so if you’re coming my way just don’t

@ulysse norrington

lieu: st vincent's hospital, towoong.
(c): rikrgif (gif), luleaby (codage).

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« Docteur Hartfield ? » Retirant l’oreiller qu’il avait posé sur son visage comme si cela allait permettre de le faire disparaitre, il soupira longuement en tournant la tête dans la direction de la porte de la chambre de garde qui était désormais ouverte sur l’une des infirmières du service. « Quelqu’un est en train de mourir ? » Elle était nouvelle, n’avait pas l’habitude encore de côtoyer Ruben lorsqu’il n’était spécialement de bonne humeur; cela se vit sur son visage alors qu’elle semblait cligner un peu trop rapidement des yeux et mettait un temps moyen trop étiré à répondre à la question. Il soupira de nouveau en se redressant, attrapant sa chemise de bloc opératoire pour la passer. « J’espère que non, sinon le patient est mort maintenant. » - « Non, je… Personne est en train de mourir, c’est les urgences qui demandent une consultation et tous les autres sont au bloc. » Troisième soupirs côté Hartfield - à croire qu’il avait anticipé la prochaine réponse qui allait lui être fournie. « Qui a demandé la consultation ? » - « Docteur Norrington. »

« Il est où ? » Ben était encore en train d’enfiler sa blouse lorsqu’il débarqua aux urgences, le visage renfrogné et le regard encore à moitié endormi - il était supposé être de garde cette nuit, mais le manque de sommeil et les heures de travail qu’il n’arrêtait pas d’enchaîner ces dernières semaines n’étaient pas de son côté; il comptait normalement sur le peu de repos qu’il pouvait attraper ici et là au fil des journées et des nuits pour tenir le plus longtemps possible. Si on le dérangeait durant ces peu de moments où il pouvait au moins fermer les yeux et si en plus c’était Norrington le responsable, pour sur que cela allait mettre Ruben de véritable mauvaise humeur. Il n’était pas à proprement parlé réellement irritable d’ordinaire, plus ronchon que réellement énervé la plupart du temps, mais aujourd’hui il était réellement agacé de devoir se rendre sur place… surtout pour se rendre compte une fois arrivé dans le box qui lui avait été désigné qu’il n’était pas le seul sur place et surtout qu’il n’avait pas été le premier à être demandé sur place. Pourtant, rien qu’au premier coup d’oeil jeté au patient - Dieu que de mauvais souvenirs remontaient à la surface et qu’il dut les chasser rapidement -, il savait que son avis allait être rapidement nécessaire pour la suite des soins à dispenser. Il tourna un regard effaré vers Ulysse. « Et on a pas été appelé plus tôt ? » On, parce-que initialement ce n’était même pas lui qui était supposé descendre faire les consultation aux urgences aujourd’hui.

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« Oh si, oh si. J’ai appelé tous vos numéros, tu t’imagines bien. Pas ma faute si vous vous refilez les bébés. » Bien sur que Ruben leva les yeux au ciel sans s’en cacher à cette remarque. « Les autres sont au bloc, et je suis pas supposé être là moi. » Une autre consultation un peu plus tôt dans la soirée avait du délogé son collègue qui lui devait faire les consultations aux urgences de son poste sans qu’il n’ait été mis au courant - c’était donc un quelque-chose à rajouter sur la liste des choses qui l’énervaient passablement présentement. Mais pour l’instant, il avait d’autres points sur cette liste sur quoi se concentrer, à commencer par Norrington qu’il se devait de suivre malgré lui. Les médecins présents et réquisitionnés rassemblés dans le bureau, c’était l’heure pour le médecin urgentiste de faire son spectacle. « Messieurs ! Messieurs, petit topo ! » Il n’en fallut pas plus à Ben pour lever une seconde fois les yeux au ciel - il l’énervait, c’était devenu physique, il avait vraiment du mal à supporter le médecin; il avait beau être bon ans son domaine, pour le coup ce n’était pas suffisant pour lui. « Messieurs… Mesdames… Nous avons quatre jeunes hommes âgés de 18, 19 et 21 ans. L’un d’entre eux est encore en box de consultation classique, le temps que nous arrivions à faire une place ici… Donc ! »

