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@Ambrose Constantine (crédit gif/hartsrps)

Ce n’était pas aussi curieux que ça de trouver la maison de ses parents vide. Elle l’était souvent à vrai dire, l’immensité des pièces et du terrain laissée aux bons soins d’employés qui passaient pour ne jamais revenir, bien que certains étaient restés fidèles à la famille et étaient aussi récurrents que Tess, la nounou, au service des Barnes depuis la naissance de Baz, même s’il n’y avait plus aucun enfant à materner, désormais. Il n’y avait aucun d’eux aujourd’hui : la nounou passait la journée avec ses petits-enfants, la piscine était filtrée, la pelouse entretenue, les réserves de nourriture soigneusement rangées au même titre que le linge propre qui attendaient d’être utilisé dans les armoires. Parfois, Mavis avait l’impression d’être une invitée dans la maison de son enfance, et quelque part, c’était un peu vrai, cette après-midi. Baz ne rendrait jamais de service à leurs parents, et au fond, sa soeur n’était pas particulièrement enchantée de s’y plier non plu, mais il y avait un facteur déterminant à prendre en compte dans la demande de ses parents de garder la maison pendant leurs vacances dans les îles Turques : il tenait sur quatre pattes, avait le poil brillant et une bouille à faire fondre un coeur de pierre "Roger, doucement." Avec douceur et gentillesse, c’est ce qu’elle dit au chien de la famille quand elle entra dans le vestibule de la maison pour se faire assaillir de coups de museau et de coups de langue, l’enthousiasme de la bête faisant finalement rire la jeune femme qui détourna son attention de lui pour dire à Ambrose qui la suivait de près "Entre, fais comme chez toi. Roger, me fais pas honte en faisant croire à tout le monde que tu vois jamais personne." Ça n’arrêta pas le chien ; ce que son père traitait comme un caprice de ses enfants à l’époque où Marion était partie, il avait été adopté par toute la famille en définitive, et même s'il se faisait vieux maintenant, et que de grosses frayeurs avaient secouées ceux qui tenaient à lui, dont Mavis faisait invariablement partie, il avait encore une vitalité certaine qui la ravissait quand elle venait rendre visite à ses parents. Eux, ils n’étaient pas là aujourd’hui, donc, partis se la couler douce quelque part où il faisait chaud et sec, bien plus qu’ici où le taux d’humidité frôlait l’indécence. Ils devaient toujours être à l’aéroport à l’heure qu’il était, elle n’avait pas vérifié ses messages de la matinée, se contentant de l’information donnée il y avait quelques jours à peine pour venir prendre ses fonctions de gardienne après sa matinée de boulot. Ce ne serait qu’elle, Roger et Ambrose qui fût gratifié du même traitement que Mavis — peut-être parce que l’animal se souvenait de lui, peut-être parce qu’il dégageait quelque qui lui plaisait, peut-être parce que Roger était comme ça, et qu’il aimait tout le monde, elle n’avait pas de moyen de le savoir, et n’essaya pas d’en tirer des conclusions, s’avançant plus loin dans le vestibule pour poser son sac de voyage sur la console de l’entrée, puis ses clefs de voiture sur le petit crochet prévu à cet effet.

Se retournant, elle marqua un temps d’observation d’Ambrose et du chien, et après quelque secondes seulement, elle sembla retrouver le sens de la discussion qu’ils avaient sur le chemin jusqu’à Bayside "T’as toujours pas répondu à ma question." Il savait laquelle, mais une piqûre de rappel ne faisait jamais de mal, et comme Roger se désintéressa soudain d’eux pour retourner au jardin se dégourdir les pattes en aboyant doucement, heureux de ne plus être seul dans cette grande maison, elle pouvait aisément dire qu’elle avait de nouveau toute l’attention d’Ambrose, et pas seulement parce qu’elle s’approcha de lui pour glisser ses bras autour de son cou, c’est évident "Tu restes ?" Anticipant quoi qu’il dirait, elle leva le menton en suivant les mouvements de sa tête avec la sienne, se grandissant juste assez pour le regarder dans les yeux "Pas tout le mois si t’en as pas envie, mais au moins les premiers jours ?" Elle n’avait pas peur de rester seule dans cette maison, mais il y avait une partie d’elle qui trouverait ça dommage de ne pas profiter qu’elle soit vide pour cocher une case dans sa liste de choses à faire dans le dos de ses parents. Et puis, finalement, ça serait  on ne peut plus jubilatoire de passer du temps ici avec Ambrose maintenant qu’ils étaient adultes et qu’ils n’avaient plus personne sur le dos pour les épier et surveiller que leurs pieds restaient bien ancrés dans le sol.

Il a échangé un chat contre un chien et il ne sait quoi en penser, même s’il continue d’apprécier les animaux sans jugement de valeur. Rien ne l’empêche de partager des caresses avec le canidé, rien ne l’empêche d’être heureux de sa présence, et pourtant une part de lui pense qu’il est bien plus fait pour les chats que pour les chiens. Ce n’est de toute façon pas comme s’il lui appartenait. "Roger, doucement." Le chien est doucement remis à sa place par Mavis, même s’il a le droit à une caresse rapide de la part d’Ambrose qui suit la blonde de près. "Entre, fais comme chez toi. Roger, me fais pas honte en faisant croire à tout le monde que tu vois jamais personne." - "J’ai presque l’impression qu’il a grandi." Mais non. Tout au mieux, depuis tout ce temps, il a simplement pris de l’âge. Cela n’empêche pas Ambrose de s’émouvoir un brin de la présence de l’animal, lui qui permet de ne pas leur laisser voir la maison comme bien trop immense et bien trop vide - mais ça, peut-être qu’au fond c’est ce qui a attiré le brun dans l’idée de la suivre en l’absence de ses parents. Il a l’impression qu’ils viennent de remonter dix ans en arrière, une fois de plus, à gagner l’autorisation de parents ou d’autres pour pouvoir inviter des amis à la maison.

Le regard de Mavis se pose soudainement sur lui lorsqu’elle se retourne sur lui. "T’as toujours pas répondu à ma question." Qu’elle le souligne le fait sourire, et sans doute même qu’il joue un brin avec le suspens de l’instant. Il reste silencieux, s’amuse de l’instant, profite de la vision d’une Mavis avec qui il peut passer plus de temps que jamais sans craindre d’être illégitime. "Tu restes ?" Il joue une seconde de plus mais elle reprend avant qu’il ne le fasse. "Pas tout le mois si t’en as pas envie, mais au moins les premiers jours ?" Ses parents sont loin et ils le sont pour bien assez longtemps pour que cela ne consiste pas en un quelconque risque d’une rencontre gênante un jour ou un autre - il sait par ailleurs quel jour ils sont supposés rentrer, l’information étant enregistrée dans son esprit. "T’en as envie ?" Ses mains trouvent le fond de ses poches alors qu’il relâche ses épaules, jouant la simplicité. Peut-être aussi qu’il a besoin à son tour de savoir qu’il ne sera pas éternellement celui à la rassurer, à arrondir les angles, à lui dire ce qu’elle a envie d’entendre parce qu’il n’en pense pas moins de son côté. "Je dois partir trois jours à Canberra la semaine prochaine." Mais ce n’est pas sa question et il le sait. Il n’est pas tête en l’air. "Mais sinon… on peut s’arranger." Il esquisse finalement un sourire rassurant et sans doute aussi rassuré. L’appartement dans lequel il vit lui rappelle trop de souvenirs pour qu’il souhaite y vivre seul à temps plein, de toute façon. "Faut bien s’occuper de cette petite chose." Son regard se pose sur le chien un peu plus loin, lequel est sûrement très bien entouré dans une maison même dénuée de ses maîtres. Il n’est qu’une excuse comme une autre, Ambrose est bien le premier à le savoir. "J’ai l’impression de jamais être parti d’ici." Un brin plus rêveur, il annonce finalement ses mots en posant son regard plus largement autour d’eux. Tout a changé et rien n’a changé en même temps. Le paradoxe est complexe, omniprésent. "Tu reviens souvent chez eux ?" Ou est-ce qu’elle essaie seulement de leur faire un pied de nez en invitant son nouveau petit-ami sans leur avoir sûrement demandé une seule seconde ? L’un comme l’autre, la réponse lui convient plutôt bien.

