Mabel avait dit non, la première fois que j’avais mentionné un karaoké pour nous changer les idées après sa rupture. Mais c’était différent, ce soir, c’était nos ruptures qu’on aller célébrer* (*pleurer), et je ne savais pas si elle m’avait pris en pitié, ou si elle était plus à l’aise de venir maintenant qu’elle savait que je ne chanterais aucune chanson d’amour. Mais le ton était donné, on allait se changer les idées.

Quand Mabel avait débarqué chez moi, quelques jours après la rupture, j’avais pleuré tellement fort qu’il m’avait fallu un doliprane pour un mal de tête. J’avais bien vu que Mabel ne savait pas comment gérer ces émotions immenses et brûlantes, elle qui était beaucoup plus pudique, et ça m’avait presque agacé, parce que je me sentais tellement desespéré, avec l’envie que juste une personne m’aide, réponde en miroir à ma détresse. J’en demandais trop, peut-être, parce que la plupart de mes amis, Theo et Suzy en première ligne, étaient venus dès que j’avais lâché la bombe par texto. Et ce n’était pas la première fois qu’on se retrouvait dans cette configuration, moi, le coeur brisé, eux, en train de me caresser le dos et me mettre un verre de vin blanc dans les mains. Sauf que cette fois-ci, quelque chose était différent : Andy n’était pas une connasse sur qui je pouvais blâmer toute la situation. J’avais fait exploser mon couple comme une grande, avec mes insécurités, ma jalousie, mon intensité, et cette réalité me laissait avec un vertige que je n’arrivais pas à maîtriser.

J’avais proposé qu’on se rejoigne au Brick, mon bar queer préféré de Brisbane ; j’y allais assez souvent pour que la plupart des clients me laissent un peu tranquille, et la gérante, Mina, s’assurait toujours que je ne fasse pas coincée par une petite foule qui voulait des photos. J’adorais la déco, entre le pub anglais et le bar queer coloré, les arc-en-ciels, les lampions, les néons, les affiches, les cocktails avec des noms un peu décalés.

« Ah, Marcel, par ici ! » J’arrivais à la hauteur de Mabel en agitant ma main. Pour l’occasion, j’avais sorti un short en sequin et un chemisier coloré, qui j’espérais servirait de cache-misère pour mon visage cerné. Sur la table, une bouteille de vodka était déjà posée. Parfait. « J'ai pensé que tu auras besoin d'un peu de courage liquide avant d'aller te casser la voix sur All by myself. Ou All to well. Tant que tu me laisses I can do it with a broken heart, ça me va  ! » J’eus un rire un peu étranglé. « T’inquiète, I CAN'T do it with a broken heart, alors je te la laisse », plaisantai-je avec une grimace. « J’crois que je suis plutôt une Anti-Hero girl, maintenant. I’m the problem, it’s me ! »

J’attrapai le verre de vodka bien rempli que Mabel me donnait comme on s’accrochait à une bouée. « A ceux qui ne font que nous briser le cœur ? » Je trinquai, le visage plus sombre que je n’aurais voulu. « Oh, donc à moi ? » Dis-je avec un certain sarcasme. Pourtant, c’était ça que j’en concluais devant mon échec amoureux : c’était moi qui répétait les mêmes patterns et me brisait le coeur comme une grande. Je shotai mon verre de vodka, qui me brûla la gorge, et le tendit vers Mabel pour qu’elle me resserve, donnant le ton pour la soirée. « J’ai beaucoup réfléchi, et j’en suis arrivée à la conclusion que je n’étais apparemment pas faite pour être en couple. Il faut que j’arrête de chercher l’exclusivité et l’intensité, ça foire toujours. C’est quoi une bonne chanson de karaoké pour dire à toutes les meufs de ce bar : je suis célibataire, un bon coup au lit, et cette fois-ci, promis, je ferais pas un tableau pinterest de notre mariage après un soirée passée ensemble ? »


