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@ottie butcher

lieu: gallery of broken hearts, brisbane together - event de juillet.
(c): (gif), luleaby (codage).

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En se rendant pour donner un coup de main à Gemma, la voisine avec un âge bien avancé de son père quelques semaines plus tôt, Millie ne s’était pas attendue à ce que sa journée prenne cette forme. D’un côté, elle avait été plus difficile que prévu - peu de personnes s’étaient présentées pour donner un coup de main -, et de l’autre elle s’était retournée avec des trouvailles dont elle n’avait pas réellement besoin sur les bras, simplement parce-que la vieille dame était très heureuse de la voir repartir avec des objets qui avaient eu des significations particulières pour elle au cours de sa vie. Millie avait accepté les bibelots avec un grand sourire, ne sachant trop dire non et ne voulant pas blesser inutilement Gemma; mais maintenant elle avait des vieilleries qui trainaient au pied de son lit et dont elle n’avait pas besoin. Elle avait tenté de voir si elle n’avait pas des personnes autour d’elle qui pourraient être intéressées par ces dernières, Flora quelques portes plus loin la première, mais rien à faire: il fallait trouver une autre façon de les voir disparaitre.

La solution parfaite, providence mise sur son chemin alors qu’elle ne s’y attendait pas et qu’elle n’était pas du genre chanceuse initialement, s’était présentée seule à elle sous forme d’un prospectus dans la boite aux lettres de l’appartement alors qu’elle relevait le courrier un soir en remontant d’être sortie se balader: un vide-grenier géant était organisé en ville la semaine suivante. Ni une, ni deux, Millie se rendit sur le site internet de la ville et s’inscrivit pour réserver un emplacement: si elle ne se débarrassait pas de ces bibelots là-bas, elle considèrerait que c’était une cause perdue.

Le soleil venait tout juste de pointer le bout de son nez lorsqu’elle avait déplié la petite chaise de camping qu’elle avait déniché chez son père pour l’occasion; s’asseyant sur cette dernière, elle observa la concurrence et les autres personnes présentes autour d’elle - de ce qu’elle voyait, elle ne concourait pas sur le même domaine d’affaires à se débarrasser, si bien que l’emplacement qui lui avait été attribué pouvait être une véritable chance dans sa mission. Plusieurs voisins pour la journée étaient venues la saluer, elle avait déjà eu le temps de partager un café avec deux d’entre eux lorsque son regard s’était porté un peu plus loin, à quelques mètres de son stand, et qu’elle avait senti comme si son coeur faisait un arrêt. De toutes les silhouettes qu’elle aurait été ravie d’entrapercevoir, celle de sa soeur ne faisait pas partie de la liste. Que faisait-elle dans le coin ? Un vide-grenier ne faisait pas partie des endroits où Millie l’aurait vu trainer, et pourtant elle était sure que c’était elle. « Vous pouvez garder un oeil sur mon stand s’il vous plait ? » Qu’elle demanda à sa voisine avant de s’avancer de quelques pas pour se retrouver à la hauteur de sa soeur. « Tu t’es perdue ? »

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Sa soeur finit par se tourner dans sa direction un instant ou deux après qu’elle l’ait interpellée, et bien sur que c’était comme à chaque fois un mélange de bonheur et de tristesse de croiser son chemin. C’en était presque ridicule: elle n’aurait pas du se sentir de cette sorte face à celle avec qui elle avait partagé joies et peines pendant presque quinze années de sa vie. « Qu'est-ce que tu fais ici ? » Parce-que répondre direction à la question que Millie avait posé était bien trop demandé pour Ottie, bien sur qu’elle allait poser sa propre question à la place. C’était typique de son comportent: pourquoi laisser de la place aux autres alors qu’elle pouvait tout prendre pour elle.

