ancient dreams in a modern land
Raelyn Blackwell & @Danaë Lescaut ☆ crédit/fuckyougifs

« Maman regad’ ! » Je ne pensais pas être un jour le genre de femme qui amène sa petite fille sur son lieu de travail. Mais je ne pensais pas non plus un jour être mère, devoir l’être et le faire seule après avoir vu mon mari envoyé derrière les barreaux, devoir me battre par tous les moyens légaux et illégaux à ma disposition pour le faire sortir de là. Alors, que Micah grandisse en partie au sein des bureaux de l’Octopus et à quelques mètres seulement des locaux, ressources et marchandises du Club n’est finalement qu’un imprévu de plus que je ne suis pour l’instant pas en mesure d’adresser. Ma fille a toujours tout mon amour et elle pourra compter sur moi jusqu’à sa mort mais, pour l’instant, ma priorité va à son père et la bataille pour sa libération.

Je pourrais mentir et prétendre qu’au fond, je fais ça autant pour elle que je ne le fais pour moi, mais personne n’est dupe. Amos est enfermé depuis plusieurs mois et il me manque jusqu’au plus profond de ma chair. Je me raccrochais jusque-là à l’espoir que le verdict lors de son procès lui soit favorable – les preuves amassées et présentées par le procureur de l’état du Queensland étaient maigres et pour cause : Amos n’a pas tué Lou Aberline, pas plus qu’il n’a fait disparaître son corps – mais la sentence et tombée comme le couperet d’une guillotine sur ma nuque. Coupable, 20 ans de réclusion. Je me moque que l’on parle de possibilité de libération anticipée. Je me moque que Reagan me dise qu’il aurait pu prendre une peine de prison à perpétuité, que "dans moins de dix ans, il sortira pour bonne conduite". Être enfermé entre quatre murs détruira Amos, je le connais assez pour l’anticiper. Chaque jour enfermé et un jour de trop qui l’éloignera de la sanité et creusera un peu plus chaque jour un trou béant dans mon cœur. Nous avons eu tort de ne nous fier qu’à  Reagan, bien que ma confiance en lui ne soit pas émoussée, je commence à penser que tout cela le dépasse et que nous aurions dû faire appel à d’autres ténors du barreau bien plus tôt. La culpabilité est là, amère, mais je ne m’avouerais pas vaincue tant que je n’aurais pas retourné le pays à la recherche d’un recours, d’une solution.

J’ai contacté les avocats les plus renommés et impitoyables du pays. J’ai tenté de faire appel à mes relations, certaines hauts placées, à tous ceux qui me doivent des services depuis des siècles. Chantage, intimidation, pots de vin : rien n’est trop vil ou amoral pour moi, pas en temps normal et certainement pas alors que je suis au pied du mur. Quand j’arrive à avoir mon âme sœur au téléphone, je lui dis de tenir bon, que je vais le sortir de là. Ses réponses brèves et presque parfois amorphes me donnent le sentiment que je suis déjà en train de le perdre.

Je lève mon regard vers ma fille pour l’observer en train de s’amuser avec son jeu de motricité fine en bois et s’applaudir d’avoir rangé chaque petite bille, chaque chiffre, chaque forme dans le trou creusé dans le plateau de jeu pour la recevoir. Un sourire douloureux étire mes lèvres. Micah ne sait pas. Elle ignore qu’elle vient peut-être d’être privé de son père pour les vingt prochaines années de sa vie. Elle ignore pourquoi je respire mal la nuit au moment de m’endormir et pourquoi je viens parfois l’observer dans le noir jusqu’à m’assoupir sur le fauteuil installé à côté de son lit. Elle ignore pourquoi je mange à peine, pourquoi je fume cigarette sur cigarette au point de tousser plus qu’à l’accoutumée, pourquoi mes ongles impeccablement manucurés sont ourlés de sang séché à force de m’arracher les peaux mortes du bout des doigts. Je quitte la chaise de mon bureau pour m’avancer à son niveau, je m’agenouille et je caresse délicatement ses cheveux avant d’embrasser le sommet de son crâne blond. « Bravo. Tu veux jouer avec les canes à pèches magnétiques de tonton Chad ? » Les oncles de Micah la gâtent tous d’une montagne de jeux. Cet enfant ne manquera jamais de rien d’un point de vue matériel. Elle ne manquera jamais d’amour et d’affection non plus ; bien que je craigne à présent qu’elle manque d’un père. Ma fille hoche la tête et d’un geste je repousse le jeu qu’elle vient d’abandonner pour tirer vers nous celui dont il est à présent question. C’est aussi simple que ça : si elle veut quelque chose, je claque des doigts pour qu’elle l’obtienne.

On frappe à la porte et ma fille vrille tout de suite son regard vers l’entrée. Comme tous les enfants, chaque élément venant perturber la monotonie, le quotidien et ses habitudes pique sa curiosité. Moi, j’ai reconnu Dani derrière ces coups presque timide, délicats. Toujours au niveau de ma fille, sans me redresser, je jette un coup d’œil à la porte et l’invite à entrer. « Tu peux entrer. » Evidemment, je ne me suis pas trompée. « Une seule remarque - » Sur le fait que Raelyn Blackwell est agenouillée en train de tendre une minuscule canne à pêche en plastique – de la taille d’une main, tout au plus – équipée d’un petit aimant à sa fille pour qu’elle pèche d’aussi minuscules poissons de toutes les couleurs… « Et tu sors de cette pièce. Compris ? » Malgré l’avertissement, je lui adresse un mince sourire en coin. Ils sont rares ces derniers temps, et elle le doit à la présence de Micah ; mon cœur s’adoucit au contact de ma fille.

