Une expo familiale

Août 2024 - @Jayden Holmes
Galerie d'art - Spring Hill

En se réappropriant la villa familiale, Chris en avait tout d’abord profité par réinstaller les lieux différemment. Décalant des meubles qui avaient été bougés par les anciens locataires afin de se remémorer certaines dispositions du logement lorsqu’il l’avait quitté il y a bientôt 15 ans désormais. Puis, il avait également examiné de fonds en comble tout le grenier, afin de ressortir d’anciennes affaires familiales qui lui tenait à cœur. Mais pas uniquement car il avait également retrouvé des tableaux inédits réalisés par sa mère et qui n’avaient encore été exposés à aucun regard extérieur.

Dans le but de toujours rendre hommage à sa maternelle, il avait alors contacté la galerie d’art du centre-ville afin d’organiser rapidement une exposition spéciale de ces quelques tableaux. Proposition plus qu’alléchante que la galerie d’art accepta très rapidement en se frottant certainement les mains de pouvoir attirer tout le gratin de la ville pour venir admirer une exclusivité des tableaux de Florence Logan ! De surcroit, les tableaux exclusifs n’étant pas si nombreux (seulement une dizaine), Chris avait proposé d’exposer en même temps d’autres tableaux de sa mère qu’il conservait précieusement à son domicile pour qu’ils soient exposés en complément. Cette nouvelle proposition ne fit que rendre le gérant de la galerie encore plus enthousiaste. Le rendez-vous était donc pris pour une exposition à partir de la semaine prochaine.

Pendant le week-end, le gérant avait convenu avec Chris de venir chercher les tableaux estimés et ainsi de pouvoir commencer à préparer son exposition pour être fin prêt dès le lundi. Chris avait insisté pour qu’il prenne soin des tableaux comme à la prunelle de ses yeux et les protections ne manquaient absolument pas le jour du ramassage. L’exposition serait prête dès 9h le lundi pour l’ouverture au public. Chris étant bien évidemment invité à venir sur place un peu en amont afin de pouvoir en profiter librement de l’exposition en avant-première. Ce fut une invitation qu’il avait bien évidemment acceptée avec enthousiasme. L’observation des tableaux de sa mère lui rappelant à chaque fois de délicieux moments passé en sa compagnie et, dans ces moments-là, son aura protectrice et aimante rayonnait constamment autour de lui.

Lundi Matin, 8h, Chris était bel et bien présent à la galerie d’art avec une heure d’avance sur l’ouverture au public. Le gérant de celle-ci lui avait ouvert par une porte extérieure afin de garder ses grilles fermées pour le moment. Chris y entra de bon cœur et suivi le propriétaire qui lui expliquait comment il avait installé les tableaux dans sa galerie afin de pouvoir leur donner le maximum d’attrait en cherchant à occuper les espaces tout en jouant avec des jeux de lumière. Chris ne parlait pas beaucoup, se contentant d’observer et d’admirer la disposition des lieux. Celle-ci lui plaisait beaucoup mais le manque d’expression du jeune homme finit par déstabiliser le gérant qui lui demanda si cela lui plaisait tout en affichant une mine très nerveuse quant à la réponse qui pourrait lui être donnée.

« C’est Parfait ! » s’exprima finalement Chris en regardant le gérant avec un large sourire. Il sentit alors celui-ci se détendre avant de repartir à ses petites affaires pour finaliser l’ouverture prochaine de sa boutique laissant ainsi Chris seul au milieu de toutes ces œuvres. Il y avait bien d’autres pièces avec des peintures d’autres artistes, mais cela ne l’intéressait guère, il n’était là que pour observer le travail réalisé avec talent et avec amour par sa mère.

Des premiers bruits se firent entendre à l’entrée de la galerie. Le gérant venait d’ouvrir sa boutique en invitant les personnes présentes à entrer à leur tour. Chris n’avait pas vu l’heure passé seul dans la galerie tellement il était perdu dans ses pensées entre le présent et le passé. Il laissa encore passer un temps indéfini dans la même configuration, se levant de temps en temps pour se dégourdir les jambes en refaisant lentement le tour de la pièce et en s’arrêtant plus longuement devant un autre des tableaux.

