Alchimie es-tu là ?

@Axel Hartmann & Sara Gutiérrez
juillet 2024, restaurant, Redcliffe

Tinder est une application bien sympathique, si vous voulez l'avis de Sara. Pas de prise de tête possible lorsqu'on swipe à gauche ou à droite. Il paraît qu'il vaut mieux lire les petites descriptions de chacun, mais elle ne se formalise que rarement de ce genre de détails. Certains trouvent que juger au physique seulement ça ne se fait pas, la Gutiérrez s'en fout : lorsqu'elle clique sur cette petite flamme plutôt que sur le logo de Youtube, c'est avec un objectif précis en tête qui n'est sûrement pas le mariage. C'est le corps des hommes qu'elle fréquente qui l'intéresse, pas leur niveau d'études ou leur plus grand rêve. C'est aussi pour ça qu'elle préfère Tinder à des applications plus romantiques : tout le monde sait qu'on n'y trouve pas l'amour mais plutôt des plans cul, et c'est bien ce qu'elle cherche. Oh, ça ne plairait sans doute à aucun membre de sa fratrie si elle l'assumait à voix haute – Cesar excepté, parce qu'elle est sûre qu'il l'a déjà fait –, et encore moins à ses parents qui se sont mariés si jeunes que l'idée lui fout des vertiges, mais elle n'en a rien à faire. En plus l'appli lui évite de se rabattre sur des clients pas trop moches du Twelve. Et encore, c'est plus simple de flirter là-bas qu'au théâtre où elle bosse à moitié dans le noir et n'interagit avec les spectateurs qu'une vingtaine de secondes, le temps de les conduire à leur siège.

C'est Tinder qui l'a conduite jusqu'à cette table où, le cou penché sur son écran sur lequel elle scrolle Instagram, elle attend à présent un beau brun dont elle n'a évidemment jugé que le physique avant de le swiper à droite. Elle a choisi un resto qu'elle connaît, pas trop loin de chez elle pour des raisons pratiques qui ne sont pas difficiles à deviner, et où on peut manger et boire – c'est toujours plus sympa. Loin d'elle l'idée d'inviter son date dans un palace fancy où on sert du homard et du caviar : ici on mange des burgers, des burritos, des pizzas, et c'est vachement meilleur qu'un cabillaud flambé au vin d'elle-ne-sait-où sur son écrasé de légumes anciens. Une bière dans sa main qui n'est pas occupée à tenir son téléphone, Sara en a déjà bu un tiers lorsqu'enfin quelqu'un se pointe à sa table. Ce n'est pas seulement parce qu'elle boit vite : le type est en retard, bien en retard, mais elle était si occupée à chercher des inspirations de look qu'elle pourrait proposer pour ces premières prestations pour l'agence qu'elle ne l'a pas remarquée. Alors lorsque son date arrive enfin, elle n'a pas l'air fâchée, affichant plutôt un charmant sourire. « Axel, salut. » Elle ne s'offusque pas de son manque de ponctualité, un des rares points sur lesquels ils sont compatibles – mais ça elle ne le sait pas encore. « Contente de voir que tu ressembles à tes photos. » C'est ça, le truc le plus chiant sur Tinder d'après elle : les crétins qui ne sont pas honnêtes et lui font perdre son temps. Non, ce n'est pas un diplôme d'ingénieur qui va compenser un nez de travers ou un regard qui louche dans le regard sans pitié de la Gutiérrez. « Moi c'est Sara, du coup. » Information importante mais qu'il a déjà, normalement. « Tu veux boire un truc le temps de commander à manger ? » Pas le temps de tergiverser, comme on dit : la brune a faim, et ce dans tous les sens du terme.

(c) Miss Pie
Haut : OxYou (oxfordstudent) & librapacks
Bas : anhandfulgirl18 & lovethispic (pinterest)

Alchimie es-tu là ?

