crossing the river of denial

@Micah Tomlinson 17 août 2024 - logements à toowong
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Depuis son arrivée au domicile de ses parents, la chirurgienne esquivait sans relâche la question tant redoutée de "Sam n'est pas là ?". A chaque fois qu'elle franchissait les lèvres des nombreux convives, Helen déglutissait difficilement et se forçait à arborer un immense sourire, archi faux, pour mieux faire passer la pilule tandis qu'elle sortait un énième mensonge pour justifier l'absence de son époux à un événement aussi important dans la famille Stenfield. James et Lillian Cartwright fêtaient leur quarante ans de mariage, tout pile. Pour l'occasion, famille et amis étaient conviés à festoyer en leur honneur. Autant être honnête, Helen n'avait pas la moindre envie d'être là. Evidemment que l'absence de Sam allait être remarquée, tout d'abord par ses propres parents qu'elle imaginait lui tenir un réel interrogatoire... finalement, à sa plus grande surprise, les préparatifs et l'envie que cette journée soit parfaite les avait rendu moins curieux que ce qu'elle avait imaginé. Mais c'était sans compter sur la présence d'Emily, sa petite sœur, qui leur avait fait l'honneur de sa présence, alors qu'elle était souvent la première à rater ce genre de fête prout-prout et ennuyante à souhait. Emily venait tout juste de la prendre à part dans la cuisine pour lui tirer les vers du nez à propos de Sam. Si tous les autres convives croyaient à son histoire de Covid empêchant son mari de se joindre à la fête, la plus jeune des Cartwright semblait lire en elle comme dans un livre ouvert et se douter de quelque chose. Evidemment, Helen avait nié en bloc, car elle ne voulait pas prendre le risque que 1) Emily déballe tous à leurs parents 2) Emily la fasse chanter avec ça 3) qu'elle s'occupe un peu trop d'affaires qui ne la regardaient tout simplement pas. Au moment de sortir de la cuisine, le regard de la chirurgienne s'arrêta sur son cousin, Micah, qui semblait avoir la même idée que sa petite sœur : faire l'honneur d'une présence dont on aurait largement pu se passer. Énervée, agacée, remontée (vous comprenez l'état d'esprit quoi), Helen tendit le bâton pour se faire battre en se rendant à ses côtés c'était certain, mais elle avait besoin de laisser sortir le trop plein de nerfs qui l'envahissait à l'instant : « Ne serait-ce pas le célèbre Micah Tomlinson qui nous fait l'honneur d'être ici, aujourd'hui ? » Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas vu ? Des semaines, des mois, des années ? Les rapports cousin/cousine n'étaient pas très positifs, alors Micah n'était pas du genre à manquer à la vie de la chirurgienne... « Ton dernier film a fait un bide ? tu viens choper gratuitement des petits fours ? » Autrement dit, qu'était-il venu faire ici, alors qu'il était lui aussi plutôt du genre à snober ce type d'événements dans le bas peuple dont il semblait prétendre ne plus faire partie ?

La dynamique entre Micah et sa famille était tristement similaire à celle qui régnait entre lui et tous ces inconnus qui suivaient religieusement sa vie dans les médias, se permettant toutefois de la juger, tandis que lui n'avait pas la moindre idée de leur existence. Le seul lien qui les unissait était disseminé dans les gènes qu'ils se vantaient certainement de partager avec lui en croisant son visage sur un bus ou un écran publicitaire, avant de l'oublier aussitôt disparu au profit d'un autre. Il avait fallu que son père perde la mémoire pour faire réaliser à Micah que cette aliénation n'était pas saine, et surtout qu'elle pesait sur lui bien plus qu'il n'aurait pu l'imaginer. Il avait été surpris d'apprendre par le biais de Gary, son assistant, qu'il était toujours invité aux événements pour lesquels il avait démontré une condescendance profonde plutôt que le moindre signe d'intérêt. Toutes ces années il n'avait pas pris la peine de le mettre dans la confidence, sachant pertinemment la réponse sans avoir à poser la question. Cette fois-ci l'invitation aux 40 ans de mariage de son oncle et de sa tante fut intercepté. Micah avait commandé de l'inscrire dans son agenda, et de faire porter des fleurs et une carte en cet honneur, qu'il n'avait néanmoins pas pris le soin de rédiger lui-même. Il se doutait que ce ne serait pas assez pour se faire pardonner des années de dédain, mais le monde avait toujours su s'émouvoir de ses attentions. Sa présence fut en effet remarquée, dans le bon sens du terme. Beaucoup se réjouissaient de pouvoir échanger avec lui après tout ce temps, sans oublier de glisser un mot compatissant envers son père. Si ce n'était pas le même côté de la famille, Micah se consolait d'avoir fait preuve d'indifférence lorsqu'il constatait cette sympathie obligée qu'on lui servait comme une coupe de champagne, par politesse plus que par sollicitude. Jo n'avait pas tout à fait tort quand elle lui avait balancé à la figure que son père finirait sa vie seul, et que c'était le sort qui lui était réservé à lui aussi s'il ne faisait pas l'effort de renouer un peu avec ces gens qu'il avait appris à estimer indignes de lui. On l'obligea même à signer des autographes, prendre quelques photos qui finiraient certainement