divers into normality
@Phoebe Jensen & Seth Hill ☆ crédit/favim

La journée a été longue et enrichissante, l'une de celles où le soleil brille si haut et si fort que la visibilité sous l'eau est excellente même à trente mètres. Equipé de son scaphandre autonome et d'un partenaire de plongée attitré, Seth a passé la majorité de son temps sous l'eau, consommant ses bouteilles d'oxygène jusqu'à leur réserve. Cette première visite des épaves de Tangalooma - excursion de repérage dans un premier temps - l'a conforté dans le choix de cette nouvelle destination. Brisbane regorge de secrets et de merveilles qui ne demandent qu'à être déterrées, et ce terrain de jeu reste encore inexploré aux yeux de l'archéologue. De nouveaux défis à venir, des trésors qui l'attendent là, sous le sable enfoui dans l'immensité de l'océan que l'humanité toute entière n'aurait pas le temps d'exploiter. Aux lèvres, le sourire satisfait d'un spectateur à qui l'on vient de montrer la bande annonce la plus prometteuse de l'année.

Il est presque vingt heures quand Seth rentre au cinquante-et-un Kurilpa street, dans West End. Là, il s'est créé un petit cocon à son image, quasiment vide de décoration, pratique et fonctionnel, le strict minimum pour un américain fraîchement débarqué à Brisbane. Ne pas attirer l'attention, être un bon voisin, discret et prêt à rendre service, voilà ce que la société attend. C'est sans compter sur les quelques folles soirées qui s'y sont produites depuis son arrivée, et les murs qu'on lui avait vendus comme épais et favorisant l'insonorisation, qui au final ne remplissaient pas tant cette promesse.

Les bras chargés d'un immense sac Cressi, rempli de sa combinaison encore détrempée, du double détendeur, du gilet stabilisateur et de tous les accessoires qui accompagnent cet attirail, Seth franchit sans trop de peine les dernières marches d'escalier qui mènent à son perron. Il s'apprête à glisser sa clé dans la serrure lorsqu'un plomb de lestage tombe lourdement au sol, rebondissant de quelques millimètres dans un bruit sourd. Ne pouvant lâcher le sac sans tremper tout le palier, il se baisse agilement et laisse glisser ses doigts sur le parquet pour y récupérer le plomb, et le ranger à une place à laquelle il aurait dû rester. Ou peut-être l'a-t-il fait volontairement pour entamer une discussion avec la créature qui s'apprête à croiser son chemin.

En se redressant, il se retrouve nez-à-nez avec l'une de ses voisines, qu'il a déjà aperçue à plusieurs reprises mais dont il ne connait rien d'autre que le son de sa voix quand ils se saluent en se croisant dans les escaliers. "Désolé...", s'excuse-t-il pour le boucan, excuse probablement pas aussi sincère qu'il ne l'aurait voulue mais sur le moment, c'est l'usage le plus poli qui lui est venu à l'esprit. "Bonsoir", la gratifie-t-il formellement, comme les deux jeunes gens en ont l'habitude, en surjouant légèrement une maladresse dont il n'a jamais été victime. Si toutefois l'on peut parler d'une habitude au bout de seulement quelques semaines. Cette voisine a l'air relativement jeune, brunette soignée qui paraît propre sur elle, sans doute un peu trop. Timide au premier abord, ou est-ce de la distance?