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Elle savait que tout les ramènerait à une autre époque. Les lieux n’avaient pas changé, ils étaient simplement devenus un peu plus petits parce que Mavis et Ambrose avaient poussés, qu’ils étaient devenus grands, que tout devenait plus petit quand on devient adulte et qu’on se rend compte que tout n’est qu’une question de perspective. Elle qui avait récemment exprimé son besoin de se concentrer sur l’instant présent ne voyait pourtant pas d’inconvénient à remonter le temps pour quelques jours, comme si rattraper le temps qu’ils avaient passé à se faire épier entre les murs de cette maison devenait soudainement important, comme si corriger le tir de quelques mois à entendre dire à droite et à gauche qu’ils étaient un peu trop jeunes pour envisager d’être vraiment en couple soulagerait quelque chose chez la gamine qu’elle était encore à l’époque. Elle n’en était plus une aujourd’hui, elle avait la mainmise sur chaque choix qu’elle faisait, et celui d’emmener Ambrose ici était aussi réfléchi qu’il lui paraissait naturel. Après tout, ils étaient de nouveau ensemble, et la maison, même si tout avait rétréci à ses yeux, restait trop grande pour une seule personne malgré tout.

"Je te poserais pas la question si j’en avais pas envie." Elle pourrait se contenter d’un oui, j’en ai très envie, mais elle préférait insister plus encore, mettre en évidence qu’au-delà de l’envie, ça tombait sous le sens à ses yeux et que, même si elle lui laissait le choix, l’entendre refuser ne lui frôlait même pas l’esprit au fond : il resterait parce qu’elle lui demandait, et c’était aussi réconfortant que le reste. Elle attrapa son sac de voyage, tendit la main à Ambrose pour qu’il la suive tandis qu’il se cherchait des excuses pour acter sa présence et qu’elle, elle le guidait vers l’étage où elle comptait déposer ses affaires. Roger semblait en être une bonne à ses yeux, d’excuse, et elle savait très bien qu’il parlait de lui, mais par malice, elle lui demanda quand même "Quand tu parles de petite chose, tu parles de Roger ou de moi ?" Elle ne lui lâcha pas la main, mais elle le laissa monter les escaliers à ses côtés, un léger sourire fendant son visage, et sa tête dodelinant d’un côté de son épaule, soumise aux impressions qu’il partageait avec elle "Parce que rien n’a changé. Mes parents sont toujours aussi peu présents, la maison est toujours aussi silencieuse et Roger refuse parfois de marcher, mais à part ça, il est resté le même, lui aussi." Il n’y avait qu’eux qui avaient changé, et cette observation était gratifiante d’un côté ; de l’autre, ça lui faisait redouter quelque chose sans savoir quoi exactement. Arrivée à l’étage, elle lâcha la main d’Ambrose, remonta le sac qu’elle portait à l’épaule en répondant à sa question "Souvent, oui. Tess ne supporte pas de savoir que je prends mes repas à heures irrégulières, elle tient à vérifier au moins une fois par semaine que je me laisse pas dépérir à cause du boulot." Elle avait le chic pour en faire trop, mais elle adorait être dorlotée, Mavis "Ça lui fait plaisir de me préparer mes plats préférés. Elle aime bien m’avoir ici, je crois que ça lui rappelle de bons souvenirs." Un peu triste de parler de sa nourrice de cette manière quand elle passait rapidement sur le sujet de ses parents qui se souciaient assez peu, eux, qu’elle soit ici ou pas. Une fois sur deux, ils ne rendaient même pas compte qu’elle était là.

"Je me disais bien que j’avais entendu des voix." Visiblement aujourd’hui, ce n’était pas le cas. Brusquement, Mavis se retourna vers la source de sa surprise et fronça les sourcils en voyant son père sortir de la chambre qu’il partageait avec son épouse, un coude replié alors qu’il sécurisait le bracelet de sa montre qu’il était en train d’enfiler. Avait-elle raté un épisode ? "Qu’est-ce que tu fais ici ?Je croyais que c’était aujourd’hui que —" Aucun délai ne fût accordé à Mavis pour qu’elle termine sa phrase "Urgence de boulot. J’ai dû repasser au bloc il y a une heure avec un patient que j’ai opéré hier." Mavis réfléchit, elle n’avait pourtant rien vu sur le tableau en quittant le service, tout à l’heure "Ta mère est déjà à l’aéroport, je lui ai promis de me dépêcher pour la rejoindre, mais le timing est infernal… bonjour ?" Ce dernier mot, l’adressait-il à sa fille ou au jeune homme à ses côtés ? Difficile à dire. Toujours est-il qu’il se pencha sur la première pour l’embrasser du bout des lèvres — vraiment du bout des lèvres, elles ne touchèrent même pas sa peau —, et qu’il tendit la main au deuxième en le toisant comme il faisait avec tout le monde, posture de dominance d’un homme qui n’avait guère l’habitude qu’on lui vole la vedette "Ambrose Constantine." Il répétait son nom comme pour se convaincre que c’en était un authentique, pas un pseudonyme à rallonge qui sonnait trop poétique pour être vrai, et c’était uniquement pour gagner du temps et assurer à sa réflexion un temps de latence pour faire le point et préparer sa prochaine remarque qu’il prononça la tête doucement inclinée, les paupières plissées "On se voit souvent en ce moment, non ?" "On va déposer mes affaires, d’accord ? Je voudrais pas qu’on te retarde encore plus." intervint soudain Mavis sans donner à personne l’occasion d’ouvrir la bouche, contournant son père en faisant un petit signe à Ambrose pour qu’il la suive jusqu’à la sienne, de chambre "Je descends, vous passerez à la cuisine pour qu’on se dise au revoir." entendit-elle Leon leur dire lorsqu’elle ouvrit la porte. Le temps d’entrer, elle décida de faire comme si elle n’avait pas entendu de son côté, mais lorsqu’elle referma derrière Ambrose, elle lui dit dans la foulée "Si on traîne un peu, il s’impatientera et il partira sans nous dire au revoir."

"Je te poserais pas la question si j’en avais pas envie."
"Donc t’en as envie."

Il penche légèrement la tête et souligne son sourire. Elle ne veut pas le dire mais ce n’est pas grave: il peut le faire à sa place et il peut le faire très bien. Le sujet ne s’éternise pas, sa réponse n’étant pas la clé de voûte de quoi que ce soit. Déjà, Ambrose passe à autre chose et ses pas suivent ceux de Mavis jusqu’à sa chambre. "Quand tu parles de petite chose, tu parles de Roger ou de moi ?" Une fois de plus, il mime une intense réflexion qui n’a rien de réelle, sa capacité à considérer Mavis comme une petite chose étant parfaitement inexistante, autant parce qu’il ne le pense pas que parce qu’il tient à la vie. Il y va de ses petits commentaires, de ses petites remarques, de ses petites blagues. Il se sent à sa place ici, dans cette maison dont il se souvient ma foi pas si mal, où Mavis lui raconte des anecdotes qu’il a l’impression d’avoir connues toute sa vie. L’idée de rester lui semble toujours plus intéressante, maintenant. Pour Mavis, pour l’impression d’être à sa place.

