C'est le grand jour. Ou plutôt, c'est la grande semaine. Ulysse a vu ça avec le staff et Amy fait sa semaine découverte aux urgences. En vrai, elle pensait pas que ça se ferait. Non pas qu'elle ne le voulait pas. Mais elle pensait ... disons qu'elle pensait que ça ne se ferait pas tout de suite. Qu'elle aurait bien le temps de penser à tout cela. A ce qu'elle veut ou ce qu'elle ne veut pas. Certes, elle a quelques bases dans la médecine grâce au job qu'elle fait actuellement. Mais est-ce que ... est-ce qu'elle pourrait le faire ? Est-ce qu'elle pourrait se lancer dans la médecine ? Peut-être pas devenir médecin. Ca serait de trop longues études. Mais infirmière peut-être ? Ou assistante médicale ? A dire vrai, il y a tellement de choses à faire dans le domaine de la médecine. Et elle veut déjà voir, dans un premier temps, si ça pourrait lui plaire. Si elle serait prête à ... et bien, si elle serait prête à lâcher son boulot et aller sur les bancs de l'école. Elle dira pas que c'est plus facile à dire qu'à faire. Elle qui n'aimait pas vraiment ... l'école. Mais on change en grandissant, non ?

Donc, c'est le grand jour. Les horaires vont être un peu différentes de ce quelle fait habituellement, même si ça reste qu'un stage. C'est sa mère, Laura, qui s'occupera, au besoin, d'Abby. Toujours prévoir un plan B. Plutôt que de se faire avoir et de ... et bien, de devoir trouver une solution à la dernière minute. Ca serait dommage. En tout cas, la demoiselle a fini par se garer sur le parking de l'hôpital. Elle est pas ... stressée. Rien du tout. Elle va rien faire. Amy va juste se faire une idée. Elle va regarder. Elle va pas mettre les mains dans le cambouis comme on le dit si bien. Non. Oh que non. Elle doute que Ulysse la laisse faire.

Pourquoi Ulysse ? Parce que c'est à lui qu'elle a demandé si ... si elle pouvait. Venir. Et c'est lui qui va s'occuper d'elle. Ca aurait été un autre médecin, pas sûre qu'elle aurait vraiment ... apprécié. Enfin, apprécier, c'est pas le mot. Mais disons qu'elle pense pas que ça l'aurait fait. Peut-être pas plus compliqué. Mais elle connaît Ulysse. Si elle a envie de lui poser des questions, elle sait qu'elle pourra le faire. Sans aucune hésitation. Elle sait qu'il répondra à tout. Enfin, elle se doute que ça sera le cas et elle ne pense pas se tromper.

La demoiselle arrive donc au comptoir des urgences. Là où Ulysse lui a demandée d'attendre. Il devrait plus tarder maintenant. Est-ce qu'elle a hâte ? Peut-être un peu quand même. Elle stresse pas, mais elle a envie de voir ... si ça peut être fait pour elle. Ce qui la rassure, surtout, c'est qu'elle va rien faire. Si ce n'est observer. Elle serait pas dans cet état d'esprit dans le cas contraire.

La course à la responsabilité du pôle était lancée depuis quelques temps déjà, et Ulysse donnait tout, et faisait tout son possible, pour que sa nomination soit la plus évidente possible par le pôle et les directeurs des ressources humaines et des soins. Outre ses actions médicales auprès de ses patients, Ulysse s’exécutait et œuvrait sans compter ses heures pour la gestion du pôle en coordination avec les autres chefferies de services, et en offrant initiatives et idées pour pouvoir faire marcher les choses. Expériences avec du nouveau matériel, financement de formations, budgétisations de demandes, de projets, et jonglage entre ses obligations professionnelles et ses ambitions pour le pôle…

Aujourd’hui, une autre de ses initiatives devait enfin avoir lieu. Mais point uniquement une initiative, un moyen, également, d’offrir à une collègue capable et désireuse de vivre autre chose, la possibilité d’évoluer dans sa carrière professionnelle. Amy, assistante de régulation au numéro des urgences de Brisbane et de sa région, avait manifesté sa curiosité quant aux métiers médicaux et paramédicaux. Voyant alors la motivation dans ses yeux, mais surtout, sensible à cette jeune femme qui tentait d’évoluer dans sa vie et de faire ce qu’il fallait pour pouvoir voir autre chose… Faire autre chose… Penser à autre chose… Il décida de l’aider.

