Le mode avion s'était imposé naturellement pendant des semaines. Coupé du monde, Micah avait failli profiter de la cérémonie des Golden Globes, dont le jury l'avait boudé, puis de la Fashion Week, durant laquelle il s'était retenu de poster sur Instagram pour s'épargner un déferlement de commentaires haineux l'accusant d'être ce qu'il était : un homme faillible comme les autres. A son retour de Paris, les messages vocaux de Jo l'avaient frappé de plein fouet. Bien plus fort encore que les nombreux hashtags qu'avait inspiré le geste désormais de notoriété publique qu'il avait eu envers Midas. Une réunion de crise avait été organisée chez lui par son équipe de relations publiques, lui sommant par tous les moyens de ne surtout pas répondre sur les réseaux sociaux, et encore moins à Jo, qui avait de toute évidence choisi son camp. A ce stade, tout ce qu'il était suceptible de dire ou faire ajouterait de l'huile sur le feu, alors la meilleure stratégie qu'on pouvait lui recommander était de se taire, de faire profil bas, et d'attendre qu'un autre scandale vienne éclipser le sien. Au milieu de  cette tempête, Donna avait tout de même insisté pour organiser une soirée en attendant les nominations aux Oscars. Sachant à quel point elle savait se montrer convaincante – c'était ce qui lui avait valu ce rôle, d'ailleurs – il avait fini par accepter, sans faire preuve pour autant d'un grand enthousiasme lorsque le compte à rebours s'afficha en secondes sur l'écran du direct. Il la soupçonnait de l'avoir fait par pitié plus que par naïveté. Lui était trop occupé à parcourir Twitter, ce puits de cynisme et de bien pensance, pour vérifier si par hasard, quelqu'un d'autre n'avait pas fait une bourde pire que la sienne, et en profiter pour jauger sa réputation.

Mais non, @m_tomlinson serait donc un homme cis blanc hétéro à la masculinité fragile ?

IYF @m_tomlinson, la seule récompense que tu mérites c'est celle de meilleur connard. Next  

Mais MDR @m_tomlinson est passé sur toutes les actrices australiennes et ça choque qu'il soit un mec toxique ?

Perso j'ai toujours trouvé que @m_tomlinson avait une gueule de con

La liste s'étirait encore et encore, discours infini de gens qui estimaient le connaître parce qu'il avait vendu son âme aux médias, et qui ne s'encombraient pas de savoir si son geste était légitime avant de le condamner. Ce travail acharné, sacrifié pour une amitié morte, et réduit en miettes en un fragment de seconde, le temps d'un tout petit instant d'égarement, le déprimait au plus haut point. Micah n'avait pas le cœur à la fête. Tout le monde le voyait, et il n'était plus assez bon acteur pour faire semblant. Il s'autorisa néanmoins un sourire complaisant lorsque des regards fiers se tournèrent vers lui à l'annonce de son nom dans la catégorie du meilleur acteur. Sa défaite aux Golden Globes annonçait déjà la couleur, mais au vu des récents événements, il n'avait plus la moindre chance. Pourquoi ce cirque ? Pourquoi refusait-on de le laisser s'appitoyer sur son sort le temps que le cauchemar s'arrête ? Et pourquoi s'obstinait-on à faire semblant que tout ça avait de l'importance, alors que sa carrière était en chute libre, et qu'il était devenu l'ennemi numéro un du wokisme ? Profitant de l'euphorie ambiante, et de la concentration de Donna pour le reste des annonces, il se réfugia à l'extérieur, sur la terrasse de l'agence qui jouxtait le lieu de la cérémonie. Il était passé minuit, et l'air était encore étouffant et gonflé d'humidité. Il s'alluma une cigarette après avoir humé l'odeur agréable de la pluie d'été, qui inondait les routes et se frayait un chemin jusqu'à la cime des immeubles. Ces nominations, il ne les avait même pas voulues. Tout ce qu'il voulait, c'était s'éloigner des plateaux de tournage, et faire honneur à son père en se montrant utile. Lui aurait su gérer cette situation. Il aurait su le rassurer sans l'accabler, et lui faire croire que toute cette histoire allait finir par se tasser, même s'il n'en croyait pas un piètre mot. Parce que s'il se permettait de ne pas y croire, qui le ferait à sa place ? L'ombre d'une silhouette se dessina le long de la baie vitrée. Elle était suffisamment grande et longiligne pour qu'il ne se trompe pas sur son propriétaire. Micah souffla du nez pour souligner l'invraisemblance de la présence de Rory ce soir, qui ne faisait après tout que soutenir l'écurie de Donna. « Je suis surpris que tu sois là, juste pour me voir perdre à la fin. Tu ferais mieux d'être avec ton mari et ta fille. » Voilà, maintenant il pouvait s'appitoyer sur son sort. D'ailleurs, Rory était bien placé pour savoir qu'on ne se relevait pas d'un excès de violence perpétré sur la mauvaise personne. « Je comprends vraiment pas ce qu'on fout ici, comme si j'avais la moindre chance. C'est ridicule. »

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@MICAH TOMLINSON & RORY

Revenu de son tournage à New York le temps d'une parenthèse pour retrouver ses proches et honorer quelques rendez-vous professionnels, Rory n'avait pas manqué de faire un saut à la soirée organisée par la Shining Stars Agency en l'honneur de l'annonce des nominations aux Oscars. C'était un événement que l'acteur ne se voyait pas rater, alors même qu'il savait dors et déjà que son nom ne serait pas annoncé parmi ceux des nominés. Son dernier film lui avait valu de décrocher quelques nominations à des cérémonies de plus petite échelle mais dont il se satisfaisait déjà pleinement, en partie parce que ce projet avait toujours été considéré comme un peu trop intimiste pour s'imposer dans une compétition aussi féroce, ce qui ne l'avait pas empêché d'en porter les couleurs avec beaucoup de fierté. Non, si un nom avait toutes les chances d'être énoncé ce soir, c'était sans aucun doute celui de Micah, qui avait déjà décroché son lot de nominations et qui malgré sa récente défaite aux Golden Globes faisait partie des favoris aux Oscars. C'était du moins ce que tout le monde pensait avant que la presse ne le dépeigne subitement comme une brute épaisse, une starlette rongée par son ego qui n'avait trouvé que ses poings pour régler son différend avec un chanteur célèbre ; autant de qualificatifs qui avaient pris tout le monde de court lorsque cette saison des Awards semblait plus que jamais être la sienne. Pour Rory aussi, le choc avait été véritable et c'est en posant les yeux sur ces articles assassins qu'il avait eu comme l'impression d'être revenu quatre ans en arrière, à l'époque où lui aussi s'était retrouvé épingler dans tous les journaux à scandale du pays pour un coup de poing qu'il n'aurait jamais du donner et que beaucoup avaient eu du mal à lui pardonner. Il ne prétendait pas savoir ce qu'il en était précisément pour Micah ni ce qui avait motivé son geste, incertain quant à la part de vérité qu'on pouvait bien extraire de ces articles et à ce qui avait vraisemblablement provoqué de vives tensions entre Midas Sterling et lui. Il ne prétendait pas non plus qu'il lui devait la moindre explication, quand tout ce dont Micah rêvait sans doute était qu'on lui fiche la paix. Ainsi ça n'est pas pour connaître sa version qu'il avait souhaité le voir, moins encore pour se mêler de sa vie personnelle quand bien assez de monde avait spéculé à ce sujet rien que ces derniers jours. Il voulait surtout l'entourer, Rory, peut être aussi s'assurer qu'il allait bien malgré les circonstances.

« Je suis surpris que tu sois là, juste pour me voir perdre à la fin. Tu ferais mieux d'être avec ton mari et ta fille. » Swann savait pourquoi il avait tenu à faire acte de présence à cette soirée, mais aussi qu'il ne s'y attarderait pas une fois qu'il aurait pu s'entretenir avec Micah. C'était important pour lui d'être présent pour ses amis quand ils traversaient de mauvaises passes, et quand bien même Micah et lui n'avaient jamais vraiment statué sur leur amitié, justement, il aimait à penser que ça en prenait au moins le chemin. « J'irai les retrouver plus tard. Je me suis dit que t'aurais peut être envie d'un peu de compagnie. » Et si ça n'était pas le cas et qu'il aimait mieux être seul, alors il ne l'embêterait pas longtemps. Mais Rory avait comme l'intuition que si Micah n'était pas encore rentré chez lui malgré le fait que cette soirée lui laissait clairement un goût amer en bouche, et ça malgré sa nomination, c'est parce qu'au fond de lui il espérait peut être vider son sac auprès de quelqu'un. Si c'était le cas, Rory était prêt à tenir ce rôle. « Je comprends vraiment pas ce qu'on fout ici, comme si j'avais la moindre chance. C'est ridicule. » Le voir aussi résigné attristait Rory, qui ne l'avait jamais vu comme ça. « Rien n'est perdu, Micah. Je sais que c'est tentant de partir défaitiste en ce moment, mais ça te ressemblerait pas. » Ils savaient tous les deux pourquoi cette nomination n'avait pas la saveur qu'elle aurait du avoir et pourquoi il était facile de penser que les résultats étaient joués avant même que les membres de l'Académie n'expriment leur vote, mais il avait travaillé trop dur pour que tout ça ne représente rien. Et du point de vue de Rory, un incident même aussi regrettable que celui-ci ne pouvait pas entièrement balayer tous ses efforts. « Et quel que soit le résultat à l'arrivée, on sait tous les deux ce que ça représente déjà de voir son nom cité aujourd'hui. » C'était une nomination aux Oscars, telle que la plupart d'entre eux n'osaient même pas en rêver à l'échelle d'une carrière entière. Être nommé aujourd'hui, c'était déjà un honneur dont n'importe qui serait fier. « C'est sûrement pas comme ça que t'aurais voulu que tout ça se fasse, mais ça n'enlève rien à ton mérite. Alors bravo pour ta nomination. » Parce qu'il avait le sentiment que beaucoup n'oseraient pas le féliciter au vu des circonstances, et qu'il méritait tout de même de l'entendre.