« Mr ARTHUR Roy, 18 ans ; passager avant. Traumatisé crânien frontal, projeté contre le parebrise, il est inconscient et respire à l’arrivée des secours. Glasgow 5 (Y1V1M3), hémocue à 8, il est tachycarde et hypotendu malgré remplissage vasculaire. Il a déjà eu une transfusion sur le lieu de l’accident et durant le transport médicalisé. Sur le plan orthopédique : fracture déplacée des deux humérus ; fracture simple de la clavicule droite ; tassement vertébral C3/C4 sans atteinte nerveuse franche pour le moment… Nous l’avons bodyscanné : le cerveau commence à s’engager au niveau vertébral, c’est une urgence vitale, je ne vous apprends rien. Ruben, il sera pour toi. » Détrompez-vous: c’était là le genre de situation et de cas qui faisaient aimer la médecine à Ruben. Il adorait l’adrénaline qui pouvait parcourir ses veines à l’annonce de problèmes que rencontraient les patients dont ils allaient s’occuper,  il se languissait d’enfiler la blouse de bloc opératoire et ses gants pour intervenir, il trépignait presque d’impatience de sauter d’un cas à l’autre alors que chaque seconde pouvait être précieuse. Cependant, il apprécierait davantage tout ça en cet instant si ce n’était pas pour l’autre appréciait que de trop faire son capitaine de navire; il lui coupait une partie de son plaisir à être ici.

« Lisa qui est mon interne, s’occupera de vos prescriptions histoire qu’on évite de se perdre, et qu’on puisse suivre ce qu’il se passe ! Je dois continuer à prendre en charge les autres patients du déchocage… Et essayer de faire une place pour rapatrier le quatrième patient ici. » La moitié du personnel qui avait été réuni jusque maintenant était déjà en train de quitter la pièce. « Des questions ?! » Ruben savait qu’il n’avait pas tout le temps du monde devant lui, mais il avait déjà établi dans son esprit son plan d’attaque et toutes les étapes nécessaires pour faire en sorte que ce dernier soit viable: il était prêt - une seule question lui taraudait l’esprit. Presque comme pour se moquer de Norrington, il leva la main tout en s’approchant de lui, naviguant à travers la pièce. « Depuis quand tu nous fais nos diagnostics sans attendre nos avis ? » Il leva les deux mains, paume vers le ciel, esquissa une petite moue. « Je sais qu’on est pressés, tout ça, mais… » Il alpagua un des internes qui trainait là pour lui demander de préparer un bloc opératoire pour lui. « Si tu veux vraiment nos avis sur la question, prétends au moins les attendre. Je sais prioriser mes patients et leurs problèmes, je sais très bien où se doit d’être mon attention sur le moment, mais les autres vont avoir besoin de consultations aussi. T’as anticipé ça aussi et mon avis sur la question ne t’intéresse pas non plus ? Ou j’ai mon mot à dire cette fois-ci ? » Oh, Ruben de mauvaise humeur était vraiment une épine dans le pied, et pas forcément au bon moment ou de manière à être facilement éliminée.

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Il n'avait jamais apprécié être sous les ordres de Norrington; ce n’était pas nouveau ni d’aujourd’hui, et ce n’était pas que pour lui - c’était pour tous les médecins qui désiraient prendre des décisions à sa place. Juste: avec lui, c’était acté depuis les premières années puisqu’il avait pris parti dès qu’il avait appris que Norman faisait en sorte de travailler contre Leon, qui pour lui était la référence à respecter au sein de l’hôpital. Ce n’était donc malheureusement pas aujourd’hui que les choses changeaient, surtout alors qu’il avait été tiré d’un sommeil approximatif et qu’il passait de sales journées.

