Price of pretense
@Greta Moore

Fin août 2023 - Gold Coast

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C’est sous le soleil étonnamment intense d’un Gold Coast en plein mois d'août que Shaun sortit d’une voiture de luxe, conduite par un chauffeur et escorté par un homme d’un âge avancé. Une soixante d’années bien entamées, l'homme aux allures de mania de la finance arborait fièrement son jeune adonis au bras, pas peu fier de se présenter devant cet hôtel 5 étoiles en compagnie d’un Shaun Sullivan en costume bleu marine impeccable, jouant son rôle à la perfection. Ses yeux pétillaient d’un intérêt feint, de nombreuses coupes de champagne aidant, et il riait aux blagues de son client tout en effleurant d’une main délicate le bras du presque septuagénaire, sans jamais franchir la limite de l’exagération, tout en finesse. Ce n’était pas la première fois que Shaun montait les marches de cet établissement de luxe en compagnie de ce client et malgré la saveur amère de sa présence à ses côtés et le but final de leur rendez-vous, Shaun arrivait malgré lui à admettre qu'il appréciait sa compagnie, dans un certain sens. Ça lui changeait de tous ces hommes n’assumant pas leur homosexualité qui lui donnaient rendez-vous directement dans leur chambre ou qui prétendaient de ne pas être intéressés de façon méprisante en public avant de lui envoyer quelqu’un pour négocier un moment tarifé en privé. S’il n’avait pas autant besoin d’argent, Shaun aimerait prendre un malin plaisir à leur refuser l’honneur d’un instant avec lui. Mais c’était inenvisageable pour le moment. « Tout va bien ? » lui demanda une voix, le tirant de ses pensées qui avaient ternis son sourire. « Oh. Oui, oui tout va bien ne t’en fais pas ! » finit-il par répondre à son client dans un sourire suffisamment convaincant pour passer à autre chose. Ils passèrent les portes de l’hôtel, entrèrent dans le hall et finirent par arriver dans l’ascenseur. Shaun ne fut pas surpris que ce soit ce moment qu’ait choisi l’homme qui l’accompagnait pour commencer à l’embrasser avant qu’ils n’arrivent tout deux dans la suite, une trentaine d’étages plus haut. Après environ une heure et demi dans la chambre, Shaun en ressortit seul, une enveloppe épaisse entre les doigts qu’il s’empressa de ranger dans la poche intérieur de son costume. D’un pas presque automatique et absent, le regard figé dans le vide, il parcouru le couloir, pénétra dans l’ascenseur et redescendit les trente étages comme on remet les pieds sur Terre. Ce n’est qu’une fois arrivé à l’extérieur, un peu plus loin sur un trottoir, qu’il eut l’impression de respirer enfin. Il sortit discrètement l’enveloppe de sa poche et effleura les nombreux billets du bout des doigts, symbole d’une liberté éphémère. Une part de lui avait envie d’aller au casino, là maintenant, pour jouer et boire jusqu’à oublier son propre nom. Mais une autre part lui promettait un avenir meilleur s’il réussissait à mettre cet argent de côté, à payer une partie de ses dettes avec et à économiser le reste. Shaun décida de marcher un peu pour s’éclaircir l’esprit et quelques mètres plus loin son regard fût attiré par la vitrine d’un café branché qu’il n’avait pas remarqué jusqu’alors. Il se figea dès qu’il la vit. Là, assise à une table près de la large baie vitrée, se trouvait Greta. Son amie londonnienne qu’il connaissait depuis maintenant 5 ans et qui n’avait évidemment aucune idée de ses activités d’escort. Un millier de questions lui traversèrent l’esprit alors que ses yeux n’arrivaient pas à quitter ceux de Greta qui le fixait avec un mélange d’amusement et de surprise dans le regard. Il essaya de se rassurer. *Peut-être qu’elle vient d’arriver, qu’elle ne m’a pas vu rentrer dans l’hôtel. Peut-être qu’elle fait cette tête de fouine simplement parce qu’elle est surprise de me voir habiller en costume 3 pièces sous 25 degrés.*  Il déglutit avec difficulté et réussit à lui décrocher un sourire peu convaincant, ayant des difficultés à dissimuler son angoisse face à la situation, puis articula un « J’arrive » muet accompagné d’un signe de main pour indiqué qu’il la rejoignait à sa table. Une fois hors de sa vue, dans le hall du café, il prit une profonde inspiration, son cœur ne s’étant pas ralenti depuis la seconde où il avait croisé son regard à travers la vitre. Il aurait pu prendre la fuite mais ça n’aurait pas arrangé la situation. Alors il s’avança vers son amie, ayant pris quelques secondes pour se ressaisir et feindre une attitude décontractée. « Hey, salut toi ! Qu’est-ce qui t’amène à Gold Coast ? » il s’installa en face de Greta et commanda un café glacé au caramel lorsque le serveur vint jusqu’à lui très peu de temps après. « Ca fait longtemps que t’es là ? » demanda-t-il innocemment histoire d’évaluer la situation, continuant d’espérer qu’elle ne l’avait peut-être pas vu arriver à l'h'ôtel juste en face il y a moins de deux heures. Son café arriva quelques minutes plus tard et il se mit a le siroter d’un air distrait avant de lever les yeux vers la londonienne qui ne le quittait pas du regard. « Quoi ? J’ai un truc sur le visage ? ».