@Axel Hartmann & @Sara Gutiérrez
juillet 2024, restaurant, Redcliffe

À Londres, je me privais généralement pas d'aller sur une certaine application. Qui privilégiait largement le physique des demoiselles, aux prix nobels en devenir. Moi, je m'intéressais pas aux discussions ou ce qui aurait pu en ressortir si par un heureux hasard, je m'étais plus concentré sur ce qui s'échappait de certaines lèvres pulpeuses comme paroles, plutôt que d'avoir à les capturer. Ce faisant, j'en avais maximisé des conquêtes, foutant en l'air certains préceptes même de codes entre potes, qui spécifiaient qu'on devait pas toucher aux copines des autres.

Oupsie.
Ça, ça m'avait valu quelques engueulades alors que j'en avais eu strictement rien à foutre, privilégiant le plaisir aux emmerdes qui seraient assurées de me retomber un jour prochain sur le coin de la gueule. Parce que mes darons étaient morts, -la bonne excuse-, j'avais encore plus passé de temps sur Tinder, jusqu'à l'effacer complètement de mon téléphone, pour le réactiver sur un coup de tête, à Brisbane.
Tout ça, parce que je me faisais chier à la boutique. Qu'il y avait personne et que j'avais tout fait ce qu'il y avait à faire, pour prétendre me mettre en pause, une clope nichée entre les lèvres.

Adossé contre le mur extérieur, je scrutais les profils. Levant un sourcil circonspect quand la description de la nana était trop longue ou que ça partait sur du Hemingway version Wish. Jusqu'à ce que mon pouce, -ou plutôt mon regard sombre- tombe sur le profil d'une fille méga canon, caliente et qui en plus, avait matché. Que pouvait demander le peuple, hein ? Juste un rencard dans un restaurant de Redcliffe où je serais certainement assuré d'arriver en retard. Parce que, de ce que m'avait toujours spécifié mon daron, -même s'il était parti trop tôt-, fallait savoir se faire désirer.
Et, ce serait le cas ici.

Déjà, un très bon point pour la brune : c'était pas le genre d'hystérique qui m'envoyait un message après quelques minutes de retard ... certes, j'en avais plus qu'une bonne quinzaine, mais passons.
Terminant ma clope, juste devant le restaurant choisi par la brune, je la repérais assez vite. Penchée sur son écran de téléphone, une bière dans son autre main. Et, de ce que je pouvais voir : elle était bien comme sur sa photo de profil. Ultra canon. Arrivant à sa hauteur, les mains dans les poches de mon jean, je remarquais là aussi, le large sourire sur ses lèvres pulpeuses plutôt que cet air renfrogné que j'avais pu voir à de nombreuses reprises sur mes anciens dates. Et ça, autant dire que c'était putain de rédhibitoire.

- Salut. Soufflais-je avec mon sourire en coin, afin de la saluer. Offrant un sourire plus que prononcé suite à sa répartie, qui était somme toute plus que légitime vu les tréfonds de Tinder, parfois. ... je peux facilement te retourner le propos. Bien heureux de pas me retrouver face à un gars qui aurait quelque peu menti sur ses photos de profil. Je lui offrais le geste du 'quelque peu' avec mon pouce et mon index, avant de me pencher vers elle et de déposer un baiser non loin de ses lèvres.

... c'était pour saluer, hein. J'étais un minimum poli, quand même.

- Tu peux rajouter canon, à côté de ton prénom. Cette fois, je m'installais en face d'elle, jetant une œillade à la carte l'espace de quelques secondes, avant de me recentrer sur mon interlocutrice qui me fixait comme si je n'étais plus qu'un simple tamales. Note que la réciproque était tout aussi vraie. ... ouais. Je prendrais une bière. Et, tu sais déjà ce que tu vas commander ? C'était sûrement le genre de la maison, de commander un truc hyper piquant, non ? Ça nous ferait idéalement un point commun, mais pour le reste, ça serait clairement la débandade.

Mais ça, je le savais pas encore.

(c) Miss Pie
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