Les visiteurs allaient et venaient, s’arrêtant plus ou moins longuement. Certains étant admiratifs, d’autres beaucoup moins emballés ou même blasés mais pour Chris cela n’avait pas vraiment de valeur. Il aimait bien cependant chercher à analyser le profil des passants qui venaient seuls ou en couple, très rarement avec des enfants. La plupart ayant l’air de gens fortunés ne serait-ce qu’à voir leurs tenues vestimentaires. Mais un jeune homme parmi d’autres finit par attirer tout particulièrement son attention, ce dernier était seul et peu expressif. Cependant, il était resté depuis un long moment dans la pièce et s’était arrêté depuis un certain temps devant l’un des tableaux. Intrigué, Chris finit par se lever du banc sur lequel il était assis et se dirigea vers lui afin d’arriver à sa hauteur et de se positionner à ses côtés.

« Il vous plait ? » lui demanda alors Chris tout en gardant le regard fixé sur le tableau.

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@Chris Logan

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L'art nourrissait l'esprit, permettait de s'évader, d'ouvrir de nouveaux horizons, de voir la vie par le regard d'un autre. Créer quelque chose, que ce soit de la littérature, de la peinture, de la sculpture ou même ce qu'il faisait lui-incarner des personnages pour les autres-c' était dénudé son âme. C'était offrir à des regards curieux un bout de son être le plus profond. Offrir son art aux autres, c'était aussi l'abandonner, devoir en faire le deuil pour qu'il devienne quelque chose de différent, quelque chose qui ne lui appartenait plus. Ile savait trop bien : dès qu'il avait terminé un film, son personnage ne lui appartenait plus, il devenait autre chose pour le public. Ses deux perles d'azur observaient la galerie d'art de l'autre côté de la rue. Il était assis à la terrasse d'un petit café où il s'était arrêté pour avoir sa dose de caféine. Il bâilla à s'en décrocher la mâchoire, remonta ses lunettes sombres et fumées sur ses yeux, tentant ainsi de passer inaperçu. Cependant, il avait bien remarqué les regards des jeunes filles qui passaient pour la cinquième fois devant le petit café, chuchotant entre elles et jetant des coups d'œil dans sa direction.

Il soupira légèrement, avala le reste de son liquide bienfaiteur, et se redressa en laissant un pourboire conséquent sur la table. La galerie ouvrait ses portes, et il décida d'y entrer, même si cela ne faisait pas partie de ses plans initiaux. Il savait qu'il y trouverait une certaine tranquillité, loin des regards indiscrets. Il aimait l'ambiance feutrée et calme de ce genre d'endroit, où le temps semblait suspendu. Marchant lentement entre les œuvres, il laissait son regard glisser sur les toiles, s'arrêtant parfois pour plonger dans la profondeur d'une couleur ou la subtilité d'un trait. Il tentait d'y chercher une part d'âme, de ressentir l'intention de l'artiste, cette connexion invisible entre le créateur et l'observateur.
Il s'arrêta devant un tableau particulier qui l'attira. Quelque chose dans les couleurs, le sujet, la façon dont la peinture avait été appliquée, lui plaisait. Il se sentait en paix, comme si le tableau parlait directement à son âme.

Alors qu'il était plongé dans ses réflexions, une voix le tira de sa contemplation. Il tourna la tête et observa la personne qui l'avait interpellé. Il hocha doucement la tête, de bas en haut. « Oui. Beaucoup. » Il retourna son regard vers le tableau. « Vous êtes l'artiste ? » Il n'avait pas fait attention au nom sur la toile ; à dire vrai, ce n'était pas ce qui l'intéressait. Se rendant compte qu'il n'était pas poli de parler sans regarder son interlocuteur, il se tourna complètement vers l'homme venu lui parler et remonta ses lunettes sur sa tête pour paraître plus courtois. « Quelque chose dans ce tableau me touche. Cependant, je n'arrive pas à mettre le doigt dessus... » Il peignait aussi, mais ne montrait jamais ses toiles à personne. Elles étaient bien trop personnelles, des fragments de son âme qu'il n'était pas prêt à partager.

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@Jayden Holmes

"Oui. Beaucoup. Vous êtes l'artiste ?" lui demanda le jeune homme tout en regardant le tableau, ses lunettes fumées toujours devant les yeux.

« Non mais je connais l'artiste, il s'agit de ma mère... » Répondit Chris un brin mélancolique dans le timbre de sa voix. Peut-être que son interlocuteur ressentit quelque chose à sa réponse car ce dernier se retourna vers lui et mis ses lunettes sur sa tête afin de pouvoir croiser son regard. Une sensation étrange de déjà vu s'empara de Chris sans qu'il ne saches pour le moment d'où cela lui venait...

"Quelque chose dans ce tableau me touche. Cependant, je n'arrive pas à mettre le doigt dessus..."