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Comme il était convenu, Danaë multiplie les heures à l'Octopus; moins de temps libre mais une fiche de paie plus conséquente, sans parler du temps qu'elle dégage pour servir ses propres intérêts - personne n'irait soupçonner une jouvencelle qui dessine ou se plonge dans de vieux grimoires, alors que son oreille, elle, reste imperturbable et particulièrement attentive. Cette capacité n'est pas innée, mais le fruit d'une habitude et d'un comportement mélangés : projeter ses sens dans l'espace environnant pour capter, une à une, les conversations, tout en laissant le soin à sa plume d'esquisser la forme de son désir. Des bâtiments, d'abord, les gens, ensuite. Une connaissance de la fac lui a aussi montré comment tourner une feuille vierge en bande dessinée - tout à fait pratique pour étaler l'ensemble d'une discussion entendue de loin, quelques coups d’œil tout au plus pour rajouter des formes et s'assurer qu'on reconnaisse les malandrins. Ainsi pourrait-elle proposer à Raelyn de véritables reconstitutions, et pas simplement des "j'ai entendu dire" - encore une fois, tout son talent, toute l'envergure de ses compétences est mise à disposition de sa mentor.

Sur ce point, d'ailleurs, doit-elle encore se rattraper. La dernière entrevue aurait pu être sanglante, et Danaë est consciente d'avoir déçu, sinon failli briser la confiance de la blonde. Son parcours tout entier, remis en question, ne lui laisse guère de certitudes; la psycho', c'est probablement terminé, et seule l'idée de séduire Elena parvient un tant soit peu à la faire sourire. Elle ne deviendra pas agente, mais pourra éventuellement se taper la jeune femme - drôle de compensation. La réflexion court donc sur la potentialité offerte par le trafic familial, qui ne demande qu'à être remis au goût du jour - et l'éthique dans tout ça ? Elle l'étouffera à coups de billets verts, sans doute.

Lorsque Raelyn la demande, brunette rapplique; le style gothique s'est étiolé, au profit de robes et de tissus légers, rendant la jeune perche plus ensoleillée qu'elle ne l'est vraiment. Nul besoin de talons lorsqu'on domine déjà le monde du haut de son mètre soixante-dix passé; des sandales aux lacets fins, remontant jusque sur son mollets, accompagnent la souplesse de sa démarche, et la voilà qui frappe à la porte. Loin de son assurance usuelle, le contrecoup des derniers échanges est prégnant : la main hésite, frappe sans forcer, aurait presque peur d'être entendue - alors que c'est précisément ce qu'on attend d'elle. Mais n'avez-vous jamais eu affaire à une Raelyn en colère ? Danaë ne fait plus la maligne, et se contente surtout d'être indispensable, efficace, pour renouveler ses vœux d'obéissance et d'intégrité. Seulement, cette fois, la Madone n'est pas seule - une Madone à l'enfant, c'est d'autant plus convaincant. Il y a ici une limite sacrée, entre elle et le duo agenouillé, une frontière qu'elle n'approche pas, ne pipant d'ailleurs pas un mot avant qu'un avertissement ne tombe - déjà. Un hochement de tête suffit à se faire comprendre, et elle devine sans mal la raison de cette entame musclée; il est inhabituel de voir la grande boss de la pègre dans une telle situation, où la sensibilité et l'amour sont délicatement entremêlés. - Que puis-je faire pour toi ? se contente-t-elle de demander, sans approcher, toujours debout, jouant - encore - avec l'élastique (elle se maudira d'avoir gardé les cheveux lâches). Concise au possible, à défaut d'être confiante, ne voyant que difficilement pourquoi Raelyn la convoque en présence de sa fille.. le seul véritable rayon de soleil présent dans la pièce.  

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Je n’aime pas être observée par des employés en présence de ma petite fille. A fortiori, j’aime encore moins lorsqu’il ne s’agit pas seulement d’employés du Casino mais bel et bien de membre du Club. J’ai conscience d’évoluer dans un milieu où les apparences sont la pierre angulaire de l’opinion que se font les gens à votre sujet, et je pars déjà avec le handicap d’être une femme. En doublant d’une mère, je détiens la recette parfaite pour pousser les plus misogynes de mes soldats de douter de ma valeur et de ma capaciter à leader. Sauf que je n’ai pas eu le choix ce matin, Ruth était malade et je la soupçonne d’avoir simulé son incapacité à s’occuper de Micah en sentant que j’avais besoin d’être près de ma petite fille suite au terrible verdict du procès de mon époux. Elle aurait eu raison : mon cœur est en vrac et, si je suis loin de me douter que je ne suis pas au bout de mes peines, j’ai déjà bien du mal à prioriser les affaires du gang face à mon besoin de pouvoir respirer l’odeur de bébé qui émane des cheveux de ma famille à chaque fois que cela me chante.

