraire, c’est ça ?" Qu’est-ce que t’attends de moi, Ambrose ? Ses yeux, qu’elle ne descella pas des siens, parlèrent pour elle, encore une fois.

Ils ne les quittèrent par lorsqu'il s’approcha plus près, ils ne les quittèrent pas quand elle lui tendit une perche qui le déstabilisa, elle était capable de le remarquer puisqu’au fond, ça la déstabilisait aussi un peu d’avoir eu le cran d'être aussi explicite sur ses attentes, même si elle l’était élégamment, pas du genre à verser dans la trivialité pour arriver à ses fins. En parfaite synchronie avec lui, elle l’interrogea du regard, prêt à arguer qu’elle ne faisait que plaisanter s'il se dérobait à sa requête. Au lieu de quoi, il s’approcha encore, et ses yeux dérivèrent sur sa bouche qui rentra en contact avec la sienne. Elle, elle ne se déroba pas de ce contact, inspirant profondément en sentant la chaleur de sa main se refermer sur sa nuque, ses doigts trouvant son poignet pour mieux percevoir les pulsations de son coeur sour leur pulpe. Elle souriait de moitié quand il se recula, chuchota par convenance plus que par nécessité quand ses lèvres retrouvèrent toute leur mobilité "Je crois pas t’avoir donné mon autorisation pour ça." Elle l’avait pourtant prolongé avec autant d’entrain que lui, ce baiser. Elle resta scrupuleusement sérieuse pendant quelques secondes avant que son visage se fissure d’un sourire, son regard ne pouvant rien faire d’autre que de le fixer se raconter des histoires pour justifier qu’il accepte sa proposition sans même savoir ce qu’elle lui réservait.

"Viens ici, laisse-moi voir." Elle n’avait pas attendu pour le suivre, elle n’avait pas attendu pour l’imiter et se dévêtir non plus, ayant déjà bien moins froid que tout à l’heure à cause du baiser qu’ils venaient d’échanger. Elle n’avait surtout pas attendu pour parcourir son corps des yeux avant de s’approcher de lui pour poser ses mains sur les esquisses dessinées à même sa peau et qui en recouvraient une bonne partie. Elle le fit lentement, précautionneusement, sa dextérité de future neurochirurgienne l’aidant à se montrer aussi délicate que si elle tenait le plus précieux des cerveaux entre ses mains. Elle n’essayait pas d’y chercher des significations particulières, à ces dessins, elle voulait authentiquement les regarder pour les mémoriser, le bout de ses doigts effleurant chaque carré de peau exposé avant que sa voix ne la ramène de nouveau à son visage. Elle leva le menton dans sa direction, n’enleva pas ses mains qui avaient fini à plat sur son torse et descendirent tour à tour sur son abdomen "Parce que c’est à ça que tu jouais, toi ?" rétorqua-t-elle, le libérant enfin de ses mains qu’elle passa dans ses propres cheveux pour les balayer en arrière alors que le jet de la douche répandait déjà sa vapeur dans la pièce. Elle s’avança derrière lui, prenant place dans la douche, se laissa tremper par le jet qui était à la température parfaite pour elle, et attendit qu’il se retourne dans sa direction pour tendre ses bras sur ses épaules. Elle le regarda en silence, et puis elle plissa les paupières, des goulettes sur ses cils, en première réaction à ce qu’il venait de lui dire "Et à quel point t’aimes bien l’idée au juste ?" Au point de lui laisser sa clef, ça elle l’avait bien compris. Mais ce n’était pas à ça qu’elle faisait référence et elle le lui expliqua avec un sourire en biais "J’ai plus 14 ans, Ambrose." Lui non plus, de toute évidence. Elle s'intima d’ailleurs de ne pas baisser de nouveau les yeux pour en avoir confirmation, les gardant bien ancrés dans celui du jeune homme alors qu’elle continuait "Je vais pas savoir me contenter d’un pauvre baiser." D’un pauvre baiser, c’était un peu insultant, et si elle se défendrait de l'avoir fait exprès, il y avait pourtant une pointe de provocation dans la manière qu'elle avait de le dire, comme pour blesser son ego d'homme et ainsi le forcer à considérer l’idée de faire mieux que ça.

"Qui te dit que je compte venir une autre fois ? T’es aussi confiant que ça ?"
« Je le suis, oui. »

Les secondes qui suivent ne lui donnent pas tort le moins du monde alors qu’il est déjà certain que la présence de Mavis dans son nouvel appartement pourrait devenir une habitude qu’il aimerait lui aussi adopter. L’idée de la retrouver n’est pas pour lui déplaire, et celle de le faire entre quatre murs tout en ayant la certitude que personne ne les voit ni ne les écoute est d’autant plus attirante. "Quand on match sur ce genre de truc, c’est que pour une fois généralement." Elle revient sur leurs retrouvailles particulières sur cette application de rencontre et il se souvient du pincement au coeur qu’il a eu en la voyant, sincèrement vexé qu’elle puisse chercher à tourner la page alors qu’il n’était pas en reste sur ce point. Alors, surtout, qu’ils n’avaient jamais réellement statué une autre étiquette que celle d’amis jusqu’à présent, ce qui mute vers une idée bien différente lorsque les tirades sarcastiques laissent place à un baiser ne laissant aucune place au doute quant à l’état actuel de leur relation, et de leurs désirs. « Une fois ça me suffit. » Elle n’a pas précisé la durée de cette seule et unique fois, et il ne lui a jamais caché qu’il nourrissait des désirs ancrés dans le temps. Mavis n’est pas une aventure d’un soir, et si tel était le cas alors le coche aurait de toute façon déjà été raté.