"Je me disais bien que j’avais entendu des voix." Il se retourne tout aussi rapidement que Mavis, surpris par cette voix qui n’était évidemment pas attendue lors de leur petite soirée improvisée. Il laisse les échanges naître entre père et fille, répondant à son premier par une poignée de main forte ne trahissant pas ce qu’il ressent réellement à l’instant même. Ils ne sont plus des gamins, ils n’ont plus besoin d’obtenir l’autorisation express d’un parent pour avoir le droit d’exister sous leur toit - quand bien même, certes, il aurait préféré rester sous les radars. "Ambrose Constantine." - "Monsieur Barnes." Qu’il ait retenu son nom devrait être une bonne chose mais Ambrose a encore besoin de s’en convaincre pour le croire. "On se voit souvent en ce moment, non ?" - "Jamais plus que de raison." - "On va déposer mes affaires, d’accord ? Je voudrais pas qu’on te retarde encore plus." Elle mange ses mots et il ne lui en veut pas, bien conscient de ce qu’elle essaye de faire et surtout ce de quoi elle essaye de les sauver tous les deux. La présence de son père n’a rien d’une bonne nouvelle pour eux et encore moins pour leur petite bulle. Son père leur demande de passer dans la cuisine ; sa fille ne semble pas être de cet avis. "Si on traîne un peu, il s’impatientera et il partira sans nous dire au revoir." Il plisse un instant les yeux, son regard baissé sur le profil de Mavis. De deux doigts, il dégage une mèche de son épaule. "T’es sûre que c’est une bonne idée ?" Parce que lui pense sincèrement qu’agacer Léon ne servirait en rien sa cause, mais après tout il n’est pas celui qui a vécu avec pendant plus de vingt ans. "Parce que je peux nous trouver des occupations, en vrai." Il esquisse un sourire bien plus adulte, une seconde avant de laisser son visage retomber près de son cou, qu’il embrasse tendrement. Le geste ne perdure pas davantage et il retrouve déjà sa position initiale après quelques brèves secondes. "Je pense qu’il est juste etonné de me voir là, et on peut pas trop lui en vouloir." S’il ne se doutait de rien entre eux après la soirée du gala, cela semble désormais être corrigé. "Je peux descendre seul, si tu veux." Si elle ne veut pas rendre des comptes à son père, il ne lui en tiendrait pas rigueur. Il peut lui expliquer la situation lui-même, n’ayant pas peur de se retrouver face à Leon. Après tout, il n’y a rien de honteux à expliquer, ni rien de foncièrement complexe. Ils se sont retrouvés, ils rattrapent le temps perdu, il aime beaucoup sa fille. Rien de plus, rien de moins - et aucune mention d’un autre médecin à l’horizon, évidemment.

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tw: mention d'avortement

Ce n’était qu’un imprévu comme un autre, ce n’était pas si contrariant que ça. Qui plus est, ça ne changeait pas le ressenti principal de Mavis : bien sûr qu’elle voulait qu’Ambrose reste. Qu’importait le temps qu’il passerait avec elle d'ailleurs, elle voulait profiter du temps qu’il leur restait avant ses trois jours à Canberra pour être rien d’autre que des jeunes adultes consentants avec une maison vide à leur disposition. Personne ne leur en voudrait, pas même le père de la blonde qui s’invita donc dans leur installation. Elle avait l’air de redouter sa présence, ce n’était pas tellement le cas en vérité "C’est que Leon, on risque pas grand-chose." fit-elle à Ambrose, appelant son père par son prénom comme c’était dans ses habitudes, tenue de garder une certaine distance avec lui lorsqu’ils étaient à l’hôpital. Il n’était pas du genre sévère, trop détaché du sort de sa fille pour se soucier de qui elle fréquentait en réalité, mais c’était vrai que depuis quelques mois, il s’appliquait souvent à lui demander de quoi il en retournait de ce côté-là. Ça avait tendance à la rendre nerveuse pour des raisons évidentes, lesquelles n’étaient pas qu’elle n’avait rien à raconter, bien au contraire. En fait, c’était depuis qu'il avait appris pour son avortement qu’il la regardait différemment, elle le sentait, tout comme elle sentit les lèvres d’Ambrose dans son cou à cet instant-là. Les pulsations de son coeur s’accélérèrent doucement avant de se réguler rapidement, ses paupières se plissant en ne cherchant pas à connaître la teneur des occupations auxquelles il pensait, en ayant une idée précise qu'elle repoussa par décence, plus que par manque d’intérêt "Je lui en veux pas. Je m’attendais à ce qu’on puisse se mettre plus rapidement à nos occupations, c’est tout." s’amusa-t-elle en fronçant le nez, allant poser son sac d’affaires sur le bord de son lit en passant devant Ambrose avec un air malicieux accroché sur le visage. Il fut remplacé par un léger rire et par un hochement de tête à la négative, ses sourcils se fronçant brièvement en même temps "Non, je vais pas t’imposer cette torture. Mais avant…" Mais avant elle lui donna un vrai baiser, le genre de booster nécessaire pour affronter une situation qui ne devrait pas être si terrible que ça, n’est-ce pas ?

Ils étaient adultes, et jamais ses parents ne lui avaient interdit de ramener quelqu’un ici. Ils rejoignirent la cuisine, Mavis en tête "Je pense souvent à votre résilience à vous, les jeunes." C’est de cette manière qu’il les accueillit, Leon, installé les reins contre l’un des meubles de la cuisine, une tasse à espresso tenu entre deux de ses doigts tandis que, avec son index du côté opposé, il les pointait tour à tour en continuant sur lancée "Je n’aurais pas aimé avoir votre âge à cette époque en particulier pour différentes raisons. En revanche, je le répète, je suis admiratif de la force dont vous faites preuve tous autant que vous êtes. Les jeunes femmes comme toi en particulier, Mavis." Qu’avait-elle fait pour mériter autant d’éloges ? Mavis, droite sur ses appuis, les épaules doucement rejetées en arrière, les paumes appuyées contre l’îlot central de la cuisine, se tourna très légèrement vers Ambrose un air de dire c’est ma fête aujourd’hui, t’as apporté un cadeau ?. Leon, lui, continua en riant doucement en remarquant son air, s’en amusant pudiquement, comme le père si peu présent qu’il était finalement "Ce que j’envie plus que l’époque dans laquelle vous êtes forcés d’évoluer, c’est la liberté que vous avez gagné au sujet de certaines choses, de certains choix…" La manière dont il laissa sa phrase en suspens alarma Mavis. Seulement, elle ne fut pas assez rapide pour intervenir, son père quittant brusquement son coin de cuisine pour se positionner face à sa fille, de l’autre côté de l’ilot central. Pendant quelques secondes, il la regarda, la tête inclinée sur le côté, ses yeux accrochant plusieurs points de son visage avant que le sien ne se remette en mouvement, sa bouche remuant au rythme de ses mots "On n’en a jamais reparlé, mais puisque je vous ai tous les deux sous la main aujourd’hui." "Papa, c’est vraiment pas la peine." Mavis eut un petit rire gêné, sa tête se secouant de droite à gauche, son coeur se serrant quand il dit de but en blanc à Ambrose "Elle est trop pudique, et je comprends, mais vraiment, je tiens à te remercier d’avoir été présent pour elle pendant son avortement." Oh. Non. Elle ferma les yeux fort pendant un très court instant, et puis les rouvrit pour les poser directement sur son père, cet homme brillant, qu’elle détestait autant qu’elle admirait — qu’elle détestait plus qu’elle ne l’admirait, là "L’ambition, c’est un moteur qui broie tout sur son passage, et la sienne…" Il sembla ému, et ça agaça Mavis d’un côté, quand de l’autre, elle se demanda si au fond, il ne regrettait pas un peu de ne pas l’avoir connu, ce satané bébé. Il ne continua pas sa phrase, en entama une autre, parlant pour sa fille, ses jointures blanchissant lorsqu’il attrapa le bord du comptoir pour se donner de la force, sans doute "Elle n’aurait pas supporté d’être arrêtée en si bon chemin, tu sais ? Un bébé, ça aurait ruiné toutes ses chances de venir un bon chirurgien." Il s’adressait à Ambrose maintenant, se tournant juste un peu vers lui pour ajouter, sûr de lui "Merci d’avoir compris ça. Merci surtout de ne pas l’avoir abandonnée sous aucun prétexte, ça veut tout dire, à mes yeux." Il ne laissa pas le temps à l’ambiance de s’alourdir davantage après cette tirade, il frappa brusquement dans ses mains, provoquant un sursaut du côté de Mavis qui n’osa plus regarder Ambrose, surtout quand son père ajouta avec bonhommie "Et puis vous en aurez d’autres, hein ! Vous êtes jeunes, vous avez le temps de vous y mettre. Au moins, vous savez que ça fonctionne de ce côté-là, c’est ce qui compte." Pas si terrible que ça, hm ?