"Chaque tableau peut faire ressentir des choses différentes à son public. C'est aussi tout ce qui fait la beauté de l'art... enfin à mon humble avis" lui répondit Chris un brin gêné par le fond de sa pensée qu'il avait laissé s'exprimer en compagnie d'un parfait inconnu. Mais cela ne l'empêcha pas de poursuivre son raisonnement sur son interprétation à lui... car malheureusement il n'avait jamais pu avoir la vision de sa mère sur son œuvre, il ne pouvait alors que la supposé.

"Je pense que ma mère a voulu représenter ici ce qu'était sa vision de l'amour. Et notamment la fusion de deux êtres. On peut distinguer ici deux corps qui s'entremêlent en se blotissant l'un contre l'autre. Et si vous regardez à certains endroits, vous verrez que la même teinte de couleur passe d'un corps à l'autre sans qu'il n'y ait de limites de peau, ce qui pour moi renforce la notion de fusion entre les deux personnes... Enfin je parle beaucoup et ce n'est que mon ressentiment,  peut-être avez-vous une toute autre interprétation ? lui demanda Chris tout en regardant le jeune homme afin de savoir ce qu'il pouvait ressentir à l'observation de ce tableau.

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@Chris Logan

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Bien qu'habitué à recueillir les émotions pour pouvoir ensuite les insuffler dans ses personnages à l’écran, il perçut dans le ton de l'inconnu une note de nostalgie. Face à cet homme qu'il ne connaissait pas, il était conscient de la ligne parfois fragile entre les questions pleines de compassion et l'intrusion. Il savait mieux que quiconque que certaines blessures émotionnelles peuvent être profondes et que forcer leur exposition pourrait les aggraver. Aussi choisit-il de rester silencieux, du moins de ne pas s’engouffrer dans cette brèche qu’il avait captée. Remontant ses lunettes de soleil dans ses bouclettes brunes, il plongea son regard pétrolé dans celui, sombre, de l’inconnu. Il capta une lueur qu’il connaissait bien, celle qui disait : Je t’ai reconnu, mais je ne sais pas encore que je t’ai reconnu. Il ne dit rien cependant et continua la conversation comme si de rien n’était, hochant la tête. L’art, peu importe la forme qu’il prenait, avait pour but de faire ressentir quelque chose. Mais l’humain n’était pas uniforme dans ses émotions, et l’art ne l’était pas non plus. Une œuvre qui faisait pleurer de joie pouvait provoquer du dégoût chez un autre.

L’art pouvait aussi vouloir choquer ou mettre mal à l’aise pour dénoncer, pour mettre en lumière une cause, un combat qui tenait à cœur à l’artiste. Mais parfois, le public ne comprenait pas le message, et l’œuvre véhiculait un sens auquel l’artiste n’avait pas pensé."Il est vrai... Parce que l’art est une question d’éducation et de culture, ce qui fait que si on est éduqué là-dessus, on sera plus uniformes dans notre… consommation. Mais si on n’a pas étudié ce domaine, on est beaucoup plus candide et beaucoup plus libre dans notre vision de l’art. C’est mon cas. Je pose un regard totalement néophyte sur l’art.” Il avait étudié l’art pour un rôle, à tel point qu’il s’était lui-même mis à peindre, mais il ne se considérait pas maître dans le domaine pour autant. Bien au contraire, il n’avait pas assez étudié pour se permettre de véritables critiques. Mais par contre, il pouvait ressentir devant une œuvre sans chercher à donner un avis plus poussé.

Il écouta l’homme parler de l’œuvre de sa mère. Il pencha la tête sur le côté, un petit tic qu’il avait quand il était concentré ou interrogateur. Le fils avait manifestement longuement réfléchi à la signification que sa mère avait voulu donner à son œuvre. Son regard bleu se déplaça sur la toile pour l’observer. Il voyait ce que l’homme voulait dire, il comprenait, et c’était sûrement l’explication la plus plausible. “Je pense que vous avez certainement la bonne interprétation, mais ça pourrait aussi vouloir représenter autre chose. Le poids de la dépression sur une personne qui arrive à la surmonter en partageant un peu le fardeau avec une autre. Ce bleu est très mélancolique et froid… Et plus le bleu passe chez l’autre, un orange chaud et rassurant envahit ce personnage…” Mais peut-être projetait-il trop de lui-même sur cette peinture. Il savait qu'une œuvre pouvait révéler des facettes inattendues et provoquer des émotions imprévues. Ainsi, il préféra laisser à chacun la liberté de sa propre interprétation, enrichissant le mystère de l'art avec des échanges aussi subtils qu'enrichissants.

