Built with a heart, broken from the start
Megan Williams & @Damon Williams ☆ crédit/harley

« Je suis sûre qu’il va nous dire que cinq mois c’est pas grand chose et que c’est tout à fait normal. » Cinq mois ce n’est même rien à l’échelle de tous ces couples qui essaient pendant des années et qui, malgré des tentatives de fécondations in vitro, échouent toujours à concevoir un enfant. Cinq mois ce n’est rien - nous avons toute la vie - mais je suis tombée deux fois enceinte, deux fois sans le vouloir et deux fois sous contraception, alors n’est-ce pas le signe que les choses devraient être faciles pour nous si tout allait bien ? Si tout était normal ? Peut-être mon corps a-t-il besoin de plus de temps après ma fausse couche, mais elle date d’il y a presque six mois et je m’inquiète. Je me dis que c’était peut-être la fois de trop, que je suis peut-être trop abîmée et que j’ai grillé toutes mes cartouches, épuisé toutes mes chances d’un jour réussir à avoir un enfant naturellement. Je m’inquiète trop vite et trop, cela ne me ressemble guère, peut-être ai-je été contaminée par mon mari. « De toute façon quoi qu’il nous dise, on continuera à essayer, non ? » Des miracles arrivent tous les jours dans ce domaine-là, des femmes et des hommes à qui l’on avait annoncé être stérile qui mettent finalement au monde un bébé plus attendu depuis longtemps. Quoi qu’on nous dise aujourd’hui, je n’ai pas l’intention de baisser les bras et d’abandonner alors que cela ne fait même pas un an, loin de là, que Damon et moi nous donnons nos chances. « On a pas commencé à réfléchir à des prénoms pour rien. » Nous l’avons fait d’une façon qui n’a rien d’engageant, pas sérieusement, énonçant simplement un prénom ou un autre qui nous plairait, des sonorités, des lettres pour le commencer. Lorsque je m’ennuie en cours, il n’est pas rare que j’écume des sites proposant les "prénoms italiens les plus en vogue" ou encore, "ces vieux prénoms Italiens à remettre au goût du jour" et autres ressources du genre. Certains font sourire Damon, d’autres reçoivent pour réponse des smileys qui communiquent le peu d’engouement qu’ils font naître chez mon mari. Dans tous les cas, ce jeu m’amuse seulement.

Bien plus que celui qui consiste à acheter tout un tas de tests de grossesse et à passer mon temps à faire pipi dans un récipient pour tremper la petite languette blanche dedans et recevoir un test négatif. La partie essayer d’avoir des enfants en elle-même est excitante, elle l'était déjà lorsqu’elle était pratiquée de façon purement récréative mais l’idée de peut-être être en train de faire un bébé a quelque chose grisant, mais la partie réaliser que je ne suis toujours pas enceinte fait naître en moi une sacrée dose de frustration. « Dans une famille d’accueil où je suis restée quelques mois - » Il n’y a qu’avec Damon que c’est devenu naturel pour moi de parler de cette époque-là. Shiloh sait ce que j’ai traversé mais n’en parle jamais, elle sait que je n’en ai pas la moindre envie, et Jo est bien trop maligne pour s’aventurer sur ce terrain. Damon reste la seule personne avec qui discuter de mon passé n’est étrangement pas aussi douloureux que cela peut-être le reste du temps. « La femme était tombée enceinte à trente-sept ans. Et ça faisait plus de dix ans qu’ils essayaient. » Je n’ai pas envie d’attendre aussi longtemps, de toute évidence. Mais tout ce small talk a un surtout un objectif principal : détourner mon esprit de l’angoisse croissante que je ressens assise dans cette salle d’attente. « Megan et Damon Williams ? » Le spécialiste en fertilité avec lequel nous avons pris rendez-vous sort de son bureau et nous appelle et, alors que je me redresse du fauteuil de salle d’attente sur lequel j’étais installée, mes doigts se referment un peu plus fort autour de ceux de Damon.

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@megan williams

lieu: pacific wellness, logan city.
(c): harley (gif), luleaby (codage).

***
« Je suis sûre qu’il va nous dire que cinq mois c’est pas grand chose et que c’est tout à fait normal. » Tournant son regard quelque peu perdu dans le vide jusque maintenant dans la direction de sa femme à ses côtés, il passa son bras par dessus ceux en plastique des deux chaises sur lesquelles ils se tenaient pour attraper sa main et la serrer doucement dans la sienne. Fronçant quelque peu les sourcils, il esquissa tout de même un faible sourire. « Mais oui, c’est sur qu’il va nous dire ça. » Cinq mois, c’était absolument rien sur une échelle d’une vie entière - à peine le temps de prendre la moindre décision et de l’appliquer. Il pouvait se passer tellement de choses et surtout s’en passer tellement peu pendant ce laps de temps qu’il y avait de fortes chances que le médecin qu’ils s’apprêtaient à rencontrer aujourd’hui passe le temps de la consultation à surtout les rassurer plutôt qu’autre chose. « De toute façon quoi qu’il nous dise, on continuera à essayer, non ?» Damon répondit d’abord avec un petit sourire en coin, quelque peu amusé, avant de se pencher pour déposer un baiser dans le cou de Megan, soufflant ses mots à l’oreille au passage. « Oh, qu’on va continuer oui. » Relevant son regard, il comprit cependant que miser sur l’humour n’était pas forcément le plus adapté dans la situation, alors bine sur qu’il posa un baiser délicat sur sa joue ensuite pour reprendre la parole. « On continuera dans tous les cas. T’en fais pas. » Lui ne s’en faisait pas encore, mais ils avaient le temps et les moyens pour se permettre ce genre de consultation dès maintenant, alors autant en profiter.

« On a pas commencé à réfléchir à des prénoms pour rien. » Il se permit un petit rire. « Tu m’as pas envoyé les dernières trouvailles dont tu parlais l’autre jour, d’ailleurs. » C’était par défaut mais sans en être fâchés leur nouveau jeu, de s’envoyer des prénoms pour établir ceux qui pourraient faire partie des finalistes pour être choisis pour leur futur enfant.

« Dans une famille d’accueil où je suis restée quelques mois - » L’amusement dans les gestes autant que dans les paroles de Damon s’effaça, parce-qu’il avait certaines choses qui pouvaient se le permettre et d’autres non - lorsque Megan parlait de cette partie là de son enfance, il n’avait pas envie d’y associer le moindre amusement. Il savait à quel point c’était difficile pour elle de s’exprimer sur le sujet, il savait qu’il était privilégié de l’entendre le faire, alors il ne prenait pas à la légère ces moments là. Son pouce caressait doucement la peau de sa main, comme pour l’encourager à continuer, juste au cas où elle en aurait besoin. « La femme était tombée enceinte à trente-sept ans. Et ça faisait plus de dix ans qu’ils essayaient. » Il laissa son visage se pencher quelque peu sur le côté alors que son regard sondait celui de sa femme. « Tu voudras qu’on essaie encore dans dix ans, si jamais ça a pas fonctionné entre temps ? » La question était sérieuse, et n’attendait pas de réponse pré-établie: il demandait réellement l’avis de Megan sur la question. Et il l’aurait attendu le reste de la journée si c’était nécessaire pour elle, toute une vie même s’il le fallait, s’ils n’avaient pas été interrompus par une voix non-loin d’eux. « Megan et Damon Williams ? » A l’instar de Megan, il se redressa aussi de son côté, sentant les doigts de sa femme resserrer davantage sa femme. Déglutissant et n’ayant plus du tout envie de rire désormais, il exerça une légère pression autour de la paume de la blonde avant de se lever tout en récupérant son sac à main pour qu’elle n’ait qu’à avancer. « C’est nous. » Il tenta le petit sourire, mais bizarrement désormais c’était bien plus impressionnant d’avoir cet home devant eux. « Je vous en prie, suivez moi. » Il opina du chef, alors qu’il passait sa main dans le dos de Megan pour l’encourager à le suivre et à se rendre dans le bureau qui les accueillerait pour l’entretien. Ce dernier était doté d’une grande fenêtre permettant de faire entrer la lumière naturelle et donnait un côté moins lugubre à l’endroit. Le spécialiste s’assit derrière son bureau avant de leur indiquer l’autre côté de ce dernier, et Damon tira une chaise pour Megan avant de s’asseoir à côté à son tour. C’était très étrange, de se retourner ici: il avait l’impression d’être incroyablement adulte, là où n’avait été que de trop considéré comme un enfant toute sa vie. « C’est la première fois que vous venez ici ? Ou même dans ce genre de cabinet ? » La bouche de Damon s’ouvrit, mais aucun son n’en sortit - ce qui était ridicule, il connaissait la réponse à la question et elle n’était pas mauvaise, à défaut d’être bonne: c’était en fonction de leur expérience. Il ne put en cet instant qu’hausser le visage, ce qui était déjà un bon début.