"Je crois pas t’avoir donné mon autorisation pour ça." Et lui ne doute pas un seul instant qu’elle ne fait qu’être égale à elle-même en cherchant à avoir le dernier mot, ce qui fait particulièrement son charme. La main qu’elle a posée autour de son poignet autant que le soin pris pour répondre au baiser démontrent bien qu’elle le désirait autant que lui, ce qui n’empêche pas Ambrose de répondre. « Tu me donnes l’autorisation pour un second ? » Après tout, il accepte volontiers l’idée de s’en remettre à ses mots pour réitérer l’exercice. Simplement, il ne lui laisse pas le temps de répondre, déjà occupé à l’emmener à sa suite dans la salle de bain de l’appartement, bien loin d’avoir oublié la proposition de la blonde de l’y accompagner. Il ne saurait rater sa chance sur ce point, pas alors qu’il s’est retrouvé à réfléchir à une scène plus ou moins similaire à des dizaines de reprises. Maintenant, cela n’a plus rien d’irréel quand Mavis trace des lignes le long de ses tatouages, leurs parfaites tenues d’Adam et Eve facilitant le trajet alors qu’Ambrose fait surtout de son mieux pour regarder Mavis dans les yeux et nulle part ailleurs. "Parce que c’est à ça que tu jouais, toi ?" La main qu’elle garde posée contre son torse l’irradie d’une chaleur douce. « On y jouait tous les deux. » Il ne prendra pas le blâme seul, pas sur ce point. Ils se sont retrouvés dans un moment difficile qui n’a en rien aidé à raviver le désir, mais aucun des deux n’est particulièrement sorti du lot ensuite pour prendre les choses en main tel un adulte compétent. Maintenant, de toute évidence, ils viennent de passer dans une cour différente.

Sous le jet, il observe le visage de Mavis changer imperceptiblement de teinte et ses cheveux se coller contre sa peau. Il les dégage dans son dos par pure galanterie, évidemment. "Et à quel point t’aimes bien l’idée au juste ?" Elle sait à quel point, et elle s’en doute sûrement d’autant plus maintenant que leur proximité ne fait plus aucun doute, au sens propre comme au littéral. Il ne lui fait pas l’affront de lui répondre, préférant poser ses mains contre ses hanches pour l’attirer un peu plus près de lui encore. "J’ai plus 14 ans, Ambrose." Ca tombe bien, lui non plus. "Je vais pas savoir me contenter d’un pauvre baiser." Elle ne sait s’empêcher de choquer, de gratter la surface, de chercher la petite bête et si c’est une attitude qui aurait tout pour l’agacer en temps normal, le brun s’en accommode particulièrement bien cette nuit. « J’ai jamais eu l’intention de me contenter de ça. » A partir du moment où il l’a embrassé pour la première fois cette nuit, du moins, il n’a cessé de nourrir d’autres idées et d’autres désirs à son égard, ce qu’il lui prouve par les gestes en laissant ses baisers dériver sur de nouvelles parties de son corps, particulièrement inaccessibles jusqu’alors. Ses doigts trouvent prise contre son dos, ses cuisses, ses seins, et l’idée de jouer à l’adolescent timide ne lui effleure plus un seul instant l’esprit. Les minutes passent et s’égrènent, les bienfaits du jet d’eau et des quelques produits sont encore à juger, et les reproches amusés de l’un l’autre laissent finalement place à des onomatopées quand la salle de bain devient le lit de sa chambre, en fin de course.

« Si j’avais su, y’a dix ans. » Il rétorque avec un sourire en coin, ne prenant plus le moindre soin de fixer son regard dans ses yeux alors qu’il l’observe dans son entièreté une ultime fois, avant de lui proposer les affaires promises pour la nuit. Si le Ambrose d’il y a dix ans avait su que ses petits rêves fugaces d’aller plus loin que de partager un baiser avec Mavis allaient devenir réalité, il serait devenu plus rouge que la couleur elle-même. « Après si t’en veux pas, ça me dérange pas. » Il ironise une dernière fois mais n’insiste pas davantage au moment de lui donner de quoi se rhabiller, ayant rapidement pioché dans son armoire ce qu’il juge pouvoir aller au mieux à la jeune femme et être confortable pour elle. « Je te dois encore un repas. » Il rajoute rapidement, ignorant de fait toute possible excuse qui ferait de Mavis une personne finalement très occupée ne pouvant pas rester davantage: il est déjà le gigolo de Ruben, il ne veut pas être celui d’une personne supplémentaire. Ses pas le ramènent dans la cuisine, où il s’affaire à lui préparer le croque monsieur promis il y a une éternité de ça. Ce n’est que lorsqu’elle réapparaît dans son champ de vision qu’il ose poser la question lui brûlant la langue depuis longtemps déjà. « T’y penses depuis quand ? » Il ne veut pas croire que l’envie de coucher avec lui est soudainement apparue dans son esprit, parce que ce n’est pas ce dont il était question pour lui non plus.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

Il fallait avouer qu’Ambrose faisait preuve d’une certaine détermination que Mavis trouvait charmante, et c’était pour ne pas dire autre chose. Il avait toujours été ambitieux, il avait cette volonté de prouver qu’il était à la hauteur de ses désirs, ça alimentait quelque chose en elle qu’elle décida de ne plus contenir, sentant ses doigts déplacer ses cheveux dans son dos, sentant la brûlure de son regard qu’il portait dans le sien pour ne pas griller les étapes et ne pas se laisser appeler par sa nudité qu’elle mettait pourtant entièrement à sa disposition. Elle, elle ne s’embarrassa pas de ne pas la prendre en compte en le touchant, caressant ses tatouages. Elle se laissa aller à quelques provocations de plus, ne sachant pas faire les choses sans y mettre une ambiance de jeu qui ne convenait pas à tous les esprits, c’était une évidence, mais à côté de ça, elle se laissa aller à autre chose aussi, et c’était à se laisser envahir par la proximité qu’il y avait entre eux désormais. Les réponses d’Ambrose lui plaisaient, la manière dont il prenait les choses en main lui plaisaient, ses baisers et ses caresses lui plaisaient plus que tout le reste encore. Elle ne bouderait pas l’alchimie qu’il y avait entre eux depuis toujours, elle devait tout de même admettre que c’était somme toute perturbant de passer d’une amourette d’adolescents à des badinages d’adultes, d’autant qu’ils savaient tous les deux très bien ce qu’ils faisaient, mais ça ne lui paraissait pas si hors-contexte que ça puisqu’elle y avait tellement pensé que tout était naturel, tout était doux tout en étant passionné, l’équilibre parfait entre la découverte et l’impression de se retrouver rendant les choses surement plus intenses qu’elles n’étaient vouées à l’être pour une première fois avec un nouveau partenaire. Elle ne laissa pas ses pensées la parasiter comme c’était le cas d’habitude, et c’était rafraîchissant pour elle : elle se laissa emporter par Ambrose, par ses lèvres et par l’envie qu’elle ressentait — l’envie de lui, bien sûr, l’envie aussi qu’il ne se dise pas qu’il perdait son temps ce soir, l’envie que jamais il ne pense qu’il aurait été mieux ailleurs avec quelqu’un d’autre. Alors elle fit en sorte qu’il se souvienne de leur moment pour longtemps, si ce n’était pour toujours, et répondit à ce qui émanait de lui par une bonne dose d’audace et d’avidité, anticipant sa volonté en la contentant bon gré, attentive à ce qu’il laissait échapper et qui fit gonfler son coeur autant que son ego en s’apercevant au fur et à mesure qu’elle s’y prenait bien. Il était autant à sa merci qu’elle, elle l’était à la sienne.