@Mabel Griffiths

On était dans le même bateau, avec Mabel, toutes les deux tristes, aigries de l’amour, et ça nous rendait un peu bêtes, la main légère sur la boisson. J’en oubliais de me demander si c’était une bonne idée que Mabel boive autant, une réflexion que j’avais commencé à me faire après sa rupture, m’inquiétant, connaissant désormais son passé de ce côté-là. Mais désormais, c’était différent. Je ne voulais pas voir si Mabel avait, ou non, un souci, je voulais qu’elle soit comme moi, qu’on noit nos idées noires ensemble, qu’on s’amuse. Je ne voulais pas que ça soit sérieux, qu’on pleure sur les épaules l’une de l’autre - même si plus j’enchaînais les shots, plus je risquais franchement de terminer la soirée en larmes, en gros classique de moi après une rupture et trop d’alcool. Mais pour l’instant, c’était le karaoké qui m’intéressait le plus. « Knowing me, knowing you ? Ou n'importe quelle chansond d'ABBA. Peu importe la situation, ils ont forcément quelque chose dessus. » J’éclatai de rire. « Oh mon dieu, ABBA, c’est parfait ! » M’exclamai-je. « Il faut qu’on soit casté pour le remake, Mab. On pourrait être les meilleures amies de Donna, là, tu sais, les dynamos ! » Je m’y voyais parfaitement, en Grèce, loin de nos problèmes, avec des gin tonice t du soleil.

« Tu veux qu'on fasse la première ensemble ? Je promets de pas juger ta technique, et je te laisse même choisir la chanson ! » Je levais les yeux au ciel, piquée que Mabel insinue encore une fois que je ne savais pas aussi bien chanter qu’elle - c’était vrai, certes, mais je m’en sortais franchement bien. J’avais juste pas autant appris la musique qu’elle et sa guitare et sa chaîne youtube (que je regardais en secret quand elle vivait à Londres et ne répondait pas à mes emails). « Tu crois qu’ils ont des mashup de Glee ? » Demandai-je, sous le regard un peu affolé de Mabel : « Non, non, je plaisante... » (faux, je ne plaisantais pas, j’étais une Gleek jusqu’au bout et tout le monde le savait.) « Stronger de Kelly Clarkson ? » Proposai-je. « Qu’on commence sur une chanson de badass. » Avant de flirter avec toutes les filles du bar en chantant du ABBA, probablement.

On termina nos verres, et direction la scène. Quelques personnes nous regardaient déjà, nous reconnaissant probablement, et je me penchais vers Mabel. « Tu sais qu’on va finir sur TMZ et que nos agentes vont nous détester, hein ? » Plaisantai-je, en réalité tout à fait sérieuse. J’étais souvent dans ce bar, souvent là pour faire des karaokés, mais la présence de Mabel changeait tout. « Enfin, apparemment, Twitter adore notre relation de cousine, alors ça va faire du clic ! » Concluai-je avec un rire, montant sur scène, attrapant un micro, prête pour notre moment.


@Mabel Griffiths

« Je crois que je suis mieux partie pour être Donna, à élever ma fille loin de tout » Une décharge désagréable parcourut mon dos. « Pas loin de moi ! » Je protestai en finissant mon verre, tentant de plaisanter, mais le spectre de Londres flottant dans la conversation. Je savais que ma peur de l’abandon était particulièrement sensible, ces derniers temps, avec la rupture. Mais pour être honnête, je n’étais pas sûre de n’avoir plus peur que Mabel parte, un jour, malgré tous les efforts qu’on faisait pour sauver notre amitié. Peut-être parce que je n’étais pas sûre qu’un jour, Mabel n’ait plus dans un coin de sa tête l’envie de partir, de fuir, à la moindre contrariété. Elle était du genre à partir, j’étais du genre à m’accrocher. C’était nos personnalités.

On avait décidé Kelly - enfin, je l’avais imposé - et on se dirigeait vers la scène, quelques regards déjà sur nous. « Personne te déteste, Marcel. Moi, par contre, je vais passer pour une mère indigne. Comme si j'étais sensée passer ma vie à la maison, dédiée à ma fille ! » Je grimaçai. Clairement, les journaux étaient toujours particulièrement dur avec Mabel, sa vie de mère célibataire, son divorce, sa rupture avec Aidan. Moi, j’avais réussi à sauver Andy de ça, et maintenant, je devais avoir l’air un peu normal pour ne pas attirer l’attention et les rumeurs. Difficile quand je pleurais sur le set une fois par jour. « Ils sont jamais contents, si t’es trop à la maison t’es plus une femme accomplie non plus… C’est vraiment un piège », soupirai-je. « Après t’inquiète, j’aurais au moins quelques commentaires d’homophobes qui pensent que si je rencontrais le bon homme, je serais une mère heureuse et pas en train de me bourrer au karaoké ! » Mais aucun homme ne m’intéressait, et j’avais déjà bien du mal à m’occuper de moi, alors un enfant, ce n’était vraiment pas à l’ordre du jour. J’étais émerveillée de comment Mabel arrivait à gérer. « C'est les parents qui vont être contents qu'on joue les liens familiaux. Ça fait toujours du bien à la réputation de la famille, même si on ne les voit plus eux. » J’eus un petit rire jaune. « C’est quoi une bonne chanson pour dire : on sait que vous regardez, vous êtes des parents horribles ? » Plaisantai-je. C’était bizarre de dire ça à haute voix, j’avais toujours une loyauté étrange pour mon oncle et ma tante, qui m’avaient au moins donné un peu d’attention, adolescente, quand mes parents avaient disparu. Même si ce n’était pas de l’attention très saine.

