(association beauregard) Il a hésité avant de continuer cette conversation, évidemment. Il a d’autant plus hésité qu’il n’avait rien à faire près du fleuve et qu’il avait encore moins quoi que ce soit à faire à écouter les conversations privées de Nina, qu’il connaît de visage parce qu’elle est la tête d’affiche du film de Ruben sur sa vie - ce fameux film dans lequel il vit une vie parfaite avec une femme parfaite. Les diffusions sont arrêtées maintenant, sûrement. Depuis qu’il vient d’apprendre que Nina est au courant pour l’adultère, il comprend sans doute un peu mieux en retour la réaction de Ruben et surtout son absence de réactions, ce dernier semblant bien décidé à jouer au mort. « Nina ? » Il se force à ne pas réfléchir davantage à ses mots ou à ce qu’il pourrait même pouvoir trouver à lui dire de façon générale. Ambrose attire son attention avant que chacun retourne à sa vie, il presse le pas pour arriver à sa hauteur après avoir déjà trop longtemps marché dans son sillage. La rivière est bien loin, maintenant, mais il est au moins soulagé de l’idée que la jeune femme avec qui elle parlait ne s’ajoutera pas à leur discussion.

« Je… » N’ai pas préparé le moindre discours, si bien qu’après avoir posé son regard dans le sien durant une seconde, il a déjà épuisé tout son argumentaire. « Je suis désolé. » Pas désolé comme une personne qui s’est trompée en en abordant une autre dans la rue, mais plutôt désolé comme une personne qui comprend aujourd’hui à quel point il a aidé à ruiner sa vie dans son entièreté. « Pour Ruben. Je suis désolé. Je savais qu’il était marié, mais… » Mais elle sait, non ? Elle comprend mieux que personne à quel point il possède une aura, à quel point il est difficile d’exister autour de lui tout en se montrant indifférent à son charme. Elle le sait au point où elle lui a dit oui, alors ce n’est pas sur ce point en particulier qu’elle pourrait lui en vouloir, pas vrai ? L’idée qu’il n’avait pas le droit d’approcher un homme marié - pas même alors qu’il se contentait d’être en couple avec elle à l’époque - est évidemment actée et il s’agit bien de ce point là qui regroupe toute sa culpabilité. Jusque là, il avait toujours aisément pu l’ignorer: Nina n’était qu’un prénom, elle était une histoire dont il ne voulait pas entendre parler, elle était une idée vouée à l’échec. Désormais, elle est une jeune femme détruite par sa faute, et il ne sait pas se montrer indifférent face à cette idée alors que la raison le voudrait. S’il était raisonnable, il aurait fermé sa gueule et fait profil bas. « Mais ça n’a jamais rien empêché. » Il s’est montré égoïste et, pour être honnête, si c’était à refaire il n’hésiterait pas une seule seconde, parce qu’il continue de penser que le jeu en vaut la chandelle et quelques excuses (bien que sincères) ne sont que peu cher payées face à tout ce qu’il a pu vivre, et continuera de vivre, auprès de Ruben.

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ambrose & nina

lieu: association beauregard, spring hill

Elle ne se sentait pas vraiment plus légère. Qu’importe le nombre de fois où les discussions allaient rendre cela concret, Nina n’avait pas la sensation que le poids qui s’était logé dans sa poitrine allait s’en aller en un claquement de doigt. Chacune de ses émotions alternaient entre une colère sans limite et une tristesse qu’elle n’avait alors jamais éprouvée jusque-là. En réalité, Nina est épuisée. Chacun de ses pas se veut plus lourd que le précédent, alors qu’elle réalise lentement que son parcours l’entraîne en direction de leur appartement. Helen lui avait proposé de passer le reste de l’après-midi ensemble, mais elle a refusé poliment. Demain, elle sera de retour à l’hôpital pour une énième garde qu’elle fera durer plus que de raison. Aujourd’hui, elle s’accorde le droit de flâner en laissant ses pensées gagner du terrain. Bientôt, elle enverra un message à Ruben pour lui demander une conversation. En attendant, elle cherche à faire le point sur cette vie dont elle a rêvé, mais qui part lentement en fumée. À mille lieux de s’imaginer qu’une autre vérité était en train de la suivre.