"J’ai plus si froid que tout à l’heure, mais quand même." Plus bas, elle ajouta "Je tiens à ce que tu continues de me regarder dans les yeux." Et puis avec le nez froncé, elle lui chaparda le t-shirt qu’il avait dans les mains et dans lequel elle dormirait ce soir et le poussa doucement pour lui faire payer sa malice, le chassant presque de sa chambre quand il lui rappela qu’il lui devait un repas. Elle lui dit avant qu’il ne la quitte "J’enfile ça et je te rejoins tout de suite." Il n’y avait pas de débat à lancer sur le fait qu’elle resterait. Elle n’était pas venue pour le traiter comme un coup d’un soir, elle n’était pas venue ici pour lui faire du mal, comme le prouvait les dernières minutes durant lesquelles elle l’avait entendu soupirer profondément dans son oreille, lui rendant la pareille avec autant de félicité qu’elle aurait été prête à recommencer tout de suite, sans délai, s’il lui demandait. A la place, elle le rejoignit comme elle l’avait promis, couverte jusqu’à mi-cuisses, le retrouvant dans la cuisine dans laquelle elle rentra en l’interrogeant du regard sur ce qu’elle avait le droit de se permettre. Elle estima que se servir dans le réfrigérateur n’était pas un signe d’impolitesse, alors elle l’ouvrit pour se prendre une bouteille d’eau qu’elle débouchait quand il lui posa une question qui lui avait trotté dans la tête, à elle aussi. Elle s’approcha de lui, posa ses reins contre le meuble sur lequel il lui préparait son repas, et but une longue gorgée d’eau fraîche avant de lui répondre, lui tendant sa bouteille au cas-où lui aussi aurait soif "Je crois que c’est depuis toujours." Elle eut un léger sourire en haussant une épaule, sa tête s’inclinant dessus, et récupéra sa bouteille qu’elle reboucha soigneusement. Réfléchissant au passé, à ce qu’ils étaient à cette époque et au fait que, ses pensées mises à part, ils étaient rien d’autres que des enfants innocents. Elle reprit "Mais 14 ans, ça faisait beaucoup trop jeunes pour une première fois. En plus, on parlait pas vraiment de ça tous les deux." Même s’ils s’embrassaient beaucoup, tentaient des mains exploratrices à l’occasion, pas très assurés quand à la marche à suivre : les prémices de quelque chose qui auraient dû se passer plus tard, s’ils étaient restés ensemble et avaient eu le courage de discuter d’autres choses que leur plan de carrière qui avaient toujours pris beaucoup plus d’importance que le reste. Elle fit délicatement rouler ses lèvres l’une sur l’autre, se décolla tout aussi délicatement du meuble sur lesquels ses reins étaient appuyés, posa sa bouteille sur le plan de travail, puis après avoir passé une main dans ses cheveux humides, elle lui demanda en retour, un sourire espiègle faisant remonter ses pommettes, ses yeux retrouvant les siens avec une facilité rassurante "Et toi, depuis quand ?" Elle ne saurait pas comment l’expliquer, mais une partie d’elle savait parfaitement que c’était depuis au moins aussi longtemps qu’elle. Elle l’avait senti dans sa manière de s’emparer de son corps, de prendre le temps de le découvrir pour de bon, de le couvrir de baisers, tout ça en ne lui laissant pas de répit, comme s’il n’en croyait pas sa chance et qu'il voulait en profiter avant que le charme ne soit rompu.

"J’ai plus si froid que tout à l’heure, mais quand même. Je tiens à ce que tu continues de me regarder dans les yeux." Avec toute l’audace du monde, il ne fait qu’ajouter un sourire au regard qu’il repose bien plus bas que les yeux de Mavis, comme pourtant demandé par cette dernière. Le geste ne dure que quelques secondes, avant qu’il reprenne son sérieux et cesse déjà de jouer à l’adolescent en manque. "J’enfile ça et je te rejoins tout de suite." Il se laisse chasser de sa propre chambre sans résister davantage, se contentant simplement de trouver son chemin jusqu’à la salle de bain où avait au préalable était abandonné un pantalon qu’il enfile de nouveau en seul vêtement.

Dans la cuisine, il ne reste pas longtemps seul, les pas de Mavis venant rapidement combler le silence de la nuit. Elle agit comme si elle vivait ici, elle aussi, et il ne fait rien pour faire naître cette idée dans l’oeuf. Ambrose se contente simplement d’accepter la bouteille tendue après qu’elle ait bu dedans, avant de retourner à la confection du repas promis et tant de fois repoussé à plus tard - sans qu’il ne ressente le moindre scrupule sur ce point et bien au contraire. "Je crois que c’est depuis toujours." Ce n’est pas la réponse à laquelle il s’attendait, mais elle a incontestablement l’avantage de booster son ego. ”Rien que ça ?” Il rétorque dans un rire qu’il ne cache pas. Il ne se moque pas d’elle, loin de là, mais il ne saurait nier qu’il y a sans doute une légère part d’exagération dans ces mots. Ils étaient des gamins, à l’époque ; ils n’y pensaient pas. "Mais 14 ans, ça faisait beaucoup trop jeunes pour une première fois. En plus, on parlait pas vraiment de ça tous les deux." Il la rejoint naturellement sur cette double idée, sans chercher à négocier la vision qu’ils ont de cette époque. Ils étaient heureux ensemble, mais ils étaient aussi des gamins loin de penser à l’idée de vraiment faire ce genre de chose, ce qui était sans doute aussi intéressant et intriguant que particulièrement terrifiant. Et avec le recul, Ambrose est plus heureux et soulagé que jamais d’avoir connu d’autres expériences avec Mavis, de ne pas avoir eu à réfléchir trop longtemps avant de l’embrasser et d’aller plus loin. Il sait comment s’y prendre, il sait comment faire en sorte qu’elle profite à son tour de l’instant, et il pense qu’il s’en est bien sorti et qu’il n’y a rien qu’ils devraient regretter dans le temps pris avant de donner vie à leurs désirs.