Une semaine durant, il obtint donc un accord entre la hiérarchie d’Amy et le pôle des urgences, réanimation et chirurgie, pour accueillir la jeune femme comme une étudiante prête à découvrir tant de choses, tant de métiers. Il serait son tuteur, son maître de stage et son référent et, déjà, avait préparé plusieurs petites choses pour qu’elle puisse apprécier cette immersion à sa juste valeur. Il vint alors à l’accueille aussi rapidement que possible pour éviter à Amy une attente indésirable. Il lui avait demandé de venir à 9h00 du matin, soit deux heures après la prise de service aux urgences afin d’éviter à Amy les longues transmissions entre professionnels, et les instants de flottements inhérents aux services hospitaliers : refaire les chariots, vérifier les piluliers, appeler les familles, les services et les spécialistes, … Bref, des choses peu passionnantes, surtout lorsqu’il faut juste regarder l’autre faire.

« Amy ! Bonjour ! Bienvenue ! » Lui dit-il, arrivant vers elle avec un grand sourire, la blouse volant aux vents avant de lui tendre une main ferme mais point trop forte, témoignage de son attention pour les aspirations de la jeune femme aujourd’hui. « Bienvenue au service d’accueil des urgences de Brisbane ! Prête pour ta première journée ? Je t’ai prévu un petit programme sympathique aujourd’hui avec les infirmières notamment. Tu es prête ? »

Il était prêt à l’emmener derrière les doubles portes automatiques ou de gros « sens interdits » étaient peints, montrant que l’accès n’était réservé qu’aux professionnels, aux médecins et aux victimes amenées par les ambulances. Et lorsqu’elle fut prête, justement, Ulysse sortit de sa poche un badge « visiteur » dont les autorisations permettraient à Amy de se déplacer partout dans le service et le pôle, afin de ne point être gênée dans ses journées. Il ouvrit donc la voie, et la mena à l’arrière du sas d’accueil où infirmiers et aides-soignants œuvraient déjà à pied d’œuvre pour accueillir les premiers patients du jour. Ils arrivèrent donc dans le bureau central, où, déjà, s’activaient les médecins, les internes, les infirmières, les aides-soignantes et les étudiants externes venus découvrir le monde des urgences tout en validant quelques unités d’enseignements obligatoires pour la faculté de médecine.

« Voilà le bureau central ! Comme tu le vois, il est fait de quatre « quatuors » d’ordinateur. Le service des urgences est organisé en quatre secteurs : les couloirs numéros un et numéros deux, qui sont gérés par un quatuor médecin, interne, infirmier et aide-soignant ; l’unité des urgences vitales, organisée similairement ; et l’accueil, comme tu l’as vu devant. L’accueil est un peu particulier : l’infirmier fait un premier triage en auscultant les patients qui se présentent dans le but de réaliser un « pré-diagnostic » et prioriser le cas. En fonction de sa gravité, il va alerter le médecin ou l’interne, qui viendra donc ausculter à son tour le patient et, si besoin, demander une priorisation médicale particulière vers l’unité des urgences vitales par exemple. L’infirmière d’accueil est toute seule devant avec l’aide-soignante, mais une seconde infirmière se trouve dans le bureau central devant nous, avec le médecin d’accueil, et elle est responsable des actes de soins. L’infirmière d’accueil pré-diagnostic, et la seconde infirmière, elle, réalise les soins urgents avant que l’on installe un patient dans un box derrière. Le médecin d’accueil est généralement un ancien médecin avec beaucoup d’expérience : il doit réaliser l’examen des patients à l’accueil, mais aussi, trouver les lits d’hospitalisations, gérer les alertes administratives s’il y en a, et assister ses collègues qui, eux, gèrent les patients installés dans les box. » Expliquait-il, conscient que cela devait être beaucoup d’informations déjà pour un début de matinée.[/i] « Ce que je te propose pour ce début de matinée, c’est que nous suivions les infirmières du service. Enfin… L’une d’elle ! D’abord celle du couloir n°1, puis celle des urgences vitales. Ça devrait nous occuper une bonne partie de la journée, puis, petit atelier perfusion ! On te montrera comment poser un cathéter, et tu pourras en poser un sur mon bras ! Est-ce que ça te va pour ce matin ? »