On prit les micros, et on se lanca, connaissant clairement la chanson par cœur. Dans le bar, quelques personnes chantaient avec nous, certains nous filmaient, évidemment. Mais tant pis. J’avais déjà les jambes cotonneuses de la vodka. « Think you left me broken down, think that I'll come running back », je chantais, théâtrale, avec l’impression affreuse de jouer la comédie. Oui, Andy m’avait laissé broken down, oui, un signe d’elle, et i’ll come running back. Mais j’étais une bonne actrice, pas vrai ?  

On termina la chanson sous quelques applaudissements, et on quitta la scène, direction notre table. Je tapai dans le bras de Mabel, lui faisant un petit signe de la tête vers une petite brune. « Tu devrais lui proposer un shot de notre vodka, elle a pas arrêté de te regarder de toute la chanson », dis-je avec un clin d'œil.


@Mabel Griffiths

« Tu pourrais venir me voir en Grèce, profiter du soleil, de la tranquillité ! » La tranquillité, ça me faisait envie, oui… Ma rancoeur envers la célébrité ne faisait que grandir jour après jour, et les regards que Mabel et moi attirions, ce soir, alors que je voulais simplement qu’on se change les idées, ne m’aidaient pas. Mais c’était le revers de la médaille que j’avais tant convoité, mais parfois, je me demandais à quel point je pourrais le supporter longtemps. Ces derniers temps, j’étais plus heureuse à donner des cours de théâtre à Manzili qu’à l’idée de resigner pour un long tournage. D’ailleurs, si j’étais occupée avec All The Lights Above, je n’avais pour l’instant signé pour rien d’autre… « Si tu décides à la limite de vivre sur l’île de Sapphos, je pourrais considérer te suivre », plaisantai-je avec un clin d'œil appuyé.

En vérité, j’avais du mal à imaginer Mabel et moi loin de tout. Même si ça faisait du bien d’imaginer être dans un endroit où les commentaires des gens cesseraient de nous atteindre. « Oh, je les connais eux ! Ils étaient contents de me voir me marier avec un homme, ou de sortir avec Aiden, parce que ça montrait que j'étais guérie de ma passade bi ! Pour ce que ces hommes m'ont apportés, j'aurai mieux fait de rester seule ou de me mettre avec une femme… » J’éclatais de rire, c’était tout à fait le discours que j’adorais entendre, moi qui passais ma vie à essayer de convaincre mes amies hétéro ou bi d’abandonner une bonne fois pour toutes les hommes, qui ne les traitaient jamais à leur juste valeur. « Eh, il n’est pas trop tard pour trouver la femme de ta vie. Rien que pour voir la tête des parents, j’en serais ravie », plaisantai-je, un peu amère au fond - sur ce sujet, Mabel s’en était toujours prise plein la figure, bien plus que moi. C’était comme si moi et mon lesbianisme étaient une cause perdue, qu’on acceptait, mais que la bisexualité de Mabel était un caprice, une phase rebelle, parce que si elle pouvait aimer les hommes (pas comme moi !) alors pourquoi se compliquer la vie avec les filles ?

« You're on your own, kid de Taylor, colle plutôt bien au fait de grandir seul. Sorry about your parents est plus incisive, et j'ai pas envie d'être convoquée en repas de famille dimanche. Ou Problem Child, parce qu'un petit Simple Plan, ça fait jamais de mal, même si ça risque de ruiner un peu la soirée des autres ! » Je grimaçais. « On s’en fou, au pire, c’est NOTRE soirée ! » Décrétai-je avec un rire. Franchement, on partait sur du Kelly Clarkson, mais l’envie de hurler You’re on your own, kid, me faisait plutôt de l’oeil - et je voyais déjà les tweets, les gros titres, les appels de mon agente.