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« Oh, qu’on va continuer oui. » Je m’accroche à l’idée que tout ira bien malgré tout et, si ce n’est pas le cas, je m’accrocherai à l’idée que Damon et moi l’auront, ce miracle. Les pensées positives attirent le positif, et à l’inverse, j’essaie de ne pas envisager les pires options. Bien sûr, les Marie-Cathou de notre quartier répondraient d’un "il y a toujours l’adoption !" et si je ne pense rien de mal de ces gens qui ouvrent leur cœur à un enfant qui n’est pas le leur par le sang, bien au contraire, mais à présent que je me suis mis cette obsession en tête, il n’y a rien que je désire plus que d’avoir mon enfant, notre enfant, celui qui nous ressemblera à tous les deux, celui qui sera un peu de lui et un peu de moi. Tant de choses m’ont été refusées dans la vie, une famille équilibrée, une enfance heureuse, une adolescence dans la norme, un démarrage dans la vie facile ; n’ai-je pas le droit à quelque chose de facile, pour changer ? « On continuera dans tous les cas. T’en fais pas. » Damon attrape mes doigts dans les siens, embrasse ma tempe, et je ferme mes yeux tandis que ses lèvres effleurent ma peau. « Je suis déjà tombée enceinte après tout. » Je suis déjà tombée enceinte de lui, surtout. Alors dans ce cas, n’est-ce pas la preuve que nous sommes capables d’enfanter lui et moi ? J’occulte le fais que si j’ai fait une fausse couche c’est certainement parce l’embryon n’était pas viable, évidemment.

« Tu m’as pas envoyé les dernières trouvailles dont tu parlais l’autre jour, d’ailleurs. » - « Oh, je les ai notées dans mon téléphone, attends. » Je sors le portable de ma poche et fouille mes notes avant de lui tendre l’appareil : je ne suis pas une timide, mais mon cœur s’emballe à l’idée de lire les prénoms à voix haute. C’est idiot, mais je préfère qu’il les lise lui-même. Je me sens comme quelqu’un qui envisage et espère quelque chose de complètement utopique, idiot, moquable. « J’ai noté des prénoms de fille et de garçon. » Que pense-t-il des prénoms neutre ? Je ne me suis moi-même pas interrogée sur le sujet. « Tu voudrais un garçon ou une fille ? » Je n’ose ajouter en premier, de peur qu’il souhaite s’arrêter à un. Nous n’avons pas encore évoqué le nombre d’enfants que nous voudrions avoir, peut-être n’en veut-il qu’un ? N’a-t-il pas souffert d’être enfant unique, mon époux ? « Tu voudras qu’on essaie encore dans dix ans, si jamais ça a pas fonctionné entre temps ? » Evidemment, je m’apprête à répondre que oui. Sauf que le médecin choisit cet instant là pour venir nous chercher et, tandis que je me lève de mon siège, je serre la main de Damon dans la mienne pour l’arrêter l’espace d’une seconde. Sans un mot, je hoche la tête : oui, même dans dix ans, j’essaierai encore avec lui si c’est également ce qu’il désire. Je veux devenir mère et nous sommes jeunes : trente-cinq ans, c’est sur le tard, mais cela ne ferait pas de moi une mère-mamie pour autant, non ?

J’entre presque sur la pointe des pieds dans le bureau du spécialiste. Je m’installe sans un bruit et, surtout, sans lâche la main de Damon ; ses doigts enroulés autour des miens ont un effet apaisant sur mon anxiété. « C’est la première fois que vous venez ici ? Ou même dans ce genre de cabinet ? » Je vois Damon tenter de dire quelque chose mais ne pas réussir à le faire, alors je prends doucement la parole. « Oui, c’est la première fois. » Le médecin nous observe un instant, rajuste ses lunettes, et demande. « Je vous écoute, expliquez-moi. » J’échange un regard avec Damon, un qui me permet de comprendre que je peux continuer, alors je me lance. « Et bien, on a décidé d’avoir un bébé, Damon et moi. » Il s’en doute certainement, personne ne vient consulter un spécialiste de la fertilité sans ça, non ? « J’ai fait une fausse couche au mois d’avril, et on essaie depuis le début du mois de mai. » Le médecin semble calculer, avant de hausser les sourcils et de me demander. « Presque cinq mois donc. C’est peu, la moyenne est aux alentours de sept mois. Quel âge vous avez tous les deux ? » J’étais préparée à l’entendre. Pourquoi, je plisse les lèvres, un peu déçue d’entre mes inquiétudes si vite balayées, comme si elles n’avaient pas la moindre légitimité.

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« Je suis déjà tombée enceinte après tout. » - « Et on est pas pressés, on a tout le temps devant nous. » C’était là aussi une partie importante du processus: ils étaient jeunes et commençaient à se lancer dans ce projet là de bonne heure, si bien qu’ils avaient presque l’équivalent du reste de leur vie pour réussir à avoir un enfant. Même si le spécialiste du jour leur donnait un avis qui n’était pas des plus positifs, cela ne voulait rien dire en réalité: tant de choses arrivaient par hasard alors que les chances n’étaient pas présentes initialement. Il appuya l’idée en déposant un second baiser sur sa joue.

« Oh, je les ai notées dans mon téléphone, attends. » Avec un petit sourire, il attrapa le téléphone quand elle lui tendit l’appareil, se concentrant sur la note qu’elle avait fait. « J’ai noté des prénoms de fille et de garçon. » - « Je te mets des petites étoiles à côté de ceux que j’aime bien. » Parce-que la liste qu’elle lui présentait n’était vraiment pas mal du tout, et que certaines de ses idées lui plaisaient vraiment bien - au moins ils ne perdaient pas le fil des idées qu’ils échangeaient et qui pourraient être de très bons choix définitifs. « Tu voudrais un garçon ou une fille ? » Laissant son pouce arrêter de noter, il plissa quelque peu les yeux, le bout du nez de paire avec avant de tourner son visage vers Megan. « Une fille. » Il enchaina rapidement. « Je serai content dans tous les cas, mais je crois que je préfèrerais quand même d’abord avoir une fille. » Il verrouilla le téléphone de la blonde, lui glissa de nouveau dans la main. « Une petite princesse. Ce sera pas juste parce-qu’elle serait la préférée, même par rapport toi. » Il esquissa un sourire amusé. « Mais je crois que j’ai toujours eu envie d’avoir une fille. » Parce-que ce n’était pas comme si l’idée de fonder une famille était née dans son esprit la veille, Damon avait toujours voulu pouvoir avoir sa famille à lui - peut-être était-ce quelque-chose à voir avec ses gênes et l’habitude qu’avaient les italiens de se raccrocher à leur famille de la sorte et de la faire perdurer. « Tu voudrais quoi, toi ? » De préférence, même s’ils savaient tous deux parfaitement que ce n’était pas leur choix qui primerait sur la réalité.