« Docteur Hartfield. » Oh, il savait très bien où cette discussion s’en allait, il n’y avait pas besoin d’être devin pour anticiper. Pas que ça allait beaucoup lui plaire, d’ailleurs, s’il visait juste. « Je n’ai pas besoin d’un avis neurochirurgical pour décider de faire un scanner cérébral à un patient. Surtout lorsque ce dernier aura traversé toute la voiture pour venir s’écraser le crâne et les vertèbres contre le parebrise, en plus d’un Glasgow à 5… Je ne te ferais pas l’affront de te rappeler qu’un Glasgow Y1V1M3, signifie que notre patient n’ouvre pas les yeux, ne parle pas, et présente une flexion stéréotypée au mouvement stimulé à la douleur. La décortication est signe d’un début d’engagement cérébrale dans le tronc cérébral, et donc, dans la moelle épinière : avoir les images 3D d’un scanner cérébrale était l’étape numéro une obligatoire pour que je puisse ensuite te demander un avis, et tu le sais. Si je t’avais fait venir, sans imagerie cérébrale, tu m’aurais incendié en me demandant une imagerie en urgence, et tu aurais eu raison. Il me fallait prioriser les imageries, en sachant que nous n’avons qu’une seule table d’imagerie pour les urgences, en fonction de l’état de mes patients. Celui que je t’assigne ne va pas tarder à engager pleinement son cerveau dans sa moelle si tu ne lui fais pas un trou dans le crâne pour soulager la pression du saignement… Mais là, je ne t’apprends rien, je le sais. » Les mâchoires de Ruben claquèrent dans un silence relatif alors qu’il reprenait son souffle - rien qu’à l’entendre parler, il avait perdu le sien. « Si tu m’apprends rien, pourquoi perdre du temps à me l’expliquer ? » Il avait décidé de passer sa mauvaise humeur et sa mauvaise foi sur lui, tant pis; le pire était que ce n’était pas là le comportement qu’il adoptait d’ordinaire. S’il pouvait être un brin grincheux, il n’était jamais réellement aussi frontal de la sorte, et surtout à être un bâton dans les roues de la médecine. Aujourd’hui n’était pas le bon jour, pour personne - et surtout pas pour les quatre patients qui attendaient leur expertise.

« Evidemment, les autres auront besoin de tes lumières, car tous ont le crâne ou la colonne touchée. Et ça, je te laisse t’organiser comme tu le sens : mon rôle est de prioriser les patients en fonction de leurs états entre le lieu de l’accident, leur prise en charge par les Paramédics, et l’arrivée des spécialistes. J’ai fait mon job, en demandant les examens et prises de sangs obligatoires en début de prise-en-charge… Maintenant, c’est ton tour. Et a moins que tu n’as des éléments probants pour me dire que mon triage prioritaire n’était pas bon, je te conseillerais d’éviter de critiquer mes actions s’il-te-plaît. » - « J’ai quand même le droit de faire mon job, merci à toi. » Il sourit de manière exagérée, avant de lever les yeux au ciel et d’attraper le dossier qu’Ulysse avait dans les mains - parce-qu’il en aurait besoin pour continuer les soins, à défaut de décider de ces derniers et de les ordonner, les initier. Leur attention fut de toute manière dirigée désormais vers les nouveaux arrivant dans la pièce. « Ah ! Bien ! David, vas avec la chir ortho ! Angela, avec le chirurgien vasculaire et le cardiologue s’il a besoin. Miranda, je te mets à disposition du chirurgien thoracique ! Et Florian, va avec Ruben. On a beaucoup trop de patients pour pas assez de place dans ce déchocage : alors ne vous dispersez pas ! Chaque infirmier va avec le doc assigné et n’exécute que les soins prescrits par son spécialiste. Lisa est l’interne du déchocage ce soir : elle prescrira les demandes sur le logiciel pour que l’on reste en règle et qu’on évite les doublons alors n’hésitez pas à communiquer de manière efficace ! » C’était peut-être le petit point sympa de la soirée: il appréciait bosser avec Florian, qu’il avait déjà croisé plus d’une fois; il lui adressa un petit sourire tout en pointant du menton l’endroit où eux se rendaient. Il ne jeta pas un regard en arrière à Norrington, parce-qu’il n’était pas question de lui donner davantage raison sur quoi que ce soit même s’il ne pensait pas que ce dernier ait raison - ou pas dans les détails, même si la majorité de son discours n’était pas tant absurde que ça; Ruben n’était juste pas d’humeur à jouer au jeu de il pourrait avoir tort, pas aujourd’hui.