On fit le show, évidemment, c’était une spécialité des Griffiths. Une jeune femme sembla particulièrement apprécier le rôle de Mabel, et lui lança une tonne de regards pas du tout discret qui me firent rire. « On est là pour soigner nos peines de cœur, pas pour s'en créer de nouvelles ! »
« Mais justement !! » Protestai-je. « On peut juste s’amuser, se changer les idées !! » Je commençais définitivement à avoir trop bu, alors que la soirée venait à peine de commencer. Franchement, ça promettait. « J’ai décidé que j’allais rentrer dans ma hoe phase. » C’était ma mission : arrêter de m’attacher. « Allez, en vrai, y a bien une fille qui doit te plaire dans ce bar, non ? Je connais même pas ton type de meufs », remarquai-je, curieuse d’en savoir plus.


@Mabel Griffiths

« Mais existe-t-elle vraiment, la femme de ma vie ? Ou même l'humain de ma vie, rendu là. » J’eus un petit rire amer. « Avant, j’aurais dit oui. Mais je crois que mon infatigable romantisme a subi la défaite de trop. » J’avais l’air de plaisanter, mais en réalité, j’étais tout à fait sérieuse, et c’était bien ça qui me brisait le coeur. J’avais l’impression de ne plus me reconnaître. J’avais beau souffrir du comportement de mes parents, au fond, j’avais toujours rêvé de trouver ma moitié comme eux l’avaient fait.

Mais là, je commençais à perdre espoir. Je ne savais même plus ce que je cherchais, ou comment l’avoir : j’avais trouvé quelqu’un de doux, de sain, qui m’aimait, et j’avais quand même réussi à rater ça. Non, il fallait que j’arrête de rêver. L’amour, ce n’était pas pour moi, apparemment. Il ne me restait plus qu’à essayer de caser Mabel à la place. « J'ai pas vraiment un style physique. Il faut que j'ai un feeling avec la personne, qu'on accroche bien si tu veux. Je peux coucher avec une personne que je trouve mignonne, mais en vrai, c'est quelque chose que je projette de moins en moins de faire. Peut-être parce que j'essaye d'être une mère responsable ? » J’hochai la tête, réalisant au passage qu’elle était à la fois légère et lourde, signe qu’elle était plus ivre qu’elle ne pensait. « Damn, si les nous adolescentes pouvaient nous voir, elles y croiraient jamais. Mabel devenue raisonnable grâce à la maternité… Un véritable miracle ! Portons un toast ! » M’exclamai-je en levant mon verre. « A Mabel la raisonnable ! » Enfin, pas tout à fait raisonnable, puis qu’elle me suivait avec enthousiasme sur le nombre de verres que je m’enfilais. Mais bon, rien de bien grave, pas vrai ? On faisait juste la fête.

« Mais visiblement, j'aime les gens qui vont finir par me piétiner le cœur et partir pour une autre femme. Ou de la drogue. A croire que je ne suis pas à la hauteur. Et ça devient beaucoup trop déprimant, je vais nous recommander des verres pendant que tu choisis notre prochaine chanson ! » Je secouai la tête, refusant ce qu’elle venait de dire, avant de la hocher pour souligner que j’étais ok pour un autre verre - oui, j’essayais d’envoyer des signaux cohérents, mais c’était pas facile. Je regardais distraitement mon Spotify à la recherche d’une nouvelle chanson. « Ton ex-mari est un vieux mec, ça a rien à voir avec toi. Et l’addiction, c’est une maladie, c’est pareil, ça a rien à voir avec toi. » J’essayais de faire une belle analyse malgré tous les verres que je m’enchaînais. « Et puis Aidan t’aimait vraiment, c’est juste plus compliqué que ça, non ? Enfin, j’sais pas », murmurai-je, pas sûre de dire les choses que Mabel avait envie d’entendre. Les conversations émouvantes avec Mabel, c’était toujours délicat.