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@Jayden Holmes

"Il est vrai... Parce que l’art est une question d’éducation et de culture, ce qui fait que si on est éduqué là-dessus, on sera plus uniformes dans notre… consommation. Mais si on n’a pas étudié ce domaine, on est beaucoup plus candide et beaucoup plus libre dans notre vision de l’art. C’est mon cas. Je pose un regard totalement néophyte sur l’art."

Chris avait écouté attentivement le jeune homme lorsque celui-ci lui avait exprimé ce qu'il pensait de l'art et surtout de l'interprétation qu'il était possible d'en faire. L'écoute était la base du travail de Chris et en laissant parler les autres, cela permettait d'en apprendre davantage sur eux. Se révélant petit à petit, au fur et à mesure des phrases exprimées à voix haute. Ainsi, Chris pouvait déjà en conclure que son interlocuteur n'était visiblement pas issu d'une famille d'artiste, ni qu'il était issu d'un cursus universitaire sur l'art qui aurait pu influencer son interprétation. Non son intérêt pour l'art avait été éveillé par autre chose... Mais Chris n'avait pas trouvé utile de rebondir sur ses paroles pour l'instant afin de ne pas paraître trop curieux, se contentant d'exprimer ce que signifiait le tableau peint par sa mère après un échange de regard entre les deux hommes. Souvent, il fallait savoir s'ouvrir un peu aux autres pour que ceux-ci en fassent de même ensuite.

"Je pense que vous avez certainement la bonne interprétation, mais ça pourrait aussi vouloir représenter autre chose. Le poids de la dépression sur une personne qui arrive à la surmonter en partageant un peu le fardeau avec une autre. Ce bleu est très mélancolique et froid… Et plus le bleu passe chez l’autre, un orange chaud et rassurant envahit ce personnage…”

Une fois encore, Chris avait écouté attentivement l'analyse non pas contradictoire, mais complémentaire que le jeune homme, toujours inconnu à l'heure actuelle, exprimait librement sur l'oeuvre de sa mère. Et, au fur et à mesure de ses propos, Chris observait également le tableau pour suivre la justesse de son raisonnement qu'il ne pouvait qu'approuver.

"En effet..." commença Chris. "Votre analyse est très pertinente. Je dois dire que je m'étais avant tout imaginé la bienveillance et la vision de l'amour de ma mère dans cette oeuvre. Mais il est vrai que l'usage d'un dégradé de bleu va parfaitement à l'expression et au partage des sentiments plus tristes ou mélancoliques. Sans doute avait-elle aussi un côté sensible ou une peine à partager qu'elle voulait exprimer par le biais de cette peinture..." compléta Chris.

Chris resta un instant silencieux à cette nouvelle vision qui lui donna à réfléchir sur ce que pouvait réellement ressentir sa mère et qu'elle n'avait jamais partagé, ou jamais eu le temps de partager, avec lui avant son décès accidentel. Puis il finit par se retourner de nouveau vers le jeune homme qui était toujours à ses côtés, curieux d'en apprendre davantage sur ce dernier, son visage lui disant toujours quelque chose sans qu'il n'arrive à mettre le doigt dessus.

"Désolé j'ai été malpoli. Je m'appelle Chris Logan et vous ? puis il poursuiva afin de continuer à faire connaissance. "Vu vos propos sur l'art et sur votre vision de l'interprétation, vous ne semblez pas provenir d'une famille d'artistes, du coup puis-je vous demander comment vous ai venu votre intérêt pour l'art ? lui demanda-t-il avec le sourire.

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@Chris Logan

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L’acteur n’avait pas voulu blesser le jeune homme. Il ne souhaitait pas qu’il pense qu’il avait donné une explication complètement contradictoire de la sienne par amusement ou simplement pour le plaisir d’étaler sa connaissance. Jayden savait que, comme il l’avait si bien dit lui-même, il n’avait aucune formation académique particulière dans le domaine. Son savoir venait d’une recherche approfondie pour un rôle, juste assez pour qu’il prenne goût à manier un pinceau de temps à autre.

Ce qui avait commencé comme une simple préparation pour un personnage s’était lentement transformé en un passe-temps méditatif. Chaque fois qu’il se retrouvait seul devant une toile vierge, il ressentait une paix intérieure difficile à trouver ailleurs. La peinture lui permettait de plonger au plus profond de lui-même, d’exprimer une part secrète de son être, une facette que peu de gens connaissaient. La pièce dans laquelle il peignait, le grenier de sa villa, était devenue son sanctuaire, un refuge loin du tumulte de sa vie publique. Là, il pouvait se perdre dans l’acte de création, oublier le monde extérieur et les attentes qu’il portait sur ses épaules. Et surtout, il pouvait avouer, pour des spectateurs invisibles, qui il était vraiment. Les sujets de ses toiles étaient un portail vers la vérité qu’il enfouissait derrière ses différents masques.