« Je t'ai vu le nez rivé sur ton téléphone, quand je suis arrivé. Ça décolère pas, sur les réseaux sociaux ? » Il demanda, d'une voix concernée. Il n'avait pas besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour se représenter la scène, et ces centaines de messages qui déferlaient probablement pour prendre l'acteur en grippe. Il l'avait vécu, il savait combien ces choses-là pouvaient être virulentes et c'est aussi pour ça qu'il était là aujourd'hui, pour lui apporter un soutien dont il se doutait qu'il ne serait pas de trop. Aussi neutre tâchait-il de rester dans cette histoire, il ne pouvait pas ignorer son affection grandissante pour Micah et le fait qu'il ne l'ait jusque là pas habitué à ce genres de coups de sang. Même à l'époque où leur entente était bien plus fragile, même alors que son assurance à toute épreuve avait toujours eu le don de l'intimider. Il avait fait une erreur, et parce qu'il était passé par là et en avait payé le prix lui aussi, il était sans doute mieux placé que d'autres pour comprendre ce qu'il traversait. « Je sais que ça va te sembler bateau comme conseil, et que Donna te l'a sûrement déjà donné et bien mieux que moi. Mais je pense que tu devrais éviter twitter quelques temps, le temps que tout ça se tasse. Ça peut que te faire du mal de lire ce genre de choses en ce moment. » Et il en savait quelque chose, pour avoir été tenté lui aussi à l'époque de lire ce qu'on pouvait dire de lui sur ces plate-formes où la moindre critique pouvait devenir virale et faire le tour d'internet. C'est pour ça qu'il n'avait jamais été des plus à l'aise sur les réseaux sociaux et qu'il se contentait la plupart du temps d'utiliser instagram à petite dose, parce qu'il était facile de faire les frais d'une véritable campagne de haine et que lorsque votre propre entourage vous rappelait déjà combien vous aviez merdé, c'était généralement la dernière chose dont vous aviez besoin. « Quels conseils ils t'ont donné, en attendant que les choses s’apaisent ? » Son équipe de relation publiques était à n'en pas douter sur tous les fronts depuis l'incident qui avait valu à l'acteur d'être sous le feu des critiques, sans doute lui avaient-ils conseillé de faire profil bas quelques temps ou au moins de ne pas rentrer dans le jeu de ses détracteurs.

Quelques années en arrière Micah aurait trouvé la présence de Rory déplacée, voire provocatrice. Même si le jeune homme n'avait jamais tout à fait joué le jeu de cette guerre initiée par leur proximité avec Penny, puis attisée par les médias, dans l'esprit de Micah il était longtemps resté le rival imaginaire dont il avait besoin pour se surpasser. Freddy avait pris le relais, avant de se voir expédié sur le banc de touche avec un coup bas auquel Donna avait participé sans le savoir. Elle avait fait des pieds et des mains pour lui obtenir ce rôle qui lui valait aujourd'hui la reconnaissance à laquelle aspirait tout acteur. Avec Midas c'était différent. Ils ne jouaient pas dans la même cour, et si ce n'était pour l'attention de Jo, ils n'avaient aucune raison d'entrer en compétition. De toute façon, Micah avait perdu. Jo avait choisi. Sa carrière était en feu. Il ne lui restait que le peu de dignité qu'on lui exigeait de réprimer. Il n'était pas dupe, cette soirée n'avait pas d'autre but que de le sortir de ses apitoiements. Un gala de charité où on ne récoltait qu'une compassion obligée, que d'autres qualifieraient de solidarité. « C'est ce que tout le monde a dû se dire, que j'avais besoin de compagnie. » en avait-il déduit en tirant sans ménagement sur sa cigarette. Quelques années en arrière, Rory aurait même pu se réjouir de cette défaite annoncée. Mais il avait toujours été trop bienveillant, trop juste pour célébrer le malheur des autres. Le discours tout à fait conventionnel qu'il lui servait, sur l'incertitude du sort, sur son intégrité, ne lui inspira rien d'autre qu'un hochement de tête machinal. Personne ne serait assez bon acteur pour y croire. « J'aurais préféré que ça se passe autrement c'est sûr. Une chance comme ça on en a pas deux, et j'ai tout foiré. Le plus dur, ce sera d'assister à ces cérémonies comme si tout allait bien et qu'il y avait le moindre enjeu. J'ai pas la force. » Rory n'avait pas tort. Attirer l'attention du jury était d'ordinaire un honneur suffisant. Ce qu'il regrettait, c'était de l'avoir fait à une période peu glorieuse pour lui. Voilà ce que le jury des Oscars retiendrait de Micah Tomlinson. Ses performances dans la vie plutôt qu'à l'écran. « Donna a certainement raison, je me serais pas senti mieux tout seul chez moi. Elle est beaucoup trop perspicace. » Leur agente les connaissait désormais suffisamment pour anticiper leurs besoins. Si elle n'avait pas organisé cette soirée, il aurait certainement fini dans un bar avec des gens peu fréquentables, et consommé plus que de raison des substances plus ou moins légales.

Ça n'avait donc pas échappé à Rory, qu'il était plus intéressé par ce qu'on disait de lui sur l'écran de son téléphone que sur celui qui retransmettait les nominations. Dans un cas comme dans l'autre il y avait peu de place pour la surprise. « Non, beaucoup de personnes se sont révélées fans de Midas juste pour le plaisir de me descendre publiquement. La chasse à l'homme c'est dans l'air du temps. » avait-il conclu avec une résignation avec laquelle Rory ne pouvait même pas compatir. Il s'était marié à un homme, ce qui le reléguait au rang de minorité inattaquable. Micah se retint bien d'affirmer qu'il était plus simple aujourd'hui de faire un coming out que d'être un homme revendiquant sa masculinité. Car c'était ce qu'il avait fait en défiant Midas. Le conseil de Rory, bien qu'avisé, lui arracha un rire nerveux. « C'est un bon conseil. Comme celui d'arrêter la clope. » dit-il, tendant vers lui sa cigarette encore fumante pour souligner toute la complexité de cette résolution. « On m'a dit de faire profil bas pour le moment. Rien poster. Surtout pas répondre. Pas même à Jo, qui me harcèle elle aussi. » Il avait des messages vocaux pour en témoigner. Ces messages qu'il aurait pu, s'il était mal intentionné, utiliser pour se défendre dans un tribunal. « C'est pas facile quand on a un minimum de dignité. » Et tout le monde ici savait qu'il en avait à revendre. « Comment t'avais fait toi pour te faire oublier ? » finit-il par demander, estimant que les conseils de Rory étaient peut-être plus légitimes que ceux d'une équipe qui ne savait foncièrement pas toute la détresse qu'il pouvait ressentir. « Tu sais, cette histoire avec Byers... j'avais un peu minimisé le truc parce que j'avais pas envie de faire de vagues, et surtout je voyais pas trop l'intérêt d'en faire. Je crois pas t'avoir déjà remercié d'avoir été un meilleur ami que moi pour Penny à ce moment. » Non il ne l'avait jamais fait, car il s'en était longtemps voulu de ne pas avoir eu autant de cran que lui. Et parce qu'il n'avait pas été le dernier à inciter Penny au silence plutôt qu'aux aveux pour le bien de sa carrière.