Danaë est un moindre mal : elle ne fonctionne pas comme un larbin de bas étage, elle ne fonctionne comme pas grand monde d’autre à vrai dire. Spencer n’est pas en service ce soir, elle aurait été mon premier choix pas en raison d’une confiance plus importante à son égard, mais parce que son statut de famille lui confère à mes yeux une aura différente. Danaë n’a-t-elle pas proposé de m’aider avec Micah ? J’ai refusé parce que ma fierté m’y obligeais mais, aujourd’hui, ne suis-je pas au pied du mur ? « Que puis-je faire pour toi ? » Elle ne rebondis pas sur mon avertissement ; c’en était autant un que c’était une tentative d’aborder la situation avec moins de gravité et pour cause : je n’aime pas demander des services. Pas de cet ordre-là, en tout cas.

Sauf que l’une des pointures du barreaux du Queensland a répondu à mon mail il y a cinq minutes à peine et me propose de nous rencontrer directement, Amos et moi, au pénitencier où mon époux est enfermé dans à peine une heure. Il est hors de question que mon bébé mette un pied là-bas, tout comme il est hors de question que je rate cette opportunité. J’ignore si je suis réellement confiante à la perspective d’un procès en appel, ce que je sais, c’est que j’ai besoin de continuer à me raccrocher à quelque chose. Accepter que je m’apprête à passer les vingt prochaines années sans le père de ma fille à mes côtés ne fait pas partie des choses que je suis prête à accepter sans me battre jusqu’à la mort. « Tu as repensé à notre dernière conversation ? » Celle au sujet de sa dernière lubie et à laquelle j’ai eu une réponse assez… Franche et tranchée, c’est le moins que l’on puisse dire. Ce n’est pas le sujet du jour, certes, mais je ne laisserai pas Micah seule avec elle si je n’ai pas la certitude qu’elle ne nourrit pas de rancœur au sujet de cette histoire sans queue ni tête. « J’ai un service à te demander. » Pas grand-chose aux yeux de beaucoup, mais le plus important que je lui ai jamais demandé aux miens. Je l’ai dit : je ne demande habituellement pas d’aide. Je préfère crever que supplier pour que l’on me tende la main. Sauf qu’il est ici question de Micah. « Mais je veux être certaine qu’on joue toujours dans la même équipe, toi et moi. » Je n’ai pas l’habitude de tourner autour du pot pendant des heures.

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L'impression que le couperet effleure sa nuque est prégnante, tant la tension est sensible dans l'air. Depuis la mise aux fers d'Amos et son annonce désastreuse, Danaë a presque la sensation d'être sur la sellette. Le moindre faux pas n'est plus permis, et sa rigueur doit compenser cette nette appréhension, en appuyant implicitement l'idée qu'elle veut être présente - à défaut d'être une Blackwell, considérée comme une membre proche et tout à fait loyale envers son clan. Ce n'est pas faute d'avoir conscience que la dernière entrevue lui a fait prendre un détour pour arriver à ce stade, et que Raelyn, plus méfiante que jamais, ne lui fera pas le moindre cadeau - sa survie au dernier entretien en était déjà peut-être un en soit.

Aussi se présente-t-elle, prudente mais fermement décidée à prouver sa valeur. Aujourd'hui, son monde tout entier en dépend, tant l'attache à Raelyn est forte, tant la perdre lui semble inenvisageable. Elle se damnerait pour rester à son côté, c'est l'unique certitude qui tienne dans sa vie, plus en proie aux doutes qu'elle ne peut l'admettre. - Oui. laconique, mais véridique, un simple mouvement de tête appuie son affirmation; ni assurée, ni hésitante, un "oui" ouvert qui laisse sous-entendre qu'elle a pris le temps de la réflexion, mais qu'il n'y a rien à rajouter, vu les circonstances. Des décisions ont été prises, plus ou moins lourdes de conséquences : en définitive, l'ensemble ira dans le sens souhaité - elle l'espère - par sa mentor. Pour l'heure, forcément, la blonde attend d'elle quelque chose. Raelyn ne convoque jamais sans raison. Mais un service, cela fait bien longtemps; en temps normal, elle se contente d'ordonner, sans que le rapport de force ne soit pourtant présentement inversé. La crainte se verbalise dans ce nouveau test, le passage quasi-ultime de la confiance renouvelée : oui, il est pénible de concevoir qu'elle puisse douter de son engagement; oui, elle regrette d'avoir instigué à son esprit, la moindre once d'incertitude. - J'ai lâché la psycho'. lance-t-elle, sans se formaliser de la perte, comme si balancer une partie de son aspiration par la fenêtre n'était qu'un moindre mal, pourvu qu'elle subsiste dans le cercle de sa Madone. - Je reviendrai avec un projet dans quelques semaines, le temps de le peaufiner. Mais sache que, quoi qu'il arrive, je suis avec toi. ne pas trop s'avancer, à défaut d'avoir un plan d'attaque à proposer - l'abandon d'une partie n'est définitivement qu'une opportunité de faire autre chose, tout en restant dans les cordes bienheureuses du Club et, plus encore, de Raelyn. Le timbre s'affirme seulement lorsque se prononce le "vœu", gage de sa sincérité. Un coup d’œil croisé à Micah réussit d'ailleurs à l'attendrir, soutirant un sourire léger qui aura le don d'éclaircir son visage, un petit geste discret de la main destiné à la saluer, à défaut de pouvoir s'immiscer dans l'intimité d'une mère et de son enfant.

- Si c'est pour mes services.. C'est seulement parce que c'est toi. le contraste entre l'innocence et la décadence est frappant, qui a collé ce fichu post-it sur son front ? Seulement, la réalité est là : elle se vendrait encore, si Raelyn en faisait la demande, si elle en exprimait le besoin. Je serais ton arme, la cerise sur le gâteau de ton choix. Néanmoins, le corps se fait plus réticent, et les bras ballants se croisent une seconde; vulnérable toujours, lorsque affiliée à la putain qui ronge sa psyché, dont elle ne pourra vraisemblablement jamais se débarrasser. Pour être avec toi, s'il le fallait, je me donnerais encore cent fois.      

