Le vent souffle de plus en plus fort dehors, les branches s’agitent, les feuilles se soulèvent brusquement. Zane jette des regards inquiets à travers sa fenêtre depuis plus d’une heure. La soirée n’est pas aussi chaude qu’habituellement, comme si la ville se préparait à l’arrivée d’une tempête. Un orage s’apprête sûrement à éclater dans la nuit pour venir rafraîchir les températures étouffantes des dernières semaines. Chaque bourrasque de vent fait claquer les volets de son appartement. Cette météo est finalement à l’image de son état émotionnel : tourbillonnant et instable. Car Zane est inquiet. Frustré. Enervé. Un combat entre ces trois sentiments se joue en lui. Et le vent qui frappe contre les fenêtres ne calme en rien son agitation.

Elle ne lui répond pas.

Il sait qu’il doit garder son calme, mais le silence devient lourd, pesant à mesure que les minutes défilent. La nuit est tombée, le vent s’est levé et les cris résonnant dans la rue en bas de son immeuble lui indique que la soirée est déjà bien (trop) avancée.  Une notification retentit, il attrape son téléphone d’un geste vif. Il se retient, les doigts flottant au-dessus de l’écran. Elle vient enfin de lui répondre. Il se devait la contacter, savoir où elle se trouvait. Il n'a pas pu se contenir. Il a beau essayé d’éviter des contacts trop longs, il n'a pourtant pas le choix.

Hannah a écrit:

tu sais quoi t'a gagné je t'envoie l'adresse, the sixteen antlers sur Spring Hill.

Ces mots viennent instantanément raviver en lui un sentiment d’urgence. Elle est à Spring Hill, au Sixteen Amplers. Cette idée le rassure presque : ce bar n’est pas connu pour être le plus dépravé de la ville. Au contraire, il a cet aspect cosy et huppé fréquenté par des générations très variées. Mais elle reste malgré tout dans un bar sans surveillance. Il serre les dents. Il déteste cette situation, déteste l’idée qu’elle soit quelque part, sans lui, sans protection. Il ne peut s’empêcher de penser aux dangers potentiels. Pour Zane, c’est axiomatique : protéger Hannah passe avant tout. C'est son job. Il est payé pour cela. C'est un fait. Cette certitude guide chacun de ses pas, même quand elle semble tout faire pour l’en empêcher. Même quand lui même fait tout pour se retenir. Il envoie un dernier message puis se lève brusquement de son canapé. Il attrape sa veste et sort de son appartement en un temps record, ne prenant pas le temps de regarder la dernière notification qui brille sur son téléphone. Son esprit est déjà ailleurs. Il descend les escaliers et grimpe sur sa moto garée juste devant. Il roule plus vite que d'habitude et pourtant le trajet lui semble interminable.

Lorsqu'il arrive enfin devant le bar, il coupe le moteur, se gare sur les places réservées aux motos juste devant et entre à l’intérieur en un éclair. Ses sens en alerte, son regard balaie la salle à la recherche d'Hannah.

Où est-elle bordel.

Un dernier SMS pendant que ses yeux continuent de la chercher à travers la foule, l'inquiétude remontant en flèche.

L’effervescence de reprendre les cours n’emballent personne, à croire qu’il n’y a que toi qui a hâte de reprendre la routine. Remarque tu n’es pas si étonné que cela, tu as toujours été en marge de ta génération mais ce n’est pas pour gêner. Ce qui te déplait plus ou moins c’est la tournure que prend cette soirée. Au départ, l’idée avait été de profiter d’une soirée entre amis, histoire de se détendre et passer du bon temps. Groupes d’amies ? Tu as juste envie de rigoler à cette idée car les trois jeunes femmes ce sont éclipsé avec un gars à chaque bras et complètement sous le joug de l’ivresse. Ce ressenti tu ne le connaitras guère ce soir, tu n’as pas envie de boire pour oublier même si ça serait une solution ? Une solution éphémère, la voix de la facilité tout simplement. Tu n’as pas allumer ton portable de la soirée, tu savais que Zane se cesserait de bombarder ta messagerie. Tu sais que tu aurais du certainement lui laisser un mot pour lui dire où tu allais mais tu n’as pas pu. La distance se doit d’être plus lisible entre vous même si destin semble vous ramener comme deux aimants à chaque fois.