La discussion était semblable à beaucoup d’autres entre un couple et un parent. Elle avait ses singularités comme chaque humain en a, mais il n’y avait rien de bien particulier non plus. Leon testait la patience d’Ambrose sans en abuser et il le testait sans doute tout court, aussi. Jusqu’à une mention particulière, du moins, il jurait que tout se passait plutôt bien. "Elle est trop pudique, et je comprends, mais vraiment, je tiens à te remercier d’avoir été présent pour elle pendant son avortement." Ce n’est qu’après ces mots bien précis qu’il a compris toute l’ampleur de la discussion ainsi que du débat, fort heureusement déjà informé de cet épisode de sa vie par Mavis elle-même. Il ne sait pas s’il aurait su feindre la neutralité s’il l’avait appris sur l’instant. Au lieu de ça, il rapproche doucement Mavis de lui pour poser une main dans le creux de son dos, lui assurant un pilier de chair et d’os autant qu’un soutien véritable. Lorsque le discours de Leon touche à sa fin, il ne la laisse pas la patate chaude entre les mains de la jeune femme et reprend la suite de la conversation. "Ça n'a pas été une décision facile." Il fait dans les généralités. Il n’a jamais connu d’avortement au sein de son entourage proche et encore moins de la part d’une petite amie, mais il peut aisément se douter que cela n’a rien de simple, facile, indolore, rapide ou Dieu sait quoi encore. Même si cette décision était la sienne, cela ne la rend pas synonyme de ces termes pour autant. "On se comprend. Nos carrières sont importantes." Il déporte son regard de Leon pour le poser un instant sur Mavis, hochant lentement la tête pour tenter de la rassurer. Avouer qu’il n’est pas le père de cet enfant et qu’il n’était pas là pour elle à ce moment-là de sa vie n’est pas une idée qu’il nourrit le moins du monde. Il n’y a même pas pensé un seul instant à vrai dire.

L’instant suivant, le père de famille semble avoir retrouvé une bonne humeur qu’Ambrose ne lui connaissait même pas. "Et puis vous en aurez d’autres, hein ! Vous êtes jeunes, vous avez le temps de vous y mettre. Au moins, vous savez que ça fonctionne de ce côté-là, c’est ce qui compte." Il passe outre la provocation, il passe outre la maladresse absolue de ces mots et il passe outre son ignorance évidente quant au fait que son poulain phare a trouvé l’enclos de sa pouliche bien plus de fois qu’il ne se l’imagine - c’est à dire aucune, de toute évidence. "On discute du bon moment." Ils en discuteront peut-être un jour, mais certainement pas pour le moment. Les lèvres d’Ambrose se posent en silence contre la tempe de Mavis, dont il parcourt doucement la hanche de sa main pour la rassurer. "Mais Mavis est formidable, vous avez raison." S’il y a bien une chose de véridique dans tout son discours, c’est bien ce point. Et puisqu’il semble penser qu’ils sont en couple depuis plusieurs mois, Ambrose joue le jeu sans chercher à rétablir une vérité qui causerait plus de mal que de bien. "On ne vous retient pas davantage, vous allez finir par rater votre vol." Surtout, il vaut mieux pour tout le monde que cette discussion s’arrête enfin parce qu’aucun des mots sorti de la bouche de Leon jusque là n’a su arranger d’une quelconque façon la situation, surtout alors qu’Ambrose comprend la terreur de la blonde à ses côtés autant que l’idée qu’elle n’avait sûrement pas envie de reparler de cet épisode de sa vie un jour.

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Ambrose la rapprocha de lui, Mavis ne résista pas. Leon était parti pour un laïus interminable qui impliquait la vie privée de sa propre fille, mais ça ne l’étonnait pas plus que ça. Il avait déjà fourré son nez dans ses affaires, arguant qu’il s’inquiétait pour sa santé, puis une fois rassuré, avait prévenu la seule personne que Mavis ne voulait pas prévenir : Ruben. C’était presque une réédition de la première version de son affront, sauf que cette fois, il tirait des conclusions on ne peut plus fausses qui la mettaient elle dans l’embarras, mais pas seulement. Ambrose était assez délicat pour ne pas moufter plus qu’il n’aurait été en droit de le faire pourtant, et elle lui en était plus que reconnaissante, l’admirant pour le flegme dont il faisait preuve alors qu’elle, elle se retrouvait là, à ne pas savoir quoi dire, son intimité exposée sans que son consentement ne soit invoqué. S’il avait décidé de contre-balancer le discours du père Barnes avec la vérité, ce dernier ce serait confondu en excuse sans aucun doute, il aurait surtout de nouveau cherché à mettre une identité sur celui qui avait mis sa fille enceinte, et il aurait été évident que l’énigme à ce mystère n’aurait pas été à la hauteur de ses préjugés. Il ne jugeait pas Ambrose, Mavis ne le croyait pas en tout cas, mais il paraissait soulagé que la décision de sa fille avait été ce qu’elle avait été, et semblait plus que tout se féliciter d’avoir élevé une jeune femme avec du plomb dans la cervelle, assez en tout cas pour ne pas s’encombrer de la progéniture de quelqu’un comme le jeune homme qui se tenait à ses côtés. Mavis trouvait ça injuste, Ambrose était quelqu’un de bien. Se taisant toujours, elle leva son regard vers le jeune homme, s’appuya juste un peu sur lui en l’entendant souligner qu’ils se comprenaient, qu’ils avaient à coeur leur carrière respective, et ça plus que le reste, c’était vrai, alors ça lui tira un sourire qui se tarit juste un peu lorsqu’il parla de bon moment.