"Et toi, depuis quand ?"
”J’y pense sérieusement depuis qu’on s’est revus.”

Le sujet n’était pas vraiment dans son esprit quand il enterrait encore son père d’adoption, il l’avoue sans mal, mais il avoue surtout sans mal qu’il y a souvent pensé depuis ce jour. Il s’adosse à son tour contre le meuble, sans doute bien plus heureux que de raison à l’idée que Mavis porte ses vêtements et reste pour la nuit, comme s’il n’y avait rien de plus logique dans tout ça. ”Mais on a jamais vraiment eu le bon moment.” Pour se retrouver comme ça. Il était un homme fiancé, elle était un cœur brisé, ils étaient les amants d’une seule et même personne, et certaines de ces affirmations peuvent encore se conjuguer au présent. Il n’a rien provoqué non plus de son côté, il en est bien conscient, mais il continue de se rassurer en se disant qu’il attendait simplement le moment opportun - quand bien même il commençait à croire qu’il ne viendrait jamais. ”Pourquoi ce soir ?” A quel point est-ce que Mavis pouvait se sentir seule et au pied du mur pour mettre sa fierté de toquer et sonner chez lui au milieu de la nuit ? C’est la question qu’il ne peut s’empêcher de poser, bien malgré lui, et seul l’alarme du toaster le pousse à défaire son regard de la jeune femme pour plutôt lui poser l’assiette sur l’îlot central face à elle. ”Y’a pas de mauvaise réponse.” Ce qui signifie que ce n’est pas non plus une question piège. L’invitation continue d’exister, pour cette nuit comme pour n’importe quelle autre.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

"Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Je suis une éternelle romantique." Elle ne l’était pas. Elle se justifiait juste de façon plus bancale que d’habitude sur quelque chose qui lui avait paru hors de portée pendant beaucoup trop longtemps pour qu’elle s’y appesantisse plus que ça. Elle joua brièvement la comédie, battit des cils après avoir repris une gorgée d’eau, son regard ne quittant pas celui d’Ambrose. Peut-être qu’elle avait pensé à lui de cette façon depuis moins longtemps que ça, mais comment savoir finalement ? Son esprit avait été parasité par autre chose, par quelqu’un d’autre… et elle ne lui ferait pas l’affront de lui dire par qui, il savait. Ambrose, Mavis ne l’avait pas vu pendant des années. Il était un souvenir qu’elle chérissait, une pensée fugace à l’occasion, quand elle se demandait par pur masochisme ce qu’aurait été sa vie si elle avait fait des choix différents, si elle ne s’était pas éloignée de certaines personnes, si d’autres n’étaient pas parties sans que ce ne soit sous sa requête, ou encore si d’autres étaient restées si elle n’était pas intervenue : il faisait partie d’un moment de sa vie qui n’était pas simple tant parce qu’il représentait un point de départ de quelque chose, que la fin d’une autre — celle de sa soeur jumelle, rien de moins. Elle n’était pas très construite à l’époque, Mavis. Elle n’avait jamais pu agir comme un seul être, comme une personne unique, et bien que c’était tout ce qu’elle voulait, elle avait été déstabilisé par la liberté soudaine qu’elle venait de gagner, oeuvrant dur et fort pour la mériter : elle se cherchait surement beaucoup trop pour imaginer que leur relation ne devienne sérieuse une fois qu’ils auraient pris en âge en maturité, même s’ils en parlaient avec légèreté parfois, et c’était un peu ce qui avait précipité leur rupture. Du moins, c’est ce qu’elle pensait : parce qu’Ambrose ne réussissait pas à la cerner parce que Mavis elle-même ne savait pas encore tout à fait qui elle était, défaite de l’ombre de quelqu’un qui ne lui avait pas laissé sa chance, qui l’avait empêchée de s’épanouir et de briller.