« Nina ? » Surprise d’entendre son prénom, elle se retourne rapidement. « Ambrose ? » Elle ne l’avait jamais réellement rencontré, mais elle avait vu quelques clichés, Ruben lui avait parlé de lui. Elle reste étonnée qu’il sache la reconnaître et presque décontenancé par l’air attristé qui se peignait sur ses traits. « Je… Je suis désolé. » Elle n’est pas sûre de comprendre. Pourquoi ce garçon tenait à s’excuser ? Il avait fait partie de la vie de Ruben, elle le savait. Ils se voyaient encore parfois, elle le savait également. Ruben était venu en aide au jeune homme pour son père. Mais cela ne pouvait justifier son regard timide et ses épaules voûtées vers l’avant. Fronçant les sourcils, elle lui offre l’occasion de poursuivre. Curieuse de comprendre ce qui l’amenait à présenter ses excuses. « Pour Ruben. Je suis désolé. Je savais qu’il était marié, mais… » Un instant, son cœur s’arrête. Une voix en elle, le supplie de ne jamais poursuivre sa phrase, de se taire et de faire demi-tour pour repartir dans un monde où elle n’avait pas à prendre conscience de son existence. Elle ne pourra pas encaisser une énième découverte, une trahison supplémentaire. Elle voudrait l’arrêter, ne rien entendre de ce qui viendra après ce "mais". Ambrose est dans son élan et il assène le coup fatal. « Mais ça n’a jamais rien empêché. » Son monde ne vacille pas, il s’effondre. Elle encaisse sans un mot, avec un rire tout ce qu’il y a de plus nerveux. Une incompréhension qui se joins à une pleine résignation. Elle accepte sans se battre. Ruben n’avait donc aucune considération pour elle, continuant à entretenir des relations avec ce gamin qu’elle n’a même pas la force d’accusé. Il avait l’honnêteté de lui avouer sa faute, sans se détourner de ce qu’il avait enfreint en la commettant. La claque paraît faire sonner ses tympans, elle aimerait fermer les yeux et ne plus le voir lorsqu’elle finira par les rouvrir. Mais Ambrose est toujours là, face à elle. Et Nina se résigne. « Alors toi aussi, tu couches avec mon mari ? » La question se veux rhétorique. Elle n’avait plus de mal à le croire. Ruben avait profité de la crédulité d’Ambrose par le passé, il faut croire que cela n’avait absolument rien de révolu. « Vous êtes nombreux ? La liste est encore grande ? » Est-ce qu’il savait lui aussi qu’il n’était pas le seul ? Il savait pour elle visiblement, mais est-ce qu’il savait pour l’autre ? Un instant, Nina ferme les yeux, la fatigue se veut plus intense encore, au point d’en faire trembler ses jambes. Combien de fois encore on viendra lui annoncer que son mariage n’était qu’une farce ? Que Ruben se foutait de sa gueule de manière constante ?

Qu’elle connaisse son prénom perturbe un instant l’aspirant politicien. Il se demande dans quelle mesure elle a entendu parler de lui et, surtout, dans quelle mesure la discussion a pu aller jusqu’à ce qu’elle voit des photos assez représentatives de lui pour le reconnaître au pied levé. Les questions seraient malvenues à ce propos, si bien qu’il n’en pose justement aucune, notamment parce qu’il est trop occupé à poursuivre un discours simple qui lui a pourtant valu de se répéter mille fois dans son esprit. Il est désolé. Il s’est tapé son mari ; il est désolé. Si les masques doivent tomber, il veut assumer en personne ce à quoi il a occupé bon nombre de nuits et parfois même de journées depuis des mois, des années. Face à lui, il observe la jeune femme passer par différentes phases pour finalement accepter ses mots sans se battre davantage. Elle est sûrement fatiguée de le faire et il ne peut pas lui en vouloir. « Alors toi aussi, tu couches avec mon mari ? » Il aurait voulu la corriger et conjuguer cette phrase au passé mais il ne lui fera pas cet affront : si Ruben lui accordait l’attention minimum, il serait le premier à baisser son pantalon et à le retrouver dans son habit le plus naturel, faisant fi de tout ce qui a pu se passer autour d’eux récemment.