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Aussi désemparé que semblait l'être Micah, le fait qu'il ait fait le déplacement aujourd'hui prouvait qu'il avait sans doute plus de courage que Rory à l'époque où ce dernier était persona non grata aux yeux d'une partie du milieu et n'aurait pas pu songer à se montrer à une soirée comme celle-ci de peur d'être dévisage de toute part. Le fait que celle-ci ait été organisée au siège de l'agence aidait sans doute, ceci dit. « C'est ce que tout le monde a dû se dire, que j'avais besoin de compagnie. » Le sourire de Rory s'étira avec compassion, concerné de voir Micah broyer du noir un soir qui aurait normalement du être synonyme de réjouissances. Sa nomination aux Oscars avait aujourd'hui un goût bien amer et il ne pourrait pas lui reprocher d'en avoir gros sur le cœur, lui qui avait toujours tellement donné de lui-même à travers ses rôles et qui faisait partie des personnes les plus passionnées qu'il connaissait. « J'aurais préféré que ça se passe autrement c'est sûr. Une chance comme ça on en a pas deux, et j'ai tout foiré. Le plus dur, ce sera d'assister à ces cérémonies comme si tout allait bien et qu'il y avait le moindre enjeu. J'ai pas la force. » Des mots auxquels Rory répondit d'abord par un léger hochement de tête compréhensif, avant de souffler. « Ce sera difficile, parce que sur le moment tu auras l'impression d'être le seul pour qui tout est déjà joué, mais on sait tous les deux que ces cérémonies font de toute façon des déçus. Toi, tu auras au moins le temps de t'y préparer. » Bien sûr, cette défaite n'aurait pas le même goût que pour quiconque aurait été en lice du début à la fin ou aurait eu toutes les raisons d'y croire jusqu'au bout, mais là où perdre faisait parfois particulièrement mal à l'ego de ceux qui croyaient plus que tout en leurs chances, Micah serait au moins fixé avant que l'enveloppe renfermant le nom du gagnant ne soit ouverte. « C'est aussi le jeu qui veut ça et dans quelques temps, quand tout sera un peu retombé, les gens retiendront tes nominations avant quoi que ce soit d'autre. » Il en était convaincu, mais c'était aussi pour lui un moyen de lui remonter le moral, de lui faire comprendre que ce qui se résumait à une déception insurmontable aujourd'hui finirait tôt ou tard par se tasser. « Donna a certainement raison, je me serais pas senti mieux tout seul chez moi. Elle est beaucoup trop perspicace. » Personne ne prenait mieux soin de ses protégés que Donna, Rory n'était donc pas surpris qu'elle soit celle qui avait conseillé à Micah de faire malgré tout acte de présence ce soir. « Parfois je me dis qu'elle nous connaît un peu trop bien et que l'inverse n'est pas vrai, ce qui a un coté un peu injuste quand on y pense. » Il étira un léger sourire amusé à cette pensée, songeant depuis bien longtemps que pour quelqu'un qui connaissait le moindre aspect de leur vie, Donna était relativement douée pour protéger sa propre vie privée. « T'es loin d'être le premier de ses protégés à rencontrer des ennuis. J'en sais quelque chose. Et crois-moi que je lui ai donné quelques cheveux blancs, moi aussi, à l'époque. » Ça ne faisait jamais de mal de le rappeler, et ça aidait aussi Rory à garder la tête froide en toutes circonstances, de se remémorer l'époque où il n'était même pas certain de fouler un jour à nouveau le sol d'un plateau de tournage. Il avait fait du chemin, avait payé ses erreurs et prouvé qu'il s'accrocherait deux fois plus si on lui redonnait sa chance. Leurs situations étaient différentes, mais il en irait un jour de même pour Micah.

Avoir le regard rivé sur les réseaux sociaux, Rory avait connu ça lui aussi à l'époque où il faisait les frais d'un véritable déchaînement de haine, après que son agression à l'égard de Byers ait d'abord fait du réalisateur la victime parfaite. La vérité sur ses agissements n'avait été connue que plus tard. « Non, beaucoup de personnes se sont révélées fans de Midas juste pour le plaisir de me descendre publiquement. La chasse à l'homme c'est dans l'air du temps. » Ce genre de choses allaient inévitablement de paire avec une notoriété comme la leur, le moindre de leurs faits et gestes se retrouvant scruté et l'opinion publique n'hésitant généralement pas à condamner leur conduite dès qu'elle s'éloignait du droit chemin. Ils n'avaient aucun contrôle sur ça et savaient combien ces vagues de haine pouvaient prendre d'énormes proportions. « C'est un bon conseil. Comme celui d'arrêter la clope. » - « Plus facile à dire qu'à faire, je sais. » Une façon pour Rory de s'excuser dans un sourire pincé, bien conscient que la dernière chose dont Micah devait se sentir capable à l'heure actuelle, c'était d'éteindre son téléphone et se désintéresser à ce qu'on pouvait dire de lui. « On m'a dit de faire profil bas pour le moment. Rien poster. Surtout pas répondre. Pas même à Jo, qui me harcèle elle aussi. C'est pas facile quand on a un minimum de dignité. » Et quiconque connaissait Micah savait qu'il n'était pas homme à essuyer des réprimandes sans se défendre et contre-attaquer, ce qui était malheureusement l'une des pires idées qu'il pourrait avoir en ce moment. « Je pense que c'est un bon début, que ça peut qu'aider à ce que les choses se calment un peu. Y compris avec Jo, parce qu'il en ressortirait sans doute pas grand chose de bon si vous deviez vous parler en ce moment, j'imagine. » Micah la connaissait mieux que lui, mais il avait cru comprendre que la chanteuse ne manquait pas de caractère elle non plus, que c'était aussi probablement pour ça qu'elle évoluait depuis si longtemps dans le sillon de l'acteur et se retrouvait fréquemment associée à lui. Les détails précis de leur relation, en revanche, Rory ne croyait pas les connaître. « Comment t'avais fait toi pour te faire oublier ? » Comprenant qu'il avait sans doute besoin des conseils de quelqu'un qui était passé par là et avait du gérer ce même acharnement médiatique lorsqu'on l'opinion lui avait tourné le dos, Rory souffla. « Ça a été difficile, parce que j'étais assailli de journalistes dès que je posais un pied hors de chez moi. Mais j'ai toujours mis un point d'honneur à jamais leur répondre. Même quand ils me provoquaient sciemment et savaient quoi dire pour me donner envie de me justifier. » Le plus souvent, on lui reprochait de s'en être pris à un homme à la réputation irréprochable – au moins en étaient-ils tous convaincus – ou bien d'avoir ruiné tout un projet sur lequel beaucoup de personnes comptaient pour payer leurs factures. Parfois, d'avoir simplement bien caché son jeu. « C'était très dur, parce que mes proches ont été des dommages collatéraux dans cette histoire, mais je crois que ça a fini par jouer en ma faveur d'éviter toute cette attention et de laisser les rumeurs retomber d'elles-mêmes. Ça aurait sans doute été pire si je m'étais exprimé quand personne n'était de toute façon prêt à mettre la parole d'un type comme Byers en doute. » La sienne, de parole, n'aurait eu aucun poids à ce moment-là et il le savait.

« Tu sais, cette histoire avec Byers... j'avais un peu minimisé le truc parce que j'avais pas envie de faire de vagues, et surtout je voyais pas trop l'intérêt d'en faire. Je crois pas t'avoir déjà remercié d'avoir été un meilleur ami que moi pour Penny à ce moment. » Un sourire un peu plus surpris fendit les lèvres de Rory, qui secoua la tête un instant pour lui faire simplement comprendre qu'il ne lui avait tenu rigueur de rien. S'il ne s'était pas défendu lui-même à l'époque et lorsque Penny avait besoin de temps pour réussir à prendre la parole sur ce qui lui était arrivé, ce n'était pas pour attendre de quelqu'un d'autre qu'il le fasse. Et ils savaient tous les deux que leurs rapports n'étaient pas spécialement au beau fixe, à l'origine, de toute manière. « Penny et moi, on s'est retrouvés liés par cette histoire. Ça a aidé à nous rapprocher et ça nous a permis de nous confier des choses qu'on pouvait dire à personne d'autre ou presque. Mais je crois que t'aurais tort de croire que ça lui a pas fait du bien, de renouer avec toi à ce moment-là. » Il assura avec sincérité. « Tu la connaissais bien mieux que moi à cette époque, tu lui as sans doute apporté un soutien que j'étais pas capable de lui offrir non plus. » Penny et lui partageaient à l'époque un vécu qui faisait de lui la seule personne à vraiment pouvoir accueillir certaines de ses confessions ou de ses craintes, mais c'était aussi le cas de Micah pour tout ce qui concernait leur passé commun. Il était revenu dans sa vie au moment où Penny en avait sans doute le plus besoin. « Aujourd'hui, j'ai assez de recul pour admettre que m'en prendre à lui, peu importe à quel point il l'avait mérité, c'était sûrement pas la meilleure solution. Je regrette pas d'être intervenu, mais je regrette qu'il m'ait pas laissé d'autre choix que celui-là. » Il ne regrettait pas que son geste ait permis d'arrêter Byers avant qu'il ne fasse plus de mal qu'il n'en avait déjà fait, mais il n'avait jamais vu la violence comme une solution. Et il mentirait s'il disait qu'une part de lui ne s'était pas sentie minable, après que son poing ait atterri contre le visage de cet homme – aussi abject soit-il. « Toi, tu regrettes ? » Ça n'avait rien d'une question piège et il ne le jugerait pas quelle que soit sa réponse. Leurs deux situations étaient différentes et Rory ne prétendait pas avoir toutes les données, il se contentait ici de l'écouter et de lui montrer que tout le monde n'était pas contre lui.