Ce fut qu’une bonne heure plus tar qu’il revint aux urgences, alors que ses joues étaient rouges d’avoir eu chaud au bloc opératoire et de s’être dépêché pour tenter l’impossible. Malheureusement, comme cela l’indiquait: il n’avait pu faire l’impossible. Ce fut donc bien plus calme et surtout bien plus enclin à tenter de rattraper la soirée qu’il revint sur place, dirigeant vers Ulysse - pas qu’il ait toujours envie, mais le choix ne se posait pas. « Le premier s’en est pas sorti. Il était déjà mort quand il est arrivé au bloc, j’ai essayé mais j’ai rien pu faire. » Rien que pour couper le sifflet de l’autre, il aurait voulu mais ce n’était même plus une question de cette ordre là, maintenant. « Les autres en sont où ? »

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Ce n’était pas de cette façon là que les choses se devaient de se passer: ils étaient là pour sauver les gens, pas pour les mettre dans des boites sans aucune destination finale appréciable. Malheureusement, étant donné qu’ils n’étaient que des docteurs en médecine et en rien des divinités, de temps à autres leurs connaissances et leur expérience n’étaient pas assez pour sauver des vies; c’était ce qui s’était passé aujourd’hui. Ruben avait beau avoir mis toute son énergie et son savoir-faire pour sauver cette victime d’accident de la route, cela n’avait pas été assez et ce dernier était resté sur sa table d’opération. « Merde… » - « Comme tu dis, ouais. » Il ne le dirait pas de cette manière là de son propre chef, mais Ulysse avait l’idée principale de la situation résumée en un seul mot. « Tu tiens le coup ? » A cette question, il eut un instant d’arrêt sur image avant de tourner son visage vers son collègue; il ne se rappelait pas de la dernière fois qu’il avait pu avoir un mot ne serait-ce qu’amical à son égard, et encore moins appréciable - alors lui demander comment il se portait n’était pas sur la grille habituelle. Cela dut se voir dans la réaction de Ruben qu’il était étonné, mais après un instant de silence et avoir cligné surement trop de fois des cils en une minute, il s’éclaircit la gorge. « On a pas trop le choix de toute façon. » C’était une des particularités de leur corps de métier: il fallait foncer, un peu malgré tout. Il aurait préféré continuer de dormir dans la salle de garde, mais être ici était là où il était attendu alors il agissait en conséquent. « J’aurais préféré le sauver mais je sais que j’aurais pas pu faire plus, il était déjà mort en arrivant. » Dit ici sous cette forme pour signaler qu’il était condamné en arrivant, surtout.