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La vue de Dani m’inspire un cocktail d’émotions contradictoires depuis notre dernière entrevue – ou confrontation, le mot est peut-être un tantinet plus adapté. J’ai toujours eu du respect et, à ma manière, de l’affection pour la jeune femme. Certes, je ne suis pas démonstrative. Prétendre le contraire serait un mensonge éhonté et il ne s’agit de toute façon pas de la façon dont j’ai envie de me dépeindre. Je ne suis pas du tout démonstrative donc, mais il n'en reste pas moins vrai que je ne suis pas de marbre face au caractère de feu de la brune, à sa façon parfois déstabilisante de voir les choses – elle me pousse à lever les yeux au ciel parfois – et face à son culot. Dani ne me ressemble pas, elle est trop fragile et à fleur de peau pour être une copie de la jeune femme que j’étais à son âge mais, pourtant, quelque chose chez elle a fait naître chez moi de la confiance et une certaine forme d’admiration. Ces choses-là ne s’effacent pas parce qu’elle a dépassé les bornes mais elle l’a toutefois bel et bien fait. J’ai pris sa volonté de rejoindre les forces de l’ordre – d’une façon détournée et particulière certes mais les faits sont les faits – comme une trahison. J’ai vécu son annonce comme un coup de couteau entre mes omoplates, tout particulièrement dans un contexte comme celui-là. A cette époque, je craignais de perdre mon époux et âme sœur. Aujourd’hui, je l’ai véritablement perdu au profit d’un système impitoyable qui le brisera assurément. Quand bien même il sortait bien dans dix ans au lieu de vingt grâce à une conduite irréprochable, ce n’est pas le Amos que j’aime et que j’ai épousé qui sortirait, j’en ai la certitude. Ce serait un homme amer, fermé, brisé. J’en ai eu un bref aperçu lorsqu’il a été libéré sous caution après seulement quelques mois derrières les barreaux. Comment ne pas craindre ce que plusieurs années lui feront, dans ces conditions ?

Si elle réitérait sa question maintenant que le procès a abouti, nul doute que Dani recevrait une balle entre les deux yeux. Maintenant plus que jamais je ne peux pas m’encombrer de personnes dont je doute de la loyauté. Une part de moi se désole qu’elle m’ait donné matière à le faire : cela n’était jamais arrivé avant. Pas une seule fois, même au paroxysme de sa fragilité. J’ai besoin d’elle ; je ne l’admettrai pas à voix haute, mais j’ai besoin d’elle et cela va au-delà du service que j’attends d’elle aujourd’hui. Danaë est mon alliée depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. « Oui. » Mon regard, jusque-là posé sur ma petite fille concentrée sur sa pèche de petits poisson aimantés, se durcit lorsque je relève le menton pour détailler la brune. Finalement, j’embrasse une dernière fois le sommet du crâne de ma fille avant de me redresser. Même debout, je suis loin de toiser la brune. Mon petit gabarit est toutefois un piège mortel : me sous-estimer à cause de mon mètre cinquante-cinq est une erreur dangereuse. Pourtant, je l’observe avec le regard de quelqu’un qui règne sur le monde. « J'ai lâché la psycho'. » Radical. Je n’en attendais pas moi de la jeune escort : elle m’a toujours semblé incapable de faire les choses de façon mesurée. Avec elle, tout est ébène ou d’un blanc éclatant. « Pourquoi ? » Je l’interroge avec une réelle curiosité. « Ce n’est pas ce que j’avais exigé. » Je n’ai pas peur d’employé des mots forts : j’avais bel et bien exigé d’elle qu’elle revienne sur sa décision, quelle que soit la façon dont j’ai enrobé les choses et qu’importe la manière dont je l’ai présenté. Poursuivre dans cette voie se serait faite sans retour en arrière possible pour elle, et elle me connaît assez pour le savoir. Toutefois, je n’ai rien dit concernant ses études. A mes yeux, il ne s’agit que d’une lubie ridicule. Toutefois, c’est une lubie que je tolère. « Je reviendrai avec un projet dans quelques semaines, le temps de le peaufiner. Mais sache que, quoi qu'il arrive, je suis avec toi. » Quand diable comprendra-t-elle que cette vie-là a davantage à lui offrir que n’importe quelle autre ? Qu’elle pourrait se contenter de rester à mes côtés, de se hisser progressivement au rang de bras droit, qu’elle pourrait imiter mon exemple et prospérer dans mon monde ? Je ne dis rien à ce sujet : pas alors que j’ai besoin d’elle docile.

« Si c'est pour mes services.. C'est seulement parce que c'est toi. » - « Non, je ne t’ai pas faite appeler pour ça. » Je balaye l’éventualité d’un geste de la main avant de faire quelques pas en direction du bureau, peu désireuse de que Micah n’entende ce que j’ai à dire : pour elle, son père est encore en voyage. « Je dois être à la prison dans moins d’une heure. » Je ne lui demande toutefois pas d’être mon chauffeur : quelqu’un est attitré à ce rôle-là. « La nourrice de Micah m’a fait faux-bond ce matin. » La malheureuse est clouée au lit avec de la fièvre. Ce genre de chose ne m’émeut pas, je vois simplement la situation comme un problème à résoudre. « Je ne peux pas manquer ce rendez-vous. Un des meilleurs avocats du pays a accepté de nous écouter et de nous laisser le convaincre de prendre le cas d’Amos. » Et ce rendez-vous est la seule lueur d’espoir que j’ai dans la perspective d’un procès en appel. « Tu as proposé de m’aider avec Micah. J’ai besoin que tu la garde avec toi pendant quelques heures. » Dieu que je déteste l’idée, encore plus maintenant qu’elle est énoncée à voix haute.