Les premières minutes dans le bureau du spécialiste ne furent pas à l’image de ce que Damon s’imaginait, tant surtout parce-qu’une certaine réalité s’imposa à lui et lui ôta la faculté de former la moindre parole pendant un instant; ce qui était idiot, puisque cela ne changeait rien de la discussion qu’il avait eu avec Megan dans le couloir. Mais en parler avec quelqu’un qui était du métier donnait une dimension différente, il ne saurait expliquer comment ou pourquoi. Heureusement, ce n’était pas un rendez-vous qu’il avait seul et heureusement, Megan prenant le relai. « Oui, c’est la première fois. » - « Je vous écoute, expliquez-moi. » Il opina légèrement du chef au regard de sa femme. « Et bien, on a décidé d’avoir un bébé, Damon et moi. » La main de Damon vint se poser sur celle de Megan, apposée sur la cuisse de la jeune femme, et il exerça une légère pression sur cette dernière. « J’ai fait une fausse couche au mois d’avril, et on essaie depuis le début du mois de mai. » Les images de la soirée qu’ils avaient passé ce jour là revinrent en mémoire à Damon, ce qui sembla en réalité le réanimer: il ne souhaitait pas que ce soit là quelque-chose qu’elle vive à répétition, alors effectivement même si c’était là un rendez-vous quelque peu déroutant, il savait qu’il se devait de se ressaisir. « Presque cinq mois donc. C’est peu, la moyenne est aux alentours de sept mois. Quel âge vous avez tous les deux ? » - « Vingt-cinq et vingt-quatre. » Qu’il dit en désignant d’un mouvement de la tête vers Megan en premier, en s’éclaircissant la gorge. « On est jeunes, on sait qu’on a le temps, mais on sait aussi que ça coute rien de commencer à se renseigner et à être suivis. » Aux yeux du jeune italien en tous cas ça ne coutait rien - ou pas assez pour que cela soit une question qu’il se pose pour le moment, tant il ne s’était pas un jour réellement posé ce genre de question. Il savait que ce n’était pas là des processus qui étaient accessibles à tous, mais peu lui importait. « Et le but c’est que ce soit le moindre douloureux possible pour Megan. Une fausse couche, c’est jamais innocent, de ce que j’ai compris. » Entre les liens des articles que Megan avait pu trouver et les lectures qu’il avait fait de son côté, il avait pu réunir quelques informations qui lui permettait de savoir à peu près où ils mettaient les pieds aujourd’hui. « Ca peut être rien, aussi, mais mieux vaut être prudents non ? » Le médecin face à eux semblait leur faire les grands yeux, comme s’il était tombé sur la tête. Il resta un instante silencieux, avant de se redresser dans sa chaise. « Vous devriez pas vous en faire comme ça. Comme je disais, vous êtes bien en avance sur la moyenne des gens qui viennent nous voir. » - « Mais mieux vaut prévenir que guérir, non ? » - « Et surtout, vous êtes bien plus jeunes que la plupart des personnes qui viennent nous voir. » Cette dernière phrase fit froncer quelque peu les sourcils à Damon; il n’était pas du genre à s’impatienter ou à être irrité par la moindre conversation, ayant une patience à beaucoup d’épreuves, mais lorsque cela touchait à sa femme il se montrait étonnement territorial et protecteur. « C’est si grave que ça ? » Après tout, ils pouvaient consulter à tout âge, non ?

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« Et on est pas pressés, on a tout le temps devant nous. » - « Je sais. » Je souffle, me sentant presque fautive d’être si inquiète et pressée alors que rien ne le justifie. Mais n’ai-je pas le droit d’écouter mon instinct ? De vouloir être prudente, puisque c’est ce que mon corps et ma tête me disent de faire ? « Le bébé sera pas là avant noël. Ni même avant mon anniversaire. » Le premier était déjà peu probable même si j’étais tombée enceinte illico, mais le second aurait pu, dans un monde parfait où nous aurions eu le droit à un peu de répit après les récentes épreuves que nous avons eues à surmonter. « Mais j’aimerais qu’il ou elle soit là pour le noël suivant. Ce serait merveilleux, non ? » J’ai les yeux qui pétillent rien que d’y penser, bien que je torde mes lèvres pour former une moue embarrassée. « Je te mets des petites étoiles à côté de ceux que j’aime bien. » Je tente de regarder par-dessus son épaule et, lorsque son regard me surprend, je lui adresse un immense sourire coupable. J’ose à peine croire que tout ça est réel, que nous sommes assis dans la salle d’attente d’un spécialiste de la fertilité en train de mettre des petites étoiles à côtés de prénoms de bébés.

« Une fille. » Je suis aussi surprise que touchée. La majorité des hommes ne se rêvent-ils pas père d’un petit garçon fort et en bonne santé pour prendre la relève, perpétuer leur nom de famille et pouvoir devenir le miroir de leur papa ? L’idée ne me dérange pas, mais celle que Damon possède en lui assez de sensibilité pour rêver d’une petite fille est plus édifiante encore. « Je serai content dans tous les cas, mais je crois que je préfèrerais quand même d’abord avoir une fille. » Ses yeux brillent assez pour que j’y lise toute sa sincérité. « Une petite princesse. Ce sera pas juste parce-qu’elle serait la préférée, même par rapport toi. » - « Hey ! » Je fais mine de froncer les sourcils, d’adopter une moue boudeuse. « T’as pas le droit de me préférer qui que ce soit. » Je prétends être courroucée, mais je doute qu’il soit dupe : je veux tant élever un enfant heureux et aimé par ses parents qu’il n’y a pas la moindre chance pour que je m’offusque réellement de ce genre de déclaration. « Mais je crois que j’ai toujours eu envie d’avoir une fille. » - « T’es vraiment pas un homme comme les autres. » Et ma déclaration a tout d’un compliment. Damon sera un père merveilleux, le genre de père qui laissera sa fille lui faire des coiffures et le maquiller pour prendre le thé avec ses peluches, le genre qui apprendra à faire lui-même des tresses sophistiquées pour pouvoir s’occuper de son enfant de la meilleure façon qui soit. « Tu voudrais quoi, toi ? » - « Une fille aussi. » Certainement pour des raisons différentes. Parce que je veux pouvoir prendre le rôle de mère d’une gamine et réussir bien mieux que ma mère. Parce que je veux pouvoir ressentir en plongeant mes yeux dans ceux yeux de ma petite fille qu’elle se sent en sécurité, qu’elle a la certitude que ses parents seront toujours là pour elle. Autant de chances que je n’ai pas eues.

Dans le bureau du spécialiste, je suis gênée d’avouer que nous n’essayons pas depuis si long que ça. Je ne veux pas que le médecin nous renvoie chez nous sans nous aider comme il l’aurait fait avec un couple qui tente de procréer depuis des années ; aurions-nous dû mentir ? « Vingt-cinq et vingt-quatre. » Damon reprend les rênes et il le fait au bon moment. Mon regard s’est voilé de déception depuis que le médecin a confirmé que nous étions impatients sans le dire, mais c’est ce que j’ai compris. « On est jeunes, on sait qu’on a le temps, mais on sait aussi que ça coute rien de commencer à se renseigner et à être suivis. » Damon fait ça bien mieux que moi et je l’observe en acquiesçant à ses paroles sensées. « Et le but c’est que ce soit le moindre douloureux possible pour Megan. Une fausse couche, c’est jamais innocent, de ce que j’ai compris. » - « Malheureusement, c’est plus commun qu’on ne le pense. » Il le dit avec toute la douceur qui s’impose dans ce genre de circonstance, mais mon cœur se morcèle malgré tout autant que face au jeune interne presque blasé qui m’a auscultée sur le moment.