La musique est assourdissante sur la piste de danse et tu préfères rejoindre le comptoir du bar qui s’est quelque éclaircit suite au départ de plusieurs clients. Tu te hisses sur l’un des nombreux tabourets disponible et tu ouvres son sac pour récupérer ton iPhone. À peine l’as-tu ouvert que de nombreuses notifications s’affichent sur ton écran. 12 appels - 11 messages. Tu décides d’ignorer les appels, te concentrant sur tes messages et tu finis par répondre à ceux de Zane. Tu n’as pas d’alcool dans le sang, si ce n’est le sucre d’un diabolo menthe, mais tu optes pour la franchise tout simplement. Tu lui dis que vous avez besoin de distance mais ça semble de ne pas l’option choisie par le Montclair. Tu hausses les épaules tout en soupirant mais finit par lui dire où tu es. À dire vrai, tu as beau vouloir maintenir de l’indifférence, de la distance, dans le fond tu aimes sa présence. Trop d’ambiguïtés entre vous depuis ce fameux soir, depuis votre rencontre anonyme avant que cela devienne compliqué en début d’année. Jusqu’à présent tu n’as jamais vu Zane perdre son sang froid, mais il se montre jaloux quelques fois. Tu secoues la tête à cette pensée, impossible qu’il se montre jaloux à ton égard, tu dois te faire des films. Alors que tu ranges ton portable, le barman dépose un verre de vodka devant toi avant de t’informer qu’il est de part de l’homme situé à l’autre bout du bar. Il lève son verre en te considérant d’un air charmeur qui ne te plait pas du tout. Tu repousse le verre en direction du barman. « vous pouvez le remercier de ma part mais je me dois de refuser. ».

Son sang ne fait qu’un tour. Elle est au bar, son regard se pose alors rapidement sur les nombreux visages, plus ou moins alcoolisés qui se brusquent près du comptoir. Il la repère rapidement et c’est à cet instant que son regard s’anime. Il fend la foule sans prêter attention aux mains qui semblent essayer de lui barrer la route, pour l’interpeller, pour lui parler, pour l’emmener danser… Ou simplement des mouvements automatiques qui ne sont pas vraiment dirigés vers lui. Mais plus il approche, plus il sent l’ambiance pesante s’épaissir autour de lui. Car à quelques mètres d’Hannah, il voit un homme lui lancer des regards bien trop lourds.

Sa mâchoire se serre. Un flot de colère monte en lui. Il sait qu’il doit rester calme, mais la vue de cet homme essayant de s’attirer les faveurs de Hannah l’irrite profondément. L'homme a un sourire sûr de lui, visiblement peu habitué à se faire repousser. Il s'avance, le verre à la main, et se plante devant Hannah.

« Pas de souci, beauté. Si tu n’aimes pas la vodka, je peux te proposer autre chose » Il ne faut que quelques secondes à Zane pour réduire la distance qui le sépare d’eux et entendre ces mots. Cette voix faussement charmeuse, ce regard carnassier, Hannah qui recule légèrement sur son tabouret lui suffisent pour crisper ses muscles. Il s’approche davantage, faisant barrage avec son corps entre l’homme et Hannah. Le regard fixé sur elle, il pose doucement une main sur son épaule. « Tu vas bien ? » demande-t-il d'une voix calme, sans se soucier pour le moment de l’homme à ses côtés.

L’homme pose une main sur l’épaule de Zane, surpris par son intervention, le prenant certainement pour un autre prétendant un peu trop lourd. Zane se retourne et détaille l’homme d’un coup d’œil avant de l’ancrer dans son regard. « Elle a dit non » Il n’a pas besoin d’élever la voix pour se faire entendre. Sa main quitte l’épaule d’Hannah pour se poser fermement sur le bras de l’homme, l'arrêtant dans son élan. « Je crois que tu devrais partir maintenant » Mais l’autre ne se laisse intimider, il affiche même un sourire narquois. « Écoute, mon pote, on est juste en train de discuter. Elle peut parler pour elle-même, non ? » Il essaie de passer outre Zane pour se rapprocher d’Hannah, ce ton condescendant, son regard devenant plus insistant et presque provocateur. Zane sent la tension monter en lui, mais il garde son calme, il sait qu’il ne peut pas se permettre de perdre son sang-froid. Cependant, son expression se durcit, son regard se fait plus perçant, un avertissement silencieux mais clair. « Elle peut, mais elle n’en a pas envie… Et je t’assure que tu ne veux pas savoir ce qui se passera si tu continues. » Posté devant Hannah, sa main ne peut s'empêcher de venir toucher son bras pour s'assurer qu'elle soit bien derrière lui, rassurée, en sécurité. Ce simple contact lui provoque un frisson le long de la colonne vertébrale, mais il ne réagit pas, préférant soutenir le regard de l'homme face à lui.