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L'humeur n'est pas au beau fixe, mais peut-être ne le sera-t-elle jamais de nouveau. Ce n'est pourtant pas faute de vouer - à sa façon - un culte à sa Matrone, sans régression de respect ou d'admiration; la confrontation, néanmoins, semble inévitable depuis la dernière fois. C'est regrettable, et Danaë porte cette faute comme Atlas soutient le monde de ses larges épaules. Rien ne saurait la racheter, rien d'autre que le temps et les actes - si tenté est que Raelyn efface un jour l'ardoise, et cette vilaine tâche qui encombre leur relation. Aujourd'hui, la grande brune imagine bien n'être que le cadet de ses soucis, tout comme, pour cette même raison, une futilité que l'on peut faire disparaître d'un claquement de doigts. Parce qu'il y a Amos, et que cette histoire là ne peut être outrepassée par aucune autre - et surtout pas par une gamine un poil trop paumée, aux choix douteux et au passif obscur. Elle voudrait la soutenir dans ce moment, dans cette pénible épreuve, mais son affection serait probablement perçue comme une fragilité malvenue, une marque supplémentaire de son immaturité. Aussi se contente-t-elle du minimum, à défaut d'avoir plus à offrir : parce qu'une attitude de larbin attentionné ne saurait lui rendre justice, et ne la rendrait que plus pathétique, médiocre émotive sensible aux réprimandes du glacier Blackwell.

Le face à face a bien lieu, et il serait fallacieux de croire que sa hauteur empyrée a raison de la blonde : l'avantage n'a même jamais été en sa faveur, ce n'est qu'un argument de taille pour les autres. - Peu importe. Ce n'était plus qu'une perte de temps. assure-t-elle, haussant les épaules à la volée. Les secondes sont précieuses et doivent être mises à profit pour qu'un projet d'envergure puisse y creuser son nid : ce n'était plus le cas de la psychologie, devenue obsolète à l'instant où le "non" catégorique fut prononcé. Pas d'entre deux pour se faire de l'argent, si la pierre n'est d'aucune utilité à l'édifice ; cette conversation sera pour plus tard, et Raelyn verra que son "abandon" n'est rien à côté du plan qu'elle ambitionne à présent. Tu exiges sans le dire, songe-t-elle sans l'exprimer elle-même. - Très bien. laisse-t-elle échapper lorsque sa Madone écarte l'ignominie d'un simple revers de main; il ne s'agit pas de son corps, ou d'un contrat à obtenir en dernière minute, et Danaë doit s'assurer de ne pas surréagir lorsqu'il est question de cet aspect de sa vie. L'indifférence de l'une doit se refléter sur l'autre : un jour peut-être, parviendra-t-elle à se moquer ouvertement des plus viles bassesses, à n'éprouver qu'un je-m'en-foutisme palpable et imperméable à toute sensibilité extérieure.

La raison de sa convocation est plus étonnante, et si la brune ne se permet d'écarquiller les yeux, c'est bien parce que le geste ne relève en rien d'une once d'affection à son égard : elle n'est qu'un outil pratique, une présence capable de jouer la remplaçante du dernier instant. - Fais ce que tu as à faire. partagée entre la bienveillance et le pragmatisme absolu, incapable de décider sur quel bord se placer - les nuances sont subtiles, et discerner le blanc du noir chez Raelyn peut parfois lui faire perdre la tête. - Je m'en occupe. un hochement de tête est suffisant, les effusions sont à proscrire entre elles : ne manquerait plus qu'un sourire niais pour parfaire le rôle de la simplette, assez crédule pour se penser dans les bonnes dispositions de sa mentor. Pour autant, envers la petite, le discours doit s'adapter. Si la froideur est requise avec l'adulte, une certaine sensibilité est de mise avec l'enfant. - Tu me montres comment tu pêches avec ta canne, Micah ? prête à embrasser son rôle, la jouvencelle accroche sa protégée d'un sourire complice, puis recouvre l'ode à la neutralité en reportant son attention sur la mère. - Elle va me montrer son talent à la canne et je lui ferai colorier mon carnet de hiéroglyphes en suivant. Peut-être qu'on ira aussi piquer une boule de glace au congélo, en cas de p'tit creux. grosso modo : tout va bien se passer, même si une maman ne partira jamais l'esprit tranquille. Puisse-t-elle, au moins, être certaine que Danaë prend sa mission on ne peut plus à cœur, comme si Micah était de sa propre famille. Les lèvres ne s'élargissent guère d'un sourire, et la demoiselle s'apprête déjà à virevolter auprès de l'enfant, pour s'accroupir à son côté et laisser la magie de l'innocence opérer.         