Le soleil normalement timide du mois d’Août brillait plus qu’à l’accoutumée et le parallèle avec sa vie délestée de la plupart de ses problèmes qu’y voyait Greta l’avait amenée à s’accorder une pause sur la côte. Elle pouvait se le permettre, la promotion de Nine, la biographie de Rhett, s’achevait après plusieurs mois intenses et les quelques dernières apparitions à laquelle elle devait se prêter lui avaient laissé un grand besoin de prendre un peu de repos. Seule. Parce que si les choses avec Arthur avançaient, elles avançaient bien trop vite pour que cela ne lui amène pas tout un tas de questions qui l’empêchaient de réellement retrouver son énergie lorsqu’elle était avec lui. C’était également l’occasion pour elle de tenter de trouver un peu d’inspiration pour la suite, en regardant un paysage ou simplement les gens passer pour imaginer ce à quoi pouvait bien ressembler leurs vies. L’exercice lui avait toujours plu, et même si elle savait qu’elle ne se remettrait pas à écrire aussi vite après la publication, Greta savait aussi à quel point elle risquait de se retrouver dans une impasse pendant de longs mois si elle ne commençait pas ses efforts rapidement. Alors elle avait repris des habitudes qu’elle chérissait depuis son arrivée à Brisbane, se commander un café d’une taille démesurée pour pouvoir presque fusionner avec la chaise de l’endroit qu’elle avait désigné comme son refuge pour la journée. Alors qu’elle cherchait l’endroit idéal, son regard avait été attiré par une figure familière. Difficile de ne pas reconnaître Shaun alors que ces deux-là passaient énormément de temps ensemble, mais le hasard avait laissé Greta le fixer encore un instant avant de se convaincre qu’il s’agissait bien de lui. Elle aurait voulu l’appeler, mais il était accompagné, et elle intriguée. Elle ne savait pas si son réflexe de choisir le café juste en face était dû à ses récentes activités qui avaient consisté à creuser le passé des différents personnages de la biographie mais c’était ici qu’elle avait choisi de s’installer - au cas où.

Ce café-là était calme, probablement parce que les boissons y étaient hors de prix, et c’était finalement et heureusement parfaitement ce qu’elle recherchait. Non pas cette idée de baigner à nouveau dans le clinquant mais bien ce sentiment de pouvoir se plonger dans ses travaux de recherche en étant simplement dérangée par le serveur lui amenant sa boisson, et, aujourd'hui en l'occurence, sa volonté de comprendre ce que faisait Shaun. L’idée lui avait trotté dans la tête pendant tout ce moment où elle l’attendait et quand finalement il était sorti, Greta avait fait de son mieux pour rester discrète parce qu’elle ne voulait pas qu’il ait l’impression qu’elle était en train de l’espionner - et ce même si c’était effectivement le cas. Mais la baie vitrée ne lui avait pas accordé ce luxe et bientôt Shaun l’avait repérée et elle devait trouver une excuse au fait de se trouver exactement au même endroit que lui, au même moment. « Hey, salut toi ! Qu’est-ce qui t’amène à Gold Coast ? » Il lui était difficile de ne pas se contenter de lui retourner la question mais si ses sourcils s’étaient déjà froncés, Greta s’était retenue, choisissant plutôt de répondre réellement. « Le besoin de souffler un peu et une tentative de ne pas m’arrêter sur ma lancée. » Son sourire était sincère parce que cette première phrase ne comportait aucun mensonge. A vrai dire, son ami semblait assez gêné pour deux et elle n’avait plus le sentiment de devoir justifier sa présence ici. « Ca fait longtemps que t’es là ? » Deux bonnes heures. Mais elle avait haussé les épaules, continuant de scruter chaque parcelle du visage de Shaun. « Quoi ? J’ai un truc sur le visage ? » Greta s’était mise à rire avant de répondre, lui laissant comprendre à quoi était dû son étonnement. « Non, non, c'est juste étonnant qu'on se croise ici. Je viens d'arriver. » Son café déjà à moitié bu la trahissait. « Mais je t'ai vu sortir d'en face, tu faisais quoi ? » Mentir pour mieux obtenir la vérité qu'elle cherchait, parce que s'il comprenait qu'elle avait fait en sorte de tout savoir de ses allers et venues, il serait bien moins enclin à lui parler. La seule explication logique qu’avait trouvé Greta au fait d’avoir vu Shaun aussi proche d’un homme bien plus âgé c'était qu'il s'agissait de quelqu’un de sa famille ou un contact lié à son ancienne carrière professionnelle dans le tennis, probablement, et la seconde option lui avait semblé la plus judicieuse.