Elle ne chercha pas à reprendre les rênes de la situation tout de suite, elle attendit de sentir que sa gorge se desserrait pour le faire, et après avoir accueillit le baiser d’Ambrose contre sa tempe, elle fit à son père, elle aussi "Ambrose a raison. Maman va s’impatienter, t’as pas envie de ça." Elle se remit à plaisanter comme si c’était courant, comme si elle partageait avec son père autre chose qu’un nom de famille. En le voyant prendre la situation à coeur de cette façon, on aurait pu croire que c’était bel et bien le cas, mais la vérité était toute autre. Une preuve ? La réflexion qu’il fit après qu’Ambrose avait dit que Mavis était formidable "Sa soeur l’était davantage, j’aurais aimé que tu la connaisses." Difficile à entendre, encore plus à avaler. Elle s’y efforça cependant, accompagnant le départ de son père d’un sourire et d’un "Je t’accompagne. Je reviens." qu’elle donna à Ambrose avec un baiser près de sa bouche, ferme mais pas trop, juste pour lui dire merci avant l’heure, ses mains posée sur ses mâchoires. Elle le laissa un instant pour escorter son père jusqu’à la porte d’entrée où il n’y eu qu’une timide embrassade et un ramenez-moi un souvenir qu’il n’entendit pas, déjà disparu derrière le battant. Roger la rejoignit sur le chemin-retour jusqu’à la cuisine, frotta son museau contre son mollet pour récolter une caresse "Je suis désolée." fit-elle à Ambrose lorsqu’elle entra à nouveau dans la pièce, une main s’enfonça dans les mèches brouillonnes de son carré court qu’elle frictionna pour se donner bonne contenance, le contournant en direction de la plaque à induction où elle posa la bouilloire qu’elle avait rempli d’eau au préalable "Je lui dirais plus tard qu’on s’est mal compris, que t’y es pour rien." Est-ce qu’il en avait quelque chose à faire au fond ? Elle était persuadée que non. En réalité, ça la laissait perplexe tout ce tapage autour de ce non-événement — non-événement pour son père, pour Ruben, pour Ambrose, parce que pour elle ? Ça avait été le début de quelque chose de curieux, qui avait fait basculer quelque chose en elle, qui la rendait plus émotive. Elle augmenta la température de la plaque pour se donner bonne contenance, finit par se retourner pour, les reins posés contre le meuble, dans la même posture que son père tout à l’heure, ajouter à l’intention d’Ambrose, son regard accrochant le sien à distance avec un peu plus d’hésitation que d’habitude "Merci d’avoir pris les choses de cette façon, t’étais pas obligé de, tu sais…" t’attribuer l’erreur d’un autre pour me rendre service.

Il ne s’impose pas dans l’au-revoir improvisé entre le père et sa fille, autant parce qu’il n’en a pas envie que parce qu’il sait que ce n’est pas où est sa place. En attendant le retour de Mavis, il se contente simplement de faire le tour de la cuisine par lui-même, s’imaginant des passions qui n’existent pas pour certains meubles ou d’autres. "Je suis désolée." sont les mots qu’elle partage pour marquer son retour. Ce sont aussi ceux auxquels Ambrose ne répond pas dans un premier temps, sa concentration plutôt occupée à observer les gestes qu’elle estime nécessaires et cette eau qu’elle doit impérativement faire chauffer. "Je lui dirais plus tard qu’on s’est mal compris, que t’y es pour rien." - "Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée." Il aimerait sans doute ne pas être associé à cette histoire d’avortement, c’est un fait, mais ce désir ne va pas assez loin pour imposer à Mavis l’autre question qui devrait forcément aller de paire avec celle-ci: si ce n’était pas Ambrose, alors qui ? Tout ça pour dire qu’il peut endosser le rôle. Maintenant qu’ils ont consommé ce mensonge, ils devraient simplement vivre avec. Lui, de son côté, n’est sans doute pas à ça près. Il espère simplement que Leon ne cherchera pas davantage dans son historique et dans les dates de la fin de ses fiançailles avec Cassie, laquelle ne correspond pas le moins du monde pour que cette histoire avec sa fille ne soit pas le fruit d’une liaison. Quelle ironie, s’il devenait l’homme trompeur de cette histoire.

Elle donne un coup de cravache à la plaque avant de poser son attention sur le brun, qui n’a toujours pas bougé de sa position comme si elle était marquée d’une croix sur le sol. "Merci d’avoir pris les choses de cette façon, t’étais pas obligé de, tu sais…" Il sait, oui. Il n’y a pas plus à en dire. "J’aurais aimé que tu connaisses plus Norman. Il était occupé mais il n’était pas… comme ça." Aussi peu intéressé par la vie de ses enfants, même adoptifs. Il ne sauvait pas des vie mais il avait un quotidien tout occupé que celui de Leon, et pourtant ça n’a jamais contribué à faire de lui un aussi mauvais père que ce que le patriarche Barnes semble s’évertuer à montrer depuis qu’Ambrose le connaît. A chaque nouveau mot de sa bouche, il se demande comment Ruben peut lui vouer une dévotion aussi immense. Il est peut-être bon dans son travail (il l’espère), mais cela ne peut pas tout excuser. Tout ce qu’il dit, c’est qu’il aurait aimé qu’elle puisse avoir un soutien familial comme lui a pu en avoir un, parce que c’est ce que n’importe quel gamin devrait mériter, et c’est sûrement ce qui a poussé Mavis à ne pas en vouloir, de cet enfant. "C’était ta décision ou la sienne ? Le bébé ? " Et par “sienne”, elle comprend sans nul doute que le sujet vient de passer de Leon à Ruben ; et par le bébé, il est question de la décision de ne pas en avoir, justement. Autant de précisions dont elle n’a pas besoin et dont il les préserve tous les deux. "T’avais pas envie qu’il remette ça sur le tapis et moi j’avais pas envie de le pousser à se poser trop de questions." Il a vu en Ambrose le coupable idéal, ce qui a étrangement viré aux remerciements, et pour rien au monde il ne voudrait revivre cette scène. Il a répondu ce qu’il avait à dire et il espère qu’ils n’y reviendront plus jamais. "Je connais déjà la réponse mais… Il était sérieux ? Quand il m’a remercié ?" Il n’a pas besoin de l’aval de son père. Ou tout du moins, s’il aurait apprécié le consentement de n’importe quel parent, il avait pour cela besoin d’un contexte un brin différent que la discussion passée ne leur offrait pas. Il veut être reconnu, oui, mais il veut être reconnu pour ce qu’il fait de bien. Et même s’il avait été le père du bébé en question, jamais il n’aurait pu accepter les mots de Leon. La preuve en est dans la mine qu’il affiche, incapable de cacher un début de dégoût de sa personne et de sa façon de penser.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/hartsrps)

A la réponse d’Ambrose, Mavis eut un tout petit rire. Elle rejeta la tête en arrière juste pour anticiper et accompagner le tour qu’elle fit sur elle-même pour affronter son regard, lui dit en même temps "Pourquoi ? Je compte pas lui parler de la personne responsable de cette histoire." Cette histoire pour ne pas dire autre chose, surtout pour ne pas utiliser le champ lexical de la grossesse, de la maternité, et tout ce qui lui rappelait qu’à l’heure actuelle, si les choses avaient été différentes, elle aurait été la maman d’une petite chose de plusieurs mois déjà qui auraient sa blondeur et les yeux de son papa. Elle continua sur sa lancée, l’une de ses épaules se haussant en même temps "Au pire, il pensera que c’est le résultat d’une histoire d’un soir, et ce sera presque la vérité. J’ai pas besoin d’être plus précise que ça, et t’as pas besoin d’en faire une affaire personnelle. T’y es pour rien." Elle le lui disait sans aucune agressivité, déroulant tout simplement le fil de sa pensée en restant rationnelle sur le sujet. Elle savait qu’il avait raison pourtant, que les chances que Leon veuille dans tous les cas connaître le nom de la personne en partie responsable de l’état de sa fille restaient élevées et qu’il ne lâcherait jamais l’affaire sur le sujet. Elle ne comprenait pas pourquoi c'était aussi important, d’ailleurs. Est-ce que ça l’inciterait à remettre sa valeur en perspective ? Est-ce qu’il l’apprécierait davantage si l’homme en question répondait à ses critères ? Est-ce que, suite à leur conversation, il était en train de la maudire de s’être fait mettre enceinte par un politicien et pas par un médecin ? Leon choisissait ses batailles avec soin, ça la faisait sourire, et pas de joie ; jusqu’alors, il ne s’était guère intéressé à ce qui pouvait arriver à sa fille en dehors du périmètre strict de ses études, et visiblement, Ambrose s’en était aperçu. Elle perdit graduellement son sourire, haussa les deux épaules cette fois en ne sachant pas quoi répondre à ça, cette comparaison qu’il faisait entre son oncle et son père, lesquels jouissaient du même genre de standing et d’occupations dans des domaines bien différents, cependant "On s’y fait, Ambrose." fut la seule remarque qu’elle apposa à celle du jeune homme, se détournant de ses yeux et de son jugement en l’espace d’un nouveau tour sur elle-même, se concentrant à nouveau sur la bouilloire qui mettait trop de temps à chauffer à son goût.