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« Peu importe. Ce n'était plus qu'une perte de temps. » C’est bel et bien ce que je pensais de ses études mais, en revanche, je ne l’aurais jamais empêchée de les poursuivre. A mes yeux, il s’agissait de sa petite lubie innocente que je tolérais, que j’autorisais puisqu’elle n’avait pas vocation à empiéter sur mes affaires ou celles du Club. Dani me fait l’effet d’une enfant ayant reçu des remontrances ; elle a l’air d’avoir abandonné ce qui, il y a quelques semaines encore, lui était cher, simplement par vexation. Peut-être me trompé-je. Quoi qu’il en soit, je n’y accorde pas assez d’importance pour creuser au-delà d’une ou deux questions : le quota est épuisé et, à présent, je me concentre à nouveau sur ce qui a de l’importance. Ma situation. « Très bien. » - « Peut-être pourrons nous envisager que tu te rendes utiles de cette façon également… » Je n’y avais pas songé avant qu’elle se méprenne. Je suis convaincue que la majorité des hommes sont corruptibles ; se pourrait-il que le témoin vraisemblablement payé par la défense soit sujet aux confidences sur l’oreiller ? Ou simplement qu’il se montre faible face aux yeux de biche de mon petit oiseau et qu’il craque, nous donnant l’occasion de le faire chanter et de tout révéler à sa femme, s’il en possède une ? Je ne rougis pas à l’idée de faire chanter un homme et de risque de briser son mariage : il m’en faut plus en temps normal, et il m’en faut assurément plus à présent que la liberté de l’homme que j’aime est en jeu. « On verra. Je t’en toucherai deux mots en rentrant. » Je sème un indice sur ma requête, qui a à voir avec mon besoin de pouvoir quitter les lieux. De toute façon, je la mets au parfum bien rapidement.

Si Danaë est surprise, touchée ou au contraire secouée par ma demande, elle n’en laisse rien paraître. Je dois au moins l’admettre et la laisser marquer ce bon point en bonne foi. « Fais ce que tu as à faire. » Elle a mis de la distance entre elle et moi depuis notre dernier "affrontement", je l’ai noté son trop y prêter attention ces dernières semaines et je le réalise à présent pleinement. Dans un autre contexte, si j’avais l’énergie et le temps à lui octroyer, je tenterai de la pousser à vider son sac : sur l’heure, j’ai d’autres priorités. « Je m'en occupe. » - « Très bien. » Pourtant, je n’arrive toujours pas à détacher mon bras de l’épaule de ma gamine. La laisser seule dans un contexte comme celui-ci me demande une confiance que je ne suis pas certaine de placer en qui que ce soit, des efforts qui me paraissent surhumain. Mes doigts glissent de l’épaule menue de Micah à sa tête blonde tandis que les yeux océan et rieurs de ma princesse happent le regard foncé de Dani. Ma fille n’a pas l’air perturbée ; comme bon nombres d’enfants choyés et surprotégées, elle se sent en sécurité et à l’aise partout et avec n'importe quoi, même ceux avec lesquelles elle n’a pas l’habitude ou n’a jamais "conversé". « Tu me montres comment tu pêches avec ta canne, Micah ? » La brune adresse à la chair de ma chair un sourire radieux, et si je devrais me détendre – j’ai confiance en Danaë au fond, je ne suis simplement pas certaine d’avoir confiance en qui que ce soit lorsqu’il s’agit de Micah – je me contente pour l’instant de continuer à couver ma fille d’un regard de lionne. « Elle va me montrer son talent à la canne et je lui ferai colorier mon carnet de hiéroglyphes en suivant. Peut-être qu'on ira aussi piquer une boule de glace au congélo, en cas de p'tit creux. » Dani semble avoir tous les bons codes. « Je vais vous affecter un agent de sécurité. » Je vais leur affecter le directeur de la sécurité du Casino sans avoir une seule seconde l’impression que ce soit démesuré ou une mauvaise utilisation des ressources de l’Octopus, surtout. Renforcer la sécurité autour de ma princesse devient urgent ; je ne pourrai pas traiter Micah comme une extension de ma personne toute une vie, elle aura besoin de ses propres gardes du corps. « Il va rester derrière la porte. S’il y a le moindre problème, tu n’auras qu’à l’appeler. Et si il y a un problème avec elle. » Je montre ma fille du menton. Un problème médical, un chagrin ou une blessure. « Tu m’appelle moi, okay ? » Je ne veux pas qu’elle tente de gérer seule pour me prouver quoi que ce soit. Amos en prison, Micah est la seule chose qu’il me reste et je suis la seule de ses deux parents qui puisse prendre soin d’elle. « Ne sortez pas de l’enceinte du Casino. » Cette consigne n’avait pas réellement besoin d’être donnée, je suppose, mais elle est signe de ma nervosité croissante alors que l’heure de les laisser approche.

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- Tout ce que tu voudras. se faire violence pour que disparaissent les rides de sa contrariété, pour devenir ce que Raelyn a besoin qu'elle soit : simple, pragmatique, attentive et réfléchie, non émotive, empathique et sensible. Danaë le comprend sur le tas, et s'adapte de concert. Sans doute en a-t-elle assez d'être la petite fille capricieuse, drapée d'opulence et toujours encline à valoriser ses moindres pulsions; ne rêve-t-elle pas finalement d'emprunter l'escalier tortueux que lui indique sa mentor ? Sa poigne de fer l'intimide et lui inspire tout ce qu'elle voudrait elle-même inspirer chez les autres : le respect du premier coup d’œil, le respect du nom, d'une prestance, le silence de mort pour l'écouter parler, la peur tenace de la mettre en rogne plutôt que l'image ridicule d'une infante gâtée, hautaine mais sans véritable prétention à l'arrivée.