« Et toi, c'est quoi ton style ? Petite blonde toxique ? » Je grimaçai. « Je gravite étonnemment vers les gens inaccessibles émotionnellement, ouais », commentai-je dans un soupir dramatique. « Mais Andy était ni blonde ni toxique. C’est moi, en fait, la grande blonde toxique… » Je marquai une pause, fermant les yeux quelques secondes. « Tu te rends compte ? Elle était saine, amoureuse de moi, normale. Et c’est moi qui ai tout fait capoté avec ma jalousie, ma colère, mon incapacité à contrôler mes émotions. En fait, si ça se trouve, depuis le début, c’est moi le problème », bredouillai-je, sentant que je me mettais à pleurer.


@Mabel Griffiths

« Tu trouveras quelqu'un. T'es cute, t'es passionnée et passionnante, et tu sais te battre pour les causes que t'aimes. Tout le monde apprécie les gens comme ça. » J’haussai les épaules. J’aurais dû être heureuse des compliments de ma cousine, moi qui avait besoin de validation constante, surtout de sa part. Mais j’avais l’impression d’être coincée dans un mauvais film, dont les scènes se rejouaient en boucle. J’avais déjà eu ces conversations un milliard de fois, après chaque rupture, c’était toujours la même chose. « J’ai passé dix ans à chercher quelqu’un. J’ai juste 13 ruptures au compteur, et je te compte même pas les dates ratés dedans. Je dois pas être si cute que ça. » Mabel avait été absente dix ans, elle avait beaucoup raté. Elle ne réalisait probablement pas l’ampleur de ma malchance amoureuse - enfin, je disais malchance, mais je commençais à me demander s’il ne s’agissait pas de moi, le problème.

Mais au moins, dans ce film en boucle, j’avais trop à une petite nouveauté, la présence de Mabel. C’était presque drôle de pleurer avec elle, sur notre bouteille de vodka, nos coeurs en miette. J’avais l’impression d’être adolescente à nouveau - à la différence que Mabel n’était pas maman et que je n’avais jamais aucun crush, accidentellement dans le placard sans le réaliser. « Même sans la raison... La moi adolescente serait déjà choquée qu'on ait un enfant. Et un divorce. Merde, je pensais juste passer ma vie à papillonner à gauche, à droite, et j'aurai vraiment dû rester sur ce projet. » J’agitais ma main. « Il n’est pas trop tard pour reprendre le plan initial. Les MILF, ça en fait rêver plus d’une, Mab », affirmai-je avec un rire alcoolisé.

Mais j’avais beau essayer de tourner tout ça de manière drôle ou positive, je voyais bien que ni Mabel ni moi avions réellement le coeur à faire la fête. Ce qu’on voulait, c’était noyer tout ça. « Est-ce qu'il m'aimait ou est-ce que c'était la drogue qui parlait ? » Je tapai ma main sur ma table brutalement. « Bien sûr qu’il t’aimait ! » M’exclamai-je, presque en colère contre une telle idée. « Et c’est ça qui est encore plus… difficile, en fait. C’est que c’est tragique », analysai-je en secouant la tête. « Désolée, je remonte pas trop le moral là, mais… » Je grimaçai.

Non, décidément, je ne calmais pas la situation. On aurait dû monter sur scène pour performer et rire, mais à la place, je me retrouvais à bredouiller, à buter sur mes mots, parce que ma gorge commençait à avoir un coup salé et évidemment, je me mettais à pleurer. Et j’essayais de me retenir, mais Mabel me prit dans ses bras, et c’était suffisant pour abaisser toutes mes défenses, et je pleurais comme une enfant qui essayait de ne pas sangloter en public. « Dommage qu'on soit pas des Lannisters, on serait parfaites l'une pour l'autre. » J’éclatai de rire, prise par surprise, et je me redressai, essuyant mes joues. « Je nous souhaite une meilleure fin qu’à Cersei et Jamie, quand même », plaisantai-je en retour en reniflant. « On est cousine, c’est déjà bien », soupirai-je. Je passai ma main dans mes cheveux pour recoiffer ma frange. « Tu sais que c’est un miracle si des photos de moi qui te pleure dessus ne finissent pas sur Twitter », ajoutai-je. Je poussai un deuxième soupir, pour essayer de reprendre un peu contenance, et attrapai mon verre pour le finir. « Bon, allez, c’est l’heure de chanter ABBA pour nous remonter le moral, non ? »


@Mabel Griffiths