Elle était soulagée de lui tourner le dos quand il rouvrit la bouche ; la sienne se ferma pour qu’elle puisse retenir sa respiration pendant quelques temps, la régulant doucement, surement. Elle non plus n’avait pas prévu de parler de tout ça, et elle n’en avait pas plus envie maintenant que tout à l’heure. Elle les sentait encore, les douleurs qu’elle avait ressenti, et elles n’étaient pas que physiques. Elle se souvenait de la réaction de Ruben à l’annonce de tout ça, elle se souvenait de comment les choses s’étaient délitées par la suite et de comment ça avait creusé quelque chose de curieux en elle, comme si l’espace laissé vide dans son ventre n’avait jamais retrouvé sa forme originelle, la faisant avancer tous les jours avec le poids du et si ? sur l’abdomen. Ambrose voulait connaître l’histoire, elle le comprenait, mais elle lui en voulait peut-être un peu de vouloir faire ça maintenant, alors qu’elle accusait encore la gêne d’avoir été soumise à ce sujet par son propre père qui, malgré son expérience, malgré sa sagesse, avait clairement manqué de tact aujourd’hui. Elle espérait qu’Ambrose en aurait plus que lui quand elle se déciderait enfin à lui répondre. C’est ce qu’elle fit, relâchant sa respiration sans se retourner pour autant, les yeux focalisés sur le chiffre rétroéclairé sur la plaque à induction "La mienne. Je l’ai pas mis au courant, je savais ce qu’il me demanderait de faire, alors j’ai pris les devants." Elle pinça les lèvres, se souvint en même temps de la confirmation faite par Ruben lorsqu’ils avaient enfin parlé de tout ça et qu’il lui avait dit qu’elle avait pris la bonne décision, que c’était ce qu’il attendait d’elle et de la relation qu’ils entretenaient. Elle l’avait protégé de tout ça, et pourquoi finalement ? Elle ajouta "C’est Leon qui lui en a parlé." Il voudrait en savoir plus à ce propos, elle n’attendit donc pas qu’il l’interroge "Il a su que j’étais passée au bloc en décembre, il a vérifié dans mon dossier médical pourquoi, et au lieu de m’en parler à moi, il a préféré en parler avec Ruben en lui demandant de prendre soin de moi, c’est pas ironique ça ?" Assez pour lui arracher un autre petit rire qui se termina par une profonde inspiration alors qu’elle se sommait de se retourner pour regarder Ambrose à nouveau "Toutes les questions qu’il serait susceptible de se poser, il ne me les posera jamais à moi, ou alors s’il trouve le courage de le faire un jour, il préférera tourner autour du pot, ou envoyer quelqu’un les poser à sa place." Comme il avait envoyé quelqu’un à sa place pour la réconforter après avoir appris ce qui s’était passé. A ce stade, Mavis n’était même pas certaine que sa mère était au courant de quoi que ce soit, elle n’était même pas certaine que ça lui fasse quelque chose, de toute façon.

En observant Ambrose, elle s’avisa que tout ça lui laissait un goût amer, voyant le dégoût fausser la beauté de ses traits, et elle le comprenait. Elle secoua la tête, délogea ses yeux du point d’ancrage que constituait la personne qu’il était pour les poser brièvement sur le plafond sur lequel elle ne vit rien de plus que le lambris laminé de blanc qui donnait à l’ensemble de la cuisine des allures de cabine de bateau "Il pensait bien faire, j’imagine." Leon était détaché du sort de ses enfants toujours vivants, la plupart du temps, avançant avec le souvenir de celle qu’il avait perdue et qu’il ramenait sans cesse à la vie en la comparant aux autres, en imaginant tout haut ce qu’aurait été son destin en l’entrechoquant à celui de son fils et de sa fille qui jamais ne seraient à la hauteur, c’était évident. Elle soupira, ne baissa pas les yeux tout de suite "Ça doit l’avoir rassuré que je sois avec quelqu’un qui sait prendre ses responsabilités. Je comprends pas vraiment ce qui s’est passé moi non plus." finit-elle par avouer, ses bras se croisant sur sa poitrine, son regard quittant le plafond pour retrouver celui d’Ambrose, l’eau commençant à clapoter doucement dans la bouilloire venant rompre le doux silence qui retomba l’espace d’un instant.

Il n’est pas sûre que le dédouaner de la grossesse de Mavis soit une bonne idée, et pourtant Dieu sait qu’il a à cœur d’apparaître comme le gendre idéal. "Pourquoi ? Je compte pas lui parler de la personne responsable de cette histoire." De ça il ne doute pas, mais il n’est pas aussi serein en ce qui concerne l’avenir et tous les éléments du futur qu’il ne contrôle pas : la nouvelle pourrait venir de n’importe qui, de n’importe où, et elle n’est à l’abri de rien. Même s’il est évident qu’elle ne compte pas dévoiler à son père son amour fou (c’est le cas de le dire) pour Ruben et là où cela a pu les mener tous les deux, cela ne l’empêche pas d’être serein sur le sujet. "Au pire, il pensera que c’est le résultat d’une histoire d’un soir, et ce sera presque la vérité. J’ai pas besoin d’être plus précise que ça, et t’as pas besoin d’en faire une affaire personnelle. T’y es pour rien." - "Autant le laisser croire en ce qu’il veut pour le moment." Ils n’y perdent rien, étrangement. Son père semble être heureux de faire face à l’homme qui aurait pu la mettre enceinte et suivre avec elle l’avortement. Il accepte cette histoire qu’il a lui-même tissée de toutes pièces ; ils devraient laisser ce joli mensonge à sa place, surtout alors qu’il permet de colmater tous les trous et autres zones d’ombre. "On s’y fait, Ambrose." On ne devrait pas, mais il n’y a sûrement rien de plus à en dire.

