all that she wants
Megan Williams & @Damon Williams ☆ crédit/harley

« Si vous avez des questions, c’est le moment de les poser. »

La bouche entrouverte, les mains nouées sur mes cuisses, j’en ai des tas de questions. Mais sous le coup de la surprise – du choc même – je suis incapable de les verbaliser. D’après le spécialiste, le fait que je sois tombée enceinte de Damon la première fois par accident relève du miracle. De fait, nous avons peu de chance, lui et moi, de parvenir à concevoir sans aide extérieure et par la "méthode naturelle". Si tous les voyants sont au vert de mon côté – c’est le terme que le médecin a employé, comme si j’étais une putain de bagnole – ce n’est pas le cas de Damon dont la fertilité est bien en dessous de la moyenne, tellement en dessous qu’il flirte avec la limite entre la capacité à concevoir un enfant et l’infertilité totale. Il ne l’est pas, entièrement infertile, et dieu soit loué, mais à cause de gamète anormales, la probabilité qu’il parvienne à me mettre enceinte flirte avec le néant. J’ai écouté. J’ai même enregistré, quelque part dans les méandres de mon esprit. Pour l’instant en revanche, je suis incapable de réagir tant je suis en proie à mes réflexions, tant mon esprit semble avoir appuyé sur le bouton pause pour ne pas avoir à gérer la réalité difficile que le médecin a à nous annoncer. Il était un peu trop optimiste, selon ses dires, lorsqu’il nous a affirmé que nous étions jeunes et qu’il n’y avait donc rien d’inquiétant dans le fait que malgré plusieurs mois à essayer, je ne sois toujours pas enceinte. Pour empêcher mes doigts de trembler – et parce que je ne suis pas le roc de solidité que je m’efforce de donner l’illusion d’être la plupart du temps – je noue mes mains l’une à l’autre. Je n’ai pas envie d’adopter. Je veux un enfant à nous, un qui soit un mélange de Damon et de moi pour que plus personne ne puisse plus jamais nier que je suis sa personne, que je suis celle qu’il a choisie. Je veux une petite tête blonde, de grands yeux bleus pour que je puisse nous retrouver tous les deux dans le minois de mon enfant. Je veux que les gens débattent pour savoir s’il ressemble plus à Damon ou s’il est davantage mon portrait craché. Je veux vivre une expérience normale, facile, et je veux avoir le droit à ce à quoi la plupart des gens ont le droit sans avoir à se battre.

« C’est pas juste. » Que je souffle sur un ton presque inaudible, en baissant les yeux. Certainement habitué à tout type de réactions et à laisser les couples accuser le coup lorsqu’ils apprennent ce genre de nouvelle, le médecin ne réagit pas. Il ne dit rien, il nous laisse le temps d’intégrer la chose pour poser nos questions. Je n’en veux pas à Damon. Je ne vois rien de ce que l’on vient de nous annoncer comme la faute de Damon : au contraire, j’imagine qu’il s’agit d’une punition karmique pour toutes les fois où j’ai mal agi, à commencer par mon avortement. « Qu’est-ce qu’on peut faire ? » Ma voix tremble, mais elle est toutefois déterminée. J’aurais mon enfant, coûte que coûte, et le spécialiste a parlé de solutions. « Et bien, dans un cas comme le vôtre, où l’infertilité est masculine, on conseille un type de fécondation in vitro bien précise. On appelle ça l'injection intracytoplasmique de spermatozoïde. Les premières étapes pour vous sont les mêmes que lors d’une fécondation in vitro classique. La seule différence réside dans le fait qu’une fois les ovules prélevés, les spermatozoïdes sont injectés directement à l’intérieur. » Face à mon air déconfit, le médecin ajoute. « Tout ce que je vous explique est dans les brochures. » Il tapote du bout des doigts le nouveau tas de prospectus qu’il nous a remis. « Vous devriez prendre le temps d’en parler ensemble et de réfléchir avant de prendre une décision. » Enfin, pour la première fois depuis l’annonce j’échange un regard paniqué avec Damon qui ne semble pas bien plus en mener large que moi.

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@megan williams

lieu: pacific wellness, logan city.
(c): harley (gif), luleaby (codage).