 
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@Greta Moore

Fin août 2023 - Gold Coast

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Shaun était habituellement très à l'aise dans ses vêtements, les choisissant toujours avec soin surtout quand il s'agissait de séduire ses clients. Il ne savait pas vraiment économiser et avait tendant à dilapider tout l'argent qu'il gagnait -plus ou moins légalement- au casino ou dans des plaisirs futiles, mais il mettait toujours un point d'honneur à conserver une garde robe fournie et variée. Il avait l'impression de passer le plus clair de sa vie à jouer un rôle et, comme au cinéma, l'apparence était un point clé. Pourtant, présentement,  Shaun se sentait étonnamment étriqué dans son costume. Il aurait dû être simplement heureux d'avoir croisé par hasard une de ses plus proches amies dans les rue de Gold Coast mais l'enveloppe pleine de billets qu'il avait dans la poche intérieure de sa veste lui rappelait que s'il était dans cette ville, c'était pour une activité que Greta n'aurait jamais pu soupçonner. Soudainement, sa veste lui sembla beaucoup plus lourde et alors qu'il venait de demander à son amie s'il avait quelque chose sur le visage étant donné qu'elle n'arrêtait pas de le fixer du regard, il retira son blazer en détournant les yeux, pour le poser derrière sa chaise avant de rouler des épaules pour se détendre un peu. Son estomac se noua lorsqu'il l'entendit s'étonner de le voir ici mais il fut rapidement soulagé lorsqu'elle indiqua son arrivée récente dans le café. Il jeta un rapide coup d'œil à la table dont la disposition laissé croire du contraire. Elle semblait installée depuis un moment, avec ses affaires disposées un peu partout. Il haussa imperceptiblement les épaules, ne voyant aucune raison qui pousserait Greta à lui mentir sur son heure d'arrivée et n'essayant pas d'en chercher une. Il sortit la paille de son café glacé pour la poser sur la table et pris sa tasse dans ses mains, s'autoconvainquant qu'il avait paniqué pour rien et qu'il devait se détendre un peu. Son répit fut néanmoins de courte durée lorsqu'elle le questionna sur la raison de sa sortie de l'hôtel de luxe juste en face. Il se figea au moment où sa tasse touchait ses lèvres et il resta immobile pendant une seconde, buvant finalement une gorgée, suffisamment lentement pour se donner une certaine contenance. « J’étais avec un client. » finit-il par dire après avoir reposé son café sur la table. C’était la réponse la plus évidente et surtout celle qui ne le faisait pas -vraiment- mentir. Il était vraiment avec un client mais la nature de leur contrat allait devoir être totalement occultée. « Il cherche un nouveau directeur des opérations et il m’a contacté pour parler du profil type de son candidat idéal. » ajouta-t-il en détournant les yeux, préférant éviter de mentir ouvertement à Greta tout en soutenant son regard. Shaun avait toujours réussi à être discret lors de ses rendez-vous avec ses clients, choisissant avec attention des lieux excentrés ou des moments de la journée avantageant la discrétion. Mais aujourd’hui, et il s’en rendait compte maintenant, il avait fait une erreur. Une erreur banale, qui s’était produite parce qu’il avait pris ses aises avec ce client habituel et qu’il s’était accordé un moment de négligence. Certes, il lui arrivait de cacher la vérité de manière assez évasive en s’étant inventé métier de couverture, celui de chasseur de têtes pour de grandes entreprises. Il avait trouvé cette idée assez rapidement en ayant justement croisé la route, au détour d'une soirée privée, d'un véritable professionnel dans ce domaine. Cet alibi lui permettait de justifier sa discrétion, lié par le secret professionnel du métier, et cette même raison lui donnait également de bonnes excuses pour ne pas avoir à en parler trop souvent, ni en détails. Mais il n’avait encore jamais été confrontée au besoin de mentir sur ce qu’il faisait à un instant donné et il détestait ce sentiment, celui d’être malhonnête envers quelqu’un qu’il respectait et appréciait. Il se tendit inconsciemment, mal à l’aise, et tourna enfin le regard vers Greta qui n’avait toujours pas cessé de le fixer. Légèrement agacé, ayant le sentiment que quelque chose n’allait pas ou qu’elle avait envie de lui dire autre chose, il fronça les sourcils. « Quoi, Greta ? ».