Sortir en boite n’est pas une habitude à laquelle tu te prêtes souvent. De coutume c’est surtout pour faire plaisir à tes amis ou tout simplement pour oublier. Solution de fuite mais peut-on réellement t’en vouloir avec la pression que t’impose tes parents, le choc de l’agression que tu essais toujours de gérer, ou encore ta relation avec le jeune Montclair. D’ailleurs l’armure de sa silhouette se place juste devant toi de telle manière à être une muraille avec l’homme qui t’a offert ce verre que tu as refusé. De grain de voix si coutumier le calme l’incarne lorsqu’il te demande comment tu vas. Tu n’as pas le temps de répondre à sa question lorsque l’homme pose sa main sur l’épaule du garde du corps. Ton regard se pose sur ce geste peu amical qui va finir par attiser un peu plus l’ire de Zane. Il détourne son attention de toi pour le poser sur l’homme qui l’accoste et qui poursuit son attitude qui ne promet rien de bon.  Dès lors la scène qui se déroule sous tes yeux clairs laisse peindre la couleur de la colère encore ténu quand bien même il contrôle ses émotions d’une main de maitre.

L’homme signe et persiste dans son comportement insistant, ce qui ne plait aucunement à Zane qui entame désormais l’art de la parole pour lui faire comprendre de cesser. La provocation anime l’intonation aguicheuse de l’homme mais surtout son regard lubrique en dit long et l’alcool qui coule dans ses veines lui donnent davantage d’aplomb. Sa voix est rauque de de toutes menaces, lui annonçant la couleur qui s’imposera à lui s’il continue en cette direction. La main de Zane vient chercher à taton ton bras comme pour s’assurer que tu es toujours là. Il est toujours en posé mais tu sais qu’à force d’usure, la patience se perd … un contact à peine frôler mais qui se répercute sur ta peau puis dans ton estomac telle une envolée de papillons. Instinctivement, ta main vient chercher la sienne, tu exerces une légère pression avant de lui dire. « Viens, on s’en va … ». Tu ne veux pas qu’il se bagarre, tu veux juste quitter les lieux où tu pensais pouvoir mettre de la distance entre vous deux mais tout vous ramènent l’un à l’autre à chaque fois. « Allez viens Zane … ». Lui dis-tu tout en le tirant vers toi en direction de la sortie.

Les minutes s’étirent, elles semblent interminables. L'air autour d'eux est lourd, et les conversations semblent s'être complètement arrêtées. L'esprit de Zane est concentré, face à lui, sur l'homme qui le défie du regard. Une bulle l'entoure, impénétrable. Même les murmures d'Hannah ne lui parviennent que difficilement. Car la tension est palpable, elle ne demande qu’à éclater, et il ne peut pas se laisser-aller. Il sait que la moindre provocation pourrait déclencher le premier coup. Il sait aussi que ce n'est pas ce qu'il a appris durant sa formation, c’est même l'inverse. Garder son calme, désamorcer la situation. C'est même vital pour lui, bien plus que pour tout autre garde du corps. Il a appris à se gérer, aussi bien physiquement que mentalement. Mais l'envie est là malgré tout, silencieuse. Un seul geste menaçant, un signe d’agression, et il répondrait. Une partie de lui attend cela, désireux de relâcher la pression et de sentir ses poings se resserrer contre son énnemi d'un soir. Mais sa raison le contient.