Maintenant, le sujet est lancé. Les questions demeurent, plus que jamais vivaces. Il savait que Mavis avait vécu une épreuve du genre, oui, mais il n’a jamais posé de questions sur ce point. Il n’en sait pas grand chose, et il estime qu’il a malgré tout le droit à un début de quelque chose si Mavis et lui se décident réellement à former un couple, ce qui va de pair avec une confiance et une connaissance mutuelle. "La mienne. Je l’ai pas mis au courant, je savais ce qu’il me demanderait de faire, alors j’ai pris les devants." Il reste en retrait, à peu près certain qu’elle n’a pas envie de son empathie pour le moment, même s’il s’imagine déjà la serrer dans ses bras et lui murmurer qu’il est désolé, même s’il n’y est pour rien. Au fond, il n’est pas aussi assuré que Mavis au sujet de la réponse de Ruben, mais il ne nie pas non plus qu’elle connaît bien plus son aspect carriériste que c’est le cas pour Ambrose. "C’est Leon qui lui en a parlé." De ça aussi, personne ne devrait avoir à s’y habituer. Il hoche la tête même si elle lui tourne toujours le dos. Du reste tout autant, il ne peut tomber d’accord, bien plus dégoûté par l’attitude de son père que ce qu’il le voudrait. Une part de lui pense que Leon a cherché à bien agir, mais il sait bien plus encore qu’il s’y prend mal, affreusement mal. Ruben n’aurait jamais dû être impliqué dans cette histoire et tout le monde à l’exception de Leon s’en rend sans doute compte. S’il a jugé bon de parler au Hartfield au sujet de cette histoire, il jugera sans doute tout aussi bon de l’avertir de l’histoire naissante entre sa fille et Ambrose. Pour l’heure, cela représente bien le cadet des soucis d’Ambrose qui est loin d’y penser réellement. "Il pensait bien faire, j’imagine." - "On sait tous les deux qu’il s’y prend mal." Parce qu’il n’a pas bien fait, à aucun niveau. Il n’a aidé personne, pas même la moindre cause. Le ton du brun reste dur mais il continue de penser que si on ne sait pas y faire avec son enfant, alors certains devraient y penser à deux fois avant de se lancer dans une telle aventure.

"Ça doit l’avoir rassuré que je sois avec quelqu’un qui sait prendre ses responsabilités. Je comprends pas vraiment ce qui s’est passé moi non plus." Elle devrait utiliser le conditionnel, parce qu’elle est justement bien placé pour savoir qu’Ambrose n’a pris aucune responsabilité dans cette histoire qui ne le concerne pas le moins du monde et pourtant il comprnd sans doute le besoin qu’elle a d’acter l’idée qu’il est dans son camp et le restera. "J’ai envie d’avoir un enfant, tu sais." Elle ne sait sans doute pas, mais elle s’en doutait sûrement. Avoir mis le sujet sur le tapis l’a fait réfléchir à la question. "Pas mille, mais un. C’est bien, un. Pas de suite non plus." Il aime sa famille mais il ne veut pas reproduire le schéma du nombre. Il veut un enfant dont il aura le temps de s’occuper malgré son travail prenant. "Je remets pas en question ta décision. Je suis pas en train de te dire que c’est mal, ou une connerie du genre." Qu’elle a ôté la vie à un être vivant, ou n’importe quelle merde moralisatrice et accusatrice. Il ne lui dirait jamais ça, notamment parce qu’il ne le pense pas. "Mais si jamais la question venait à se poser à l’avenir… Je veux juste que tu saches que je suis pas Ruben." Qu’elle ne prenne pas son esprit carriériste pour acquis, parce qu’il trouve ses limites dans la notion de famille. Qu’elle ne décide de pas de mettre un terme à une possible grossesse à nouveau en pensant le faire pour eux deux - et quand bien même il sait qu’elle ne risque pas de tomber enceinte tous les quatre matins par accident, merde, il n’est pas stupide. Il parle de jamais ô grand jamais. "Pour ce sujet comme pour tous les autres, on peut en parler." Elle n’a jamais connu de relation du genre et, malgré ses grands airs, Ambrose non plus. Pourtant, il tente d’apprendre comme il le peut, en prenant comme exemple des figures inexistantes dans son entourage: James et sa fausse femme, Malone et sa femme divorcée, August et la fille qui l’a planté devant l’autel et Flora l’éternelle célibataire. Sans oublier Norman et une femme qui lui a donné un enfant avant de rester à l’autre bout du monde. Il n’y a aucun exemple qu’il souhaite suivre parmi eux tous, raison pour laquelle il tente de se créer sa propre voie, sans doute un peu trop bercé par les romans idéalisés de ses amis, ou ceux de la culture pop. "J’arrête de jouer au vieux con." Il souffle finalement, bien décidé à ne plus laisser Mavis seule après la discussion qu’elle vient de vivre avec son père, raison pour laquelle il l’enlace tendrement, passant ainsi ses bras autour d’elle pour mieux arrêter la bouilloire derrière elle et lui servir une tasse. "Je repars pas d’ici sans avoir mis le nez dans toutes tes photos honteuses d’enfance." Et ça, il le lui murmure contre l’oreille, tel le pire secret que ces murs auraient pu entendre pour aujourd’hui.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/hartsrps)

Laisser Leon s’imaginer ce qu’il voulait au sujet du père de l’enfant de sa fille, ce n’était pas un plan infaillible, surtout quand on connaissait la personnalité du père en question. Elle n’avait pas la foi de le faire entendre à Ambrose cependant, voulant plus que tout que cette discussion finisse et qu’ils puissent vaquer à autre chose qu’à remuer le couteau dans la plaie à peine refermée qu’elle avait au milieu du ventre. Elle se mit à réfléchir, mais aussi à espérer que cette fois, Leon tiendrait sa langue et n’irait pas crier sur tous les toits à son petit protégé qu’il avait enfin mis un visage sur une erreur et qu’il ne désignerait pas Ambrose comme le responsable ; c’est là que le plan risquerait de s’effondrer. Ruben avait trop d’orgueil pour accepter qu’on s’attribue ses accomplissements, il en avait autant pour accepter qu’on s’attribue ses méfaits. Elle se souvenait de leur discussion lorsqu’il avait appris son avortement, elle se souvenait surtout de sa proposition de parler de leur liaison à Leon pour qu’il laisse sa fille tranquille : pour restaurer son honneur, laquelle résidait davantage dans le maintien de sa si précieuse masculinité, il serait bien capable d’enfin lui en parler sans même consulter Mavis histoire d’effacer Ambrose du tableau et récupérer sa place. Jusqu’à présent, ce n’était pas une idée qui l’effrayait outre mesure, consciente que Ruben avait tant à perdre qu’il était piégé au fond. Mais compte tenu des derniers rebondissements dans toute cette histoire, peut-être ne verrait-il plus aucun inconvénient à se montrer plus honnête avec son entourage en se disant qu’il avait déjà tout perdu ? Elle s’égara dans cette éventualité, resta silencieuse lorsque le jugement d’Ambrose se conclut par une vérité qu’elle ne discuta pas outre mesure, sachant mieux que quiconque que son père n’était pas celui de la décennie. Il n’était pas le pire, c’est comme ça qu’elle se réconfortait.