sur les réseaux sociaux, comme s'il était une bête de foire plus qu'un membre oublié de la famille. Si c'était le prix à payer pour ne pas finir seul, alors il le ferait avec ce sourire de façade qu'il avait mis des années à perfectionner. Ce dernier s'effaça cependant à l'apparition d'Helen, qui avait ce don d'aspirer la joie du monde partout dans son sillage. Aux dernières nouvelles, il s'agissait d'une fête en l'honneur de ses parents, alors pourquoi cette tête d'enterrement ? « Un plaisir de te croiser Helen, toujours aussi aimable. J'en déduis donc que t'as pas baisé depuis la dernière fois qu'on s'est vus. » dit-il en réponse à ses accusations puériles. Il ne comprenait pas vraiment d'où lui venait cette animosité, si ce n'était une certaine jalousie mêlée à un profond manque d'assurance. « J'ai vraiment l'air d'avoir besoin de profiter de bouffe gratuire ? » demanda-t-il en baissant les yeux sur son total look Prada à 4 chiffres. « Par contre toi t'as l'air de passer un sale moment. T'as besoin d'en parler ? »

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Helen s'était jurée lancer son plus noir des regards à la prochaine personne qui viendrait l'ennuyer après sa sœur, mais elle se ravisa en se répétant que le faire susciterait davantage les soupçons quant à sa situation sentimentale aujourd'hui. En faire trop, cela signifiait subir plus de questions sur l'absence de Sam, sur l'absence de grossesse depuis trop d'années, sur ses projets en tant que chirurgienne, bref, tous les sujets dont elle ne voulait pas causer maintenant, ni jamais, avec des personnes à qui elle souriait faussement, pour préserver les apparences. Emily venait de la faire sortir de ses gongs en sous-entendant diverses choses à propos de Sam et lui. Et ce qui l'énervait davantage, c'était qu'elle avait raison sur plein de points... mais évidemment qu'Helen avait nié en bloc. Emily et elle n'avaient jamais été suffisamment proches pour que la brune ose se confier à sa petite sœur. Alors, en voyant Micah à la fête d'anniversaire de ses parents, la jeune femme vit en cette présence la possibilité de lâcher ses nerfs sur son cousin qu'elle ne portait pas dans son cœur. Elle s'adressa à lui en le taclant d'emblée, ce qui montrait que son affection pour lui restait intact : elle le détestait lui, son air pédant et sa vie pleine de paillettes dont elle n'avait strictement rien à carrer. « Un plaisir de te croiser Helen, toujours aussi aimable. J'en déduis donc que t'as pas baisé depuis la dernière fois qu'on s'est vus. » La chirurgienne roula des yeux, ennuyée à l'idée qu'on s'inquiète autant que ça de sa vie sexuelle à chaque fois qu'elle prenait cet air pincé et désagréable. Même l'une de ses internes s'était permise ce genre de réflexions, alors qu'elles n'étaient pas proches au point de se permettre ces familiarités... et elle pouvait en dire tout autant de Micah. « J'ai vraiment l'air d'avoir besoin de profiter de bouffe gratuite ? » « Désolée, je ne savais pas que mes parents t'avaient engagé comme clown pour faire l'animation à leur fête de mariage. J'espère qu'ils t'ont promis un bon salaire. » Railla-t-elle en suivant son regard sur sa tenue qu'il considérait comme la preuve de sa richesse, alors que la chirurgienne ne voyait en elle qu'une tenue de cocktail tout à fait banale. Vraiment, c'était typiquement le genre de réaction de la part de son cousin qui lui donnait la gerbe à son sujet. La popularité lui montait à la tête, et il semblait se placer au-dessus de tout, et de tout le monde. C'était insupportable. La seule chose pour laquelle la jeune femme semblait ressentir un peu de peine, c'était pour l'Alzheimer précoce de son oncle, qui devait forcément peiner Micah. « Par contre toi t'as l'air de passer un sale moment. T'as besoin d'en parler ? » La jeune femme lui adressa un regard interrogateur, surpris et à la fois dégouté. Il s'imaginait vraiment qu'elle allait lui parler de ses soucis ? et d'ailleurs, pourquoi est-ce qu'elle lui confirmerait que des soucis, elle en avait ? « Tout va très bien dans ma vie, c'est fort aimable de ta part de te soucier du bien-être de ta cousine... mais sache que je n'ai pas de temps à perdre pour te confier quoique ce soit, si j'avais quelque chose à confier, d'ailleurs. » Elle haussait les épaules, prétendant ne pas avoir le temps de lui parler. Et pourtant, elle restait là, à ses côtés, pour continuer à décharger sa frustration et sa colère de toute à l'heure. « J'ai vu que les invités te demandaient une photo et des autographes, ça doit pas être facile d'avoir le melon comme ça, même à une fête de la sphère privée ? » Elle grimaça, prétendant ressentir la douleur de devoir satisfaire le monde à cause de son image publique... alors qu'elle s'en fichait complètement, en réalité, elle disait toujours cela pour se sentir mieux. « D'ailleurs, quelle mouche t'a piqué ? Tu ne viens jamais aux fêtes de famille. C'est une sortie sponsorisée ? tu vas toucher un peu d'argent pour t'être pointé ici ? » Depuis combien de temps n'avait-il pas pointé le bout de son nez dans une soirée, ou un repas de famille ? Des semaines ? Des mois ? Sa présence, bien qu'appréciée par les autres invités, l'interrogeait beaucoup.