« L’un est au bloc… Les vasculaires essaient de réparer son aorte et d’arrêter l’hémorragie mais… Entre ça et la rate, il va sans doute mourir lui aussi… » - « Tu parles d’une soirée. » Qu’il souffla, soupira. « Les autres en sont où ? » Parce-que c’était beau de s’arrêter sur les personnes qui ne s’en sortaient pas et qui, malheureusement, étaient ceux nécessitant des soins les plus urgents mais ils n’étaient pas seuls et les médecins se devaient de se concentrer sur ces derniers également. « J’ai monsieur CROOCK Edisson pour toi ! Celui qui portait un… Casque de moto dans la voiture, va savoir pourquoi. Bref, toujours est-il que le radiologue aimerait ton retour sur le bodyscanner : a la première lecture, il n’y avait que deux fractures aux niveaux du bassin : la branche ischio-pubienne et l’ilion droit. L’orthopédiste allait s’en occuper, mais le chef de radiologie à revu le scanner et il y a un gros doute sur une fracture de la face dorsale des corps vertébraux L2 et L3. Aussi, le patient se plaint au niveau cervical : sans doute un coup-du-lapin à cause du traumatisme crânien avec le casque dans l’habitacle… N’ayant pas la place à cause du casque, les cervicales ont dû prendre cher ! Là aussi, rien à l’imagerie mais on aimerait ton double avis… Il s’agite et exprime un déficit sensitif au niveau du bras gauche… L’imagerie ne montre rien encore fois, ni fractures cervicales ni conflit nerveux mais ça ne colle pas avec la clinique… On a besoin de toi. » On a besoin de toi était le genre de phrase que Ben adorait entendre, et en même temps qu’il détestait de tout son coeur; cela apportait de la pratique de la médecine mais souvent des situations où les gens n’étaient pas forcément au meilleur de leur forme. Soupirant, se frottant le visage de ses deux mains, Ruben secoua sa tête. « Je vais lire les scans pour Croock d’abord alors, comme ça ça libèrera les ortho et ils pourront passer au bloc s’ils ont pas besoin de moi. » Se penchant par dessus le comptoir, il attrapa la tablette la plus proche pour afficher le dossier sous ses yeux. Mettant les images en grand sur l’écran, il tourna l’appareil dans tous les sens pour lire les images en long, large et travers; et il aurait pu manquer l’information aussi, si seulement il n’avait pas su où chercher. « Regarde. » Il mit son doigt sur un point de l’écran, tournant l’image vers Ulysse. « C’est pas une fracture, c’est un tassement pour les cervicales, c’est pour ça que c’est pas franc et qu’on peut facilement le manquer au premier coup d’oeil. » Il fronça le bout de son nez. « Mais effectivement, faut faire gaffe parce-que si ça apparait au fur et à mesure, ça veut dire que c’est que son corps arrive pas à maintenir pour éviter la compression. Faut le décharger au niveau cervical. » Il changea les images pour passer sur celles du bassin - et il eut un lourd soupir malheureux ici. « Dans tous les cas, je vais devoir m’habiller avec les ortho après qu’on ait refait une imagerie pour en avoir une de la dernière heure: sa vertèbre lombaire se décompose. » Elle avait été broyée pendant l’accident. « Tu les préviens ou tu me laisses m’en charger ? » Alors qu’il remontait autant son regard qu’il tendait la tablette en direction de son collègue, cette fois-ci sa voix ne comportait aucun reproche ou aucun sous-entendu: il s’en remettait réellement à son jugement et à son commandement, comme il aurait du le faire depuis le début.

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« Non, pas le choix non… » C’était aussi à ce genre de choses qu’ils se devaient de faire face tous les jours: le caractère imprévisible et assez fataliste parfois de la mort. Aucun d’eux ne pouvait réellement la prévenir de façon efficace, et surtout elle frappait de manière aléatoire - ils se devaient de composer avec les restes et les miettes qu’elle leur donnait pour essayer de faire au mieux.

Aujourd’hui, avec les cas qu’ils avaient, faire au mieux n’était pas un simple paire de manches tant les accidents récupérées présentaient des cas qui étaient graves, et engageant leur pronostic vital de façon significative. Deux d’entre eux ne verraient pas le jour - l’un pour sur, l’autre le suivait de près -, et ce n’était pas encore le moment de relâcher la pression et l’attention pour le second duo. « Merde… » Ruben ne le dirait pas sous cette forme, mais l’idée était effectivement là: ils n’étaient pas sortis de l’auberge et si les premiers examens s’étaient révélés moins inquiétants que pour les autres, c’était autre chose désormais alors que le temps décidait de jouer contre eux et de se moquer d’eux, surtout. « Je n’ai jamais vu ça de ma vie. A part dans les livres, je veux dire… » (…) « Merde ! Comment on a pu passer à côté de cela ! » Il vit Ulysse qui commençait à s’agacer à ses côtés, alors pour une fois Ben mit sa mauvaise foi de côté pour secouer quelque peu sa tête et reposer son regard sur son collègue. « On est passé à côté parce-qu’on pouvait pas le voir de manière aussi net au premier regard. C’est parce-qu’on sait que le reste a été retiré des possibilités qu’on cherche autre chose là. » Et puis, c’était malheureusement souvent de cette manière là que les choses se passaient: un premier diagnostic était posé avec les premières informations, et parfois ce n’était pas suffisant ou ils faisaient carrément fausse route. Ce n’était pas l’idéal, certes, mais c’était un résultat qu’ils se devaient de façon contrainte d’obtenir de temps à autres parce-qu’ils étaient des humains travaillant sur des humains et que tout ne pouvait pas être parfait. « Je sais pas ce qui comprime sa moelle en cervical, j’ai pas l’impression que ce soit du sang, va falloir qu’on se penche dessus rapidement. Pour le lombaire… on pourra pas savoir de suite et c’est pas notre priorité de savoir si c’est du à l’accident ou si c’est antérieur à ce dernier: faut l’ouvrir et réparer surtout. »