Et du réconfort, elle en aurait besoin quelques minutes encore, la discussion prenant soudainement une tournure qui la fit éclater très doucement de rire d’abord, froncer les sourcils ensuite. J’ai envie d’avoir un enfant, tu sais "Hmm." C’est la seule chose qu’elle réussit à articuler pendant que, baissant la tête vers Ambrose, elle essayait d’estimer s’il était sérieux. Et il semblait l’être. Elle entendait le son de sa voix, elle voyait sa posture, et elle comprenait que c’était une annonce officielle ; du genre à être soulevée après plusieurs années de relation, pas quelques jours à peine. A nouveau, elle rit, une légère secousse qui fit remuer ses épaules, ses traits se fronçant plus fort lorsqu’elle reprit son sérieux "C’est pas un peu trop tôt pour avoir ce genre de discussion ?" Ce n’était pas un peu trop tôt pour se montrer aussi catégorique sur l’idée que c’était avec elle qu’il le voulait, ce seul enfant parmi les mille qu’il pourrait avoir avec une autre ? Qu’il rajoute qu’il ne le voulait pas tout de suite, ça n’arrangea pas grand-chose au sentiment qui l’animait et qui avait tout à voir avec la peur, rien à voir avec la possibilité qu’il la juge à propos de ses choix. Elle se montra clair à propos de ça "Même si tu remettais en question ma décision, ce serait un peu tard dans tous les cas." lui fit-elle remarquer. Dans quelques semaines à peine, ça ferait un an qu’elle a appris pour sa grossesse ; dans quelques mois, ça ferait un an qu’elle a pris sa décision, et ce pour le meilleur… revenir en arrière n’avait jamais été dans ses aptitudes, elle préférait tourner la page et avancer, surtout sur ce sujet. Finalement, elle prit une profonde inspiration "Ça s’est passé il y a des mois, Ambrose. J’ai pas envie de me torturer à nouveau l’esprit, on peut changer de sujet ?" S'il te plaît, lui lancèrent ses yeux. Elle comprenait qu’il essayait de bien faire, de s’amender des erreurs commises par celui qu’il aimait au point d’accepter qu’il lui fasse subir tout et n’importe quoi, mais s’il voulait juste lui dire qu’elle pouvait lui faire confiance, elle estimait qu’il y avait d’autre façon de le faire que de mettre son envie d’avoir un enfant au centre d’une conversation qui avait débuté par débat autour de son avortement.

Elle passa sa langue sur ses lèvres, la fit rouler tranquillement en détournant les yeux du profil d’Ambrose avant de la ranger dans sa bouche et de l’appuyer si fort contre son palais qu’elle entendait la pression monter dans ses oreilles. Ses bras étaient toujours croisés sur sa poitrine, ses doigts s’enfonçant dans ses côtes lorsqu’elle s’intima de dire quelque chose "D’accord. C’est noté." réussit-elle à donner à Ambrose qu’elle regarda s’approcher, le menton se levant pour mieux le suivre, le sentiment qui grouillait dans son ventre la rendant plus réfractaire à plaisanter sur leurs moyens de contraception. Si elle l’avait voulu, la bouilloire lui aurait coupé le sifflet de toute façon, tout comme Ambrose qui se chargea, lui, de couper le feu, les bras passés autours d’elle, la bouche effleurant son oreille pour lui murmurer quelque chose qui lui fit plisser les yeux. Elle dut se sommer de laisser toute cette discussion derrière eux pour profiter des instants qu’ils passeraient ensemble ces prochains jours… parce qu’il restait, c’était établi maintenant, non ? Elle fronça le nez, attendit qu’il la regarde en face pour lui faire avec plus de malice "Je te laisse mettre le nez dans les albums de famille à une seule condition." Qui était ? "Que t’acceptes de jouer à Mavis ou Marion ? Et si tu te poses la question : bien sûr que c’est un test." Pour jauger à quel point il l’appréciait — elle l’espérait assez pour ne pas la confondre avec l’autre. La tête penchée, ses mains longèrent lentement le torse du jeune homme, de ses épaules à son bassin sur lequel elle finit par les poser, et lui expliqua "J’ai pas beaucoup de photos de moi seule quand j’étais petite. Jusqu’à un certain âge, je suis toujours avec ma soeur sur quasiment tous les clichés." Et jusqu’à un certain âge, elle s'était rendu compte que, Marion partie, des photos de Mavis, il n’y en avait plus autant que ça dans les albums de famille "C’est Baz qui l’a inventé, tu comprends pourquoi les règles sont plutôt simples." ajouta-t-elle dans un sourire en coin, se décollant doucement du meuble derrière elle pour venir piquer les lèvres du jeune homme avec un baiser, espérant que ce dernier allége le poids qu'elle sentait peser sur sa poitrine après cette discussion qu’elle n’aurait voulu avoir ni maintenant ni jamais.

Le moment est mal choisi et il pourrait parier tout l’or du monde sur l’idée que Mavis préférerait qu’ils clôturent cette discussion pour ne jamais revenir dessus mais il ne sait pas y faire, c’est plus fort que lui. Sur l’instant, il n’arrive pas à se la fermer, son besoin de transparence se faisant une bonne excuse soudaine. "Hmm. C’est pas un peu trop tôt pour avoir ce genre de discussion ?" Si, bien sûr. Il n’est peut-être pas très expérimenté en amour, effectivement, mais il peut au moins l’avancer avec certitude: personne ne parle enfant après quelques jours à peine d’une relation retrouvée, et sans doute encore moins à leur âge. « Je parle de façon générale. » Il aura un enfant, et si ce n’est pas avec elle alors ce sera avec une autre le moment venu. Il veut qu’elle le sache ; aussi horrible l’annonce puisse-t-elle entre : il aura une descendance, il laissera sa marque sur ce monde d’une autre façon que par son métier. L’idée de rester avec Mavis pendant longtemps a tout pour le rendre heureux, il n’est pas déjà en train de chercher une excuse pour rompre, mais il veut simplement qu’elle sache dans quoi elle met les pieds parce qu’il existe des sujets sur lesquels il se montrera à jamais inflexible, celui-ci se trouvant parmi la tête de liste. "Même si tu remettais en question ma décision, ce serait un peu tard dans tous les cas." Evidemment, oui. Ce n’est de toute façon pas le cas, et même si elle devait tomber enceinte de lui demain, il comprendrait tout autant son désir de ne pas aller au bout de la grossesse. Elle a ses droits et ils sont pleins et entiers en ce qui concerne son propre corps. "Ça s’est passé il y a des mois, Ambrose. J’ai pas envie de me torturer à nouveau l’esprit, on peut changer de sujet ?" Comprenant enfin qu’elle ne souhaite pas aller plus loin sur ce sujet, il hoche la tête et abdique dans le même élan. Ils ont le temps, et ils n’ont surtout pas la nécessité d’en parler davantage pour le moment. « Oui, désolé. » Ses excuses sont sûrement les bienvenues à en juger par sa maladresse, raison pour laquelle il les transmet sans y penser davantage.

La conversation bifurque sur un autre sujet après une étreinte et un baiser, véritable cliché de ces couples qui se réconcilient avec des gestes tendres. Ils n’étaient pas non plus en train de se disputer, en réalité, mais cela commençait à en avoir tout l’air. Ambrose désamorce la situation en changeant drastiquement de sujet, préférant les albums de famille aux histoires d’avortement et d’adultère. "Je te laisse mettre le nez dans les albums de famille à une seule condition." Et il l’écoute, les yeux brillants, son regard tout sauf objectif sur le visage d’une Mavis aux allures de peinture de la renaissance. "Que t’acceptes de jouer à Mavis ou Marion ? Et si tu te poses la question : bien sûr que c’est un test." Elle laisse ses mains glisser sur le torse d’Ambrose et il la laisse faire, tout comme il la laisse l’embrasser à la fin des explications données pour ce nouveau jeu. « Je relève le défi. Si je gagne, j’ai le droit de prendre une photo de la pire photo de ton album. » Il laisse la photo imprimée à sa place mais en gardera un souvenir dans son téléphone, prêt à la ressortir à tout va face à Mavis, déjà assuré de sa victoire. Marion est un souvenir paradoxal dont il ne sait pas quoi faire, sa disparition continuant encore et toujours à le hanter aujourd’hui. « Salon. Cinq minutes. » Le rendez-vous est donné façon militaire, chacun bien au fait de ses nouvelles tâches: Mavis prend ce temps pour souffler et se faire un thé ; Ambrose l’occupe à chercher où peut bien se trouver un fichu album de famille dans une immense demeure. Et ils ne reparleront plus jamais de la discussion avec Leon.