Condamné à une succession d'échecs inéluctables, et au jugement insignifiant de gens qui ne le connaissaient pas, Micah était bien incapable de réaliser que la véritable victoire se jouait bien ce soir autour de lui, à travers le soutien qu'on lui témoignait, la fierté qu'on lui manifestait, ou encore l'espoir auquel on s'accrochait en son nom. Les sourires compatissants de Rory en attestaient eux aussi. Un jour ou l'autre, Micah finirait bien par comprendre que ceux qui lui ressemblaient le plus n'étaient pas destinés à devenir des rivaux, mais peut-être les personnes les mieux disposées à se mettre à sa place, ou encore à ressentir les mêmes contrariétés, injustices et déceptions auquelles le reste du monde était insensible. Rory ne se donnait pas beaucoup de mal à relativiser. Son empathie semblait aussi naturelle que sincère. Trop pour ne pas éveiller la défiance de Micah, plutôt habitué aux coups bas. Foutu pour foutu, il s'autorisa à baisser sa garde pour une fois. « T'as pas tort... T'as vraiment réponse à tout, hein ? » avait-il constaté en esquissant un sourire complice et rasséréné. C'était assez drôle, voire ironique, de penser que cette stratégie de choisir Donna lui avait finalement fait plus de bien à lui qu'elle n'avait fait de mal à Rory. A la base, Micah n'avait pas donné cher de cette association, motivée simplement par la revanche, et le besoin de déstabiliser celui qui se révélait aujourd'hui bien loin du rival qu'on lui avait vendu. On désignant bien entendu les leçons rabâchées par son père sur l'importance de se fier à personne dans l'industrie, à l'exception de ses conseils à lui. Finalement, ceux de Donna lui paraissaient bien plus sains, et leurs intentions moins sévères. « J'imagine que ça l'arrange bien, de garder pour elle les détails de sa vie perso. Au moins elle a pas à se préoccuper de nous quand son téléphone pro reste dans le fond d'un tiroir. Je sais pas pour toi, mais elle regretterait bien vite de me donner son adresse ou la destination de ses vacances. » Pour sûr Micah était du genre à appeler son agente pour lui rendre le moindre service afin de compenser l'incapacité de son assistant à se dédoubler. Il était pourtant difficile de croire que Rory pouvait en faire autant, ou même qu'il avait pu à un moment de sa vie lui donner du fil à retordre, lui qui semblait désormais si vierge de tout problème. A l'évidence il y avait encore beaucoup de choses qu'ils ignoraient l'un sur l'autre. « Ouais, et je serai certainement pas le dernier. Tu sais, elle a tout donné pour m'obtenir ce rôle et j'ai un peu l'impression de l'avoir laissée tomber. » dit-il en écrasant son mégot sur un coin de table. Micah avait été odieux avec elle pour obtenir ce rôle, la menaçant même de quitter l'agence. Elle était juste trop modeste pour s'accorder le moindre crédit.

Finalement, Rory était la preuve vivante que le temps faisait son œuvre. Il était aujourd'hui lavé de toutes ses fautes, même si les siennes avaient des desseins plus nobles que défendre son propre honneur. Sa seule erreur avait été de s'en prendre à Byers à une époque où ce n'était pas encore très bien vu d'épingler les péchés des hommes d'influence. Micah n'avait quant à lui été motivé que par les bas instincts qui faisaient la nocivité de ces mêmes hommes gavés de testostérone. « Les haters c'est une chose, mais Jo c'est un autre niveau. Elle lâchera pas l'affaire tant qu'on aura pas eu une conversation. Enfin, conversation est un grand mot... Elle veut clairement ma peau. » Il ne s'attendait pas à une conversation courtoise, raison pour laquelle il l'évitait à tout prix. Cette confrontation, il savait qu'elle sonnerait le glas du déni qui pouvait bien encore les lier. En expliquant comment il avait géré la situation, Rory ne faisait que confirmer à quel point il était un bien meilleur homme que lui. Baisser la tête, se taire, encaisser... cette soumission aux événements lui paraissait insoutenable. « J'en serais incapable. Franchement j'ai peur de déraper, si ça tenait qu'à moi je resterais chez moi jusqu'à ce qu'on m'oublie. On devrait même me confisquer mon téléphone. » S'il avait suspendu son activité sur Instagram, Micah gardait un œil curieux sur ce qu'on disait de lui. Il n'y avait pas plus fiable que les réseaux sociaux pour prendre la température du scandale. A cette heure-ci, la fièvre n'était pas retombée, et elle ne retomberait pas tant qu'il serait sur le devant de la scène. « La seule consolation, c'est que j'ai pas grand monde à emporter dans ma chute. On s'en est pris à ta famille ? » demanda-t-il avec une sincère préoccupation. Evidemment, Rory ne lui tenait pas rigueur de son attentisme de l'époque. Aux prémices de la maladie, son père lui avait ordonné de ne surtout pas prendre parti. Son sang n'avait fait qu'un tour lorsqu'il avait appris la vérité, mais il avait finalement jugé que pour le bien de Penny, et pour le sien, il était préférable de ne rien dire. « C'est elle qui t'a dit ça ? Ou tu veux juste être poli ? Moi j'ai pas trop l'impression d'avoir été là pour elle... Du moins clairement pas pour les bonnes raisons. » Ses raisons étaient claires à l'époque : regagner son cœur. Il ne fallait pas chercher bien loin pour voir qu'il avait échoué dans cette mission également. « C'est plutôt elle qui m'a soutenu, quand elle a appris la véritable raison pour laquelle je suis revenu vivre à Brisbane. » Plusieurs mois s'étaient écoulés avant qu'il ne lui révèle la maladie de son père et tout le bouleversement qu'elle avait généré dans sa vie. A cet instant, savoir qu'il était encore suffisamment proche de Penny pour l'émouvoir était sa seule consolation. C'était ce qu'il avait ressenti avec Jo également, et ce qu'il était le plus dévasté de perdre. « La seule chose que je regrette ce sont les conséquences, mais je m'excuserai jamais pour mon geste. Je suis peut-être allé un peu loin mais c'était tout ce que j'avais en réserve à ce moment-là pour défendre ma dignité. Je pense que ce serait arrivé un jour ou l'autre de toute manière. » Il s'était retenu bien trop longtemps. Midas, sous ses airs innocents, aimait trop fanfaronner pour ne pas susciter ce genre d'aversion jalouse. Il avait gagné, tout le monde le savait, alors pourquoi l'enfoncer davangage ? « Dommage que ce soit arrivé à quelques mois des cérémonies les plus prestigieuses du cinéma. »

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pity party.

@MICAH TOMLINSON & RORY

« J'imagine que ça l'arrange bien, de garder pour elle les détails de sa vie perso. Au moins elle a pas à se préoccuper de nous quand son téléphone pro reste dans le fond d'un tiroir. Je sais pas pour toi, mais elle regretterait bien vite de me donner son adresse ou la destination de ses vacances. » Une idée qui arracha à Rory un sourire plus amusé, le sujet aidant un peu à détendre l'atmosphère et sans doute, il l'espérait, à changer un peu les idées à Micah. Il en avait bien besoin, tous ceux ayant les yeux rivés sur lui ce soir pouvaient voir qu'il n'avait pas le cœur à la fête. « Je crois que quiconque nous supporterait à longueur de temps aurait grand besoin de tout couper une fois rentré chez lui. T'imagines, ça doit lui faire de sacrées vacances quand elle nous a pas sur le dos, j'aimerais pas apprendre un jour qu'elle compte écrire ses mémoires. » Il s'amusa, conscient qu'il fallait une certaine patience pour être agent d'artiste et qu'ils n'étaient pas toujours des cadeaux. Au fond, peut être qu'une partie de lui avait peur de réaliser que Donna aussi avait ses propres problèmes en dehors de l’agence et de ses protégés, espérant simplement qu'elle avait quelqu'un sur qui se reposer comme eux pouvaient se reposer sur elle. « Ouais, et je serai certainement pas le dernier. Tu sais, elle a tout donné pour m'obtenir ce rôle et j'ai un peu l'impression de l'avoir laissée tomber. » - « Je suis sûr que c'est pas ce qu'elle se dit. Parce que tout ça, ça remet pas en question tout ce qui t'a valu de décrocher cette nomination aujourd'hui. » Aussi vraie qu'elle se retrouvait forcément entachée par tout ça, elle n'en restait pas moins le résultat d'un travail et d'une implication de plusieurs mois, qui lui avaient permis de livrer une performance jugée inoubliable par l'Académie. « Et puis, vois le bon coté des choses : c'est arrivé alors que t'avais fini de tourner et que le film était déjà sorti. » C'était une consolation comme une autre, là où à l'époque on avait reproché à Rory d'avoir mis fin au tournage et d'avoir fait annuler le projet. Et ils savaient tous les deux tout ce qu'il pouvait y avoir derrière un film : être à l'origine de ce fiasco, ça lui avait forcément valu de terribles problèmes de conscience.

