Jesse avait accepté d’aller en date à Kipplin sur un coup de tête, Ca s’était fait naturellement, au milieu d’un salon de repos au sein des locaux de l’association Manzili, à quelques mètres d’une machine à café. Il n’y avait pas vraiment réfléchi sur le moment, et avait fini par se demander pourquoi il avait accepté cette proposition à la base.
Jesse ne connaissait pas très bien Kipplin, en vérité. Ensemble, ils n’avaient eu que des conversations qui restaient en surface à l’image des événements liés à Manzili, le bref récit de leur week-end ou des échanges sur des jeunes accueillis par l’association. Il y avait tellement de choses qu’il ne savait pas sur Kipplin. Il ne savait même pas exactement son âge ! Il supposait qu’il avait aux alentours de la quarantaine.
Mais en y réfléchissant bien, beaucoup de choses l'amenaient à penser que Kipplin était potentiellement un bon parti. Nouvellement célibataire, hors du placard. Il exerçait une profession des plus respectables – juge pour enfant. C’était un homme des plus sympathiques, et loin d’être désagréable à regarder.

Optimiste, Jesse avait essayé de se mettre à son avantage pour ce rendez-vous. Il avait mis l’un de ses pantalons préférés, un de ceux qui lui allait le mieux selon lui tout en étant assez confortable. Kipplin lui avait donné proposé un pique-nique dans un parc sur les hauteurs de Brisbane. Emphase sur « hauteurs ». De quoi faire pester Jesse pendant toute son ascension vers le lieu de rendez-vous, s’en voulant d’avoir mis toutes ses contributions au repas dans des contenants en verre.
Apercevoir Kipplin quelques mètres plus loin, et qui avait déjà tout installé le rendait très heureux car ça voulait dire qu’il était venu à bout de la montée. Ce fut alors essoufflé qu’il arriva à Kipplin - un peu en retard par rapport à l'heure qu'ils avaient convenu. Il le salua, souriant malgré son souffle un peu court.
« Salut ! C’était quoi le projet ? M’assommer dès le début du rendez-vous ? »
Il plaisantait plus qu’il n’était sérieux.
« Tu as surestimé ma forme physique. »

Kipplin avait fait les choses bien. Il avait étalé dans l’herbe une couverture colorée, maintenue au sol par des poids à chaque coin. Dessus étaient disposée une petite variété de mets smples et froids, appropriés à un pique-nique. Jesse ne remarqua que dans un second temps de Kipplin avait également ramené sa chienne qui était partie s’amuser ailleurs – ce pourquoi il ne l’avait d’abord pas vue. Celle-ci s’installa près de son maître tandis que les humains parlaient de nourriture.
« Tu as de la chance, on m’achète facilement avec de la nourriture. »
Et c’était bien son problème : trop de nourriture, pas assez d’exercice. Il laissa volontiers Kipplin le débarrasser de son sac, et il s’installa sur la couverture, non loin de la chienne, à qui il ne manqua pas de dire bonjour de cette voix bêbête qu’on employait pour parler aux animaux. « Je peux la caresser ? » demandait-il par précaution avant de le faire. Après avoir salué l'animal, il s’assit en tailleurs et ouvrit son sac sous la mine étonnée de Kipplin.
« Ne raconte pas de bêtise, j’allais pas venir les mains vides. » Il pensait que ça aurait été impoli. « J’espère que tu n’as pas de restrictions alimentaires… J’ai ramené des tomates cerises, des fraises… » Il sortait les contenants à mesure qu’il énumérait les éléments de sa contribution en souriant. « Des shortbreads millionnaires – ils sont un peu moches, mais c’est une tuerie. Et des onigiri. Il y en a à l’avocat, et au thon. Par contre je ne sais plus lesquels sont à quoi…   et ils ont des formes bizarres, j’ai pas vraiment le coup de main. »
Il sortit enfin une bouteille de jus d’orange. Son sac vidé, il le plaça de côté. Il leva les yeux pour regarder Kipplin. Il le jaugeait, appréciait son apparence. Jesse avait un air juvénile dans le regard, qui contrastait avec sa barbe qui renvoyait davantages à une idée de maturité. Il avait l’air de ne pas avoir d’âge tout en ne faisant pas le sien.