Millie n’eut cependant pas le temps de répondre quoi que ce soit puisque déjà, le regard de son ainé partait au delà de sa propre silhouette pour se poser un peu plus loin, sur le stand qu’elle avait installé pour la journée et qui était pour le moment surveillé par la voisine installée à ses côtés. « Tu vends des trucs ? » - « Intéressée pour acheter peut-être ? » Si c’était là la méthode qu’elle souhaitait employer, alors la cadette prendrait la même - sauf que là où elle l’avait fait pour se moquer en douceur de sa soeur, cette dernière ne sembla pas désirer rebondir sur cette partie là de la situation mais bien sur autre chose, à en juger par le ton que prit sa voix l’instant d’après. « Ne me dis pas que tu vends des trucs de chez Papa ! » - « Quoi ? » - « Millie ! » La voix autant que le regard d’Ottie portait une nuance de panique qu’elle n’avait pas vu chez elle depuis bien longtemps. Parce-que si Ottie présentait correctement auprès du reste du monde, face à sa soeur les choses étaient différentes - certes, autrement ces dernières années mais fut une période où elles avaient confiance l’une en l’autre  et où se montrer vulnérable n’était pas tabou.

Secouant sa tête cependant, Millie porta son regard sur ce qu’elle avait exposé en arrière plan de cette scène, avant de le reporter sur sa soeur. « Je vends des trucs oui, mais c’est pas de chez papa non. » D’accord, ce qu’elle exposait n’était pas de première jeunesse, mais en y prêtant un véritable coup d’oeil il était facile de voir que les bibelots entassés comme possible sur la petite table n’était pas ceux qui provenaient de la maison de famille. Il devait y avoir quelques cartons qui trainaient dans le grenier, mais ces derniers n’avaient jamais eu pour vocation d’être évacués déjà à l’époque alors maintenant que leur père ne prenait pas soin de vider la moindre chose de la maison, ce n’était pas demain la veille que ça arriverait. Millie finit par froncer les sourcils en regardant sa soeur. « Tu penses que j’aurais pu vendre des trucs de la maison ? » La question venait à retardement, mais elle était la réalisation à réellement faire en cet instant. Elle secoua quelque peu sa tête, une touche de dégout dans son regard - de déception, surtout. « Me dis pas que c’est ce que tu as pensé, Ottie. »

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Le regard qu’Ottie se mit à lui lancer, et même à lui accorder dans le temps car se concentrant sur ses traits pendant un instant et un autre, n’avait rien pour la rassurer. Même: elle se mit davantage à froncer les sourcils, parce-qu’elle ne comprenait pas pourquoi sa soeur prenait cet air et ce comportement suspicieux à son égard. Les habitudes montraient que c’était davantage dans l’autre sens que ce genre de chose était attendue, non ? Surtout que tout son être présentement détonnait avec ce haussement d’épaules qu’elle lui adressa lorsque Millie lui demanda si c’était ça, qu’elle avait pensé - si elle s’était imaginée qu’elle était apte à vendre des objets présents chez eux, ou plutôt chez leur père. « Ce serait si fou que ça que de l’avoir pensé ? Je n’en sais rien moi --- c’est tout à fait possible --- ça peut être un truc recommandé par un psy — » - « Ottie ! » Millie était réellement indignée présentement: comment osait-elle, après tout ce temps et toutes les choses qui étaient mises en avant ces derniers temps mais qui n’allaient pas dans ce sens là. « Mais ok --- c’est bien, tant mieux. J’veux dire --- c’est bien que ce ne soit rien de la maison --- j’ai juste eu peur, ça fait un paquet de temps que je ne suis pas venue — » Lentement, Millie haussa une main à hauteur d’yeux, entre elles deux, pour indiquer à sa soeur d’arrêter de parler - alors qu’elle secouait quelque peu sa tête et qu’elle faisait un pas ou deux en arrière. « J’ai presque envie de vomir, de me dire que c’est ce que tu t’es dit en me voyant ici. » Elle n’exagérait pas le trait, elle ne s’était simplement pas attendue à ce type de rencontre et encore moins devoir faire face à ce type de comportement aujourd’hui; encore moins de la part de sa soeur.