« Les haters c'est une chose, mais Jo c'est un autre niveau. Elle lâchera pas l'affaire tant qu'on aura pas eu une conversation. Enfin, conversation est un grand mot... Elle veut clairement ma peau. » Une idée qui prêterait presque à sourire dans d'autres circonstances, mais qui valut au regard de Rory de redoubler d'une certaine gravité. « Tu la connais mieux que moi, mais est-ce qu'il y a au moins une chance pour que laisser passer un peu de temps aide à apaiser les choses entre vous ? » Il avait bien compris que ce ne serait pas chose facile, que la jeune femme avait la ferme intention d'en découdre et qu'elle n'était visiblement pas d'un tempérament qu'on avait envie d'avoir contre soi. Mais résidait-il au moins un espoir que le temps aide à calmer les tensions ? Ou Micah savait-il d'avance que ça ne changerait rien à la colère qu'elle lui portait ? « J'en serais incapable. Franchement j'ai peur de déraper, si ça tenait qu'à moi je resterais chez moi jusqu'à ce qu'on m'oublie. On devrait même me confisquer mon téléphone. » - « J'ai testé l'option « ermite » à l'époque, et même si c'est jamais l'idéal ça m'a au moins aidé à me protéger de toute cette attention. » Une attention le plus souvent malsaine, lorsque vous vous retrouviez au cœur d'un scandale médiatique, que chaque média entendait avoir sa part du gâteau et que tous les paparazzi en ville vous traquaient pour obtenir une photo qui ferait vendre à coup sûr. « Mais c'est pas anodin, de se reclure chez soi en attendant que ça passe. Tu peux vite te sentir très seul et ça c'est pas sans danger. Alors même si tu décidais de t'isoler quelques temps, tu devrais garder contact avec quelques personnes de confiance pour pas traverser ça tout seul. » Et il ne parlait pas de Donna, pour le coup, même s'il paraissait évident que son agente veillerait au grain comme à son habitude. Il voulait parler de personnes qui l'aideraient à chasser la solitude et à qui ça lui ferait du bien de parler. « La seule consolation, c'est que j'ai pas grand monde à emporter dans ma chute. On s'en est pris à ta famille ? » Repenser à cette époque valut à Rory d'étirer une légère grimace, alors que ce sujet-là était justement plus sensible encore que l'acharnement qu'il avait personnellement subi. « Ils ont essayé de les questionner, ma mère a même... disons qu'il s'en est fallu de peu pour qu'elle se prenne le chou avec un journaliste. Elle peut facilement monter dans les tours. » S'il n'entrait pas dans les détails, c'était pour ne pas avoir à dire que sa mère était alcoolique depuis des années, peu motivée à l'idée de se faire aider et que ce journaliste, ce jour-là, avait appris à ses dépends que Frances Craine était plus difficile encore à canaliser quand elle avait bu. « En dehors de ça, on a réussi à faire en sorte qu'ils soient relativement préservés de tout ça. Mais c'était dur, surtout pour Wendy qui a toujours eu un faible pour la presse people. Ce qu'elle lisait sur moi, je sais que ça l'atteignait plus qu'elle ne le montrait. » Sa sœur minimisait les choses devant lui, mais il savait bien qu'elle avait été la première touchée par la véhémence que lui avait témoigné la presse. « Heureusement, la presse ignorait pour Swann et moi à cette époque, ça lui a au moins permis de rester en dehors de tout ça. » Parce qu'il ne se le serait probablement jamais pardonné, si Swann aussi avait du faire les frais de cette histoire. Et si en plus du reste, l'anglais avait vu la presse tirer des conclusions sur sa sexualité avant qu'il ne se sente prêt à en parler. « A propos, t'as le droit de dire que ça me regarde pas, mais j'ai vu passer quelques articles sur toi et... Lena, c'est ça ? On dirait que tout le monde s'est pris de passion pour vous. » Et s'il effleurait le sujet avec une certaine prudence, c'était pour lui faire comprendre qu'ils n'étaient pas forcés d'en discuter s'il préférait ne pas se confier à ce propos.

Mentionner Penny lui rappelait qu'à une certaine époque, ni Micah ni lui ne voyaient d'un très bon œil qu'ils fassent respectivement partie de la vie de la jeune femme, là où ils semblaient destinés à devenir des rivaux sur tous les plateaux quand en réalité, la suite n'avait fait que leur prouver le contraire. Aujourd'hui, il pouvait dire qu'il appréciait sincèrement la compagnie du jeune homme, et ça même s'il percevait toujours un soupçon de méfiance chez Micah – il ne lui en tenait pas rigueur, cependant. « C'est elle qui t'a dit ça ? Ou tu veux juste être poli ? Moi j'ai pas trop l'impression d'avoir été là pour elle... Du moins clairement pas pour les bonnes raisons. » Loin de lui l'envie de prêter à Penny des paroles qu'elle n'avait jamais formellement prononcé, mais il croyait la connaître suffisamment pour savoir que c'était tout comme. « Elle a pas vraiment eu besoin de le dire. Tout ce que je sais, c'est que t'étais une présence familière dans sa vie au moment où elle en avait sûrement le plus besoin. Même si t'as l'impression de pas en avoir fait beaucoup, tu l'as sûrement aidé plus que tu en as conscience. » Ils n'étaient pas en train de dire que leur présence à l'un comme à l'autre aurait pu faire des miracles à tous les niveaux, ils savaient tous les deux que les choses étaient bien plus compliquées que ça et que Penny avait surtout eu besoin de temps et de voir Byers payer le prix de ses agissements pour que ses plaies cicatrisent. « C'est plutôt elle qui m'a soutenu, quand elle a appris la véritable raison pour laquelle je suis revenu vivre à Brisbane. » A ces mots, c'est un regard compatissant qu'il reposa sur Micah et avec une sincère empathie qu'il reprit. « J'ai appris pour ton père, oui, je suis désolé. C'est tout à ton honneur d'être revenu à Brisbane pour l'aider. » Il ne pouvait qu'imaginer la charge mentale que tout ça devait représenter au quotidien et trouvait réellement admirable qu'il n'ait pas hésité à quitter Hollywood pour veiller sur son père quand il avait eu besoin de lui. Pour voir sa mère aux prises avec un tout autre genre de maladie, et ça depuis des années, Rory était sensible à la dévotion dont Micah faisait preuve à l'égard de ce père dont il devait avoir beaucoup de difficultés à voir l'état se détériorer au fil du temps. Finalement, une question subsistait au milieu du reste et Rory mentirait s'il disait ne pas s'être attendu à cette réponse. Parce que quelque part, il voyait bien que Micah campait sur ses positions et était même encore piqué à vif de repenser à son altercation avec le chanteur. « La seule chose que je regrette ce sont les conséquences, mais je m'excuserai jamais pour mon geste. Je suis peut-être allé un peu loin mais c'était tout ce que j'avais en réserve à ce moment-là pour défendre ma dignité. Je pense que ce serait arrivé un jour ou l'autre de toute manière. » Sa réponse avait le mérite d'être parfaitement franche et Rory l'accueillit d'un léger hochement de tête. « Je connais pas tous les détails de votre altercation, même si je sais que beaucoup de choses ont été dites, mais à t'entendre on dirait que vous auriez jamais du vous retrouver au même endroit au départ, non ? » La presse n'avait pas manqué de couvrir l'histoire et Rory avait préféré s'abstenir d'y chercher des réponses, conscient qu'il n'y trouverait aucune version purement objective quand ce qui l'intéressait, justement, ça n'était pas d'avoir tous les détails mais simplement de montrer à Micah que ce qu'il ressentait, il avait pu le ressentir d'une façon similaire à une époque. « Dommage que ce soit arrivé à quelques mois des cérémonies les plus prestigieuses du cinéma. » - « Je sais que c'est facile à dire, mais il y aura d'autres cérémonies. D'autres rôles, d'autres moyens pour toi de montrer que ça, c'est pas ce qui te définie. » Que des erreurs, il en faisait au même titre que beaucoup d'autres mais que ça n'était pas à ça qu'il se résumait en tant qu'acteur, en tant qu'artiste, et en tant qu'homme. Son talent lui avait déjà valu une reconnaissance critique et même si les choses seraient sans doute plus compliquées dans un premier temps, ça n'était pas la fin de tout. « Je te mentirai pas en te disant que certains seront pas frileux à l'idée de travailler avec toi au départ, parce que je l'ai vécu. Mais ça se tassera, et les gens passeront à autre chose. » Combien lui avaient tourné le dos quand la nouvelle s'était répandue qu'il avait agressé un réalisateur ? Combien avaient refusé de travailler avec lui les premiers temps ? Beaucoup. « Tu avais sécurisé d'autres projets, avant l'incident ? Ou entamé des discussions, peut être ? » Si oui, tout n'était peut être pas perdu ni forcé de tomber à l'eau. Rory avait eu moins de chance à l'époque, lorsque le scandale avec Byers lui avait non seulement coûté l'un de ses premiers vrais rôles au cinéma mais aussi une place récurrente dans une série à succès. Si Micah devait en passer par les mêmes difficultés, au moins verrait-il qu'il était toujours possible de se relever et de reconquérir l'opinion publique au passage.

