La chaleur était étouffante. New York, déjà oppressante d’habitude, devenait carrément insupportable durant la période estivale. Les gratte-ciel reflétaient la lumière du soleil, transformant les rues en un véritable four, et l’air lourd et humide semblait peser sur les épaules de chaque passant. Mais eux avaient la chance d’être en mouvement et non immobiles sur un goudron en train de fondre sous leurs semelles. La ville semblait battre  au rythme de la chaleur accablante, semblant presque vibrer sous l'effet du soleil impitoyable, se féltrir comme une fleur en manque d’eau. Il n’en pouvait plus. La moiteur de l’air lui coupait pratiquement la respiration. Étant Anglais, les grosses chaleurs n’étaient pas vraiment dans sa nature. Il voyait des taches devant ses yeux, signe d’un coup de chaleur imminent. Ses oreilles bourdonnaient comme si un essaim d’abeilles s’y était installé, rendant chaque bruit de la ville encore plus assourdissant. La cacophonie des klaxons et les discussions des touristes se mélangeaient dans un bruit étourdissant. Sa gorge, sèche comme un désert, le suppliait pour une goutte d’eau, mais la bouteille qu’il convoitait était hors de portée. Elle reposait à quelques mètres de lui, brillante sous le soleil de midi, comme un mirage dans l’asphalte brûlant. Rien ne lui avait jamais fait autant envie que cette simple bouteille d’eau. Elle l’attendait, ou plutôt le narguait, depuis deux heures sous le soleil de plomb, inaccessible et pourtant si proche.

Cependant, il savait que s’il bougeait ne serait-ce qu’un peu, la femme photographe, à la manucure aussi aiguisée que son caractère de feu, lui arracherait les yeux. Et il tenait à ses yeux. Un petit soupir s’échappa de ses lèvres à demi ouvertes, et il tourna son regard bleu vers sa collègue, Ishtar. Coincés ici ensemble, ils étaient tous deux prisonniers de cette rue, reflétant les rayons assassins du soleil pour un photoshoot de haute couture. Ishtar, impassible sous la chaleur, gardait un visage de marbre malgré les perles de sueur qui glissaient sur sa peau. Leur mission était de mettre en valeur la nouvelle collection. Chaque minute qui passait était une épreuve, et le scintillement de la bouteille d’eau, avec sa promesse de soulagement, devenait un symbole de leur torture commune. Pourtant, dans ce moment de souffrance partagée, il sentit une étrange complicité se former entre lui et Ishtar. Après tout, la douleur partagée rapprochait bien plus que le bonheur.

Enfin, après ce qui lui sembla être une éternité, la session photo prit fin. Il put boire, se démaquiller et surtout enfiler des vêtements plus légers. "Ishtar, tu veux qu’on aille manger quelque chose ? Je connais un bon resto avec la clim à quelques rues d’ici. Je t’invite, et vu l’heure je pense qu’on sera relativement tranquilles." Maintenant qu’il n’avait plus soif, il se rendait compte qu’il mourait de faim. Quand son agent lui avait dit qu’on le voulait pour ce shoot, il n’aurait jamais cru que ce serait aussi difficile. Il était plus connu comme acteur que comme modèle, mais vu que sa dernière série avait bien fonctionné, parfois une marque voulait de lui pour surfer sur sa célébrité auprès d’un certain public. Il se promettait que la prochaine fois qu’on lui proposerait ce genre de contrat, il poserait certaines conditions.

"Honnêtement ?" demanda l’Anglais en se dirigeant avec empressement vers le petit restaurant qu’il connaissait bien. Ses pas rapides trahissaient son impatience, chaque foulée étant une fuite de la chaleur étouffante qui enveloppait la rue. L’idée de la climatisation à l’intérieur le réconfortait déjà, comme une promesse de soulagement imminent. Il leva les yeux vers le ciel d’un bleu éclatant, essuyant d’un revers de main la sueur qui perlait sur son front. Puis, se tournant vers sa compagne de marche, il reprit avec une exaspération non dissimulée : "Honnêtement, c’était un enfer, une véritable torture," lâcha-t-il, les sourcils froncés, sa voix teintée d’agacement. "Et si ce n’était pas illégal, j’aurais énucléé la photographe avec ses propres faux ongles…" Ses yeux lançaient des éclairs de frustration, comme s’il revivait chaque instant pénible de la séance, chaque commentaire acerbe de la photographe résonnant encore dans son esprit.
Ils approchaient de l’entrée du restaurant, et l’Anglais poussa un soupir lourd, roulant des yeux avec un mélange de lassitude et de soulagement. L’air climatisé qui s’échappait dès qu’ils poussèrent la porte fut comme une bouffée d’oxygène. Un léger tintement de cloche accompagna leur entrée, un son doux et accueillant. L’Anglais relâcha enfin un peu de tension, passant une main dans ses cheveux, tentant de remettre en ordre ses mèches désordonnées après cette journée éprouvante. "Mais sérieusement," ajouta-t-il en jetant un regard complice à son ami, un demi-sourire se dessinant sur ses lèvres, "je n’avais encore jamais vu quelqu’un d’aussi insupportable, et crois-moi, j’en ai vu des cas." Ce sourire, un brin ironique, cherchait à chasser le reste de l’agacement, à transformer cette journée en simple anecdote à partager autour d’un bon repas.
Ils entrèrent dans le petit restaurant, un lieu discret et encastré entre deux immeubles imposants. De l’extérieur, il ne payait pas de mine, avec sa façade vieillotte et son enseigne légèrement décolorée. Pourtant, ceux qui connaissaient l’endroit savaient que c’était une véritable pépite culinaire, prisée par les habitués. L'intérieur était tout aussi modeste, avec des tables en bois foncé et des murs ornés de quelques photographies en noir et blanc, capturant l’essence du quartier à différentes époques. L’Anglais demanda s’il était possible de manger pour deux personnes, et on les conduisit à une table située au fond, loin du va-et-vient près de l’entrée. Jayden s’assit avec un plaisir non dissimulé, savourant la fraîcheur du lieu qui contrastait agréablement avec la chaleur écrasante de l’extérieur. Il laissa échapper un soupir de soulagement, enfin détendu, prêt à profiter de ce moment de répit. “Tu vas voir, tu vas te régaler ! Tout est fait maison et ce sont des recettes de famille !” Dit-il en prenant la carte.