Faisant quelque pas pour s’éloigner, ce n’était pas pour mettre fin à cette conversation mais pour simplement prendre une bouffée d’air frais, remettre ses idées en place et surtout reprendre le fil normal du temps mains qu’elle le fit. Une seconde, une autre et une poignée de ces derniers s’écoulèrent avant qu’elle ne relève son regard en direction d’Ottie, les sourcils toujours froncés sur son visage à elle. « Si tu venais voir papa plus souvent, t’aurais pu dire que ces affaires là venaient pas de la maison. » Bien sur que sa phrase était quelque peu accusatrice, mais son ton était posé et calme en revanche lui. « Et même si tu faisais un effort pour te souvenir, tu te serais rappelée qu’on a jamais eu de bibelots comme ça. » Certes, c’était une maison de famille mais ce n’était pas l’une de celles où des personnes de l’âge de leurs grands parents vivaient. « Et si je remonte un peu les paroles que t’as dit, un truc de psy ? » Son regard s’accrocha à celui de sa soeur; c’était un brin plus compliqué de ne pas s’énerver ici. « Comme dans se débarrasser des affaires de son frère pour se débarrasser de son existence dans la notre pour de bon, un truc de psy, Ottie ? » Oh, elle attendait une réponse sérieuse et expressive sur ce sujet là, de la part de celle qui avait un jour partagé son quotidien; parce-que si c’était effectivement ce qu’elle entendait par là, Millie ferait surement face à une déception encore plus grande que toute celle qu’elle avait pu un jour percevoir: de son côté, il n’était même pas question d’un jour envisager se débarrasser de son frère, qui dans sa narrative était toujours vivant et dont l’espoir de le retrouver comme tel était toujours intact.

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« Depuis quand est-ce que tu es devenue aussi théâtrale ? … » Le roulement des yeux qui suivit de très près de ce commentaire eut pour don de la faire lancer un regard noir vers sa soeur. « C’est une manière de te faire comprendre que ça me rend maladie, Ottie, rien de plus. » Malade qu’elle ait pu penser que sa soeur était capable de se comporter de la sorte alors que des deux, c’était elle qui avait les antécédents niveau comportement qui laissaient à désirer.

Peut-être n’était-ce qu’une question de point de vue, peut-être oui effectivement. Mais sa soeur ne pouvait pas nier le fait que si elle s’intéressait un peu plus aux personnes de sa famille qui étaient encore présentes - et elles étaient nombreuses -, elle se serait rapidement rendue compte que ce n’était pas là des affaires qu’elle avait un jour côtoyé dans la maison familiale; et donc, par défaut, que ce n’était pas des affaires qui appartenaient à leur frère. Millie ne serait pas capable d’une telle chose, elle qui avait déjà du mal à parler du petit au passé - alors l’effacer d’une quelconque manière de leur quotidien ? Impensable. « C’est pas moi qui vois un psy … j’en sais rien… je me dis que parfois c’est ce qu’ils recommandent, tourner la page… ne me regarde pas comme si c’est ce que je fais » A la première déclaration de sa soeur, elle papillonna quelque peu des cils; elle ne jugeait pas, elle ne pouvait pas se permettre de juger, pas sur un point comme ça puisqu’il était parfois difficile de parler des choses qui nous faisaient mal. Mais elle ne cacherait pas qu’elle se retrouvait étonnée d’entendre qu’elle ne voyait pas de psychologue, là où c’était une partie intégrante de son quotidien à elle depuis des années et des années désormais. Elle avait commencé à en voir un l’année de la disparition de Reggie, plus par obligation qu’autre chose, mais s’était aperçue avec le temps et les années qu’elle ne saurait faire sans désormais. Ottie n’était donc pas du même avis, si elle n’en voyait pas ? Avait-elle jamais seulement eu de discussion en tête à tête avec un professionnel ?

« T’en as pas marre de toujours me balancer des reproches ? En permanence ? J’en ai marre de ne jamais être assez bien pour toi, pour vous --- de ne jamais faire ce qu’il faut, ce que vous attendez de moi --- T’en as pas marre de me donner le rôle de la méchante ? » Après ces mots là, en revanche, Millie reprit quelque peu contenance. Secouant un brin son visage de gauche à droite, elle pinça l’arête de son nez de ses doigts fins en lâchant un fin soupire. Elle s’apprêtait surement à répéter des paroles qu’elle avait déjà prononcé des dizaines de fois, mais tant pis: elle répéterait tant qu’il le faudrait. « J’ai pas envie de le faire, Ottie, j’ai jamais eu envie que tu sois la méchante de cette histoire. » Elle releva son regard un brin moins énervé vers elle. « Surtout que tu l’es pas, la méchante de l’histoire. Sauf si c’est toi la responsable… » Pour Reggie - il n’y avait pas besoin de le nommer ici. « Tu fais juste en sorte de rendre notre chagrin trop réel, toi. » Ca, elle ne pouvait pas le couper, malheureusement. « Je voudrais que ce soit pas comme ça, mais comment tu veux que je fasse alors que tu me donnes à chaque fois une raison supplémentaire de t’en vouloir ? » A chaque fois qu’il y avait une accalmie, elle pensait que les choses pourraient être réparées entre elles - et à chaque fois elle trouvait une nouvelle raison qui la poussait à revoir son idée initiale. « Tu crois que c’est facile d’en vouloir autant à la personne de qui j’ai longtemps été le plus proche, Ottie ? » Parce-que si elles avaient toutes les deux perdu un frère dans cette histoire, elles avaient malheureusement perdu une soeur aussi, dans le processus.