En repensant à la conversation avec le jeune homme, Jayden se rendit compte qu’il n’avait pas voulu prouver qu’il en savait plus. Il voulait simplement partager ce petit bout de passion qu’il avait découvert, une passion qui lui appartenait à lui seul, bien au-delà de sa carrière d’acteur. Mais le fils de l’artiste n’avait pas l’air d’avoir pris la mouche. Au contraire, il avait même apprécié son interprétation. Cependant, il ne brisa pas le silence qui suivit, laissant à l’homme le temps de digérer. L’art permettait de dire de nombreuses choses qu’on ne pouvait ou ne voulait dire à personne. Peut-être qu’il prenait conscience de certaines choses que sa mère avait pu cacher à tout le monde. Mais il fallait aussi prendre en compte que Jay ne faisait peut-être que transporter sur la toile ses propres sentiments.

Le silence fut de nouveau brisé par Chris. Il pencha la tête sur le côté, se rendant compte que lui-même ne s’était pas présenté non plus. Il tendit la main pour serrer celle du fils de l’artiste. “Jayden. Mais la plupart des gens m’appellent Jay. N’hésitez pas.” Il avait volontairement éludé son nom de famille. Il n’avait pas la prétention de croire que tout le monde le connaissait, mais il savait quand même qu’ils étaient nombreux à connaître son nom de famille. Et il voulait un peu de paix aujourd’hui. Il était entré dans cet endroit pour justement éviter un groupe gloussant de fans. Mais finalement, il avait bien fait, c’était une belle découverte.

La question de Chris le mit un peu mal à l’aise cependant. Il se mordilla la lèvre et retira sa casquette pour passer ses mains dans ses bouclettes brunes indomptables. “Hum… Pour le travail, j’ai dû… me pencher sur certaines techniques, et j’ai pris goût à cette activité.” Peut-être que cette réponse vague suffirait au jeune homme, peut-être qu’il ne gratterait pas plus. Jayden n’avait pas tellement envie de se dévoiler davantage aujourd’hui.

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@Jayden Holmes

"Jayden. Mais la plupart des gens m’appellent Jay. N’hésitez pas." Le jeune homme s’était ainsi présenté tout en serrant la main de Chris. Une poignée de main ni trop molle, ni trop ferme, juste ce qu’il fallait. Celle-ci n’était pas non plus moite ce qui aurait voulu dire que l’homme en question n’était pas à l’aise. Non au contraire, cela montrait plutôt que l’homme en question était plutôt à l’aise avec sa personne et sa prestance poussant Chris à essayer d’en découvrir davantage sur lui, sans doute par déformation professionnelle, en commençant par essayer de savoir d’où lui venait cet intérêt pour l’art et la peinture en particulier.

"Hum… Pour le travail, j’ai dû… me pencher sur certaines techniques, et j’ai pris goût à cette activité." Répondit Jayden tout en montrant certains signes de nervosité ou de gêne. La difficulté à trouver les bons mots comme le fait de se passer une main dans les cheveux en étaient des preuves évidentes. Du coup, toutes les certitudes pressenties par Chris lors de leur poignée de main s’envolèrent aussitôt à la première question plutôt anodine. Il avait dû toucher un sujet sensible sans le vouloir. Etais-ce le fait de parler de son travail ? ou bien le fait de s’intéresser à la peinture ? Aucune idée… pourtant aucun des deux sujets ne devraient être tabous, cela contribuait à créer un certain mystère autour de son interlocuteur.

"Désolé Jayden, j’ai cru percevoir un certain malaise à ma question. Je ne voulais en aucun cas être maladroit" s’excusa Chris comme il le pouvait. Il savait par expérience que le fait de se montrer ouvert et honnête envers ses propres sentiments pouvait aider certaines personnes à se sentir mieux en sa compagnie. "Puis-je avoir une seconde chance ? » lui demanda-t-il en le regardant avec un sourire sincère.

