Je suis seul. Le silence dans cette maison familiale à Brisbane est assourdissant, seulement brisé par le murmure de la télévision qui défile devant moi. Il est 20h30, et cette maison, autrefois remplie de rires et de vie, semble vide, glaciale. Helen est partie. Elle a pris ses affaires en quelques minutes, remplissant des valises avec une froideur qui me glace encore le sang. Je peux encore entendre le bruit de la porte d’entrée se refermant derrière elle, un son qui résonne dans ma tête comme un coup de tonnerre.
Je suis affalé dans ce vieux fauteuil en cuir, un verre de whisky à la main, la bouteille presque vide devant moi sur la table basse. Je porte le verre à mes lèvres, prenant une longue gorgée. Le goût âcre du whisky me fait grimacer, mais je continue de boire. Je sais bien que l’alcool ne me fera pas oublier, mais je m'accroche à cette idée, espérant que l'ivresse atténuera la douleur, même si ce n’est que temporaire.
Les paroles d’Helen tournent en boucle dans ma tête. Chacune d'elles a été comme une lame, perçant mes défenses déjà fragiles. "Je ne peux plus te regarder en face," m’a-t-elle dit, ses yeux brillants de colère et de tristesse. "Je ne t'ai jamais aimé, si je me suis mariée avec toi c'est pour essayer d'effacer les sentiment que j'avais pour Izan."
Je revois encore la scène : elle se tenait devant moi, ses mains tremblantes, essayant de maintenir son calme alors que notre monde s’effondrait. J'ai essayé de parler, de dire quelque chose, mais tout ce qui est sorti de ma bouche, ce sont des excuses pitoyables qui n’ont fait qu’empirer les choses. Finalement, elle est partie, me laissant seul dans cette maison bien trop grande, remplie de souvenirs devenus insupportables.
Mon téléphone vibre soudainement sur l’accoudoir du fauteuil. Un message de Nina, ma meilleure amie. Plus tôt, je lui ai envoyé quelques SMS désespérés, cherchant une épaule sur laquelle pleurer, mais sa réponse n’a pas été celle que j’espérais. "Tu es un idiot, Sam," a-t-elle écrit. "Si tu ne te ressaisis pas tout de suite, je rapplique pour te botter les fesses."
Un sourire amer se dessine sur mon visage en lisant ses mots. Nina a toujours su me secouer quand j’en avais besoin, avec cette brutalité affectueuse qui la caractérise. Mais ce soir, je n’ai pas la force de répondre. Je laisse simplement le téléphone retomber à côté de moi et je reporte mon attention sur la télévision, bien que je ne voie toujours rien de ce qui s’y passe.
Mon verre est presque vide. J’hésite un instant avant de me resservir, mais je finis par céder. Je sais que je ne devrais pas, que l’alcool ne fera qu’aggraver les choses, mais le vide dans ma poitrine est insupportable, et je n’ai pas d’autre moyen de le combler.
Le goût du whisky devient de plus en plus amer, presque répugnant, mais je continue de boire. Ce n’est pas le plaisir que je cherche, c’est l’oubli, ou du moins l’illusion d’un oubli temporaire. Pourtant, même dans l’ivresse qui commence à embrouiller mes pensées, les mots d’Helen restent aussi clairs et tranchants que lorsqu’elle les a prononcés. Je sais que je ne pourrai jamais réellement échapper à ce que j’ai fait, qu’aucune quantité d’alcool ne pourra effacer la trahison dont je suis coupable.
Je ferme les yeux, essayant de repousser le flot de regrets qui m’envahit. Mais c’est impossible. Helen n’est plus là, et tout ce qui me reste, c’est ce fauteuil vide, cette télévision sans intérêt, et ce whisky qui brûle ma gorge sans apaiser mon esprit tourmenté.
Je me demande combien de temps je pourrai tenir ainsi avant de m’effondrer complètement. Peut-être que Nina a raison. Peut-être que j’ai besoin de quelqu’un pour me secouer, pour me rappeler qu’il y a encore une vie à vivre après tout ça. Mais pour l’instant, je ne peux que rester là, seul dans l’obscurité croissante de la maison, avec le goût amer de mes erreurs sur la langue et l’ombre d’Helen pesant lourdement sur mon cœur.