Donna était si investie dans la vie de ses talents qu'une partie d'elle les considérait certainement comme des membres de sa famille. Elle les détestait bien moins longtemps qu'elle les appréciait foncièrement. Au yeux de Micah, il n'y avait rien de plus normal que de confier sa carrière aux mains expertes d'un proche. Et c'était ce qu'elle était devenue. « Elle aurait de la matière. Tu crois qu'elle te décrirait comment ? Moi je serais certainement le nepo baby qui se croit tout permis mais qui a bon fond... et quand même un minimum de talent. » présuma-t-il avec un sourire en coin. Se savoir soutenu par Donna, et par extension par tous ceux pour lesquels elle s'évertuait de faire briller nuit et jour, lui procurait de fait un certain réconfort. Rory était l'un d'eux. A son image, bienveillant et juste. Ferme lorsque la situation l'exigeait. Micah était de moins en moins insensible à son discours invariablement optimiste. « Ouais on peut aussi voir les choses comme ça... ce serait pas comme si ça m'était jamais arrivé, de me voir retiré un rôle ou une campagne. » dit-il, repensant notamment à la campagne Calvin Klein qui lui était passée sous le nez à l'époque. Le destin était bien ironique, car la marque lui avait depuis offert plusieurs fois cet honneur confisqué. Rory n'avait cependant pas tout à fait tort. Ce rôle, il en avait tellement rêvé qu'il aurait bien moins supporté se faire couper l'herbe sous le pied plutôt que de simplement se voir puni de la plus prestigieuse récompense du cinéma. Ce qui n'était à l'évidence pas assez pour Jo, dont la haine tenace faisait perdre toute raison. Avait-elle oublié à quel point Micah tenait comme elle à cette reconnaissance ? Qu'aurait-elle ressenti à sa place d'être dépouillée d'un Grammy pour une petite erreur de parcours ? « Je pense pas, elle aura besoin d'une confrontation d'une manière ou d'une autre. Mais j'ai pas l'intention de lui donner ce qu'elle veut, et encore moins publiquement. » Raison pour laquelle il mettait un point d'honneur à ne pas répondre aux multiples provocations dont elle le submergeait, toujours avec la justesse de quelqu'un qui le connaissait foncièrement assez pour toucher la corde sensible.

Les conseils de Rory, s'ils étaient avisés, semblaient inapplicables à son cas. Les deux acteurs venaient d'un milieu trop différent pour que leurs expériences puissent précisément faire écho. « Tu sais j'ai l'habitude de faire face à mes problèmes tout seul. J'ai pas forcément un entourage aussi bienveillant que le tien. Et encore moins de famille. » sanctionna-t-il, comme si la situation était une fatalité. Il avait bien renoué timidement avec Lincoln, mais pas assez pour lui arracher la moindre compassion. Ce constat, comme tous les autres, avait au moins ses avantages. Le malheur de Rory avait également fait celui des proches qu'on associait fatalement à lui. Là où il était enfermé, le père de Micah n'avait pas beaucoup de bile à se faire. « J'aurais plutôt imaginé Wendy capitaliser là-dessus. Mais c'est mon côté cynique. » rétorqua-t-il un peu surpris, comme si les quelques fois où il avait croisé la cadette de Rory pouvaient suffire à faire de lui un spécialiste de ses ambitions cachées. « Malheureusement on est obligé de passer par des expériences de merde pour apprendre à se détacher. J'imagine que c'est pas évident quand on vient pas du milieu, surtout pour les proches. Personne les a entrainés à faire face à tout ça. » Personne n'était jamais véritablement entrainé avant de se trouver au cœur de la tempête. Une fois affaibli par l'implacabilité des critiques, personne ne pouvait suivre la théorie à la lettre sans laisser s'exprimer un minimum d'orgueil. Sans s'appesantir sur le sujet de sa relation avec Swann, qu'il avait le don de faire passer pour une simple anecdote, Rory tenta de le questionner sur l'histoire que Lena et lui avaient vendu pendant des mois. Dans un sens, Micah était rassuré de constater que tout le monde n'avait vu que du feu dans leurs manigances. A l'évidence ils étaient un couple crédible. « Tout le monde ouais, mais bon au final c'est pas seulement leurs attentes qui entrent en ligne de compte. On n'était pas alignés, c'est le jeu... » Micah se serait bien épanché sur le sujet s'il y avait vraiment plus à dire que ce que la presse avait déjà raconté. Il ne s'était rien passé de plus que ce qu'ils avaient mis en scène devant les objectifs des photographes.

Au sujet de son père en revanche, il y avait tout à raconter. Dès le départ les spécialistes avaient alerté sur les répercussions que les théories de la presse pouvaient bien avoir sur la progression de la maladie. Le stress, non pas lié à ce qu'on pouvait dire de lui mais de son fils, les avait tous les deux obligés au silence. « J'aurais préféré que ça reste du domaine privé, mais à partir du moment où la presse s'est emparée du sujet, j'avais plus le choix de me réapproprier le récit. » C'était devenu une affaire personnelle. Personne, pas même Micah, n'avait établi de corrélation entre le moment où l'information avait fuité et l'état qui s'était soudainement dégradé de son père. « Penny a pas vécu les mêmes traumas que moi, mais je sais qu'elle me comprend. C'est ce qui nous a rapprochés quand je suis rentré en Australie. De toute façon le rêve hollywoodien n'avait plus aucune saveur sans mon père. » confia-t-il avec une pointe d'amertume. Son père aurait certainement préféré le contraire, c'était d'ailleurs la raison pour laquelle il lui avait menti au départ, mais Micah aurait été un fils bien indigne de continuer à vivre inconsciemment à Los Angeles sans profiter de leurs derniers souvenirs communs. Bizarrement, Micah en avait davantage voulu à sa mère d'avoir gardé le secret plutôt qu'à son père d'être rentré à Brisbane sous de faux prétextes. Mais cette version des faits n'avait jamais intéressé personne. S'il le pouvait, Micah aurait même pu blâmer sa mère pour l'impulsivité dont il avait fait preuve face à Midas. Cette colère latente, c'était sa faute à elle. Tout était de sa faute. « Les créneaux de nos interviews se chevauchaient. Je sais pas si c'était un coup monté de la chaine, à vrai dire ça m'amusait plus qu'autre chose au départ. » Il en avait même ouvertement ri, fanfaronnant face à Midas tant que le vent était en sa faveur, constatant que ce dernier ne trouvait pas la coïncidence de bon goût. Puis le vent avait tourné, et l'arroseur s'était retrouvé arrosé. Les ultimes affirmations de Rory lui arrachèrent un hochement d'épaule résigné. Micah se fichait bien d'être banni des plateaux pour le reste de l'année. C'était même une bénédiction pour lui qui était incapable d'honorer la parole qu'il s'était faite de ne pas tourner après Fates and Furies. Tout ça pour se retrouver dans le biopic raté de Rhett Hartfield. C'était ce qui l'agaçait le plus. De terminer sur une inévitable déception. Il pouvait au moins se rassurer du montant du cachet qu'il avait empoché. « J'ai 3 films qui sortent cette année, c'est bien suffisant. De toute façon j'avais envie de faire une pause pour me consacrer à la Fondation. M'éloigner des tournages pendant 1 ou 2 ans ça me fera pas de mal. J'en ai pas encore parlé à Donna mais ça m'étonnerait qu'elle tombe de sa chaise. Je compte sur toi pour l'occuper à ma place. » conclut-il, résolument complice.