Elle en était davantage capable aujourd’hui, qu’importe le prix qu’elle en aurait à payer plus tard, quand il serait l’heure de faire les comptes et de la mettre dans le camp des gentils "Rien que ça ?" Espiègle, elle lui retourna la réplique, un léger sourire aux lèvres tandis qu’elle se plaçait du côté opposé à lui pour le regarder dans son entièreté. Ne réussissant pas tout à fait à faire la focale sur une seule partie de lui, elle était trop consciente de la somme de ce qu’il représentait pour parvenir à en laisser ne serait-ce qu’une seule de côté, aussi elle tenta de retrouver ses yeux quand il souligna l’évidence, soit la difficulté de se retrouver dans une conjoncture favorable à ce qu’ils venaient de faire, et ça aussi, ça la fit légèrement sourire. Ils y pensaient tous les deux, c’était quelque chose dont ils n’avaient pas à avoir honte. En tout cas, Mavis n’en avait pas honte. Elle lui avoua même "Je pensais vraiment que ça arriverait après cette soirée-là, tu sais." Était-elle obligée de préciser ? Sans doute que non, elle s’y appliqua tout de même "Le gala de la remise des diplômes." Perspicace, elle pensait qu’il n’avait pas mis autant de coeur à lui trouver une robe pour ne pas être celui qui la lui enlèverait quand ils se seraient retrouvés seuls, chez lui ou chez elle, à laisser derrière eux les discours, les questions de Leon, et la corvée que c’était de devoir faire la conversation avec des inconnus. Lentement, donnant l’impression de l’examiner avec beaucoup de soin, elle inclina la tête sur le côté. Enfin, elle suivit le trajet de l’assiette qu’Ambrose glissa jusqu’à elle avec un nouveau sourire sans pour autant entamer son repas, repensant brièvement à ce qui s’était passé là-bas, à comment elle s’était sentie en se retrouvant mise de côté au détriment de quelqu’un d’autre, encore une fois. Elle se mordit l’intérieur de la joue, ses pensées se calant sur la question qu’il lui posa en même temps et qui partait de la même sensation étrange, du même sentiment curieux de ne pas mériter d’être dans le top des intérêts qui valaient le coup aux yeux de ceux, qu’elle, elle convoitait. Elle hésita, et après quelques secondes seulement, elle finit par lui dire "Parce que j'ai vu ton profil sur cette appli, et que ça m’a rendue folle que tu puisses tomber sur quelqu’un d’autre que moi." A nouveau, elle attendit un court instant, et puis elle saisit doucement le croque-monsieur brûlant entre ses doigts. Elle le coupa en deux, la brûlure du fromage sur sa peau n’étant pas assez vive pour que ça la fasse reculer pendant qu’elle s’enfonçait brièvement dans sa tête pour faire le point sur ce que tout ça voulait dire ou non. En croquant l’angle de son sandwich, elle poussa l’assiette avec l’autre dessus moitié vers Ambrose avant de lui dire, ses sourcils se fronçant en même temps "J’essaye pas de remplacer quelqu’un d’autre." Ce quelqu’un d’autre, elle ne comptait pas le citer autrement que comme ça, n’en faisant pas un vrai sujet tant elle pensait qu’il ne méritait pas sa place ici, entre elle et Ambrose. Mettant sa main devant sa bouche lorsqu’elle avala, elle ajouta ensuite "Je t’ai pas menti tout à l’heure, j’avais vraiment envie de te voir." Il avait pu le constater, d’ailleurs. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’il lui avait manqué, mais elle avait regretté ce qui s’était passé, frustrée par la tournure qu’avait prise les évènements, blessée d’avoir été remise à sa place d’alternative, et visiblement, pas la meilleure. Elle abandonna sa moitié de croque-monsieur, se frotta les mains l’une contre l’autre, et releva sa tête qu’elle avait baissé un court moment pour terminer, ses yeux se posant de nouveau sur Ambrose "Mais je savais pas trop comment revenir vers toi. J’étais pas très à l’aise à cause de la façon dont je t’ai dit de t’en aller." Parlant doucement, précautionneusement, elle choisissait ses mots pour ne pas gâcher ce moment qui, à ses yeux, et peut-être qu’à ses yeux seulement, avait été parfait.

La question a été retournée à Mavis, autant que la réponse est retournée à Ambrose. "Rien que ça ?" - "Rien que ça." Il ne se dérobe pas et il ne cherche pas non plus la moindre circonstance atténuante. Il a toujours eu un faible pour Mavis, depuis qu’ils étaient gamins, et des années passés loin l’un de l’autre lui ont donné davantage de recul mais n’ont pas suffit à faire taire ce sentiment. A sa surprise, elle renchérit sur la conversation et y ajoute ses propres détails et pensées. Lui pensait le sujet déjà clos mais il n’a aucune raison de les forcer au silence, au contraire. Au fond de lui, tout au fond, il est particulièrement curieux d’en connaître le plus possible au sujet de cette histoire qui le concerne tout de même pour moitié. "Je pensais vraiment que ça arriverait après cette soirée-là, tu sais." Il hoche la tête par mécanisme, autant pour lui dire qu’il comprend son point de vue que lui aussi, il y a pensé. Il avait prévu de dormir chez elle, ils avaient prévus de passer une soirée particulièrement réussie. Ils auraient sûrement ri des réactions de ses parents pendant quelques instants et, au premier silence suivi d’un regard un peu plus prolongé, Ambrose l’aurait embrassée. Il n’y a pas réfléchi plus que ça, il le promet, mais tout de même. L’after lui semblait couler de source. "Le gala de la remise des diplômes." - "J’ai compris, oui." Il rétorque plus durement qu’il ne l’aurait voulu, ses pensées sans doute parasitées par ses souvenirs: cette soirée-là, c’est finalement avec Ruben qu’il l’a terminée, à se tortiller dans un premier temps dans sa voiture pour l’embrasser parce qu’Ambrose n’a toujours pas appris à répondre à la frustration d’une façon convenable et mesurée ; à ajuster une casquette sur sa tête dans un second temps pour éviter les caméras de l’Emerald avant de badger leur chambre pour la nuit. "Je pensais aussi." Il finit par avouer, sans entrer davantage dans les détails. Et si Weatherton tout entier n’était pas truffé de caméras depuis le cambriolage, il l’aurait au moins embrassée lors de l’essayage de la robe. Du moins, ce n’est pas l’envie qui manquait, ni les occasions.

D’une question, il dérive à une autre, incapable de comprendre précisément pourquoi cette nuit est différente de toutes les autres passées tantôt à flirter, tantôt à être boudé. "Parce que j'ai vu ton profil sur cette appli, et que ça m’a rendue folle que tu puisses tomber sur quelqu’un d’autre que moi." Sa réflexion prend la forme d’un simple silence alors qu’il l’observe enfin accepter l’offrande nutritive face à elle. Cette idée, il la comprend parfaitement, pour avoir ressenti la même chose au moment où lui a vu le profil de Mavis. L’idée qu’elle donne de son temps et de sa personne à d’autres hommes ne la méritant certainement pas a tout eu pour le rendre fou. "J’essaye pas de remplacer quelqu’un d’autre." Son prénom est devenu une véritable omerta ; il a compris. "Je t’ai pas menti tout à l’heure, j’avais vraiment envie de te voir. Mais je savais pas trop comment revenir vers toi. J’étais pas très à l’aise à cause de la façon dont je t’ai dit de t’en aller." Il ne sait pas réellement à quoi ressemble une relation normale dans laquelle chacun est tout aussi légitime que l’autre d’exister, où aucun mensonge n’existe et où tout simplement les jours s’écoulent avec bonheur non crainte, mais il se dit que ça doit se rapprocher de discussions comme celle-ci, faites à coeur ouvert et sans débordements. "C’est ok." Il garde son renvoi en travers de la gorge mais il n’a pas de mal à passer à autre chose, surtout maintenant alors qu’elle prend le temps de tout lui expliquer. A son tour, il s’avance à sa hauteur pour l’embrasser contre sa tempe, son nez posé un instant contre ses cheveux humides. "Mais si tu comptes revenir ici à l’avenir, il va falloir que tu ramènes un shampoing pour cheveux blonds." Il ironise, murmurant ces mots encore tout près de son visage dont il s’éloigne juste assez pour jouer une seule seconde avec ses cheveux. Elle est la bienvenue ; il n’a aucune intention de lui dire de s’en aller. "T’as bien fait de venir." Pas seulement parce qu’ils ont couché ensemble, il le jure, mais aussi et surtout parce qu’il est bien plus heureux de savoir qu’ils sont à nouveau dans une phase où envoyer un message à Mavis n’est plus synonyme de peine de mort immédiate.