Est-ce qu'elle a hâte ? Un peu quand même. Elle ne sait pas trop comment Ulysse va organiser cette semaine. Ce qu'il a pu préparer pour elle ou quoi que ce soit dans le genre. Ca lui fait peur quand même. Un peu. Et c'est normal. Ca reste un sacré plongeon dans l'inconnu. Oui, c'est vrai que c'est une espèce de stage. Qui va lui permettre de savoir si ça peut la botter ou bien si au contraire, c'est la plus grosse des erreurs. Peut-être qu'elle devrait pas. C'est peut-être une perte de temps. Elle va être payée quand même puisque Ulysse s'est arrangé pour que ça compte comme des heures de travail. D'ailleurs, elle est curieuse de savoir comment il a réussi ce coup. Mais passons. Mais c'est clair que pour Ulysse, ça sera peut-être ... une grosse perte de temps. Qui sait ?

Quoi qu'il en soit, il finit par arriver et lui souhaiter la bienvenue tout en lui serrant la main. Ils auraient pu se faire la bise. Après tout, ils se connaissent via l'autre job. Même s'ils sont pas non plus ultra proches. "Merci d'avoir organisé tout ça Ulysse." Et de prendre du temps pour elle. Même si elle sait pas vraiment si c'est une bonne chose. Si c'est fait pour elle ou bien si c'est la plus grosse des erreurs qu'elle ait pu faire. Elle s'est pas encore décidé à changer de vie. Elle y songe, c'est vrai. Mais ce petit stage ... lui permettra de savoir justement si c'est ce qu'elle veut faire. Changer de boulot. Ou bien si elle reste dans ce qu'elle fait. "Mine de rien, j'suis curieuse de savoir comment t'as fait pour que ça soit possible." Mais bon, elle est là. Pour la semaine, elle est à lui en quelque sorte. Et elle ne sait pas trop ce qu'il lui réserve. Elle verra bien. "Prête, je sais pas trop encore." Elle hausse les épaules. "Mais faut bien se lancer après tout." Ils vont pas rester là à attendre que les choses se passent. Il évoque brièvement le programme : passer du temps avec des infirmières. "Allons-y."

Tandis qu'il lui donne son badge, ils passent des portes qui, habituellement, lui sont interdites. Mais elle aura le droit de les passer durant les prochains jours. Ils entrent dans la fourmillière. Ca s'active déjà. Et oui, pas le temps pour les héros de faire des pauses. Ulysse lui donne beaucoup d'informations. Il avait déjà tout préparé à l'avance, ça se sent. Ca se voit. Et mine de rien, il a un sacré charisme. Ce qui veut pas dire pour autant que là, tout de suite, elle serait prête à signer et à sauter le pas. Mais bon. Elle est sûre que s'il était commercial et qu'il vendait des trucs, ça pourrait bien marcher pour lui. Mais c'est difficile pour Amy de retenir tout ce qu'il vient de dire. Elle ne dira pas que c'est rentré par une oreille et que c'est ressorti par l'autre. mais pas loin. Ce qu'elle retient, par contre, c'est qu'il lui a prévu un atelier. Et qu'elle va se servir de lui comme boule à aiguilles. "Quoi ?" Elle est surprise. Pas qu'elle n'avait envie de rien faire. Mais elle pensait plutôt qu'elle allait ... qu'elle allait observer. "J'ai ... euh ... J'vais te faire mal ..." Et elle n'a pas envie de lui faire mal. "Le programme me paraît bien. Mais j'ai ... quelques hésitations ... sur le fait que tu sois mon mannequin." Elle sait même pas si elle réussira. Après, comme on le dit si bien, c'est en forgeant qu'on devient forgeron mais bon.