"Du coup, pourquoi être venu ici aujourd’hui ? Si c’est pour acheter quelques œuvres, je tiens à préciser que les tableaux de ma mère ne sont pas à vendre. Et encore moins celui-là… » Chris se tournant de nouveau vers le tableau qu’ils avaient contemplé depuis tout à l’heure, avant de continuer. "Il est fièrement exposé dans notre maison familiale depuis des années. Donc, après cette semaine d’exposition, la seule occasion de le contempler de nouveau, sera de venir à mon domicile. J’en ai d’ailleurs d’autres de ce style. Je pense qu’ils pourraient vous plaire également mais je ne peux décemment pas inviter n’importe qui chez moi » Chris se tournant de nouveau vers Jayden en souriant. Non pas pour marquer une remarque désobligeante vis à vis de son interlocuteur, mais plutôt pour lui signifier qu'il était disposé à faire davantage connaissance avec celui-ci.

"Je suis désolé, j’ai l’impression depuis tout à l’heure de vous avoir déjà vu, mais l’association de votre visage et de votre prénom ne m’aide pas à me souvenir, peut-être que cela reviendrait à l’écoute de votre nom de famille ? » Cela était sans doute à quitte ou double. Si cela revenait à Chris par le biais d'une ancienne affaire, alors leur échange s'arrêterait sans doute-là. Mais Chris n'en était pas convaincu, rien dans l'attitude du jeune homme ne lui paraissait malsain. De plus, si celui-ci semblait disposé à s'ouvrir davantage à lui, il ne serait pas contre lui montrer d'autres oeuvres de sa mère qu'il a volontairement laissé à son domicile. Mais avant cela, Chris devait avoir la certitude qu'il n'avait pas affaire à l'un de ses magnats des affaires qui se croyait au-dessus de tout. Non, il ne voulait rien d'autre que de la sincérité...

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« Vous n’avez pas été maladroit. C’est seulement moi qui… suis timide ? Oui, je crois que je peux le dire ainsi. » Jayden hésita un instant, cherchant ses mots avec une douceur mesurée. Il appréciait ces moments rares où il pouvait se fondre dans l’anonymat, où personne ne savait qui il était réellement. C'était un luxe, une manière de vivre sans que l’on crie son nom, sans qu’on cherche à le toucher ou qu’on lui hurle des déclarations d’amour intempestives. Ces situations, bien que stéréotypées, étaient malheureusement plus fréquentes qu’il ne voulait bien l’admettre. Dans cette bulle de tranquillité, où il n’était qu’un homme parmi tant d’autres, Jayden trouvait une paix précieuse. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’il reprit la parole, cherchant à dissiper l’embarras palpable qui semblait s’être installé : « Ne vous inquiétez pas. Je ne comptais rien acheter. Pas de tableau en tout cas. J’ai récemment fait l’acquisition d’une toile, d’une artiste qui m’a profondément touché par son art. Je ne saurais pas quoi faire d’un nouveau tableau. Quant à savoir pourquoi j’ai décidé d’entrer ici... L’appel de l’art, peut-être ? Ou le désœuvrement ? Il n’y a pas toujours une raison à tout, vous savez. »

Cependant, quelque chose dans l’attitude du jeune homme en face de lui commençait à le rendre nerveux. Jayden sentit un malaise croître en lui, ses joues prenant une légère teinte rosée. Était-ce possible que cet homme soit en train de l’inviter chez lui ? La simple idée le déstabilisa. Troublé, il fit un petit pas en arrière, son regard fuyant celui de son interlocuteur. L’Anglais n’était pas toujours à l’aise dans ces situations sociales, surtout lorsqu’il n’était pas certain de comprendre correctement les intentions des autres. L’idée de mal interpréter ce qui se passait le mettait encore plus mal à l’aise. Sentant la chaleur monter à ses joues, il tenta de masquer son trouble derrière un sourire poli. « Je pense qu’ils pourraient vous plaire également, mais je ne peux décemment pas inviter n’importe qui chez moi. » Jayden retint un petit son de surprise. Il était définitivement en train de l’inviter chez lui. Pourtant, les intentions de cet homme n’étaient pas claires, et il préférait ne pas se faire de films. Il hésitait, incertain de la tournure que prenait la conversation.