« Ca peut être rien, aussi, mais mieux vaut être prudents non ? »
« Vous devriez pas vous en faire comme ça. Comme je disais, vous êtes bien en avance sur la moyenne des gens qui viennent nous voir. »
« Mais mieux vaut prévenir que guérir, non ? »
« Et surtout, vous êtes bien plus jeunes que la plupart des personnes qui viennent nous voir. »

Damon fait ce qu’il peut face à un praticien résolument dubitatif. Moi, je me sens sortie de mon corps, j’ai la sensation d’observer la scène depuis le dessus. « C’est si grave que ça ? » La main de Damon serre la mienne et me ramène ainsi à moi. Je tourne la tête dans sa direction et esquisse un sourire qui se veut rassurant. « On est tous les deux dans le flou. On connait pas nos parents biologiques, on sait pas grand-chose de nos antécédents familiaux, ni l’un ni l’autre. On veut juste être rassurés. » Je simplifie la situation – Damon connaît Auden mais il lui manque malgré tout une moitié de son patrimoine – et je connais Billie sans rien savoir pour autant de ces sujets-là. L’homme qui nous reçoit est tenu au secret médical, aussi, je ne m’inquiète pas de ces confidences. « On veut juste, je sais pas, s’assurer que tout va bien pour nous. On a l’impression de se jeter dans le vide sans filet, c’est pour ça qu’on s’inquiète peut-être un peu vite. » Le quadragénaire nous observe l’un et l’autre comme s’il réévaluait la situation, avant de hocher la tête. « Je suppose qu’on peut faire toutes les analyse de rigueur, si ça peut vous rassurer. » J’esquisse un mince sourire, le genre qui finit généralement de mettre dans ma poche les interlocuteurs masculins, sensibles à la détresse féminine quel que soit leur âge. Surtout quand la détresse féminine s’imprime sur un minois aussi angélique que le mien. « Mais, je dois vous prévenir, les frais ne sont pas négligeables. Vous devez le garder en tête, vous vous lancer là-dedans très tôt, vous pourriez peut-être les éviter en attendant encore et en essayant encore un peu. »

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« Je sais. Le bébé sera pas là avant noël. Ni même avant mon anniversaire. Mais j’aimerais qu’il ou elle soit là pour le noël suivant. Ce serait merveilleux, non ? » Il esquissa un petit sourire, un brin timide, autant à l’idée que de voir l’éclat particulier que prenaient ses yeux à cette idée. « Ce serait incroyable. » Il imaginait déjà une petite tête blonde potentiellement sur leurs genoux, émerveillée par les lumières de Noël dans la maison et autour du sapin surtout. Et alors qu’il imaginait tout ça, il imaginait surtout que c’était une petite fille qu’il pouvait tenir dans ses bras; Damon avait toujours désiré avoir une famille à lui, et dans cette version imaginée de cette dernière c’était d’abord une princesse qui venait les combler de bonheur. « Hey ! T’as pas le droit de me préférer qui que ce soit. » Son sourire prit une teinte particulièrement amusé désormais. « Je peux te le promettre pour le moment. » Il savait que la réaction de Megan était exagérée pour la discussion, et que ce n’était pas là une chose qu’elle disait avec sérieux. « Mais je sais que ça me fera mentir le jour où on aura un fille, et tu le sais aussi bien que moi. » Parce-qu’elle serait toujours la femme de sa vie, jusqu’au moment où leur fille lui volerait ce rôle.

« T’es vraiment pas un homme comme les autres. » Il secoua quelque peu sa tête pour marquer la négation. « Je pense que si. » Il n’avait rien qui sortait du commun, si ce n’était un penchant malheureusement marqué pour démontrer trop facilement ses émotions.

« Une fille aussi. » Il se pencha pour déposer un baiser sur sa tempe. « Ayons une fille alors. »

Sauf qu’une fois face au médecin spécialisé, ce n’était plus tout à fait la même chose, et le discours était moins facile à tenir; parce-que dire entre eux deux qu’ils allaient avoir un enfant, c’était aisé tant qu’ils n’étaient pas mis face à la réalité d’une personne qui paraissait bien plus adulte qu’eux. Ils étaient jeunes, ils avaient tout le temps du monde devant eux, et blablabla: Damon ne comprenait pas en quoi c’était dérangeant qu’ils soient venus le voir lui si tôt, là où ils pouvaient se le permettre, pour s’assurer que les choses se passent de la plus douce et la plus aisée des façons. « On est tous les deux dans le flou. On connait pas nos parents biologiques, on sait pas grand-chose de nos antécédents familiaux, ni l’un ni l’autre. On veut juste être rassurés. » Les informations que Megan donna au médecin avec une facilité déconcertante firent quelque peu tiquer un instant Damon - il n’avait pas l’habitude de parler de ce genre de choses à haute voix avec des inconnus - mais il recomposa rapidement: elle avait raison de souligner cette partie là, et de le faire assez rapidement pour que le spécialiste puisse comprendre d’où ils venaient. « On veut juste, je sais pas, s’assurer que tout va bien pour nous. On a l’impression de se jeter dans le vide sans filet, c’est pour ça qu’on s’inquiète peut-être un peu vite. » Le regard qu’il posait sur eux n’était pas rassurant, et en rien rassurant. « Je suppose qu’on peut faire toutes les analyse de rigueur, si ça peut vous rassurer. » Damon ne sut retenir le petit soupir de soulagement à l’entendre dire une telle chose. « Mais, je dois vous prévenir, les frais ne sont pas négligeables. Vous devez le garder en tête, vous vous lancer là-dedans très tôt, vous pourriez peut-être les éviter en attendant encore et en essayant encore un peu. » C’était le genre de moment, dans certaines discussions, que le jeune italien redoutait le plus: il n’appréciait pas jouer cette carte, pas de façon consciente en tous cas, et surtout pas dans ce type de situation. Mais parfois, même lui devait admettre que c’était une facilité dont il ne saurait se passer - alors, se redressant quelque peu et sans attendre cette fois-ci le moindre commentaire aidant de Megan, il regarda l’homme face à eux. « L’argent n’est pas un problème. » Et s’il le fallait, il serait capable de lui signer un chèque d’acompte de suite pour lui montrer que ce n’était pas un problème, justement. « Et quand ça concerne notre santé et notre avenir, la question se pose encore moins. » C’était peut-être une façon assez vague et trop sèche là où les habitudes de Damon ne l’étaient pas de faire comprendre exactement de quoi il en ressortait, mais il avait malheureusement appris du pire en la matière et cela se voyait de temps en temps. C’était surement une des choses sur lesquelles il se détestait le plus: le peu de Saül qui arrivait à ressortir en lui de temps à autres, sur des détails qu’il n’appréciait que de loin.

Le médecin finit par jeter un regard un peu plus attentif à Damon un instant, puis à Megan comme si désormais le jeune homme n’était que le portefeuille dans cette histoire et que c’était la jeune femme qui comptait - et l’avis qu’elle donnerait sur la question à la fin. « Je peux vous donner un dossier à remplir, et la liste des examens qui faudra passer avec leurs coûts pour que vous ayez une idée de ce qui vous attend dans la première partie de la prise en charge. Et vous laissez mon numéro pour que vous puissiez me rappeler et me dire si c’est une aventure que vous voulez affronter ou non. » Comme s’ils n’étaient pas déjà surs en arrivant jusqu’ici déjà - heureusement que Damon n’était pas du genre colérique ou facilement irritable, parce-que ce serait le genre d’attitude et de remarque qui pourrait facilement être énervante, là.