« Vous êtes nombreux ? La liste est encore grande ? »
« Non. »

Elle sait pour Mavis, et c’est un point qu’il n’avait pas anticipé. Il sait déjà que Barnes n’aurait pas pris le temps de s’excuser, qu’elle ne l’aurait sans doute pas voulu non plus. Il se dit aussi que l’autre personne concernée par ce “toi aussi” ne peut être que Mavis, parce qu’il refuse de voir en Ruben un foutu génie du mal qui aurait réussi à jongler avec encore plus de deux amants et une femme. Les chiffres actuels donnent bien assez le vertige en eux-mêmes. « Je sais pas. » Il souffle finalement, bien décidé à ne pas mentir davantage à Nina pour le compte de Ruben. Ses paupières se ferment un instant sous le poids de la culpabilité, peu habituées à ne pas avoir une vision d’ensemble du tableau dont il fait pourtant partie. « Tu mérites mieux. » Il ne le dit pas pour Nina en particulier, qu’il ne connaît finalement pas, mais il le dit pour n’importe quelle personne n’étant apparemment pas suffisante pour le quotidien d’un homme marié : elle mérite mieux, elle mérite davantage de considération. Mavis aussi. Ambrose aussi. « J’espère que ça ira. » Elle a plus de courage que lui, elle tente de tourner la page et il veut croire qu’elle y arrivera, parce que ce sera au moins un poids en moins sur sa conscience. « Il m’a pas dit que tu savais. » Et il ne sait pas ce qu’elle peut bien faire de cette information mais il la partage tout de même, parce que son soudain besoin de vérité s’étend jusque là sans pour autant dévoiler d’autres pans de sa vie et de son histoire avec Ruben qui pourraient être bien moins glorieux à conter à la femme trompée.

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Beaucoup pourraient dire qu’elle abandonne facilement. Elle ne cherche pas à se battre, réfute à peine les propos du jeune homme face à elle. Nina se résigne, baisse les bras et accepte que l’homme qu’elle pensait si bien connaître n’est en réalité qu’une façade. Un lâche qui visiblement collectionne les conquêtes comme il enchaîne les heures au bloc opératoire. Un passe-temps sommes toutes, loin de l’image d’Epinal du jeune chirurgien, marié et bien sous tout rapport. Nina aimerait crier, demander à Ambrose de partir, hurler plus fort encore et peut-être même pleurer, mais aucune de ces émotions n’atteignait la sortie. Elle est épuisée. Vidée de toute réaction censée, incapable de défendre son propre mariage. Elle encaisse sans broncher. Ruben la trompe avec la terre entière et elle n’a rien vu venir. Absolument rien. Elle a eu des doutes à propos d’Ambrose, mais jamais elle n’a pensé Ruben capable d’une chose pareille. « Non. Je sais pas. » Il ne paraît même pas étonné, comme lui aussi défait de cette triste réalité qui les relie. À bien y regarder, Ambrose semble sincèrement désolé. Et Nina a subitement envie de le gifler pour son empathie sans limite. « Tu mérites mieux. » Elle ne sait retenir ce rire nerveux qui lui échappe. Bien sûr qu’elle mérite mieux qu’un menteur et un tricheur comme son mari. Elle mérite plus que le peu de considération dont Ben fait preuve auprès d’elle. Lui en revanche ne mérite rien, pas même une médaille pour s’être dénoncé, qu’importe la bravoure que certain trouverait dans son geste. Il ne mérite rien de plus que son dédain. « Garde tes bons sentiments pour toi, tu savais clairement ce que tu étais en train de faire. » Il savait, que Nina était dans sa vie, qu’il était marié également. Cela ne l’a pas empêché de sauter dans son lit. « J’espère que ça ira. » Elle doit se retenir pour ne pas l’insulter sur le champ. Son regard noir dévisage le jeune homme qui semble vouloir se laisser avaler par le trottoir. Comme s’il allait tomber dans le panneau d’une excuse parfaitement huilée. « Non. Non ça n’ira pas. » Elle n’a pas l’intention de lui donner son pardon, encore moins de le rassurer. Non, ça n’ira pas quand toute sa vie semble s’écrouler autour d’elle sans qu’elle puisse en avoir le moindre contrôle. « T’es drôlement culotté de venir me dire ça. Tu t’attends à quoi ? À ce que je te remercie de ton honnêteté, peut-être ? » Est-ce qu’il fonctionne comme cela, Ruben ? À distribuer des bons points avant de coucher avec ? « Il m’a pas dit que tu savais. » - « Pourquoi est-ce qu’il le ferait ? Visiblement, t’es encore capable de tomber à genoux pour le sucer en un claquement de doigt. Ce serait idiot de gâcher ça. » Il avait trouvé sa parfaite marionnette. L’autre devait lui donner du fil à retordre ou pas assez de liberté ? Alors il est retourné voir le petit jeune qui en pince pour lui depuis des années. « Ruben ne supporte pas l’échec, mais tu dois le savoir. » Il s’était fait prendre la main dans le sac, il n’allait pas le crier sur tous les toits. « À toi, il dit qu’il t’aime ? Il te promet monts et merveilles ? » Est-ce qu’elle avait encore l’exclusivité de ces mots là où ça aussi, il l’offrait à quelqu’un d’autre ? Elle ne sait même pas pourquoi elle a posé la question, les mots se sont échappés d’entre ses lèvres à toute vitesse, guidée par la tempête d’émotions qui semble régir sa vie depuis des semaines.