(c) corneliagifs & khadijha

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Ils savaient l'un comme l'autre de quelle dévotion Donna faisait preuve à l'égard de ses talents et qu'elle était la dernière personne susceptible de s'étendre un jour sur leurs petits malheurs et leurs faux pas à travers un bouquin, mais l'idée avait malgré tout un coté amusant. « Elle aurait de la matière. Tu crois qu'elle te décrirait comment ? Moi je serais certainement le nepo baby qui se croit tout permis mais qui a bon fond... et quand même un minimum de talent. » Une remarque qui tira un léger sourire à Rory, qui savait bien évidemment que l'agente aurait beaucoup d'autres choses à dire de Micah et que depuis le temps, une relation privilégiée s'était également nouée entre eux. « Les gens respectent les nepo babies qui sont conscients de leur statut, tu sais. Mais pour ce que ça vaut, je doute que Donna t'ait déjà réduit à ça. » Il glissa avec une certaine légèreté, et parce qu'il n'avait pas amené le sujet avec beaucoup de sérieux au départ. « Je pense qu'elle me décrirait comme le type pas très confiant qui a d'abord cru qu'elle lui faisait une blague quand elle lui a tendu sa carte et dont elle aurait jamais pu croire qu'il serait capable d'en coller une à un réalisateur quelques années plus tard. » Le contraste avait un coté cocasse à n'en pas douter, quand bien même Donna n'avait pas vraiment eu le cœur à rire sur le coup, pas plus que lui d'ailleurs. Le fait est que Rory non plus ne se pensait pas capable d'user de la force mais que la situation ne lui avait pas laissé d'autre choix à l'époque. « Ouais on peut aussi voir les choses comme ça... ce serait pas comme si ça m'était jamais arrivé, de me voir retiré un rôle ou une campagne. » - « Justement, si quelqu'un sait que la roue finit toujours par tourner, c'est toi. » Et que les déceptions et les contre-temps faisaient aussi partie du jeu, que ça n'avait jamais empêché personne de se relever et que tant qu'il ne se rendait pas coupable de quelque chose de beaucoup plus grave, quelque chose que l'opinion publique et ses fans ne sauraient jamais lui pardonner, il restait une chance que toute cette histoire se tasse. « Je pense pas, elle aura besoin d'une confrontation d'une manière ou d'une autre. Mais j'ai pas l'intention de lui donner ce qu'elle veut, et encore moins publiquement. » Hochant doucement la tête, il reprit. « C'est sans doute ce qu'il y a de plus sage pour le moment. » Éviter une confrontation si ça risquait de faire plus de dégâts.

« Tu sais j'ai l'habitude de faire face à mes problèmes tout seul. J'ai pas forcément un entourage aussi bienveillant que le tien. Et encore moins de famille. » Il comprenait ce qu'il voulait dire et ne nierai pas qu'avoir une famille comme la sienne, quand bien même elle n'était pas toujours aussi unie qu'en apparences, l'avait beaucoup aidé dans les moments les plus difficiles. « Ça a ses bons et ses moins bons cotés. Ça m'a souvent aidé de les avoir, c'est clair, mais j'ai très vite compris que ça ferait d'eux des cibles pour la presse quand les choses deviendraient plus compliquées. » Et ça, c'était suffisamment difficile à vivre pour qu'il regrette parfois que ça puisse les placer dans cette position, alors qu'il ne voudrait en toute logique leur faire partager que les cotés positifs de son statut. « J'aurais plutôt imaginé Wendy capitaliser là-dessus. Mais c'est mon côté cynique. » Ses lèvres laissèrent d'abord échapper un rire amusé, avant qu'il ne reprenne un peu plus sérieusement. « Je crois que c'est l'unique fois où tout ça ne lui est pas apparu amusant et récréatif. Wendy a toujours eu les yeux qui brillent facilement et je sais que ce milieu la fascine, que c'est aussi pour ça que la télé l'attire. Mais cette fois-là, je crois qu'elle a eu assez peur. » Et qu'elle a pris conscience que cette notoriété était à double tranchant et pouvait facilement se retourner contre vous à la moindre incartade, ce que sa sœur cadette ne réalisait pas forcément lorsqu'elle voyait surtout sa carrière comme un symbole de réussite et de succès. « Malheureusement on est obligé de passer par des expériences de merde pour apprendre à se détacher. J'imagine que c'est pas évident quand on vient pas du milieu, surtout pour les proches. Personne les a entrainés à faire face à tout ça. » C'était douloureusement vrai et ça résonnait profondément en Rory, qui en plus d'avoir vu sa famille pâtir de la situation avait aussi épousé un homme totalement étranger à ce milieu et qui était même l'incarnation de la discrétion et du désir de ne pas faire de vagues. « J'ai beaucoup culpabilisé, et je m'en veux encore aujourd'hui. Pas seulement parce qu'on n'est jamais à l'abri d'un nouveau scandale, aussi parce que même quand tout va pour le mieux, ils sont forcément des dommages collatéraux de la carrière qu'on s'est choisis. » Et maintenant qu'il était mari et père, ce constat était forcément un peu plus déstabilisant encore. Rien d'étonnant à ce qu'il fasse tout son possible pour que leur intimité soit protégée et pour que Swann et Robin soient la plupart du temps épargnés par tout ça. Malgré ça, il n'avait pas toujours le contrôle sur tout. « Tout le monde ouais, mais bon au final c'est pas seulement leurs attentes qui entrent en ligne de compte. On n'était pas alignés, c'est le jeu... » Comprenant que son idylle avec Lena avait manifestement tourné court ou que Micah n'avait du moins pas nécessairement envie de s'étendre sur la question, c'est dans un sourire désolé qu'il reprit. « Je comprends, oui, je suis désolé que ça n'ait pas fonctionné. Les relations c'est déjà pas toujours évident à gérer dans notre position, mais quand en plus la presse s'en mêle... » Que ça ait compliqué les choses ou non, ça ne les avait sans doute pas simplifiées.

Des pincettes, Rory en prenait d'autant plus en évoquant un sujet qu'il devinait d'autant plus sensible pour Micah, surtout après la façon dont la maladie de son père avait déjà fait les choux gras de la presse. « J'aurais préféré que ça reste du domaine privé, mais à partir du moment où la presse s'est emparée du sujet, j'avais plus le choix de me réapproprier le récit. » Il lui était impossible de ne pas compatir, d'une part parce qu'il l'avait vécu à un degré certes différent, d'autre part parce qu'il lui suffisait d'écouter le blond pour comprendre que ça l'avait touché dans ce qu'il avait de plus intime, et à très juste titre. « Ils n'ont parfois pas la moindre décence. C'est comme s'ils se fichaient complètement que leurs offensives puissent affecter de vraies personnes. » Il ne comprendrait jamais ça, Rory, quand bien même ils faisaient simplement leur boulot. Être payé à envahir l'intimité des autres et à la disséquer sur la place publique, tout en se fichant du mal que ça pourrait faire, lui en serait incapable. « Penny a pas vécu les mêmes traumas que moi, mais je sais qu'elle me comprend. C'est ce qui nous a rapprochés quand je suis rentré en Australie. De toute façon le rêve hollywoodien n'avait plus aucune saveur sans mon père. » Hésitant une seconde à rebondir, Rory finit par souffler. « Comment va-t-il, aujourd'hui ? » La question était peut être idiote et il comptait de toute façon sur Micah pour le lui faire remarquer si c'était le cas. « T'es pas obligé de répondre si tu préfères pas. » Rien ne l'y forçait et il aimait croire que Micah l'avait maintenant suffisamment cerné pour savoir que Rory ne lui en tiendrait pas rigueur, y compris s'il voulait l'envoyer balader et changer de sujet. Ils feraient alors comme s'il n'avait rien dit. « Les créneaux de nos interviews se chevauchaient. Je sais pas si c'était un coup monté de la chaine, à vrai dire ça m'amusait plus qu'autre chose au départ. » L'inverse serait quelques peu étonnant et ils le savaient l'un comme l'autre, pour faire partie de ce milieu depuis assez longtemps pour ne pas ignorer que ce genre de choses étaient assez communes lorsque des inimités étaient de notoriété publique. « S'ils se sont arrangés pour que vous vous retrouviez au même endroit, j'imagine qu'ils ont fini par le regretter. S'ils espéraient un coup de pub, je doute qu'ils se soient attendus à celui-ci. » Ou du moins, que ça leur ait été si profitable que ça à l'arrivée, lorsque Micah avait été épinglé pour avoir porté atteinte à l'intégrité physique du chanteur. Quoi que, Rory connaissait suffisamment l'envers du décor pour savoir que parfois ce genre de scandales faisaient d'autres heureux que les paparazzi et les magnats de la presse. « J'ai 3 films qui sortent cette année, c'est bien suffisant. De toute façon j'avais envie de faire une pause pour me consacrer à la Fondation. M'éloigner des tournages pendant 1 ou 2 ans ça me fera pas de mal. J'en ai pas encore parlé à Donna mais ça m'étonnerait qu'elle tombe de sa chaise. Je compte sur toi pour l'occuper à ma place. » Sa dernière remarque tira à Rory un léger sourire. « Je vais faire ce que je peux. A vrai dire j'ai l'intention de commencer à me diversifier un peu plus, moi aussi. Ça fait quelques temps que je me tâte à passer derrière la caméra pour voir si c'est une chose qui pourrait me plaire. J'en rêve depuis longtemps, mais je sais que je me lancerai seulement si j'ai de solides bases techniques. » Il ne voulait pas profiter de sa notoriété pour se voir offrir un projet et un fauteuil de réalisateur sur un plateau, il voulait véritablement apprendre les ficelles du métier et réfléchissait activement à un moyen de le faire. « Tu fais bien de te consacrer à la Fondation, on sent que c'est quelque chose qui te tient à cœur et si tu me permets de te dire ça, j'ai aussi le sentiment que ça fait ressortir tes meilleurs cotés. » Il pourrait prendre ça pour de la taquinerie, mais Rory était plus sérieux qu'il n'y paraissait. Micah avait sa réputation et un tempérament qui ne passait pas inaperçu, mais cette fondation semblait lui réussir. « Donna comprendra. Quand tu reprendras le chemin des plateaux, cette histoire sera oubliée, mais tu auras en plus la satisfaction d'avoir occupé ton temps à quelque chose qui compte pour toi. » Et sans insinuer que ça n'était pas le cas pour le métier d'acteur, il avait l'intuition que rien ne se comparait sans doute à ce que symbolisait pour lui cette fondation et l'aide qu'elle apportait autour d'elle.