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« Je peux te le promettre pour le moment. Mais je sais que ça me fera mentir le jour où on aura un fille, et tu le sais aussi bien que moi. » Je plisse le nez en souriant, consciente que rien de ce que je pourrais faire et prétendre fera croire à Damon que je suis réellement vexée ou même blessée par son affirmation, et consciente que c’est une bonne chose. Elle est minime, mais n’est-ce pas une preuve du fait que Damon sait que je ferai une bonne mère ? Que les intérêts de mon enfant passeront avant les miens ? Parce que c’est le cas, ou, en tout cas, je veillerai à ce que cela le soit. « Je pense que si. » Je secoue la tête, toujours aussi surprise, même si je le connais, de constater que Damon n’a pas la moindre conscience de la valeur qu’il a en tant qu’homme. C’en est un, un vrai ou en tout cas ce qu’ils devraient tous être à mes yeux. « La plupart des hommes auraient répondu que leur rêve le plus cher c’est d’avoir un petit garçon pour jouer au foot avec lui. » Et pour pouvoir apprendre au gamin à monter aux arbres, faire la bagarre et séduire les filles de son âge, ou quelles que soient les compétences que le mâle alpha de base imaginent comme étant. Je ne me plains pas ; comme je l’affirme à Damon, mes désirs sont alignés avec les siens à ce niveau-là. « Ayons une fille alors. » Quand il le dit comme ça, j’ai envie de croire que c’est aussi facile que ça. Qu’il suffit de l’avoir décidé, de le souhaiter très fort et que nos vœux seront exaucés. Je désiré une facilité qui nous a jusque-là été quasi systématique refusée. Alors oui, c’est utopiste, mais tant que nous ne sommes pas entrés dans le bureau du médecin, je peux encore y croire.

Je n’arrive pas à mesurer à quel point notre démarche est inhabituelle. Je ne suis pas certaine que la réaction du médecin soit si inappropriée, dans le fond. Peut-être sommes-nous vraiment en train d’insulter tous les couples qui ne parviennent pas à concevoir un enfant depuis des années. Quoi qu’il en soit, le professionnel de santé semble comprendre que nous n’avons pas l’intention d’accepter un non comme seule réponse. Et face au nouveau problème qu’il nous oppose – l’argent – la réponse de Damon ne se fait pas attendre. « L’argent n’est pas un problème. » J’aurais trouvé ce genre de phrase terriblement prétentieuse, autrefois. Maintenant, j’en adore la sonorité. « Et quand ça concerne notre santé et notre avenir, la question se pose encore moins. » Je resserre un peu ma main autour de celle de Damon, cherchant à capter son regard pour lui adresser un sourire touché. Bien sûr, je savais déjà qu’il le pensait. Mais le voir faire fi de sa discrétion et sa timidité pour affirmer sa volonté d’œuvrer pour notre avenir à tous les deux et celui de notre future famille est autrement plus touchant que "simplement" savoir. Pensive, je songe que l’argent ne fait peut-être pas le bonheur mais qu’il est bien plus facile de réaliser ses rêves avec que sans. « Je peux vous donner un dossier à remplir, et la liste des examens qui faudra passer avec leurs coûts pour que vous ayez une idée de ce qui vous attend dans la première partie de la prise en charge. Et vous laissez mon numéro pour que vous puissiez me rappeler et me dire si c’est une aventure que vous voulez affronter ou non. » - « On veut un enfant. » Moi, je veux même toute une famille mais à chaque aventure son point de départ. « On affrontera ce qu’il faut pour ça. » En tout cas, moi je le crois. Damon sera-t-il prêt à tous les extrêmes pour réaliser notre rêve ? Après tout, l’homme n’a généralement pas grand-chose à affronter : la femme porte le point des problèmes de fertilité la plupart du temps. Mais parce qu’il est hors de question que je laisse les pensées négatives m’envahir, je me rappelle que nous n’en sommes pas encore là. « Bien. » S’il n’en pense pas moins, le médecin arrête de tenter de nous convaincre de faire machine arrière. Nous repartons de son cabinet chargé de prospectus et autres papiers en tout genre. Pour l’instant, je n’ose pas y jeter un œil.

Dans la voiture, je ne le formule pas mais je me fais la remarque que je suis finalement heureuse qu’Elise ne soit pas sa mère biologique : elle-même avait des problèmes de fertilité et j’ignore à quel point ce genre de chose est héréditaire. Les lèvres closes, je tends ma main vers celle de Damon pour qu’il l’attrape. La conversation attendra que nous soyons à la maison et qu’il puisse se concentrer dessus si c’est ce qu’il veut. « J’ai vu que tu avais tiqué quand j’ai parlé de nos parents biologiques. » Je suis observatrice et je sais surtout à quel point le sujet est sensible pour lui. « Tu sais qu’il est soumis au secret médical, hein ? Si on le choisit comme médecin, il doit savoir ce genre de chose, et il pourra pas en parler à qui que ce soit. »

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@megan williams

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« La plupart des hommes auraient répondu que leur rêve le plus cher c’est d’avoir un petit garçon pour jouer au foot avec lui. » Bien sur que la remarque eut le don de tirer un petit rire à Damon, secouant la tête. « Tu m’as déjà vu jouer au foot ? » L’air qu’il gardait pour le moment sur le visage était amusé, rieur, parce-que rien que de s’imaginer à courir sur la pelouse il savait que cela était risible. Il n’était pas bon dans ces domaines là - les sports auxquels il avait pu un jour être entrainé et ceux auxquels qu’il lui arrivait de pratiquer désormais étaient bien plus individuels et surtout moins coté de manière générale -, et il savait pertinemment que si ses futurs enfants voulaient s’y mettre finalement, il allait devoir prendre des cours avant pour réussir à s’en sortir. Sans hésitation aucune, et sans que cela ne soit une surprise non plus, il s’imaginait Megan bien plus à l’aise dans le domaine. « Je ferai le chauffeur pour l’emmener aux entrainements et je l’encouragerai pendant les matches, si elle veut faire du foot écoute, je serai bon à ça par contre. » Ou qu’importait l’activité qu’elle désirerait faire: il serait son premier supporter.

S’il ne savait pas trop à quoi s’attendre de ce rendez-vous, étant là un premier contact avec le monde de l’aide médicalisée à la procréation dans son grand ensemble - et surtout une démarche pour être réassurés et conseillés, surtout -, Damon pouvait affirmer en revanche que ce n’était pas de cette manière là qu’il avait envisagé les choses. S’il savait que c’était là des méthodes à ne pas prendre à la légère, il ne s’attendait pas à ce que leurs inquiétudes, demandes et désirs soient pris avec si peu de sérieux. « On veut un enfant. On affrontera ce qu’il faut pour ça. » C’était peut-être un brin prétentieux de leur part de pouvoir se permettre ce genre de remarque, mais ils avaient la chance de pouvoir se le permettre - alors autant mettre toutes les cartes gagnantes dans leur main plutôt que de les laisser passer en faisant passer quelconque égo que lui n’avait de toute manière pas. « Bien. » Ils étaient donc au moins tous d’accord désormais sur l’idée que se renseigner n’était pas une idée à mettre à la poubelle.