Nina n’accueille pas ses mots avec bienveillance et il ne lui tient pas rigueur de ce point, parce qu’il aurait sans doute été encore moins conciliant qu’elle si les rôles avaient été échangés. A bien y repenser, il n’aurait sûrement pas été conciliant le moins du monde et aurait préféré voir la terre entière brûler plutôt que de supporter l’affront imposé par Ruben. « Garde tes bons sentiments pour toi, tu savais clairement ce que tu étais en train de faire. » Lentement, il prend la parole à la suite de Nina, ses mots pesés avec soin. « Je ne m’excuse pas pour tout. » Il savait ce qu’il faisait, oui, et si c’était à refaire, il n’hésiterait pas une seule seconde. Il est désolé qu’elle l’ait appris et que son conte de fées se révèle ne pas en être un, mais il n’est pas désolé d’avoir vécu une histoire avec son mari. Nina a beau lui tirer un regard toujours plus noir à chaque nouvelle seconde écoulée, lui ne tressaille pas. La colère d’une femme ecorchée est toute particulière, certes, mais il ne peut pas se permettre de la craindre à elle seule. Il va affronter de plus gros poissons, devant lesquels il ne pourra pas s’offrir le bénéfice du doute. « Non. Non ça n’ira pas. » Et c’est bien dommage, mais ça sera son seul problème à elle, puisqu’il ne remuera pas la terre entière pour elle. Il est dans une équipe qui n’est définitivement pas celle de Nina et si être transparent face à elle lui semblait être nécessaire, il n’ira pas au-delà. Sa fidélité est à un autre - ironie du terme.

« T’es drôlement culotté de venir me dire ça. Tu t’attends à quoi ? À ce que je te remercie de ton honnêteté, peut-être ? » Déjà, il secoue sa tête de droite à gauche. « J’attendais rien de ta part. » Il sait que, dans sa position, il n’est pas en droit d’exiger quoi que ce soit de la part de Nina et il a bien fait de ne pas le faire, justement. « Pourquoi est-ce qu’il le ferait ? Visiblement, t’es encore capable de tomber à genoux pour le sucer en un claquement de doigt. Ce serait idiot de gâcher ça. » Que de tels arguments reviennent dans des disputes qui impliquent Ruben ou même Mavis est une chose, mais que ce soit sa femme qui ose tenir de tels propos en est une autre qu’il ne tolère que très peu, pour ne pas dire pas. Ainsi, il reprend lentement, faisant de son mieux pour garder son calme - avec succès. « Ecoute, tu es celle qui n’a jamais pu lui suffire. A ta place je prendrais un peu de recul. » Ce ne sont que des faits. Il ne fait que statuer des faits avérés, passant volontairement outre l’idée qu’elle ne lui a jamais suffi mais qu’elle est celle qu’il aimait assez pour vouloir d’une vie avec elle. Ou peut-être simplement que le parfait Ruben avait mieux calculé ses chances d’être bien vu avec une personne qui n’a pas dix ans de moins que lui, avec qui il n’était pas quand elle était mineure, et qui n’a même pas été surbordonnée à l’hôpital. Un petit miracle dans sa vie, donc. « Ruben ne supporte pas l’échec, mais tu dois le savoir. » Il le sait, effectivement, mais cela ne change rien à la situation. Il est sans doute furieux à l’idée d’avoir été découvert mais ses adultères n’en sont pas moins la réalité. « À toi, il dit qu’il t’aime ? Il te promet monts et merveilles ? » Il la dévisage un instant, se demandant ce qu’elle cherche à entendre et si elle veut voir en sa personne un allié ou un bouc émissaire. « Il m’a dit qu’il m’aimait, oui. » Il y a bien longtemps qu’il ne le lui dit plus et qu’Ambrose répète ces mêmes mots seul. Ca, il le garde évidemment pour lui. « Mais on a toujours été clairs sur ce qu’on était. » Plus ou moins. Encore une fois, toute vérité n’est pas bonne à dire. « Il t’aime vraiment. Pour ce que ça vaut. » Il hausse les épaules, sans doute conscient que cela ne vaut justement pas grand chose dans un tel contexte. Il l’aime, mais elle n’est pas suffisante, elle non plus. « J’ai tout arrêté, quand j’ai appris pour vos fiançailles. Et puis… » Il grimace. Elle sait. Elle sait ce que c’est que d’aimer Ruben et de ne pas savoir lui tourner le dos, il n’a pas à expliquer ce sentiment à Nina. Il a tout arrêté et il a surtout tout repris entre eux, presque aussi rapidement. Peu importe. Ce n’est même plus important maintenant. « Tu comptes lui pardonner ? » Qu’importe sa réponse, il sait déjà que cela n’impactera pas sa liaison avec Ruben.