who are we to fight the alchemy?
@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

Mavis l’entendit, la dureté dans la voix d’Ambrose lorsqu’elle précisa de quelle soirée elle parlait. Elle leva la tête un peu plus haut, son menton pointant en même temps que son orgueil, pas très encline à apprécier qu’on lui parle sur ce ton. Autrement dit : ça aurait pu être le départ d’une dispute, et d’ailleurs, l’espace d’un instant, elle songea à la rebuffade. Elle aurait ainsi pu lui rappeler que si tout s’était terminé prématurément ce soir-là, c’était parce qu’il avait préféré quitter la table pour aller s’isoler avec quelqu’un d'autre, elle aurait aussi pu lui dire que ça suffisait de se planquer derrière le charisme de celui qu’il avait suivi pour justifier sa faiblesse et lui faire entendre que c’était possible, de lui résister, il fallait juste le vouloir. Sauf que, non seulement, il était trop tard pour les disputes de ce genre, mais surtout, elle ne voulait pas tout gâcher en se rebiffant contre ce ton dont il l’avait alloué pour quoi, mettre définitivement cette histoire de côté, et avancer dans la bonne direction ? Elle consentait à ça, se disant que ce ne serait pas une mauvaise chose, qu’ils avaient plus ou moins rectifié le tir, là, non ? De ce fait, elle se contenta de le regarder encore un instant, et doucement, ses traits s’adoucirent en apprenant que lui aussi avait espéré. Elle rassembla tout son bon sens, admettant dans l’intimité de ses pensées que cette soirée n’avait été rien d’autre qu’un gâchis monumental, et que les semaines qui avaient suivi n’avaient été rien de moins que ça, elles non plus.

Elle prit une très légère inspiration, sa voix s’accordant à sa volonté pour lui faire, prudemment, une petite grimace dirigée contre elle-même lui échappant "Je suis quand même désolée." Elle voulait lui présenter des excuses tout en sachant qu’elle aurait dû en recevoir, elle aussi. Elle n’en quémanderait pas cependant, ce n’était pas le genre de la maison. Elle avait été dure avec Ambrose seulement parce qu’elle en voulait à quelqu’un d’autre, et bien que ses choix lui avaient fait du mal, était-il vraiment responsable de la colère qu’elle avait ressenti, du sentiment de trahison qui lui avait vrillé les entrailles en se rendant compte qu’il la laissait seule, avec ses parents ? Elle était capable de concéder que pas complètement — peut-être parce qu’il s’agissait de lui, peut-être parce qu’il y avait des moments où elle n’avait pas envie de s’obstiner, tout simplement. Il s’approcha d’elle, et se redressant doucement, elle anticipa sa position à ses côtés en tendant le bras pour l’enlacer par la taille. Elle ajouta l’autre quand ses lèvres touchèrent sa tempe, prit une inspiration d’aise après avoir déposé un baiser contre son épaule, puis fit reposer sa tête contre sa poitrine en laissant filer un léger rire à ce qu’il lui dit pour ne pas alourdir l’atmosphère, certainement. Les paupières plissées, Mavis releva le nez, qu’elle avait de froncé, pour le fixer, ne le lâchant toujours pas quand elle lui fit avec espièglerie "C’est ça qui t’inquiète, que mes cheveux soient abimés par tes produits 2 en 1 ?" Les fameux gel douche aux noms à rallonge supposés rassurer la virilité ceux qui l’achetaient, et avec lesquels on pouvait même récupérer les toilettes, elle en était certaine. Elle compléta sur le même ton, ses yeux cherchant elle ne savait trop quoi dans ceux d’Ambrose "T’es déjà en train de prévoir de me faire de la place sur tes étagères ? La clef, les fringues, le shampoing, le croque-monsieur à pas d’heure… je vais vraiment croire que tu comptes me demander en mariage à un moment où un autre." Elle se moquait de lui, c’était aussi évident qu’elle fronça plus fort le nez, mais ça restait bon enfant.

Elle se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas rire, le laissa jouer avec ses cheveux une seconde avant de lui donner un peu de recul pour en prendre elle aussi, mais pas suffisamment pour le quitter, restant toujours à ses côtés. Elle sentit son coeur gonfler lorsqu’il lui fit savoir que c’était une bonne chose qu’elle soit venue ce soir. Avec une authentique curiosité, elle se tourna pour poser à nouveau ses reins contre le bord du meuble devant lequel ils se trouvaient, et lui demanda en l’observant avec intérêt, à l’affût du moindre signe qui trahirait ce qu’il était susceptible de lui répondre "Tu regrettes pas alors ?" Est-ce qu’il le regretterait plus tard, quand il se rendrait compte dans quelle position ça le mettait vraiment ? Si elle y réfléchissait un peu, si elle prenait en compte ce qui se passait autour d’eux, toute cette histoire leur reviendrait à la figure tôt ou tard. Elle pouvait déjà en mesurer les conséquences si ce qu’ils venaient de faire finissait par devenir récurrent, et surtout, si ça finissait par se savoir — à ce propos, elle éclaircit bien vite les choses, secouant la tête à la négative en même temps "Moi je regrette pas, et j’en ai pas honte non plus. Je sais que tu te poses pas la question — t’es un homme, vous vous posez pas ce genre de questions." Ce n’était pas un reproche, c’était juste un moyen de souligner que les femmes avaient le chic pour se compliquer la vie, le disant avec un sourire qui mettait en perspective l’idée qu’elle faisait partie de ces femmes-là, malheureusement "— mais je préfère te le dire pour éviter qu’on en fasse toute une histoire." Ce serait pas un secret pour elle, c’est ce qu’elle tentait de lui dire avant que son sourire ne s’agrandisse et qu’elle lui fasse, sa bouche remuant avec exagération, un murmure de malice l’aidant à ajouter juste après "Je veux un vrai date. Hé, je te rappelle qu’on a matché sur cette appli de malheur, je mérite au moins ça." Franchement, elle avait déjà eu ce qu’elle méritait, c’est ce qu’elle pensa avec convoitise en repensant brièvement à l’heure d’avant, surtout aux lèvres et aux mains d’Ambrose sur elle. Mais elle préféra ne pas en dire davantage, engouffrant une bouchée de croque-monsieur tout en ne le quittant pas des yeux à nouveau.