Le retour jusque dans la voiture et le début du trajet dans cette dernière furent étrangement silencieux; s’ils étaient arrivés sur place avec beaucoup d’appréhension, ils repartaient lui semblait-il avec encore plus de questions qu’ils n’auraient pu avoir initialement - ce n’étaient pas exactement les mêmes, mais elles étaient bien présentes. Lorsque Megan tendit sa main pour attraper la sienne, il n’hésita pas un instant à glisser ses doigts entre les siens, à attirer les deux liées jusque son visage pour y déposer un baiser avant de les reposer sur sa cuisse. « J’ai vu que tu avais tiqué quand j’ai parlé de nos parents biologiques. » Il fit glisser ses lèvres l’une sur l’autre: il ne s’attendait pas à ce que le sujet soit abordé dans le bureau, il ne s’attendait pas à l’entendre en reparler ici. Bien sur qu’il avait tiqué, bien sur que ce n’était pas là quelque-chose à quoi il s’attendait d’être abordé - pas aussi rapidement, pas alors que c’était un sujet qui d’ordinaire il laissait volontairement de côté. « Tu sais qu’il est soumis au secret médical, hein ? Si on le choisit comme médecin, il doit savoir ce genre de chose, et il pourra pas en parler à qui que ce soit. » Il laissa un soupir lui échapper malgré lui, alors qu’il laissait sa langue jouer contre ses dents, qu’il laissait un petit silence les envahir malgré lui - il avait besoin de remettre toutes ces informations sur le devant de la scène, là où il excellait à tout garder pour lui d’ordinaire. « Je sais. » Qu’il fit déjà entendre en premier lui. « J’ai juste… pas l’habitude. » Et c’était un euphémisme: pendant des années, pendant la majorité de sa vie les informations qui lui avaient été données n’étaient pas celles qui se calquaient sur la réalité, et les accepter avaient été compliqué pour lui. En discuter à haute voix, là où cela était supposé être un vilain secret de famille restait toujours une épreuve compliquée. « J’ai tellement été conditionné à garder ces informations là pour moi que j’oublie en vrai que je peux les communiquer quand c’est nécessaire. » Et puis, s’il était tout à fait honnête sur la question: « Et puis qu’en réalité elles ont plus aucune importances, maintenant qu’il est mort. » Parce-qu’avec la disparition de celui qui avait obtenu de manière très peu légale le statut de père avec sa naissance, et certains de ses secrets déjà révélés au monde entier, certains points de l’existence de Damon n’avaient plus vocation à rester dans l’ombre, à être chéris comme des secrets mais pouvaient devenir de simples détails de sa vie. Saül six pieds sous terre il n’y avait plus grand monde pour subir les conséquences de telles informations révélées aux yeux du monde: il avait déjà perdu à son propre jeu.

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« Je ferai le chauffeur pour l’emmener aux entraînements et je l’encouragerai pendant les matches, si elle veut faire du foot écoute, je serai bon à ça par contre. » De mon côté, je n’ai jamais rêvé à ce que je ferai avec mon enfant si j’avais la chance de devenir mère un jour. Je crois que toute mon attention était occupé par le fait d’être une bonne mère, une mère présente et aimante, un roc de stabilité pour mon gamin ou ma gamine. Au-delà de ça, je ne me suis jamais autorisée à rêvasser au genre de mère que je serai. Est-ce que je la - il a l’air établi que ce sera une elle, comme si nous avions le moindre contrôle là-dessus - pousserait à être une élèvre brillante, à s’épanouir dans une activité extrascolaire ? A faire du sport ? A suivre les traces de Damon ou les miennes en s’adonnant à des activités plus artistiques ? Aimera-t-elle la peinture ? La photographie ? Se passionnera-t-elle pour des romans épiques comme c’est mon cas ? Aura-t-elle, comme son père, une jolie plume ? La quantité de questions soulevées par une si petite me donne presque le tournis. Pourtant, la réponse est simple et à ma portée : comme je l’ai fait avec Damon, j’encouragerai ma fille ou mon fils à être ce qu’il a envie d’être. Elle ou il aura les moyens de se chercher, comme l’italien les a. Si je me suis battue pour m’élever dans l’échelle sociale, ce n’est pas pour que ma descendance ait à se soucier de devoir faire la même chose. Je dépose un baiser sur les lèvres de Damon du bout des miennes en guise de réponse. Il sera un père parfait et je l’ai déjà bien trop répété.

Dans la voiture, l’ambiance est moins légère. Bien sûr, elle devrait presque l’être puisque le praticien a avant toute chose cherché à nous rassurer sur le fait qu’il est normal d’avoir parfois besoin d’un peu de temps pour concevoir. Faut-il reconsidérer la chose et admettre que nous sommes impatients ? De mon côté, c’est une certitude. Je suis envahie d’impatience depuis le premier jour. Pourtant, je ne l'imaginais pas si tôt. Avant de traiter notre déception, je cherche d’abord à lever le moindre doute en moi quant à sa réaction lorsque j’ai parlé de nos parents. Parfois, j’oublie qu’il est conscient de sa situation depuis bien moins longtemps que moi et que, par conséquent, en parler ou en entendre parler est toujours compliqué. Saül venant de passer l’arme à gauche et je réalise que j’ai peut-être été indélicate. En tout cas, je n’ai pas été imprudente : je sais quels sont les devoirs du spécialiste et je tiens avant tout à rassurer mon époux sur ce point-là. « Je sais. J’ai juste… pas l’habitude. » Mes doigts abandonnés sur ma cuisse me semblent bien seuls. Pourtant, Damon n’a pas l’air de m’en vouloir. Il a simplement l’air plongé dans ses souvenirs, torturé une fois de plus par son passé. « Je sais. Je l’ai réalisé après. Je suis désolée. » Il fallait que le médecin entende mes arguments pour nous prendre au sérieux donc je ne le suis qu’à moitié, mais Damon a besoin d’entendre mes excuses à ce sujet, c’est aussi simple que ça. Une part de moi estime qu’en poussant le jeune homme hors de sa zone de confort, qu’en lui faisant subtilement violence, je ne fais rien de plus que l’aider. Cela me rend moins douce et bienveillante que j’imagine parfois l’être devenue, mais ce sont toujours ses intérêts - ou en tout cas les nôtres - que j’ai à cœur. « J’ai tellement été conditionné à garder ces informations là pour moi que j’oublie en vrai que je peux les communiquer quand c’est nécessaire. » Doucement, il en viendra à ne plus rien ressentir lorsqu’on lui parlera de tout ça. Moi, je ne garde plus de mon passé que la honte. Ou du moins, je me convainc que je n’en garde que ça, plus la moindre trace de blessure. Peut-être que lorsque j’aurais une famille - une complète - à moi, je serais enfin parfaitement guérie de tout ça. Peut-être que ce sera le cas de Damon également. « Et puis qu’en réalité elles ont plus aucune importance, maintenant qu’il est mort. » - « T’as le droit de vouloir que ça devienne pas public. Ni maintenant, ni jamais, même s’il est plus là pour affronter les conséquences de tout ça. » Ne serait-ce que parce que les conséquences de tout ça le concernent. Elles concernent également Auden, mais je m’intéresse surtout à Damon qui n’a peut-être pas envie d’être officiellement vu comme un enfant né hors mariage de son oncle adolescent. « Je te forcerai jamais à rendre quoi que ce soit public. » En revanche, si nous devenons parents, j’aimerais que mes enfants sachent exactement d’où ils viennent. Mais nous avons tout notre temps pour aborder ce genre de questions. « Mais c’est vrai qu’on sait pas réellement d’où on vient. Pas entièrement, en tout cas. » Lui a au moins la "chance" relative d’avoir Auden dans son entourage. Non seulement je ne connais pas mon géniteur, mais ma mère n’a jamais fait la moindre analyse de quelque sorte et a scellé son sort de façon aussi certaine que si elle s’était elle-même ouvert les veines avant d’atteindre l’âge de développer - même de façon précoce - beaucoup de maladies. « Peut-être qu’on pourrait faire des analyses génétiques. Pour savoir si on est porteur de quelque chose qu’on pourrait transmettre à un enfant. » Je n’ai pas envie de savoir, mais peut-être est-ce la bonne chose à faire. « Il a raison, tu sais. » Je dépose mes doigts sur le milieu de sa cuisse, bien sagement. « C’est encore tôt pour s’en faire. On a encore plusieurs semaines pour être sous la moyenne. » Les pensées positives, je n’y crois pas réellement, mais j’essaye de prétendre le contraire.