***
« Si vous avez des questions, c’est le moment de les poser. »

Oh, ce n’était pas ces dernières qui manquaient, elles affluaient même tellement nombreuses dans son esprit qu’il ne savait plus où donner de la tête. Elles concernaient autant leur présence dans ce bureau, que les mots que venaient de leur prononcer le médecin, que tous les choix qu’ils avaient un jour pu faire. Elles portaient sur bien plus loin, sur d’autres sujets aussi, et même sur l’existence propre qu’il menait depuis qu’il était arrivé en Australie. Elles remettaient en question tant de choses que l’esprit de Damon semblait s’être comme dissocié de ce qu’il se passait sous ses yeux: les images étaient floues, les sons distordus, le battement de son coeur ne se faisant que trop présent dans ses oreilles, sa gorge devenant sèche alors que ses mains quelque peu moites désormais s’accrochaient aux bras du fauteuil dans lequel il était installé. Il avait des questions, bien sur qu’il avait des questions, mais le plus embêtant n’était pas cette partie là pour le moment: il était incapable de les formuler. Elles existaient, mais restaient dans une partie de son esprit sans réussir à franchir la barrière de ses lèvres, alors que la conversation continuait à ses côtés et que le médecin continuait de donner des indications. Il avait entendu la voix de Megan, avait tourné son visage dans sa direction presque machinalement lorsqu’elle avait retenti dans le creux de son oreille, mais ce n’était pas pour autant qu’il réussissait à dire quoi que ce soit de son côté. Il savait qu’il était attendu de sa part de dire quelque-chose, de réagir, de n’importe quoi à ce stade tant c’était la normalité, mais le choc de cette information était assez important chez lui pour qu’il ne réussisse pas à sortir de cette torpeur passagère.

Finalement, Megan avait eu raison sur un point avant même leur première rencontre: il était difforme. Pas de manière visible, mais de manière qui allait finir par les impacter de manière assez importante.

« Je suis désolé. » Qu’il souffla entre ses lèvres à l’intention de sa femme, un murmure à peine audible, alors qu’il sentit une larme glisser le long de sa joue. Il avait beau s’endurcir doucement, avec le temps, mais ses réactions primaires restaient toujours les mêmes - était toujours la même: ouvrir les vannes. Ce n’était pas nécessaire, tant le médecin venait de leur dire en réalité que les choses pouvaient se faire, que c’était simplement un brin plus compliqué que ce qu’ils avaient prévu initialement; tout ce que Damon entendait et retenait, c’était qu’il se trouvait être décevant. Il en existait un qui devait avoir du mal à reprendre son souffle dans sa tombe tant il riait, de voir qu’il avait finalement eu raison sur ce point là aussi. Laissant glisser son regard du visage de Megan à celui de médecin sur sa gauche désormais, il finit par se lever de sa chaise pour sortir du bureau.

Ce n’était pas une idée de génie avec les informations qu’il venait de recevoir, il en était conscient mais il était aussi tout à fait au fait que s’il ne sortait pas de ce bureau, il allait perdre la tête. Ce fut donc avec une cigarette qu’il se retrouva rapidement au bout des lèvres, ses doigts s’acharnant sur les petites peaux autour de ses ongles comme si les triturer allait changer quelque-chose à la situation, allait régler les problèmes, lui donner une solution. Ce n’était pas le cas, tant c’était même à un niveau qui n’était pas solvable d’un coup de baguette magique: il était difforme. Ou une partie de lui l’était, et c’était celle dont il avait besoin pour que Megan et lui puissent fonder la famille dont ils avaient tant parlé ces dernières semaines, dont ils s’étaient même mis à rêver. A quel point avait-il était vilain dans une autre vie pour que le karma ait envie de le rattraper de la sorte ? Pour qu’il décide de le faire passer par ce type d’épreuve où il n’était clairement là que pour être le clown et amuser la galerie, sans jamais en tirer le moindre parti ? Quelles étaient les chances, aussi et qui plus étaient surtout, pour que les problèmes rencontrés par ses parents plus d’une vingtaine d’années plus tôt soient les mêmes que ceux qui incombaient à Megan et lui aujourd’hui ? L’ironie était un peu poussée, un brin trop osée, même pour une dernière mauvaise prière de la part de Saül. Il avait presque envie de vomir. A la place, alors qu’il entendait des pas arriver derrière lui et qu’il reconnaissait ceux de Megan, il essuya les larmes qui coulaient sur ses joues d’un revers de la main - plus pour se redonner contenance que pour ne pas les lui montrer, ça n’avait pas pas beaucoup d’importance ça - et planta son regard embué dans le sien lorsqu’elle fut à sa hauteur. Alors enfin, seulement, la voix de Damon se délia réellement. « Je suis désolé Meg, tellement désolé. » Comme si c’était là la seule chose qu’il se devait de faire: s’excuser, encore et encore, comme la seule chose qu’il n’avait que jamais appris à faire finalement. « J’aurais tellement voulu faire mieux, que ce soit plus simple, je veux pas… je suis désolé. »