Petit nuage chargé d'amertume, Helen avait cette fâcheuse tendance à se déplacer nerveusement et à  crisper les conversations les plus ordinaires. Micah ne la connaissait pas suffisamment pour savoir ce qui la frustrait dans la vie, mais il aimait croire que c'était lié à une sexualité bridée et une propension exagérée à la jalousie. Lui avait la chance d'être fils unique, si bien qu'il n'avait jamais ressenti le besoin de s'opposer à une fratrie dans laquelle les parents valorisaient les accomplissements de certains en éclipsant ceux des autres. Tout ce qu'il faisait avait toujours mérité la fierté manifeste de son père, ce en dépit de ses exigences de manager. Chez les Stenfield, la compétition était évidente, autant que la soumission d'Helen à des choix qui n'étaient pas les siens et qui la rendaient aigrie avant l'heure. Elle détestait si incontestablement sa vie qu'elle se sentait obligée de commenter et rabaisser celle des autres. Une stratégie stérile pour se convaincre qu'elle était heureuse et épanouie. « C'est sûr qu'ils pouvaient pas compter sur toi pour amuser la galerie. » avait-il rétorqué sans se départir d'un sourire carnassier. Les rapports non conflictuels que Micah pouvait entretenir avec ses cousins étaient rares. Qu'ils soient du milieu ou non, ils avaient tous cette manie de vouloir se hisser au-dessus des autres. A la différence d'Helen, lui était intimement persuadé d'être supérieur et il ne s'encombrait jamais à le cacher sous de la fausse modestie. « Je t'ai fait quoi Helen sérieusement ? Si ça te fait chier que je sois là, tu pouvais aussi bien m'ignorer. » demanda-t-il toutefois, un peu déçu de devoir se réduire à cette sempiternelle dynamique entre eux alors qu'il était venu avec les meilleures intentions du monde. Pourquoi s'était-elle ruée comme une furie hystérique pour l'insulter alors qu'elle avait des tas d'autres personnes plus intéressantes à détester ? Leur dernière rencontre remontant à plusieurs mois, voire années, il aurait pu s'attendre à un accueil plus apaisé, ou tout du moins une indifférence de circonstance. Sa tentative de prêcher le faux pour savoir le vrai sembla faire mouche, car Helen se montra désarçonnée par la perspicacité avec laquelle il avait mis le doigt sur les raisons de sa mine égarée. Sa vaine tentative de se défendre d'aller bien lui arracha un rire perplexe. « Comme quoi la comédie c'est pas qu'une affaire de famille, t'es pas très douée pour mentir. » accusa-t-il en hochant la tête d'un air faussement affecté. S'il se serait attendu à ce que Helen prenne congés pour se consoler d'avoir eu le dernier mot, elle n'en fit rien et resta pourtant plantée devant lui, comme si elle avait besoin d'échapper à quelque chose. Jouant la montre, elle se risqua même à prétendre qu'elle avait de la sympathie pour lui, derrière ses habituels sarcasmes. « Je pensais pas avoir à faire ça ici je t'avoue. Mais je suis pas trop en position de refuser quoique ce soit. Je suis pas venu pour attirer l'attention, je voulais juste être un mec normal pour changer. » se désola-t-il sans se couvrir cette fois de cette impertinence avec laquelle ils échangaient depuis le départ. Il espérait au moins que sa sincériré transparaitrait suffisamment pour avoir une discussion courtoise et constructive le temps de se faire alpaguer de nouveau. Il ne pouvait pas tenir rigueur à Helen de l'accuser d'être venu par intérêt. Au fond, elle n'avait pas tort, même si elle était loin de se douter que ses intérêts étaient aussi nobles qu'une tentative de réconciliation. Une preuve qu'il tenait à réparer le lien qu'il avait brisé de son propre chef en privilégiant sa propre valeur plutôt que celle insoupçonnée de la famille. « Je suis là pour rien d'autre que rattraper le temps perdu. Mais je t'en veux pas de croire que je pourrais avoir des ambitions cachées, j'ai pas brillé par ma présence ces dernières années. Tu sais bien ce que c'est d'être occupé, non ? » demanda-t-il un peu au hasard, dans l'espoir de trouver un point commun sur lequel s'entendre.