« Je suis désolé, j’ai l’impression depuis tout à l’heure de vous avoir déjà vu, mais l’association de votre visage et de votre prénom ne m’aide pas à me souvenir. Peut-être que cela reviendrait à l’écoute de votre nom de famille ? » Cette phrase, Jayden l’avait entendue bien trop souvent. Il se mordilla la lèvre, glissant sa main droite dans la poche de son pantalon, où il commença à jouer nerveusement avec son briquet. Une cigarette lui aurait fait le plus grand bien à cet instant précis. Le poids de la question posée par l’homme semblait peser sur ses épaules alors qu’il réfléchissait à la meilleure façon de répondre.
Après un moment de silence, Jayden se tourna pour poser à nouveau son regard sur le tableau qu’il observait depuis tout à l’heure, cherchant une forme de réconfort dans l’art. « Holmes. Comme le personnage de Conan Doyle. » Sa voix était plus basse, presque murmurée, alors qu’il continuait de jouer discrètement avec son briquet à l’abri des regards. « Un nom des plus communs, si vous voulez mon avis. » Peut-être pas à Brisbane, mais dans le monde, il devait y avoir une sacrée pelletée de personnes portant ce nom. Son regard bleu scruta les environs, cherchant une distraction, avant de se poser sur un groupe de jeunes femmes qu’il avait tenté de fuir plus tôt. Leur présence lui rappela pourquoi il appréciait tant cet anonymat temporaire, et pourquoi il préférait garder ses distances, même dans une conversation qui semblait innocente en apparence.

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"Vous n’avez pas été maladroit. C’est seulement moi qui… suis timide ? Oui, je crois que je peux le dire ainsi." Le jeune homme avait pris un ton délicat, visiblement mal à l’aise par rapport à sa réaction puis vis-à-vis de l’interprétation qu’en avait fait Chris. Dans tous les cas, Chris perçut cela comme une réaction positive et ouverte au dialogue. Du coup il eut plus de facilité à reprendre la discussion tout en lui demandant pourquoi il était venu ici aujourd’hui, supposant qu’il s’agissait peut-être d’une volonté d’acheter des tableaux. Pour Chris, il était hors de question de vendre ceux de sa mère, et en tout cas pas celui qu’ils observaient depuis tout à l’heure qu’il trouvait peut-être le plus représentatif des sentiments de ce que pouvait ressentir sa défunte mère lorsqu’elle l’avait peint. Un sentiment qui avait été encore davantage renforcé suite à l’analyse extérieure et pertinente qu’avait pu en faire Jayden.

"Ne vous inquiétez pas. Je ne comptais rien acheter. Pas de tableau en tout cas. J’ai récemment fait l’acquisition d’une toile, d’une artiste qui m’a profondément touché par son art. Je ne saurais pas quoi faire d’un nouveau tableau. Quant à savoir pourquoi j’ai décidé d’entrer ici… L’appel de l’art, peut-être ? Ou le désœuvrement ? Il n’y a pas toujours une raison à tout, vous savez" lui répondit le jeune homme avec sincérité, bien qu’il répondait bien souvent à des questions par d’autres questions et tout un lot d’incertitude. C’était souvent révélateur des personnes qui avaient des choses à cacher… Il voyait bien que ses questions mettait mal à l’aise son interlocuteur qui avait le regard fuyant. C’était l’instinct du journaliste qui avait repris le dessus et il devait à tout prix savoir à qui il avait affaire. Celui-ci lui avait volontairement omis de dire son nom de famille tout à l’heure alors que Chris s’était présenté avec l’ensemble de son patronyme. Il devait donc le découvrir et c’est ainsi qu’il eut le stratagème de parler de son domicile et d’une possible invitation chez lui afin de lui faire découvrir d’autres œuvres comme celle-ci.

"Holmes. Comme le personnage de Conan Doyle" *Bingo* pensa intérieurement le journaliste lorsque Jayden lui révéla son nom de famille avant que ce dernier ne se voit obliger d’ajouter toujours à voix basse, le regard rivé sur la peinture "Un nom des plus communs, si vous voulez mon avis". Chris sourit sincèrement à cette réponse, non pas seulement parce qu’il était ravi que son stratagème avait fonctionné mais aussi car le nom de famille du jeune homme ne lui disait rien du tout dans les différentes affaires qu’il avait traité. Un tel nom, il s’en serait forcément souvenu, lui qui était fan de littérature.

"Holmes ? Comme le célèbre détective ? C’est amusant…" s’exprima Chris d’un ton léger et amusé avec un large sourire. Bien que le journaliste aimait bien regarder quelques films de temps en temps, il n’était pas vraiment porté sur le cinéma et le fait que Jayden se présente en l’orientant vers une référence littéraire dont Chris était bien plus friand ne lui fit pas du tout penser au célèbre acteur de cinéma qu’il avait sans doute vu dans un ou deux films, d’où un air de déjà vu, mais il n’en fit aucunement le rapprochement à l’heure actuelle.