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Si quelqu’un observait cette scène de l’extérieur, cette personne aurait du mal à croire les mots de Millie: qu’effectivement, il avait existé un temps où elles étaient proches, où elles étaient mêmes très proches puisque les parents Butcher avaient toujours établi un contexte autour de leurs enfants qui leur avait permis de développer des liens solides entre eux. Des liens d’amour aussi, de respect - des bases qui à entendre leur conversation n’existaient plus que dans leurs souvenirs maintenant apparemment. « je suis désolée si tu ne supportes pas ma manière de survivre, j’essaie juste de survivre, millie --- j’essaie juste d’avancer, de gérer. ça ne te plait, ça ne vous plait pas, j’en suis désolée mais je ne sais pas faire autrement — » Oh, elle aimerait tant y croire à ses excuses, ne pas avoir cette hésitation qui la parcourt quand elle entend sa soeur parler; elle aimerait que ce soit si simple, qu’elles puissent mettre tout le reste derrière elles rien qu’avec ces paroles là. Sauf que rien n’était si simple, et surtout Ottie manquait d’arguments pour convaincre sa soeur; parce-qu’elle tente de survivre était une chose - elle n’était pas obligée de le faire au dépend de ses proches, de ceux qui étaient supposées être là pour elle, pas ceux qu’elle était supposée détruire pour se reconstruire.

« tu crois que je ne les vois pas, ne les sens pas vos regards pleins de préjugés, votre manière dont vous me jugez comme une rapace, un rat, un vautour … comme si je me nourrissais de la disparition de reggie ?! je déteste la manière dont vous avez de me regarder » - « Peut-être parce-que c’est le seul regard qu’on peut te renvoyer quand on est face à toi, Ottie ! »

Millie était douce, et elle était compréhensive; elle savait même être parfaitement patiente lorsque cela était nécessaire. Elle avait des qualités que bien des personnes de sa génération n’avaient plus, négligeaient, mettaient de côté - et pourtant, lorsqu’elle était face à la brune, elle ne savait les mettre en application. Parce-que ses paroles lui paraissaient aberrantes, qu’elles avaient tendance à la faire sortir de ses gonds aussi, à remettre de trop en question ce qu’elle pensait établi et acté depuis des années également. C’était cette partie là dont elle était moins fière: elle reprochait, mais parfois elle arrivait à se dire et si… avant de se rappeler que des deux, elle n’était pas celle se faisait de l’argent sur le dos de leur frère disparu. C’était là malheureusement sa seule consolation. Soupirant quelque peu, elle passa une main agitée dans ses cheveux, pinça ses lèvres. Elle n’était pas fière non plus de la manière qu’elle avait de réagir face à sa soeur présentement. « On te regarde comme ça peut-être parce-que c’est l’image que tu nous renvoies. » Elle inspira longuement. « Et je sais que je suis pas la seule à le penser. Je fais pas beaucoup confiance aux média et aux réseaux et à tout ça, on trouve trop de tout, mais je sais que je suis pas la seule à me dire que c’est l’image que tu renvoies. » Et promis, elle était désolée de le souligner de cette manière là. « Tout comme je dois renvoyer moi aussi une image qui doit être opposée à la tienne, pour les personnes qui pensent le contraire de ce que j’en pense. Je sais pas. J’imagine. » Elle avait du s’arrêter de lire tout ce que les médias diverses avaient à dire d’elle, autant parce-qu’à l’époque Millie était trop jeune pour supporter tout ça que parce-que maintenant elle sentait à quel point cela pouvait lui faire du mal et la renvoyer que de trop en arrière. « Donne moi une vraie raison pour pas garder ce genre de regard envers toi, Ottie. J’attends que ça. » Et malgré tout, l’honnêteté s’entendait dans sa voix en cet instant.