Quand, au détour d’une conversation concernant leur prochain voyage en Europe, Lynda lui a négligemment flanqué les deux places pour la convention dans les mains, la première chose qu’il a dite est ’’qu’est-ce que tu veux que je foute de ça’’ mais, comme son assistante n’avait pas franchement plus de réponses à apporter que lui, le pianiste a fini par les oublier dans un coin de son appartement. C’est Asher qui, tombant dessus par hasard (ou peut-être dans une tentative désespérée de déblayer le meuble d’entrée recouvert de notes, carnets, partitions et balles anti-stress) lui a appris que l’invitation, écrite en lettres noires aux reflets dorés, comportait le nom de l’auteur préféré d’Amy ; et s’il n’a pas franchement répondu quelque chose de probant sur l’instant, l’idée a fait lentement son chemin pour qu’il se décide - enfin - à inviter la meilleure amie de son compagnon…

’’C’est lequel, ton auteur préféré ?’’ qu’il demande en tirant machinalement sur le col de sa chemise blanche, desserrant l’étau de tissu autour de sa gorge en balayant les alentours d’un regard neutre, s’efforçant de ne pas faire la grimace : il ne reconnaît personne parmi les célèbres visages de la littérature romantique moderne, et il se demande un instant comment il a pu se retrouver dans cet immense hangar qui accueille plusieurs scènes avec des fauteuils qui sont pour l’instant vides, des îlots avec des étagères contenant plus de livres à l’eau de rose qu’il n’en faudrait, et des visiteurs triés sur le volet, la plupart étant immobiles dans des files d’attente pour accéder aux fameux écrivains plébiscités. Après cette inspection vagabonde, durant laquelle il a croisé ses bras contre son torse, ses yeux se reposent sur la jeune femme qui se tient devant lui, et qui est véritablement la seule raison de sa présence en ces lieux. ’’T’as apporté un livre pour le faire dédicacer, ou faut qu’on aille en acheter un ?’’ mais même s’il n’a aucun attrait pour le sujet du jour, il est heureux de passer du temps en compagnie d’Amy ; avec Asher, leur entourage commence à se mêler et se confondre, créant un décor unique qui est le berceau de leur vie partagée. Il ne s’en rend pas vraiment compte, Izan, et même s’il a longtemps réprimé l’implication émotionnelle dans ses histoires passées, aujourd’hui, il est prêt à s’investir pour que leur relation perdure le plus longtemps possible. Même si cela implique de devoir passer la journée entre les livres niais et mielleux, ouais, c’est dire s’il est amoureux ’’Bon, sinon…’’ qu’il commence à dire en la suivant si elle se déplace, parce que ce n’est sûrement pas lui qui va décider du chemin ; sa main se glissant dans ses cheveux bruns pour les repousser en arrière, il affiche un sourire jovial malgré le fait qu’il a l’impression d’être plongé dans un monde où il n’a clairement pas sa place ’’Comment ça va, en ce moment ?’’ faire la conversation pour oublier qu’il n’y connait absolument rien, c’est la première étape de son plan.