Son collègue finit par changer de dossier et par lui rendre la tablette - dans ce duo de patients, les deux semblaient finalement dans un état plutôt complexe. « Le dernier patient est déjà au bloc opératoire à cause de sa fracture-luxation de cheville. Mais entre-temps, son bodyscan est tombé. Il a saigné dans sa tête. On l’a donc rescanner, et injecté cette fois-ci : le saignement n'est plus actif, mais il y a un doute sur un potentiel conflit cérébral. Tiens. » Les yeux de Ruben naviguaient sur l’écran d’un coin à l'autre aussi rapidement que possible pour associer les images aux mots d’Ulysse. « Comme tu le vois, l’hémisphère droit est légèrement repoussé contre la boite crânienne sur quelques millimètres. » (…) « Le patient est Monsieur McWARTH Thomas. » Faisant une petite moue en tirant sa bouche sur le côté alors qu’il regardait de quoi il était donc question, Ruben souffla quelque peu, se grattant un sourcil du bout du pouce.

« Non, non, c’est à toi de décider. J’ai fait ma part, et surtout, l’urgence actuellement est dans ton domaine. Je ne peux que t’assister sur ce coup-là. » Et il aurait eu besoin de quelqu’un qui aurait pu l’assister sur cette situation, en réalité - surtout même le seconder. Mais il savait d’avance qu’il n’avait personne sous la main qui pourrait faire l’affaire, alors l’organisation allait être le maitre mot. Et puis, s’il avait l’aval de Norrington pour prendre les commandes au moins de sa spécialité et sa partie, c’était déjà un pas en avant comparé au moment où il était entré dans la salle des urgences quelques temps plus tôt dans la soirée et où tout avait déjà été calculé pour lui. « Je vais aller au bloc avec les ortho pour Croock, c’est le plus urgent pour le moment. » Il redonna la tablette à Ulysse alors qu’il relevait son regard dans la foulée vers lui. « McWarth, c’est de l’ancien comme tu dis, y’a pas grand chose à faire tant qu’il est sur la table d’opération. » Le temps serait leur meilleur allié. « Je veux bien que quelqu’un vienne me donner le compte-rendu du radiologue, pour avoir un second retour sur la question, dès qu’il a terminé de bosser de son côté. Même si je suis au bloc. » Il aurait le temps de continuer de réfléchir au cas présent, comme ça. « Et si y’a le moindre changement aussi: je veux être tenu au courant. » Il regarda vaguement autour de lui. « J’ai perdu l’interne que tu m’avais assigné, donc je te le dis à toi: y’a plus de chances que tu croises tout le monde d’ici aux prochaines heures. » Il soupira quelque peu: ce n’était pas la nuit de garde calme qu’on lui avait promis, loin de là; et loin d’être las aussi, il aurait peut-être préféré un autre jour pour ce genre de moments excitants à vivre dans la médecine: il n’en profitait pas assez ici. « Je vais commencer par régler le problème cervical pour Croock, et ensuite je m’occuperai des lombaires pour essayer de faire en sorte qu’il finisse pas paralysée. Ou pire. » Il n’avait techniquement pas besoin de donner son plan d’attaque avec autant de précision à Ulysse, mais il y avait de fortes chances pour qu’il voit les proches et au moins il pourrait leur donner un semblant de résumé de la situation - parce-que Ruben savait à quel point c’était littéralement un enfer d’être de l’autre côté de la barrière. En parlant de ça, d’ailleurs: « On a des nouvelles de leurs proches ? » Il n’en avait pas entendu parler jusque là.