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« Je ne m’excuse pas pour tout. » Alors pourquoi l’interpeller en pleine rue ? Pourquoi s’immiscer ainsi dans sa vie ? Comme s’il n’en avait pas déjà fait assez. Il ne s’excuse pas de tout, mais cherche à se repentir à demi-mots. Elle ne sait pas réellement ce qui l’amène à être aussi brutalement honnête envers lui. Comme s’il se souciait réellement de ses états d’âmes quand il est simplement venu s’ôter une épine du pied. Est-ce qu’il va se sentir un peu moins coupable d’avoir affronté la femme légitime ? Où cherche-t-il à asseoir un quelconque pouvoir sur sa relation bancale ? Une chose est sûre, il ne semble pas si désolé que cela. À peine empli de remords, en tout cas. Semblable à Ruben, il faut croire. « Ecoute, tu es celle qui n’a jamais pu lui suffire. A ta place je prendrais un peu de recul. » Le rire qui s’échappe d’entre ses lèvres est aussi mauvais qu’il cache les blessures. L’hémorragie est généralisée désormais et il lui est atrocement difficile de garder la maîtrise. Sur le front des émotions se mélangent la colère, l’humiliation et un désespoir qu’elle n’a jamais connu jusqu’alors. Hors de question de les laisser regagner la surface, alors Nina compose sur l’instant. Avec son rire mauvais et son regard noir. « Et tu restes le mineur dont il ne voulait plus. » À ce jeu, ils possèdent chacun les armes pour blesser l’autre. « Ne te pense pas exceptionnel, on couche avec le même homme, et y’en a une troisième. » Ambrose est loin d’être l’exception dans la vie de Ruben, loin d’être celui qui gagne. Il n’est qu’un monstre dans le placard, vieux souvenir de jeunesse, une erreur dont Ruben semble ne pas avoir su se défaire. « Et peut-être même d’autres, il faut croire que mon mari a beaucoup de temps libre pour s’envoyer en l’air. » Lui qui ne jure soi-disant que par sa carrière. Un menteur éhonté. Elle finira par lui faire regretter, en temps et en heure.