Cependant, il avait malgré tout noté la tension dans le corps de son interlocuteur, des petits signes palpables comme le fait de cacher l’une de ses mains dans son pantalon ou le fait de fuir le regard sur de trop nombreuses questions. Chris était convaincu qu’il y avait sans doute ici quelque chose à découvrir, cependant il ne voulait pas se montrer inquisiteur pour autant. Le jeune homme lui paraissant quelqu’un avec un bon fond et une personnalité agréable qui, de surcroît, semblait posséder une analyse artistique intéressante.

"Du coup je suis rassuré » Il se tourna de nouveau vers le jeune homme pour essayer de capter son regard pendant qu’il s’adressait à lui. "Pour être honnête, j’ai apprécié l’analyse que vous avez faite du tableau de ma mère tout à l’heure. Je pense que vous avez un regard neuf et très intéressant sur cette forme d’art. Je serais vraiment ravi de pouvoir vous inviter chez moi afin que vous me partagiez votre sentiment sur d’autres peintures qui d’ailleurs n’ont jamais été montrées au public. C’est en fouillant au grenier de la maison familiale le mois dernier que je suis retombé sur d’anciens tableaux. Est-ce que cela pourrait éventuellement vous intéresser ? »

Puis, sans attendre sa réponse, et voyant bien que le jeune homme n’était pas forcément à l’aise pour échanger en ces lieux, pour une raison qu’il n’avait pas encore découvert, Chris sortit un carnet et un crayon de sa veste puis il griffonna quelques informations dessus avant de le tendre à son interlocuteur "Tenez, voici mes coordonnées avec mon numéro de téléphone et mon adresse à Logan City. Prévenez moi lorsque vous aurez envi de découvrir cela, ce sera avec plaisir » s’adressa-t-il à lui avec un large sourire avant de lui faire un signe de tête pour le saluer et de tourner les talons pour se diriger vers la sortie. "A bientôt" conclut-il d'un ton enjoué en lui tournant le dos.

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@Chris Logan

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Jayden était une véritable énigme, un OVNI dans l'univers des relations sociales et parasociales. Un handicapé émotionnel qui se dissimulait derrière une carapace soigneusement construite. La peur d’être percé à jour le rongeait tellement qu’il avait érigé un mur solide entre lui et les autres. Ce mur, c’était son masque, une façade qu’il changeait en fonction de son public, comme un caméléon s’adaptant pour survivre dans un environnement hostile. Ses sourires, ses rires, ses regards—tout était calculé, calibré pour correspondre exactement à ce que l’on attendait de lui. Mais derrière cette façade, se cachait un être profondément seul, terrifié à l’idée qu’on puisse voir qui il était réellement. Puis il y avait Chris qui, sans même qu’il s’en rende compte, avait réussi à franchir ce mur. D’une manière que Jayden ne comprenait pas, Chris s’était approché de lui, avait pénétré cette forteresse intérieure avec une facilité déconcertante. Pour la première fois, l’acteur se sentait vulnérable, exposé. Le masque qu’il portait d’habitude semblait inutile face à cet homme qui voyait au-delà de ses artifices, perçant les couches d’illusion que Jayden avait patiemment construites.
Il y eut ensuite cet instant troublant. Après une conversation d’à peine une demi-heure, Chris, cet inconnu à peine rencontré, lui tendit son numéro de téléphone avec un sourire désarmant et l’invita à nouveau chez lui. Jayden sentit son cœur s'emballer, et malgré lui, une rougeur monta à ses joues, teintant sa peau pâle d’un rose subtil. Ce geste, si simple pour Chris, était déconcertant pour Jayden. Il se retrouvait en territoire inconnu, incapable de savoir s'il s’agissait d’une tentative de drague ou simplement d’une gentillesse amicale. L'incertitude le perturbait profondément. Sans Izan, son ami et conseiller habituel, il était perdu face à ces signaux ambigus. Chaque possibilité tourbillonnait dans son esprit, le laissant perplexe et nerveux. Il n'était pas habitué à ce genre de situation, où ses réponses automatiques, forgées par des années de dissimulation, semblèrent soudainement insuffisantes. Les mots de Chris résonnaient encore dans son esprit, simples et directs, mais porteurs d'une complexité émotionnelle qui échappait à Jayden. Pour la première fois depuis longtemps, il ne savait pas quoi faire ni comment réagir.

"Je… Je vais y réfléchir… Je suis occupé," balbutia-t-il, glissant maladroitement le numéro dans sa poche. Après une salutation rapide, il décida qu’il était temps de fuir. Perdu, il se glissa hors de la galerie, enfonçant sa casquette sur ses boucles pour dissimuler son visage. Il se dépêcha de grimper dans le premier taxi qui passa devant lui, son esprit encore tourmenté par l'étrangeté de cette rencontre.