Seulement, pour cela, Danaë devra se contrôler - elle, avant les autres. Les embobiner est une chose, sans doute un atout, mais ce dernier possède des limites - elle en a fait la désagréable expérience, avant d'appeler la blonde au secours. - Entendu. plus concise que jamais, tout l'inverse d'antan, de leurs conversations habituelles, de ses remarques ou réflexions qui lui valent d'être particulièrement agaçante. L'urgence pointe dans la requête du jour, et la brunette sait qu'elle ne peut plaisanter sur ce point. Pas même une seconde, pas même l'ombre d'une réplique qui irait contrarier une mère préoccupée. Cette fois, elle se contente d'endosser son rôle, avec tout le sérieux - qu'elle ne déploie qu'à huit clos - lorsque les circonstances l'exigent. La vie de Micah est une priorité absolue, et c'est un drôle de sentiment qui l'étreint lorsqu'elle évoque le programme de la soirée avec la petite. C'est la famille. C'est l'amour maternel. Et cela résonne étrangement dans sa poitrine, gonflée par le devoir - la nécessité - d'être parfaite ce soir. - Cerbère à la porte, si besoin. Pour toute autre urgence, je t'appelle directement. C'est noté. répéter - à sa façon - est une manière de prouver qu'elle a entendu et compris les différents points relatifs au fonctionnement de son départ improvisé. - On sortira peut-être même pas de la pièce. Je nous ferais commander les glaces, si nécessaire. elle construirait un coffre-fort, s'il le fallait, tout en imaginant que rien ne saurait totalement la rassurer. Rien qui n'égale sa présence auprès de sa fille en tout cas.

Danaë se montre de nouveau hésitante, alors que Raelyn profite des "dernières minutes" avec Micah; l'envie de rejoindre la petite est prégnante, pour tisser un lien avec et prouver à sa Madone qu'elle ne se trompe pas dans son choix de nourrice, d'un autre côté, elle ne saurait briser l'instant qui les unit, et préfère rester légèrement à l'écart. - En ce qui la concerne.. est-ce qu'il y a des choses en particulier à savoir ? le déroulement prévu de la soirée, check. Mais la jeune femme ne vit pas et n'a pas l'habitude de garder sa cadette, aussi essaie-t-elle - pour une fois - de dégager la brume pour éclaircir au mieux les tenants et aboutissants nécessaires à la bonne santé de Micah. Nothing else matters.         

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Raelyn Blackwell & @Danaë Lescaut ☆ crédit/fuckyougifs

« Tout ce que tu voudras. » Si j’apprécie l’obéissance à sa juste valeur, je suis en revanche surprise d’entendre Danaë en user, ou en tout cas en user à ce point-là. Ce n’est plus simplement de la loyauté qu’elle m’offre, c’est sa soumission, une reddition complète que j’ai certes provoquée - j’ai été dure avec elle, j’ai peut-être coupé les ailes à la rêveuse qui dormait encore en mon jeune petit moineau - mais que je relève avec surprise malgré tout. Dani, je l’apprécie parce qu’elle a du répondant, parce qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche. Ce n’est pas en se conduisant comme un chiot bien élevé qu’elle m’a prouvé qu’elle était digne de mon attention. Ce n’est pas non plus en adoptant l’attitude d’un mouton que l’on emmène à l'abattoir. Toutefois, l’heure n’est pas à ce genre de questionnement. Je me moque bien de l’attitude de la brune pour l’instant et le sujet sera traité plus tard. Si j’ai brisé l’un de mes jouets préférés, il m’incombera de voir s’il peut-être réparé lorsque mes priorités ne seront plus ailleurs, dans un domaine qui a bien plus trait au vital. « Parfait. » Laisser ma fille ne l’est pas, mais je n’étais pas préparée à ce cas de figure. A l’avenir, je ferais en sorte de pouvoir me libérer du temps sans confier Micah a quelqu’un d’autre que sa nourrice. Maintenant que je suis seule, Ruth devra augmenter le nombre d'heures qu’elle passe chez moi et, comme toujours, j’attendrai d’elle de s’exécuter dès lors que j’exigerai.