En attendant, Nina perd pied. Elle vacille légèrement face à ses propres paroles. Une autre femme, elle pouvait encore gérer, mais désormais s’ajoute Ambrose et la question qui l’obsède désormais : qui d’autre ? Est-ce qu’il y en a d’autres ? Est-ce que Ruben est à ce point égoïste pour collectionner les conquêtes ? Une différence à chaque journée et un extra pour le weekend ? Nina se sent nauséeuse face à ce gamin qui lui répond sans détour. « Il m’a dit qu’il m’aimait, oui. » Elle aurait pu l’anticiper, mais la réponse vient la heurter de plein fouet. Elle ravale sa salive avec difficulté sans jamais se défaire de ce regard noir qui lui sert de dernier rempart. « Mais on a toujours été clair sur ce qu’on était. » Elle ne souhaite même pas savoir. Des amants ou plus, qu’est-ce que ça changera désormais ? « Il t’aime vraiment. Pour ce que ça vaut. » - « Je sais. » La réponse se veut instinctive, parce que Ruben passe son temps à le répéter, sans cesse. À chaque message, dans chacune des maigres discussions qu’ils ont pu avoir depuis ce jour-là. Il le dit encore, avec la même force, mais Nina ne sait plus si elle doit encore y croire. « Mais ça ne vaut plus grand-chose désormais. » Une fois encore, elle s’étonne d’être aussi sincère. Elle mettra cela sur le dos de la fatigue. Elle n’a jamais été aussi épuisée de toute sa vie. « J’ai tout arrêté, quand j’ai appris pour vos fiançailles. Et puis… » Et puis, il est retombé. Ruben lui en a sûrement donné l’autorisation. Ou bien a-t-il joué avec lui ? Nina s’interroge face à cet homme qui paraît sincère. « Tu comptes lui pardonner ? » Son culot n’a donc pas de limite. « Ne pense pas que je vais me laisser aller à ce genre de confidence. » Elle ne sait rien de lui et de toute évidence, il est toujours en contact constant avec Ruben. Elle n’a pas l’intention de lui répondre pour qu’il rapporte ensuite tout tel un bon élève. « Qu’importe ma réponse, quelque chose me dit que tu continueras à le voir. » Il n’est pas venu s’excuser après tout, simplement alléger sa conscience, histoire de se donner l’impression de pouvoir encore croiser son reflet dans le miroir. « Il ne cherche que l’attention qu’on lui donne. » Ruben ne veut rien d’autre qu’être adulé par tout le monde. « Sans jamais nous respecter. » Il n’a pas respecté les vœux de leur mariage et elle imagine sans mal qu’il ne respecte en rien Ambrose qu’il doit traiter comme le vilain petit secret au fond de son placard.

Il peut jouer au gentil, Ambrose, mais il n’a envie de le faire que jusqu’au moment où Nina commence à jouer avec ses nerfs. Elle est dans ses droits, sans doute, si tant est qu’il puisse y avoir des droits particuliers pour les femmes trompées. Il comprend aisément le fond de sa pensée, il comprend sa colère, il comprend ce que ça fait que de ne pas être assez pour satisfaire Ruben Hartfield. Et pourtant, il n’est pas dans le camp de Nina. « Et tu restes le mineur dont il ne voulait plus. » S’il échange un sourire à cet instant précis, ce n’est en rien par amusement. Au contraire. Il sourit parce qu’il comprend qu’elle sait ; il sourit parce qu’il comprend que son mari l’estime au moins assez pour lui avoir raconté leur histoire, avec une certaine transparence. Ambrose échange un regard en coin avec la jeune femme sans pour autant ajouter quoi que ce soit, sachant bien que la raison de leur rupture réside dans le seul fait qu’il avait caché son âge à Ruben. Il lui a sans doute donné une raison suffisante, et le brun ne se battra pas pour la faire entendre à la jeune mariée. « Ne te pense pas exceptionnel, on couche avec le même homme, et y’en a une troisième. » - « Je sais, oui. » Elle sait pour leur histoire passée mais lui sait pour Mavis ; et sur ce point, par ailleurs, il en sait sûrement bien plus que Nina. Le brun reste impassible, loin de pouvoir s’étonner davantage des histoires de Ruben. « Et peut-être même d’autres, il faut croire que mon mari a beaucoup de temps libre pour s’envoyer en l’air. » Ambrose hausse les épaules, voulant déblatérer sur les amants de Ruben ne faisant pas partie de la liste des choses dont il voudrait occuper sa soirée. Ce qu’ils ont en commun avec Mavis, et ce que Nina n’aura jamais, c’est la certitude que leur vie ne tourne pas autour de Ruben, et certainement pas aux yeux de la loi. Ils sont des amants, ils sont sur un éternel siège éjectable. Elle est sa femme, elle est celle dont la vie sera à jamais marquée par son passage, que ce soit dans la loi que dans le souvenir même de tout son entourage, toute sa famille. Et elle-même.« Il n’y a qu’elle et moi. » Il assure finalement, écartant Nina du paysage sans la moindre vergogne.