Greta avait eu l’occasion de faire tout un tas de rencontres dans ces événements où on la forçait à se rendre. Des rencontres de passage, des rencontres qui avaient mené à des amitiés solides et Shaun faisait partie de cette seconde catégorie. Si elle représentait les Sighbury en Australie, la jeune femme le faisait assez discrètement pour s’autoriser à garder son anonymat auprès de certaines personnes et son ami en faisait partie. Elle avait souvent voulu lui dire la vérité au fur et à mesure où leur lien était en train de se tisser mais n’avait jamais trouvé le courage, surtout pas lorsqu’il avait à de nombreuses reprises mentionné à quel point il se méfiait de ce milieu. Son arrivée à Brisbane avait été assez chaotique pour que l’écrivaine tienne à ces nouvelles relations comme à la prunelle de ses yeux, alors elle avait préféré s’enfoncer dans un mensonge qu’elle jugeait inoffensif plutôt que d’être honnête et risquer de perdre un ami. Shaun était maintenant, à l’image d’Emery, une personne qu’elle considérait comme le petit frère qu’elle n’aurait pas eu et qu’elle avait à coeur de protéger. Cette façon de se positionner dans le café face à l’endroit où il s’était engouffré était une façon de le faire, selon elle, mais elle était consciente que cela s’apparenterait plutôt à de l’espionnage pour le monde extérieur alors elle avait prétendu une coïncidence. « J’étais avec un client. » avait-il répondu pour justifier sa présence ici. Si elle s’était présentée comme une invitée triée sur le volet pour justifier sa présence au gala où ils s’étaient rencontrés, Shaun, lui, avait indiqué être un chasseur de têtes et il n’était pas rare qu’il rencontre ses clients dans des hôtels et dans des lieux retirés. Pourtant, il semblait bien trop nerveux pour qu’il n’y ait rien de plus derrière ce rendez-vous et Greta l’avait observé enlever son blazer, suivant chacun de ses mouvements de ses yeux accusateurs. « Il cherche un nouveau directeur des opérations et il m’a contacté pour parler du profil type de son candidat idéal. » Si elle l’écoutait, elle restait silencieuse, focalisée sur les trop nombreux indices que son comportement laissait supposer. « Quoi, Greta ? » Le silence qui avait suivi ses explications, son intonation qui avait changé et la façon dont il l’avait tiré de ses pensées l’avait, à son tour, fait hausser d’un ton. « Rien, Shaun, bon sang ça s’est mal passé pour que tu sois aussi tendu ? » Il pouvait faire de son mieux pour prétendre que tout était normal, Greta avait l’intime conviction que quelque chose d’autre était en train de se tramer et elle avait à coeur de comprendre ce qui justifiait qu’il soit aussi irritable et nerveux. Laissant s’échapper un soupir, elle avait repris avec une voix bien plus douce que précédemment. « J’te connais assez pour réaliser quand quelque chose ne va pas, Shaun. » Greta avait même tenté un sourire, elle n’était pas son ennemie. « Ton client t’a quand même pas demandé de trouver des tueurs à gage ou un truc du genre, hin ? » L’humour servait son besoin d’apaiser la situation et d’obtenir la vérité mais elle espérait sincèrement que son métier ne l'avait pas amené à frôler l’illégalité. « Vous êtes restés des heures là-dedans, c’est long pour ce genre de rendez-vous, non ? » Le rouge lui était rapidement monté aux joues alors qu’elle venait de se trahir : Greta ne venait pas d’arriver, elle était là, à l’observer, depuis assez longtemps pour que l’indice de la longueur du rendez-vous de Shaun s’accumule à tous les autres. Et elle était restée silencieuse, espérant presque qu’il ne remarquerait pas son mensonge alors même qu’elle venait de l’exposer clairement.