Lorsqu’elle quitte la coquette villa qu’elle se plait à revêtir de plantes, peluches et bougies parfumées, en faisant fi des protestations de ses colocataires à ce propos, Maeve constate que l’air est plus profond, plus chaud et plus étouffant, comme un coeur qui pulse dans le vent qui vient caresser son visage légèrement maquillé, s’infiltrant dans ses cheveux dénoués pour les faire voltiger dans son dos comme une rivière de boucles brunes. C’est peut-être étrange, pour quiconque ne s’est jamais attaché à connaître le caractère du vent, de savoir qu’il est maussade en cet fin d’après-midi : rien de suffisant pour interrompre l’élan de bonne humeur qui, sur la figure de la demoiselle, gambade sur ses traits en dessinant un sourire jovial, dans lequel résonne quelques accents impatients. Le chemin à parcourir pour rejoindre West End en bus n’est pas le plus facile qui soit mais, heureusement, elle le connaît par coeur, Maeve, puisque ce n’est pas la première fois qu’elle l’emprunte. Armée de sa canne blanche qui s’élance de gauche à droite pour lui dégager le passage, elle atterrit sans difficulté aucune devant le magasin d’Axel, dont les effluves boisées du parfum viennent déjà taquiner ses narines sitôt qu’elle entrouvre la porte de l’établissement. ’’Coucou !’’ lance-t-il à la volée, passant d’abord sa tête à l’intérieur du magasin comme si elle craignait d’interrompre quelque chose d’important, avant d’y glisser son corps entièrement, puisque personne ne réfute sa venue. Prenant soin de refermer la porte après son passage, elle pivote sur ses jambes nues, sur lesquelles virevoltent les pans de sa petite robe beige, avant de faire quelques pas entre les étagères et présentoirs, à la recherche du jeune homme qu’elle est venue visiter ; instinctivement, son menton ondule de gauche à droite mais ce ne sont pas ses yeux qui sont lancés à la conquête du corps masculin, bien que ses autres sens, exacerbés, tâchent de déceler la présence d’un autre : un corps, ça fait du bruit, mais personne ne le sait. Elle entendrait presque sa respiration, le bruit étouffé de ses pas sur le moquette, le froissement de ses coudes sur ses vêtements, l’air qu’il brasse à chacun de ses mouvements… Bien rapidement, elle le localise derrière le comptoir et, redressant sa nuque en élargissant son sourire, elle se dirige en sa direction en lançant un ’’Je ne te dérange pas, j’espère ? Je t’ai fait des cookies…’’ cramés, c’est ce qu’elle ne précise pas : pourtant, elle a bien senti l’odeur de brûlé en les sortant du four ! ’’T’es occupé ?’’ qu’elle demande en déposant ses deux petites mains sur son sac, nourrissant un sourire plein d’espoir avant de finalement contourner le comptoir pour venir se coller contre Axel, agrippant son bras de ses deux petites mains blanches, ses doigts s’entortillant alors autour du tissu de son t-shirt tandis qu’elle marmonne, en faisant une petite moue attendrissante ’’Je m’ennuyais… Alors je me suis dit qu’on pouvait s’ennuyer ensemble !’’ comment ça, il bosse ? ’’Tu me fais la lecture ? Comme la dernière fois.’’ appuyant sa tempe contre le haut de son bras, elle tourne son visage en sa direction, essayant d’appuyer sa demande avec un petit sourire enfantin, qui plisse le coin de ses paupières avec un air suave, qu’elle ne force même pas : elle a vraiment envie de passer du temps avec lui.

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