L'homme semble hésiter, et ce doute rassure Zane sur la suite des événements. Des hommes comme ça, il en a géré des dizaines au fil de ses missions. Il ne fera rien de plus, il le lit dans ses yeux. Ses épaules se relâchent un peu, et la bulle qui s'était formée autour de lui s'évapore peu à peu. Il entend les murmures d'Hannah, il sent sa main contre son bras qui essaie de l'attirer hors d'ici. Elle cherche à le ramener à la réalité. Quand il sait que la situation le permet, il se tourne brièvement vers elle. Son regard croise le sien, mais ce n’est pas le regard doux et protecteur auquel elle est habituée. Non, cette fois, il est sérieux, fermé, ancré dans l’instant présent. Aucun espace pour la tendresse ou les émotions. Zane lui montre clairement qu’il sait ce qu'il fait, qu'il maîtrise la situation. Il ne veut pas que l’homme derrière lui perçoive la moindre faiblesse. À cet instant, il fait son travail. Il doit le faire. Il n'est plus l'homme qui partage des moments ambigus avec Hannah. Il est le garde du corps, concentré uniquement sur sa mission : la protéger. Il n'est plus question de sentiments. Ce soir, elle est sa cliente. C’est ce qu’elle est censée être. Rien de plus. Il est payé pour cela, et c’est tout ce qui doit compter en ce moment. Elle doit le comprendre. Et lui aussi.

Quelques secondes plus tard, il jette un dernier regard à l’homme, qui vacille, trop ivre pour comprendre pleinement la situation. Un ami de l’homme surgit et attrape son compagnon par le bras, le tirant à l’écart tout en lançant un regard d’excuses à Zane et Hannah. Zane ne bouge pas, ses yeux toujours fixés sur l’homme qui s’éloigne, mais lentement, il relâche la tension. Il inspire profondément, ses épaules se détendent. Il souffle. Longuement.

Il se retourne vers Hannah, le visage encore fermé, mais son ton est plus doux, bien qu’encore sérieux. « C’est pour ça que je dois savoir où tu es, Hannah » dit-il, son regard plongeant dans le sien. « Tu ne peux pas partir sans me prévenir, ou essayer de m’éviter. J’ai un travail à faire, et je dois te protéger. »

Il essaie de donner à ses mots une distance professionnelle, de les rendre aussi neutres que possible, comme s'il ne s’agissait que de sa responsabilité de garde du corps. Mais une inquiétude plus profonde transparait. Il sait, au fond, que ce n’est pas juste une question de travail bien fait. C’est personnel, même s’il ne veut pas l’admettre. Chaque fois qu’elle disparaît, chaque fois qu’elle prend des risques, il s'inquiète plus que d'ordinaire. Il a besoin de savoir où elle est, pas seulement pour accomplir sa mission, mais parce qu'il tient à elle, même s'il essaie de l'ignorer.

« Et qu'est-ce que tu fais toute seule en plus ? » Il reste figé devant elle, essayant de comprendre ce qui peut bien lui être passé par la tête. Il ne lui a jamais interdit de sortir (même s'il aurait aimé pouvoir le faire), mais être ici, seule, au milieu de tous ces dangers ? C'est loin d'être la Hannah auquel il est habitué. Son instinct se réveille, et une colère sourde monte en lui. Elle s'est mise en danger. Volontairement. « Tu te rends compte de ce qui aurait pu se passer ? Ce mec si je n'étais pas arrivé ?
Qu'est-ce qui t'es passé par la tête sérieusement ? »

Le temps suspend son vol, laissant les minutes s’égrenaient d’une manière lourde, pensante. L’ambiance dans le club se divise en deux : la sphère générale où l’allégresse enivre la foule et les conversation et la bulle où tout se fige. Le regard orageux du Montclair qui toise avec colère et aversion son opposant qui ne se rend pas compte de ce qui se passe tant il est sous l’emprise de l’ivresse. L’ire de Zane est à son comble, à la limite d’exploser alors qu’il prononce des mots empreint de sévérité, de menaces en gui se mise en garde. Dans cette enveloppe là, il demeure ton garde du corps, celui qui te protège de loin comme de près. Il n’est pas celui avec qui tu partages des instants complices à la limite d’une proximité sur laquelle vous n’avez jamais mis de véritable mot pour la définir. L’expression de ses yeux qui croisent les tiens n’ont rien de délicat mais plutôt d’une colère froidement ténue tant il la maitrise.