« Je sais. » Elle est incisive dans sa réponse, Nina. Elle ne devrait. Elle ne sait pas à quel point entendre ces mots de Ruben vaut de l’or. Un or qu’Ambrose serait prêt à payer, tant il n’a pas eu le droit de les entendre depuis une éternité lui-même. Elle prend ce sentiment pour acquis et ce n’est pas parce qu’ils partagent les liens sacrés du mariage qu’elle le devrait. « Mais ça ne vaut plus grand-chose désormais. » Lui ne voit pas la moindre différence entre aujourd’hui et hier mais cela a tout à voir avec sa propre position et il le sait assez bien pour ne pas se risquer à une réponse. Il creuse simplement ailleurs, au final. « Ne pense pas que je vais me laisser aller à ce genre de confidence. Qu’importe ma réponse, quelque chose me dit que tu continueras à le voir. » - « Oui. » Il n’a jamais clamé le contraire et s’il l’avait fait, cela aurait été un mensonge évident de sa part. Peu importe ce qu’elle pourrait lui dire, il n’y a rien qui le ferait arrêter de voir Ruben, surtout alors qu’il connaît l’existence de Nina depuis de longs mois maintenant. Pour lui, il n’y a finalement rien de nouveau, rien qui vienne heurter davantage son système de valeurs. « Il ne cherche que l’attention qu’on lui donne. » Et Dieu sait qu’il lui en donne, Ambrose. « Sans jamais nous respecter. » - « On est pas la même personne, Nina. » Il ne se sent pas bafoué, mais cela a sans doute tout à voir avec le fait qu’il part du postulat qu’il n’est personne pour Ruben. Il est son secret, ils sont le secret l’un de l’autre. Cela a tout pour les arranger, au final. Ils vivent heureux et ils vivent cachés, ce qui est sans doute la meilleure chose qu’ils puissent chacun faire de leur côté. Ambrose a mis longtemps à le comprendre mais l’idée est désormais acquise. « Je te souhaite de trouver ta bonne personne. » Il conclut simplement, hochant à peine la tête en signe de respect. Ils ne sont pas sur la même longueur d’onde mais elle n’est pas un caillou dans sa chaussure et il sait bien qu’il ne doit pas trop chercher à obtenir sa fureur. Un statu quo reste la meilleure chose dont ils puissent rêver.

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« Je sais, oui. »
« Tant mieux. »

Que dire à ce jeune homme ? Nina n’a pas envie de poursuivre la moindre conversation avec lui. Elle aimerait rentrer, s’enfermer quelque part et que le monde entier cesse de lui tomber dessus. Mais il a des choses à dire à Ambrose et elle encaisse avec la tête haute. « Il n’y a qu’elle et moi. » Devrait-elle se sentir soulagée ? Qu’est-ce qu’ils attendent tous d’elle ? Qu’elle plie l’échine et se mêle à leurs histoires sordides ? Elle se mord la lèvre, retient son sarcasme pour elle. Il ne servirait à rien d’argumenter avec le brun. Ils ne pourront jamais se comprendre, ne verront jamais les choses sous le même angle. Il avait eu les couilles de l’interpeller, mais elle n’allait pas le féliciter pour sa confession. « On est pas la même personne, Nina. » Heureusement. Elle était la femme bafouée, mais pas le vilain secret relégué au placard depuis des années. Elle ne lui enviait pas sa position, qu’importe ce que Ruben semblait lui faire miroiter pour qu’il s’accroche autant. « C’est bien de s’en souvenir. » Il n’était rien, personne. Elle est sa femme. Qu’importe ce qui peut bien se dérouler en coulisse, personne ne changera le papier qu’ils ont signé en début d’année. Il ferait mieux de ne pas l’oublier. « Je te souhaite de trouver ta bonne personne. » Elle souffle un brin amusée par son assurance. « Je te souhaite d’ouvrir les yeux sur ta situation. »  D’autres trouverait cela fort de café lorsqu’elle n’avait même pas eu conscience des agissements de Ruben, mais il était en train de jouer avec sa patience.

Elle jette un dernier regard à Ambrose, replaçant la bretelle de son sac à main sur son épaule. « En espérant ne jamais te recroiser. » Et sans un mot de plus, elle tourne les talons, regagnant sa voiture en priant pour que personne ne l’interpelle plus jamais de cette manière.