« Cerbère à la porte, si besoin. Pour toute autre urgence, je t'appelle directement. C'est noté. » Je hoche la tête. Aucun sourire - pas même une ébauche - ne flotte sur mes lèvres alors que le sujet évoqué ne prête pas à la légèreté. Rejoindre la prison, d’échanger avec l’avocat et de revenir me prendra toute l’après-midi et tenter de contrôler la situation d’une main de maître est la solution que j’ai trouvée pour ne pas me laisser gagner par l’angoisse à l’idée de laisser Micah à Danaë. J’ai confiance en la jeune femme. Toutefois, il flotte autour d’elle comme une aura de déséquilibre qui me fait craindre pour ma fille. Je crains toujours pour elle, surtout depuis que cette pute d’Aberline a fait planer des menaces au-dessus de sa petite tête blonde. « On sortira peut-être même pas de la pièce. Je nous ferais commander les glaces, si nécessaire. » - « Oui, très bien. Mieux, même. » Personne ne peut gagner l’étage sans être repéré : l’escalier ne mène qu’aux bureaux réservés au personnel. Personne ne peut gagner mon bureau sans passer devant celui de la sécurité et, en plus du garde posté devant la porte, cela en fait un endroit impénétrable. Toutefois, Micah est mon joyau : rien ne parvient à me rassurer entièrement lorsqu’il est question d’elle. C’est elle ma faille, j’en ai été consciente dès que ses grands yeux bleus - les mêmes que ceux de son père - ont happé mon regard pour la première fois. « En ce qui la concerne.. est-ce qu'il y a des choses en particulier à savoir ? » Je glisse mon sac à main sur mon épaule lorsque la jeune femme reprend la parole. « Elle est facile. » Malgré un caractère déjà bien trempé, Micah semble déjà plus douce que je ne l’ai jamais été. Elle est bavarde, curieuse et patiente ; je doute qu’elle pose le moindre souci à Danaë. Toutefois, il me reste une précision à apporter. Doucement, sans un geste susceptible d’effrayer ma princesse, je m’approche d’elle, dépose un baiser sur son front en me baissant et, lorsque je me relève, je garde sa frimousse prisonnière de mes mains un instant. Je ne le fais pas par hasard : je garde ainsi les mains contre ses oreilles pour qu’elle ne puisse entendre ce que je m’apprête à ajouter. « Elle pense que son père est en voyage et qu’il met plus de temps que prévu à revenir à la maison. » A cause des vagues, de l’immensité de l’océan, du mauvais temps au large, j’ai brodé à chaque fois que ma pie bavarde m’a posé des questions. En janvier, lorsqu’Amos a brisé les conditions de sa libération provisoire et a été reconduit en prison, je n’ai pas eu le cœur d’expliquer à ma fille pourquoi papa repartait déjà après plusieurs longs mois de voyage - sa première incarcération. Maintenant que son père risque plusieurs années derrière les barreaux, je sais qu’il faudra que je lui dise un jour la vérité, mais je ne parviens pas à m’y résoudre. Pourtant, elle pourrait le voir si elle savait. Mais la salle de visite d’un pénitencier est le dernier endroit où je veux conduire mon enfant. Je me redresse finalement entièrement après avoir ôté mes mains des oreilles de ma fille. Je plonge mon regard dans celui de mon petit oiseau. « On discutera à mon retour. » Cela sonne davantage comme un ordre que comme une invitation. Toutefois, mes intentions naviguent entre les deux, sauf que je n’ai jamais su m’exprimer comme la plupart des gens.

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Ce n'est ni l'heure ni le lieu pour remettre quelques tournures de phrases en question. Il y a eu assez d'affrontement entre elles, ces derniers temps, pour que dans le cas suivant, Danaë se plie purement et simplement aux règles, aux décisions et possibilités énoncées par sa mentor. Que cela lui plaise ou non, elle ne s'en formalise pas. Il y a aussi une bataille à mener pour Amos; qu'elle l'admette ou qu'elle préfère se voiler la face, son petit cœur de corbeau est bien attaché à l'homme-détenu. Pour lui, une partie supplémentaire de révélations sur l'oreiller ne serait bien qu'un moindre effort; elle l'aime plus que cette idée ne la répugne, c'est le "pour-contre" intellectuel qui a tranché en une seconde.

Mais là n'est pas la réelle option du jour. S'il faut passer par là, Raelyn sera tout à fait capable de ramener la conversation sur la table. Aujourd'hui, Micah est le centre de l'attention - plus encore qu'à l'accoutumée, pour l'urgence du besoin de la garder. Danaë est résolue à ne pas bouger d'ici, à se faire livrer des frites et un cornet si l'envie lui prend, et à divertir autant que possible sa cadette. - Plus que moi. concède-t-elle, un fin sourire se glissant à sa commissure; il n'y a pas de sous-entendu ou de question sous-jacente, c'est une simple remarque, qui n'attend pas de réciproque amusée de la blonde. L'étudiante ne se fait pas vraiment de souci pour la garde de la petite fille; ce n'est pas un week-end entier, seulement quelques heures d'attention accrue, de vigilance primordiale. Peut-être même qu'elle pourra lui apprendre deux-trois choses, ses carnets de travail étant plutôt aisés à appréhender. Cependant, il restait bel et bien une précision à apporter. Pas des moindres, comme elle ne tarde pas à le comprendre. Raelyn épargne sa fille et Danaë ne peut que lui servir de soutien : pas dit que la gamine pose une question, mais au cas où, la réponse sera toute trouvée. La brune reste silencieuse, souligne une nouvelle fois la bonne réception de l'information par un signe de tête, doublé d'un regard appuyé, qui ne laisse aucune place au doute. Les remontrances de Raelyn - et la balle qu'elle aurait pu prendre - lui ont malgré tout mis du plomb dans la tête : quelque chose a changé, quelque chose que sa propre nature n'appréhende que progressivement. - On y manquera pas. elle aurait pu sourire, là encore, mais le visage demeure cette fois de marbre; pourtant, elle ne voit pas la prochaine interaction comme une nouvelle fusillade en prévision. Il y a une ouverture - ou du moins souhaite-t-elle y croire, mais elles finiront bien l'une et l'autre par apprendre à lire entre leurs lignes. - Allez Micah, tu m'apprends à pécher ? Après, j'te montrerai mon carnet de dessin. Tu verras, il est trooop cool. On peut même colorier des animaux dedans ! elle a enlevé ses chaussures, et s'est naturellement assise au côté de l'infante, remuant un poisson pour inviter la petite à se focaliser dessus. C'est une promesse : les problèmes ne passeront pas la porte, le joyau sera bien gardé.