L'optimisme de Rory, que Micah aurait pu confondre plus tôt avec de la naïveté s'il n'avait pas déployé autant d'efforts pour lui remonter le moral, semblait n'avoir aucune limite. Son assurance, perfectionnée avec des années d'expérience face à la caméra, aurait pu le convaincre si seulement elle ne s'opposait pas à sa propre compréhension des arcanes du métier. « Mmm c'est pas l'avis de la youtubeuse qui a consacré une vidéo entière sur le downfall de ma carrière. Mais je m'excuserai jamais d'avoir des privilèges et d'en profiter, je connais personne qui ferait autrement. » répondit-il en esquissant une moue dubitative, assumant toutefois fièrement l'héritage de ses parents. Céder à la jalousie était bien plus simple que d'admettre qu'il y avait toujours une part de mérite à toutes les situations. Que sans talent, Micah n'aurait certainement pas collaboré avec des réalisateurs prestigieux mais se serait limité aux rôles qui avaient fait son succès national à la télévision. Le portait que Rory dressa de lui-même acheva de le faire sourire. Sous ce vernis d'arrogance, ils avaient une opinion assez lucide, voire satirique, d'eux-mêmes. « Regarde-nous aujourd'hui, des hommes exemplaires. » ironisa-t-il, impénitent. Comme Rory, il ne regrettait pas son geste ni ce qu'il pouvait bien révéler de sa personnalité. Il avait simplement montré qu'il était un homme comme les autres, orgueilleux, faillible, et surtout incapable de traduire ses sentiments autrement que dans la violence impulsive. Concainvu néanmoins par la sagesse de Rory, par la confiance avec laquelle il lui certifiait que la roue finirait par tourner et que son silence était la meilleure stratégie à adopter, Micah opinait sans trouver rien de mieux à dire.

A l'entendre, la force des liens familiaux de Rory représentait aussi une forme de faiblesse. Ironiquement, les moments où il devait se reposer sur eux les rendait vulnérables à leur tour, amenant Micah à penser qu'il n'était peut-être pas tant à plaindre dans sa gestion solitaire des polémiques. « Quand je vois comment les fans sont intenses, je me dis finalement que c'est pas étonnant de voir les enfants de stars suivre les traces de leurs parents. C'est dur, de passer du statut d'inconnu à celui de célébrité. » Lui n'était pas vraiment passé par la case de l'anonymat, ce qui facilitait certains aspects d'une vie qui avait toujours intéressé les autres. Wendy, qui rêvait de cette vie avec la candeur de sa jeunesse, avait finalement compris tous les compromis et les sacrifices qu'elle impliquait. « J'imagine que c'était pas évident pour elle non plus de voir son frère au cœur d'un procès médiatique. C'est facile à dire maintenant, mais c'était une mauvaise étape à passer, et ça me fait pas mal relativiser sur celle que je traverse en ce moment. » dit-il, confiant sur l'avenir de Rory maintenant que ce qu'il avait construit à côté de sa carrière avait remis les compteurs à zéro. Ce qu'il fallait à Micah, c'était une preuve de stabilité. Preuve que lui procurait son engagement croissant à la Fondation. « Je pense que personne t'en voulait Rory. Mais ça me conforte quand même dans ce choix que j'ai fait malgré moi de côtoyer que des gens du milieu. Les gens normaux peuvent pas comprendre, et moi j'ai jamais rien connu d'autre. » Son ton n'était pas fataliste, mais résigné. Il n'avait pas réalisé que son désir tout nouveau de se rapprocher de la normalité pouvait attirer la lumière au mauvais endroit, sur les mauvaises personnes. Au fond, c'était pour cette raison qu'il ne s'était jamais engagé dans une relation avec une femme ordinaire. Celle qui partageait sa vie devait comprendre qu'elle était condamnée à la partager avec le reste du monde. Lena entrait dans ces critères, mais c'était lui qui n'avait pas supporté devoir la partager avec un autre, alors qu'ils ne s'étaient promis aucune fidélité. Cette relation n'était même pas réelle. « C'est pas ma première ni ma dernière rupture, t'en fais pas. »

Micah n'avait toutefois pas été préparé à devoir partager sa tristesse, son impuissance face à l'implacabilité de la vie. Ça ne collait pas vraiment avec son image. Il avait compris le désaroi de Rory, ou de toutes les personnes qui s'appliquaient à dresser une limite avec leur vie privée, à partir du moment où la maladie de son père était devenue un scoop. « J'ai jamais été une vraie personne aux yeux des gens. Toi tu étais quelqu'un avant tout ça, moi j'ai grandi devant leurs yeux. C'est ce qui leur donne le droit d'avoir un avis sur ma vie. » Un droit qui n'était pas légitime, mais que tout le monde s'octroyait à partir du moment où les informations étaient publiques. Si certains s'étaient émus, beaucoup n'avait pas mesuré la détresse dans laquelle Micah s'était trouvé en apprenant que son père était malade, et qu'il pouvait potentiellement hériter de ses gènes. C'était le karma, ou juste les vicissitudes de la vie, qui n'épargnaient personne. Cette tendance à mesurer ce drame à l'aune de tout ce qu'il avait accompli par ailleurs le rendait malade. Micah aurait volontiers troqué ses biens immobiliers, ses voitures et ses contrats lucratifs pour rallonger la mémoire de son père de quelques années. En parler le rendait totalement engourdi désormais, comme si ça ne l'atteignait plus. « Son état se dégrade à une vitesse fulgurante, et il n'y a pas de retour en arrière. C'est dur, de devoir se résigner à être impuissant. » avait-il répondu cependant sur un ton neutre. La difficulté de cette épreuve était factuelle, mais hormis Jo personne ne pouvait véritablement le comprendre. Et à vrai dire, la sollicitude obligée des gens ne le réconfortait même plus. Tout comme les commentaires sur son comportement envers Midas finiraient par tapisser les tréfonds des réseaux sociaux en attendant une nouvelle marée noire. Si Micah était si obsédé par les actualités de Twitter, c'était moins pour se flageller que par espoir cynique de voir fleurir de nouveaux hashtags. « C'est clair, et j'étais à deux doigts d'attaquer la chaine si on n'avait pas trouvé un accord à l'amiable. Ils avaient aucun droit de diffuser ces informations. » Ce qu'ils n'avaient pas fait au demeurant, si bien qu'il s'était satisfait de savoir que la personne à l'origine de la fuite avait été licenciée et que ses propensions manifestes à la délation l'avaient érigé au rang de paria dans le monde des médias. Micah n'était pas tout à fait dupe et se doutait bien qu'elle avait moins été sanctionnée pour son comportement répréhensible que pour son manque de discrétion, mais seule le résultat lui importait à ce stade. La confiance qu'il mettait en Rory était nouvelle et lui procurait un certain sentiment de soulagement. Savoir que l'autre protégé de Donna avaient des ambitions aussi grandes que lui le confortait dans l'idée qu'il pouvait bien se mettre en retrait. « Tu devrais pas bouder tes privilèges non plus. On s'en fout de ce que disent les gens, si on te donne l'argent pour réaliser ton projet, tu devrais foncer sans t'excuser. » affirma-t-il, même s'il était persuadé que Rory était bien plus scrupuleux et attaché à ses valeurs que lui. Qu'il remarque que ses ambitions altruistes avaient changé sa nature lui faisait un plaisir qu'il dissimulait toutefois derrière son assurance coutumière. « Je trouve aussi. » approuva-t-il avec un sourire satisfait. En fait, il n'y avait qu'une seule raison pour laquelle il pouvait remercier Midas, et c'était d'avoir rebattu les cartes de ses priorités. Sans lui, il en serait certainement encore à faire des coups bas pour parvenir à ses fins et à dilapider son argent dans des plaisirs éphémères. Jetant un coup d'oeil par-delà la baie vitrée, Micah se sentit soudain remis d'aplomb pour affronter son sort. « On devrait peut-être y retourner, je me sens prêt à pratiquer le sourire complaisant de la défaite assumée. » Celui qu'il devrait esquisser face caméra chaque fois que le vainqueur serait annoncé.