Lors d’instants comme celui-ci (instants qui se conjuguent au singulier, en réalité), Ambrose se rend compte à quel point il a pu rater le coche d’une vie passée auprès de Mavis. Ils auraient pu continuer à grandir l’un à côté de l’autre, quitte à se séparer pour mieux se retrouver ensuite, là n’est pas tant la question. Ils auraient pu se connaître par coeur, ils auraient pu se comprendre sans le moindre mot et, plus que tout, ils auraient pu partager une histoire commune. Des simples moments d’affection comme celui-ci, où un baiser contre une tempe en vaut un autre contre une épaule, auraient pu exister durant des années. Plus que tout, elle aurait été une épouse parfaite, sur le papier autant que dans la réalité des faits. Ils auraient eu leur lot de disputes, mais ils seraient toujours restés présents l’un pour l’autre. Il y pense un instant, laissant sa boutade filer et ses doigts se poser contre les cheveux de Mavis sans prendre le risque de tirer dessus. "C’est ça qui t’inquiète, que mes cheveux soient abimés par tes produits 2 en 1 ?" - "Moi, avoir des produits 2 en 1 ? Arrête, je t’ai connu plus observatrice que ça." Et son sourire appuyé tend bien plus à ne pas lui reprocher son manque d’attention plus que de marquer une quelconque fierté pour avoir marqué un point: ils pensaient tous les deux à bien d’autres choses à ce moment là, et c’est l’idée qu’elle cite parfaitement tous ses produits qui aurait plutôt pu le vexer. "T’es déjà en train de prévoir de me faire de la place sur tes étagères ? La clef, les fringues, le shampoing, le croque-monsieur à pas d’heure… je vais vraiment croire que tu comptes me demander en mariage à un moment où un autre." Il rétorque en premier lieu par un sourire particulièrement amusé, trahi uniquement par des cernes qu’il sent sous ses yeux fatigués. "Je prévois juste de pas me faire voir avec quelqu’un dont les cheveux seraient abîmés." Ce qui revient à du pareil au même, en réalité, même s’il y ajoute un sourire pourtant sincère pour ne pas qu’ils abordent réellement ce genre de discussion. Ce serait trop tôt, ce serait mal venu. Il a passé l’âge de réfléchir avec sa libido et ainsi croire qu’il va se marier avec n’importe quelle personne partageant une nuit avec lui - même si Mavis n’est pas n’importe quelle personne, oui, évidemment. "Il s’appelle revient, ne crois pas t’en sortir aussi facilement." Il fait passer son index entre la peau de Mavis et le col du t-shirt, mimant de le remettre en place. Pour le reste, il ne cherche pas d’excuses.

Elle prend un peu de recul et il ne cherche pas à l’en empêcher, s’occupant les mains en rangeant les maigres outils nécessaires à la préparation de son casse-croûte. "Tu regrettes pas alors ?" Il se retourne pour l’interroger du regard un instant, sans doute aussi occupé à se demander si elle pose réellement la question ou s’il s’agit d’une moquerie supplémentaire. "Moi je regrette pas, et j’en ai pas honte non plus. Je sais que tu te poses pas la question — t’es un homme, vous vous posez pas ce genre de questions." Elle a raison, il ne se posait pas ce genre de question et même maintenant qu’elle aborde le sujet, il n’y réfléchit pas davantage non plus. "— mais je préfère te le dire pour éviter qu’on en fasse toute une histoire." - "Non, je regrette pas." Il a aucune raison de le penser, et il n’a aucune raison de la laisser croire qu’il hésite sur ce point. "Et j’en ai pas honte non plus." Il précise par la même occasion, même s’il n’a pas la moindre foutue idée de ce dont il pourrait trouver le moyen d’avoir honte dans cette histoire. Elle le désirait autant que lui, ce qu’il s’est passé, alors le reste n’est que le cadet de ses soucis. Le prénom de Ruben lui vient un instant à l’esprit, lui et toutes les problématiques qu’il peut représenter à lui seul, mais Ambrose le chasse rapidement. Il ne regrette pas, à aucun niveau. "Je veux un vrai date. Hé, je te rappelle qu’on a matché sur cette appli de malheur, je mérite au moins ça." Il sourit à nouveau de bon cœur en l’observant dévorer une des dernières bouchées de nourriture, résistant à l’envie de fumer une cigarette maintenant qu’il n’a plus rien à faire de ses mains. "Quoi, un croque-monsieur mangé avant d’aller dormir ça compte pas comme un date ?" Peut-être qu’il y a plus rocambolesque, certes. "Je te trouve dure en affaires, Barnes." Son sourire s’étire davantage encore. "Mais c’est ok. Je gère ça. Donne moi juste ton emploi du temps." Le plus difficile entre eux deux sera d’arriver à trouver un véritable créneau. "Mais je suis sérieux, je vais dormir." Elle est arrivée au milieu de la nuit, elle n’en sera pas étonnée. "Je me lève tôt demain, tu pars quand tu veux. Je reviens vers… 14 heures ?" Elle peut partir quand elle veut, mais si elle veut aussi être encore à l’appartement à l’heure précisée de son retour, il n’en serait évidemment pas mécontent. Pour autant, il ne lui impose pas, et il ne se met pas non plus dans la situation où elle pourrait lui imposer un refus. Tout ce qu’il fait, c’est attendre qu’elle ait terminé son plat pour l’embrasser un peu plus fugacement cette fois ; ce genre de baiser partagé par habitude, quand les couples savent qu’il y en aura encore bien d’autres, des comme ça. Il n’adhère pas au terme de “couple”, mais il adhère à tout le reste.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

