juillet 2024

Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube de ses pleurs au point du jour l'arrose ;

Tu te retrouves, ton sac à dos entre les genoux, assis à même le sol. Tu ne t'en sors pas, c'est trop difficile, t'es pas certain de pouvoir y arriver. Pourtant, t'as le sentiment que tu as fait tout ce qu'il fallait faire. Tu as renoncé à Jesse, tu as renoncé à tes envies, à tes pensées, à tes regards. Et il a simplement fallu que quelques lignes apparaissent pour faire vaciller ton château de cartes. Au secours. Tes mains se joignent contre ta nuque, tes pouces contre ta pomme d’Adam, tu fermes les yeux. Besoin de réfléchir, besoin de réfléchir.

Tu te retrouves, seul face à tes réponses. L'avocat l'a dit, tes réponses ne sont pas cohérentes. Elles ouvrent à toujours plus de nouvelles questions auxquelles tu ne sais pas répondre. Parce que tu voudrais être clément avec cet adolescent qui, à un moment donné, s'est posé la question. T'as été ce jeune homme prêt à se découvrir, prêt à ouvrir une porte et elle s'est refermée brutalement, n'en est resté qu'un homme à demi-terminé. La vérité, c'est que t'es pas un homme, tu le seras jamais. T'es inachevé. Et tout ce que tu fais, ça ne changera rien. Le poids que tu soulèves, les mots que tu martèles et la colère que tu génères, ils ne remplissent pas ce creux, ils ne font que colmater temporairement la faille.

Tu te retrouves, enfermé avec toi-même, tu ne sais pas comment faire pour que ça s'arrête. Il a raison Jesse, tu mérites bien ce retour de bâton parce que tu as nourri le monstre qui te bouffe le bras. C'est comme s'il y avait une part de toi constamment endormie qui se réveille de temps à autres et tu as beau essayer de ne pas l'entendre, parfois c'est trop. Cet article, il a rouvert la porte. Toi et cet adolescent, vous vous faites face. Tu peux l'insulter de toutes les façons que tu veux, tu peux lui faire peur, tu peux lui hurler dessus, tu peux le mépriser, il demeure dans l'embrasure de ton esprit comme un rappel de ton échec.

Tu te retrouves alors là, ton sac entre les genoux. Tu fais glisser tes mains contre ton visage, essayant de disparaître. Le silence autour de toi n'est habillé que par le bruit de la pluie qui tombe, tu espérais qu'il ne pleuve pas autant, tu t'es laissé surprendre. Tu es piégé. Si tout se fait, ce sera une catastrophe. Tout ce que tu as construit, tout ce que tu es, cela disparaîtra. Tu ne sais pas, tu ne sais plus, finalement ce que tu es. En quelques sortes, tu n'es que le fantôme d’Hadès. Ce personnage te convient, et effacer la frontière entre lui et toi, ça te convient aussi.

Tu te retrouves là, du coup. Dans le parc. Sans ton téléphone que tu as laissé dans la voiture, en espérant certainement que quelqu'un le trouvera. T'as pris un bon métrage de corde dans ton sac que tu ouvres pour plonger la main dedans. Ça te rassure, de la sentir contre tes doigts. Comme si tu reprenais le contrôle. C'est ce qui te manque, c'est ce qui t'affecte. De sentir le sol qui se dérobe sous tes pieds sans que tu puisses réagir. Tu n'es pas comme eux, pas comme eux. Pas comme ceux qui n'ont pas la volonté de s'en sortir, pour être normaux, et t'es pas comme ceux qui vivent leur vie en secret, tu n'es plus comme ça. T'es fort, tu peux t'en sortir. T'es fort. T'es fort.

Tu t'es retrouvé là, d'un coup. Tu serres les poings. Allez, Nieves va te donner un coup de main point de vue image, l'avocat que t'as choisi a l'air d'être un bon, il n'y a aucun élément probant sur cette histoire de coming-out. Tu peux t'en sortir. Tu peux reprendre le cours de ta vie. Tu peux trouver des solutions.