Zane a toujours maitre de lui même sur le terrain, il a deux facettes de lui en perpétuelle bataille au quotidien. Là il se sert de cette situation pour évacuer ce qui ne va pas de l’intérieur mais tu sais qu’il essaie tout de même de conserver le maitre mot de lui même. Ta main agrippe son bras pour essayer le tirer vers la sotie mais c’est peine perdu. Il persiste et signe dans l’attique d’intimidation alors que certains regards s’attardent sur vous. La violence, tu n’aimes pas cela. Encore moins depuis ton agression en début d’année, tu frissonnes légèrement rien qu’en y songeant alors que la réplique du brun te tire ramène brutalement à l’instant présent. L’homme qui te draguait ouvertement fléchi sous le poids de l’alcool qui subsiste dans ses veines. Un inconnu vient à sa rescousse, s’excuse avant de s’éloigner en direction de la sortie de la boite de nuit. Zane lâche un soupire, tu peux sentir son bras se relâcher, et tu lâches son bras à ce moment, croisant tes bras sur ta poitrine. Tu le vois se retourner vers toi, te faire face, prendre une intonation plus avenante, plus chaude aussi mais tu ne le regardes pas. Les souvenirs du passé de cette soirée tourbillonnent trop dans ta tête. Il parvient néanmoins à capter ton intention, ses iris plongeant dans les tiennes.

Tu te contentes de hocher silencieusement la tête, resserrant tes bras autour de toi. La musique est assourdissante mais elle offre un refrain pour éloigner le silence qui prend règne entre vous à ce moment là. Instinctivement, tu prends la direction de la sortie, ses pas te suivant tu en es persuadé. Maintenant qu’il t’a retrouvé, il ne pas te lâcher de sitôt. Tu ne te voiles pas la face, tu es rassuré de le voit ici plus que tu ne voudrais te l’avouer. Tu récupères ta veste en jeans bleu foncé et sort dans l’air frais de la nuit australienne alors qu’il t’assaille de nombreuses interrogations emplit de reproches. Tu les entends toutes, sans exception, mais tu es un peu à bout et tu te retournes pour lui faire face. « Non, j’étais avec pas seule mais avec des amies. ». Ce n’est pas de ta faute si tu n’as pas l’esprit aussi oisive qu’elles. « Et oui je suis consciente des dangers qui courent dans les rues, partout ! Tu crois que je ne le sais pas ? Tu crois que je suis écervelé ? Ah ton avis pourquoi je ne t’ai rien dit ? ». T’exclames-tu d’une voix sérieuse et un peu en colère. « Hein, tu te l’es posé cette question Zane ? ». Tu n’aurais pas du prononcer son prénom, il es vecteur de trop de moment où tu t’es sentie bien et en sécurité. « tu sais quoi … laisse tomber. ». Tu commences à te retourner pour marcher sur le trottoir pour rentrer chez toi.

C’est à la fois si simple et si difficile. Si simple de faire ce travail, de repousser des types qui s’approchent trop près d’elle, de veiller à sa sécurité. Mais si difficile à la fois. De rester impassible quand elle laisse sa frustration exploser, de la regarder s’éloigner alors qu’il meurt d’envie de la prendre dans ses bras, de la sortir de cet endroit qui ravive tant de souvenirs de leur première rencontre à Londres. Londres, il y a bientôt dix mois. Cette nuit-là, tout avait changé, même s’il ne l’avait pas compris sur le moment. Elle était entrée dans sa vie à un moment où il en avait désespérément besoin, sans qu’elle le sache. La perte de son père, son retour à Londres… Il ne lui en a jamais vraiment parlé. Mais cette nuit, cette connexion qu’ils avaient partagée, c’était plus qu’une simple attirance. Il y avait quelque chose de plus profond, quelque chose qui ne s’était jamais éteint, même après qu’il soit devenu son garde du corps.

Depuis ce jour, Zane s’était efforcé d’enterrer ce qu’il ressentait. Il avait tenté de mettre des barrières entre eux, et s’était même inscrit sur des sites de rencontres, essayant de la sortir de son esprit. Ils n’ont jamais reparlé de cette nuit à Londres, et peut-être que c’était mieux ainsi. Mais chaque fois qu’il la regarde, chaque fois qu’il la protège, tout lui revient en pleine face. Et ce soir ne fait pas exception.