"J’étais un peu occupée pour faire attention à ta collection de shampoings, Ambrose." Elle le lui faisait remarquer avec un léger sourire en coin, et ça la frappa soudain, cette complicité. C’était probablement dû aux quelques mois qu’ils avaient passé ensemble dans le passé, au fait que ça avait été durant une période où ils étaient assez insouciants pour ne pas vraiment se prendre au sérieux, mais aussi aux souvenirs communs et à la légèreté qu’elle, au moins, ressentait après s’être enfin laissée aller à quelque chose qui lui faisait envie depuis un certain moment, comme elle l’avait statué tout à l’heure à voix haute. Si elle plaisantait à propos de mariage juste après, elle n’avait pourtant pas envie de se poser trop de questions au sujet de l’étiquette à donner à ce qui se passerait maintenant. Ils n’étaient plus des ados, ils s’étaient mis d’accord là-dessus, aussi tout n’avait pas vocation à être mis dans des cases bien rangées et d’où rien ne dépassait, non ? Elle pinça les lèvres pourtant, interpellée par la réponse d’Ambrose à sa boutade et lui demanda, la tête doucement inclinée sur le côté, l’oeil frisant sous la réflexion qu’elle s’imposa en même temps "Donc tu comptes te faire voir avec moi ? C’est bon à savoir. Je vais soigner mon brushing pour éviter de te mettre dans l’embarras dans ce cas. Plutôt cheveux raides ou bouclés ?" Comme si elle n’était pas déjà parfaite pour déambuler au milieu des soirées auxquelles Ambrose chercherait à la traîner, comme si elle n’avait pas l’habitude de présenter parfaitement pour que personne ne se doute un seul instant que sa vie n’était pas aussi bien rangée que le laissait supposer son nom, sa condition, ses ambitions. Elle se mordit la lèvre un court instant, tenta la mine revêche lorsqu’elle se fit rappeler que ce qu’elle portait sur le dos ne lui appartenait pas, et décida que l’obstination d’Ambrose à vouloir récupérer son t-shirt serait son excuse parfaite pour le garder, bien au contraire.

Non, je regrette pas, et j’en ai pas honte non plus "OK, cool." OK, cool, elle le prononça avec le soulagement inhérent à ce petit quelque chose qu’elle ressentait au fond d’elle et qui partait du constat qu’elle n’avait pas besoin de partager avec lui que, à terme, tout ça deviendrait gênant. C’était une évidence, elle pouvait le sentir comme l’imminence d’un orage au-dessus de leurs têtes. Ce ne serait pas gênant pour elle : elle avait fait une croix sur Ruben, elle avait fait une croix sur la bataille que c’était d’attirer son attention, de la maintenir, et de se faire utiliser, manipuler. Mais Ambrose ? Elle ne voulait pas aborder le sujet, elle savait néanmoins que ça en serait un à soulever un jour ou l’autre… pas maintenant, là, elle se contentait de la certitude dont il lui fit part de ne pas regretter ce qu’ils venaient de faire, de ne pas en avoir honte non plus — c’était nouveau pour elle, d’être assurée — et rassurée — par quelqu’un qu’elle fréquentait de ne pas devenir son sale petit secret, bien que dans les faits, elle n’ignorait pas qu’il n’irait surement pas crier sur tous les toits qu’ils se fréquentaient.

Parce que c’est ce qu’ils s’apprêtaient à faire, n’est-ce pas ? Elle eut un léger rire enroué à sa réplique suivante, haussa les sourcils pour lui montrer avec mauvaise foi qu’elle n’était pas suffisamment impressionnée par ses talents de cuisinier pour apposer au moment qu’ils venaient de passer l’appellation de rancard "Hm, si ça avait été un repas avec entrée, plat, dessert et champagne…" Elle ne termina pas sa phrase, la suite coulait de sources tandis qu’il mettait en avant son côté dure en affaires. A nouveau, elle se mordit brièvement la lèvre, cette fois pour lui dissimuler son sourire "T’as pas idée à quel point. Ça te fait peur ?" Il avait l’habitude de traiter avec des requins, elle se doutait qu’il en avait vu d’autres. Mais savait-il seulement à quel point elle pouvait être redoutable, et ce sans aucune raison valable, juste parce qu’elle en avait envie ? Elle le soupçonnait de ne pas vraiment le savoir, de se laisser porter par l’image qu’il avait gardé d’elle de l’époque, et de celle qu’il s’était fait au gré de leurs retrouvailles, se fiant à aux souvenirs tendres qu’ils chérissaient tous les deux à la même échelle. Elle termina sa première moitié de croque-monsieur, avala tranquillement en adhérant plutôt rapidement à sa gestion de l’avenir qui se présentait à eux. Il voulait son planning, il l’aurait "Il sera sur ton frigo dès demain." C’était aussi simple que ça, alors ? "C’est vrai que je t’ai tiré du sommeil." souligna-t-elle sans s’en excuser. Elle ne lui demanda pas s’il lui en voulait, il lui avait déjà dit n’avoir aucun regret. Elle enchaîna ensuite "Les deux prochains jours sont off pour moi, j’aurai le temps de m’attarder. Je devrais juste passer chez moi à un moment donné, j’ai un chat à nourrir et des plantes à arroser." souleva-t-elle dans un léger sourire, attrapant la perche qu’il lui tendait et qui mettait en avant son refus de rester seule ces prochains jours, tout comme ce soir. Elle lui confirma, le laissant approcher pour un baiser fugace qu’elle lui rendit après lui avoir dit dans un murmure "Je serai là à 14 heures."