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« Je sais. Je l’ai réalisé après. Je suis désolée. » Il secoua quelque peu sa tête de droite à gauche. « T’as pas à l’être. » Certes, qu’elle amène le sujet sur le tapis l’avait quelque peu pris de court mais ce n’était aucunement là sa faute à elle - si c’était celle de quelqu’un, c’était la sienne d’encore laisser ces sujets là le saisir de la sorte alors qu’il y avait presque prescription maintenant. Et puis surtout: c’était Megan, c’était un professionnel de santé qui se devait de garder les informations qu’ils pouvaient donner confidentielles, il n’avait pas à se sentir contraint de cette manière là ou de ressentir cette honte qui grouillait à l’intérieur de lui même. Même: il n’avait pas besoin de se cacher comme ça. « T’as le droit de vouloir que ça devienne pas public. Ni maintenant, ni jamais, même s’il est plus là pour affronter les conséquences de tout ça. » Parce-qu’effectivement, c’était sur ce côté là qu’il était brimé depuis longtemps maintenant parce-que les conséquences concernaient quelqu’un d’autre; mais cette personne n’étant plus parmi eux maintenant, il n’était plus obligé d’agir de la sorte. Les pires facettes de l’homme avaient déjà été révélées, à côté leur petit mariage arrangé n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan des misères qu’il avait infligé au monde autour de lui. Mais Megan avait raison sur un point: ce n’était pas par rapport à qui avait à subir des conséquences qu’il avait du mal à exposer cette partie là de son histoire, mais parce-qu’il ne savait pas s’il avait réellement envie que les autres soient au courant des manigances dont il avait été le pantin. Ca en disait long sur lui, aussi, malgré tout; il n’avait pas beaucoup de fierté, mais il aimerait bien garder le peu qu’il avait intact. « Je te forcerai jamais à rendre quoi que ce soit public. » - « Je sais. » Fut une période, elle aurait pu le faire si cela avait pu lui rapporter quelque-chose; ils étaient au delà de tout ça depuis longtemps désormais. « Je me suis même pas posé la question. » Il avait parfaitement compris que c’était rapport avec leur santé et le professionnel face à eux qu’elle avait abordé le sujet, et pour rien d’autre.

« Mais c’est vrai qu’on sait pas réellement d’où on vient. Pas entièrement, en tout cas. » Il échappa un soupir qu’il ne chercha pas à retenir. « Ouais. Je m’étais pas posé la question, enfin pas de cette manière là jusque maintenant. » Elle avait eu sa mère mais cette dernière n’était plus de ce monde, et son père ne faisait pas partie du tableau. Lui de son côté avait son père aux siens mais sa mère était une énigme grosse comme le monde. Ils avaient une marge d’erreurs qui était énorme, chacun de leur côté - et ce n’était pas forcément pour les aider dans les démarches qu’ils entreprenaient. « Je pourrais interroger Auden, déjà, peut-être qu’il a des informations à me donner mais j’en doute franchement. » Ce n’était pas celui qui se souciait le plus de sa famille, dirait-on. « Et je suis pas sur que ma grand-mère ait envie d’avoir ce genre de discussion. Elle est… un peu fermé à la situation. » Et puis les chamboulements qu’elle avait du subir ces dernières années n’avaient pas aidé sa mémoire ou sa compassion. « Peut-être qu’on pourrait faire des analyses génétiques. Pour savoir si on est porteur de quelque chose qu’on pourrait transmettre à un enfant. » Sans lâcher la route des yeux, ou qu’un instant pour poser rapidement un regard sur sa femme, Damon finit par opiner du chef. Il n’avait pas tout à fait repris contenance, mais il commençait à avoir les pièces du puzzle se mettre en place sous leurs yeux et essayait de se raccrocher à ces dernières. « Je suis presque sur que ça doit être sur la liste que le médecin nous a donné. » Cela se devait de faire partie du processus, non ? « C’est encore tôt pour s’en faire. On a encore plusieurs semaines pour être sous la moyenne. » - « Et on est jeunes. Pour de vrai. » En prononçant ces paroles là, il hochait un brin la tête, tentant de se convaincre aussi de son côté. « C’est peut-être le seul domaine pour lequel plus t’es jeune, plus les gens trouvent que c’est une bonne chose. Partout ailleurs ça ferait peur, j’ai l’impression. » Pour des achats, pour des carrières, il ne savait quoi d’autre encore. Une fois qu’ils auraient lancé les démarches doucement mais surement de celles qui leur avaient été données via les papiers du professionnel, ils y verraient peut-être plus clair, aussi. Ca prendrait du temps, mais ils en avaient plein devant eux. « Je me demande si on devrait pas voir un second cabinet, aussi. Pour avoir plusieurs avis, et plusieurs pistes à explorer. » Il mit le frein à main et coupa le moteur alors qu’ils arrivaient devant le restaurant; Damon n’était pas d’humeur à rentrer chez eux pour diner, il avait besoin encore d’un moment pour intégrer les chemins qu’ils avaient à leur disposition. Une fois qu’ils seraient chez eux, cela aurait un gout de réel et définitif, que la route était longue pour de vrai, et il voulait croire que ce n’était qu’une question d’impatience de leur côté. Il tourna son visage vers Megan. « Pour comparer. Savoir quelles sont les choses qu’on nous conseille à plusieurs reprises. »

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« Ouais. Je m’étais pas posé la question, enfin pas de cette manière-là jusque maintenant. » Pas plus que moi, parce que la situation dans laquelle il est nécessaire de se poser ce genre de question ne s’était jamais présenté à l’un de nous sans que cela ne soit surprenant d’une quelconque manière. Nous sommes jeunes, nous n’avions pas à nous soucier d’être porteur d’une quelconque anomalie génétique jusque-là et, si nous n’avions pas voulu avoir d’enfant si tôt, nous n’aurions pas eu à nous la poser avant des années. La plupart des problèmes de santé qui peuvent avoir une cause héréditaire ne se déclarent pas avant un certain âge, non ? Je me suis souvent demandé d’où je venais, mais pas pour ce genre de raisons. « Je pourrais interroger Auden, déjà, peut-être qu’il a des informations à me donner mais j’en doute franchement. » - « C’est déjà bien qu’il soit là. » Ne serait-ce parce qu’aucune maladie grave ne s’est déclaré depuis une ou deux générations de Williams, non ? L’ironie dans cette situation c’est que s’il avait réellement été le fils de Saül, nous aurions été encore moins avancés dans toute cette histoire. « Et puis, personne n’est tombé malade de ce côté-là, non ? » Et par malade j’entends gravement malade, il n’est pas question d’une grippe ou d’un petit rhume, évidemment. « Et je suis pas sûr que ma grand-mère ait envie d’avoir ce genre de discussion. Elle est… un peu fermé à la situation. » - « Peut-être que… » Eliana serait une réponse et elle n’est pas tant une inconnue. Mais en débutant ma phrase, je réalise que demander ça à Damon serait comme me demander de prendre contact avec le père de Molly. Ce serait cruel. Il ne veut surement rien savoir d’elle, comme je ne veux rien savoir de lui, quand bien même ce serait possible via ma jumelle. « Non, rien. Peut-être que je pourrais me renseigner pour tenter de retrouver mes grands-parents. » Je ne sais rien des parents de Billie, si ce n’est qu’ils l’ont mise dehors alors qu’elle n’était qu’une adolescente enceinte. De prime abord, mes a priori les concernant sont donc forcément très mauvais. Mais qui sait, peut-être sont-ils rongés par le remords ? Peut-être se sont-ils repentis pour devenir des gens bien ? Que ce soit le cas ou non, ils pourraient peut-être me fournir de précieuses informations. « Je sais pas, peut-être que je pourrais me rapprocher d’un détective privé ou ce genre de chose. » Avant, je n’avais évidemment pas les moyens pour ce genre de démarche. Aujourd’hui, je pourrais le faire si j’en avais envie. Et cette question-là, je ne suis pas encore certaine de pouvoir y répondre.