Alors qu’elle s’éloigne à nouveau, il sent une vague de frustration le submerger. Sa mâchoire se serre, ses muscles se tendent. Elle s’éloigne, et il a l’impression de perdre le contrôle, encore une fois. Ce mélange de devoir et de sentiments devient de plus en plus incontrôlable. Lui aussi aurait bien besoin d'alcool finalement.

« Hannah ! » S'écrit-il à travers la foule. Sa voix est plus forte qu’il ne l’aurait voulu. Il la suit machinalement et fend la foule brusquement, sans prêter attention aux autres, repoussant des mecs un peu trop tactiles sur son passage, le cœur battant à un rythme effréné. Il ne lui faudrait pas grand-chose de plus pour que ses poings parlent à sa place, malgré toute la maîtrise qu’il essaie de maintenir. Elle continue d’avancer, et ils finissent par atteindre l’extérieur. L’air frais de la nuit le frappe, l'apaise, mais les mots d’Hannah le ramènent brusquement à la réalité. Elle lui dit qu’elle n’était pas venue seule, qu’elle était avec des amies. Pourtant, il a bien vu que ces soi-disant amies l’avaient laissée là. « Choisis mieux tes amies si elles te plantent en plein milieu de la soirée. » Il réplique sans même réfléchir, et à voir le regard qu'elle lui lance, il sait que ces mots ne vont pas aider, mais ils sont sortis sans qu’il puisse les retenir.

Elle s’énerve, et il sent la tension monter en elle, tout comme en lui. Sa voix s’élève, et la sienne aussi, malgré lui. « Arrête. Je n’ai jamais dit que tu étais idiote, tu es même plus intelligente que toutes les filles de cette foutue soirée. » Il essaie de se calmer, mais la frustration grandit en lui. « Et c’est ça qui me rend fou, Hannah. Tu sais ce qui peut arriver. Et pourtant, tu es là. Seule. » C'est bien cela oui, elle le rend fou. Elle et ses actions. Elle et son regard. Elle et sa soif de liberté malgré les dangers qui rôdent autour d'elle. Elle.

Il passe une main sur son visage, essayant de retrouver un semblant de contrôle. Quelques regards curieux se tournent vers eux, mais il s’en fiche. Elle le bouscule encore, demandant pourquoi elle ne lui a rien dit. Il n’a même pas pensé à se poser la question. Il était trop inquiet, trop concentré sur le fait de la protéger. Mais elle ne semble pas le comprendre. Ils ne se comprennent pas. Parce qu’ils ne se parlent pas. « J'en sais rien Hannah, dis-moi ça sera plus simple... Tu voulais t’amuser ? Oublier que tu étais surveillée et protégée ? » Sa voix est pleine de frustration, mais aussi de fatigue. Pourtant, au fond de lui, il la comprend. Il comprend qu'elle ait besoin de voir et faire autre chose. Se sentir vivre et libre. Mais c'est trop dangeureux sans lui.

Et encore une fois, elle s’éloigne. Il la regarde, stupéfait. Elle s’en va au milieu de leur discussion, comme si rien de tout cela n’avait d’importance. « Hannah, sérieusement reviens, je te ramène chez toi ! » En deux pas rapides, il la rattrape et lui saisit le bras pour la retourner vers lui. « Tu ne vas pas rentrer à pied en plus. » Son regard tombe sur sa main, et il relâche légèrement son étreinte, conscient qu’il a peut-être été un peu brusque sans le vouloir. Il sait qu’il doit être prudent avec elle, pas seulement parce que chaque contact fait jaillir en lui des émotions qu’il tente de réprimer, mais aussi parce qu’il craint de lui faire peur. Il ne veut pas être une autre source de pression pour elle. « Excuse-moi » Lâche-t-il dans un souffle.

Il garde son bras entre sa main. « Hannah, je sais que c'est pas ce que tu veux, être protégée partout où tu ailles, que je doive te suivre partout... » Sa voix est plus calme mais encore empreinte de cette frustration qu’il ne parvient pas à cacher. « Tu crois que j’aime ça, te suivre partout et m’inquiéter à chaque instant ? Tu ne peux pas disparaître comme ça, tu ne peux pas me laisser dans le flou. »