« Je suis presque sur que ça doit être sur la liste que le médecin nous a donné. » - « Oui, peut-être. On regardera ça à tête reposée à la maison. » Mais fait-on réellement faire des analyses de ce genre à un jeune couple qui ne vient que pour être aidé dans la conception d’un enfant ? Est-ce simplement le genre de choses possibles ? Il doit y avoir des tas de choses à chercher dans un génome, sait-on seulement en faire une analyse exhaustive ? « Je veux pas que ça te fasse peur, tout ça. » Parce que cela devrait être simple, de devenir parents. Pourquoi cela nous serait-il refusé alors que ses géniteurs comme les miens n’ont pas eu le moindre effort à faire pour nous avoir tous les deux ? Alors que nous étions un accident, une épine dans le pied ? Ce serait terriblement injuste. Mais le destin l’est-il seulement, juste ?

« Et on est jeunes. Pour de vrai. C’est peut-être le seul domaine pour lequel plus t’es jeune, plus les gens trouvent que c’est une bonne chose. Partout ailleurs ça ferait peur, j’ai l’impression. » Nous sommes jeunes c’est un fait, mais je voudrais pouvoir claquer de doigts et ne plus avoir peur d’être différente, de ne pas pouvoir porter un enfant à terme. Est-ce pour ça que j’ai fait une fausse couche il y a quelques mois ? Parce que mon corps n’est pas fait pour donner la vie ? Est-ce une punition pour avoir avorté il y a quelques années ? « Je me demande si on devrait pas voir un second cabinet, aussi. Pour avoir plusieurs avis, et plusieurs pistes à explorer.  » Je hoche la tête doucement, toujours en proie à tout un tas de questions. « Pour comparer. Savoir quelles sont les choses qu’on nous conseille à plusieurs reprises. » - « C’est vrai. » Je suis assez forte pour recevoir encore une fois ce genre d’accueil – être confrontée à autant de doute et de perplexité. Mais est-ce le cas de Damon ? Combien de docteurs et d’analyse lui faudra-t-il pour décider que la prix n’en vaut pas la peine ? Alors qu’il se gare devant la maison et coupe le contact, je me pelotonne contre lui. Je ne résiste pas à l’envie d’enrouler mes bras autour de ses épaules pour perdre mon visage dans son t-shirt. « Je veux un enfant. » Je parle comme une enfant capricieuse à qui ont refuse un jouet dans un magasin, bien que je n’en ai pas tout à fait conscience. « On en aura un. Je le sais. On en aura un, hein ? » J’affirme mais, tout de suite après, je ressens le besoin d’être rassurée.

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« C’est déjà bien qu’il soit là. » Cette partie là était effectivement non-négligeable; même si Damon avait du mal à comprendre jusqu’à quel point cela pouvait  être déjà bien qu’il soit là tant les choses étaient encore extrêmement complexes entre eux. C’était son père, mais il ne portait ce titre que depuis peu de temps et l’image de celui qui l’avait eu avant lui était encore bien trop présente dans l’esprit du jeune italien pour ne pas lui laisser toute la place qu’il mériterait à ce poste. Faiblement, il opina tout du mois du chef: il ne pouvait pas réellement se plaindre, puisque cela voulait dire qu’il avait un minimum de famille à ses côtés pour pouvoir en parler. « Et puis, personne n’est tombé malade de ce côté-là, non ? » Il inspira longuement avant de secouer quelque peu son visage. « Pas que je sache non. » Pas dans les temps modernes de leur famille, pas que ça soit arrivé qu’il puisse seul s’en souvenir; et il n’avait jamais entendu ses parents discuter d’un poche malade - alors effectivement cela était déjà une bonne nouvelle, d’une certaine manière. « Mais après ils sont tellement tous très forts pour garder des secrets que je serais surpris de rien. » Un frère ou une soeur morte à la naissance suite à une maladie incurable pourrait tout à fait être le genre de nouvelle apprise au diner de Noël comme si c’était normal, chez les Williams.

« Peut-être que… » Damon haussa quelque peu l’un de ses sourcils. « Non, rien. Peut-être que je pourrais me renseigner pour tenter de retrouver mes grands-parents. Je sais pas, peut-être que je pourrais me rapprocher d’un détective privé ou ce genre de chose. » Il pinça ses lèvres, hésita un instant avant de décider tout de même répondre à la première partie à laquelle elle avait coupé court. « J’y ai pensé aussi, et j’ai pas envie de me dire que ça pourrait être une option à envisager. » Comme ça portait à confusion quelque peu sur le sujet abordé: « Pas tes grands-parents, pour l’autre partie. » Ne pas la nommer était aussi bien - il n’avait pas de bons souvenirs de cette partie là des révélations qui avaient suivi certaines découvertes. « Tes grands-parents, tu les as déjà rencontré ? » Que ce soit l’un ou l’autre, ils ne pouvaient se prétendre gâtés lorsqu’il était question de la famille proche. « Et oui, on peut engager quelqu'un si tu penses que t’en as besoin pour ce faire. »

« Oui, peut-être. On regardera ça à tête reposée à la maison. Je veux pas que ça te fasse peur, tout ça. » Il secoua quelque peu sa tête de gauche à droite. « J’ai plus peur que ça te fasse du mal qu’autre chose, tout ça. » Il n’avait pas vraiment peur des procédures, du processus; c’était un jeune homme patient et résilient, il saurait s’y retrouver qu’importait la manière dont ils se devaient de procéder. « Je dis pas que j’ai pas peur du tout, parce-que c’est pas une surprise que j’ai facilement peur… » Disons plutôt qu’il s’inquiétait facilement pour tout et pour rien. « Mais j’ai pas peur des démarches. Si elles doivent avoir lieu. Ni des recherches. » Qu’importaient les méthodes qui seraient nécessaires, il était sérieux quand il avait dit à Megan qu’il désirait fonder une famille avec elle: ils se donneraient les moyens. « C’est vrai. » Les spécialistes étaient nombreux, ils trouveraient forcément quelqu’un qui correspondraient à ce dont ils avaient besoin, qui comprendraient leurs attentes et leurs peurs - ce n’était pas à l’issue d’un seul rendez-vous que tout serait réglé. « Je veux un enfant. On en aura un. Je le sais. On en aura un, hein ? » Il attrapa sa main pour déposer un baiser sur la peau de cette dernière, faisant son regard désormais accrocher celui de sa femme. « On aura un enfant. Je te le promets. » Même s’il ne pouvait être sur de lui, ce n’était pas une promesse qu’il avait peur de faire; les moyens de devenir parents étaient nombreux et diverses, ils auraient forcément un moyen d’accéder à ce qui pourrait être devenu un rêve pour eux. Damon en était convaincu, sans avoir aucune preuve autre que l’amour qu’ils se portaient l’un l’autre - et ça lui semblait suffisant.