Il avait probablement menti en indiquant à Shiloh que l’image qu’il avait d’elle ne changerait pas après leur discussion. Mais il le pensait pourtant sincèrement, car elle restait la même, il le savait, simplement une version bien plus fragile à laquelle il se devait de faire plus attention qu’à l’accoutumée. Elle n’en saurait rien, il se l’était promis, il s’assurerait simplement d’être le pilier qu’il n’avait pas eu l’occasion d’être aux instants où elle en avait le plus besoin. A trop vouloir aider les autres, à être présent pour leurs deuils et à tenter de refermer leurs blessures, Lewis faisait peut-être l’erreur de se perdre et de ne pas s’accorder une aide qui lui serait également bénéfique. Il s’était trop habitué à être seul depuis le départ de Kendall et Shiloh et surtout depuis que le membre de sa fratrie avec lequel il se sentait le plus à l’aise était aux abonnés absents. Difficile pour Lewis de se confier à un Atlas qui semblait déjà porter le poids des regrets concernant sa carrière avec énormément de difficultés, encore plus lorsqu’il utiliserait cette excuse pour ne plus parler du tout. Mais s’il avait toujours été un exemple, Lewis pouvait à présent voir la façon dont les épreuves s’accumulaient pour lui de façon à ce que son inquiétude se transforme en de réelles craintes. Il ne pouvait pas faire pareil que son grand frère, il devait se confier. La dernière annonce d’Atlas et son absence au repas familial avait été l’impulsion dont il avait besoin alors que la dernière bouchée de son dessert avait eu un gout bien trop amer. Il s’était excusé auprès de ses parents, avec un sourire auxquels ils avaient tous cru, avant de s’isoler dans sa chambre et d’envoyer un message. Lewis s’était mis à faire les cent pas en espérant une réponse, cherchant tout de même à comprendre s’il avait pris la bonne décision - et en un rapide échange, Shiloh l’avait rassuré.

Le chemin jusqu’à chez elle lui avait semblé long, bien trop long, alors qu’inconsciemment, il roulait à une allure bien inférieure à la limitation. Lewis était nerveux, se sentant une nouvelle fois coupable de venir chercher du soutien auprès d’une Shiloh qui devait elle-même encore être sous l’émotion de ses révélations ou en train de se poser mille questions concernant sa carrière. Mais s’il avait retardé l’échéance, le mettant en retard alors qu’aucun horaire n’avait été fixé, il s’était finalement retrouvé en bas de chez elle puis devant sa porte, prenant une longue inspiration avant de frapper trois coups. Shiloh avait ouvert et il avait souri en se passant une main dans les cheveux, il ne voulait pas l’inquiéter, il allait bien, malgré ces quelques doutes passagers. Il n’était pas le personnage principal des problèmes de la famille Siede mais se sentait pourtant au centre de tout, et c’était de cela dont il avait besoin de parler, son incapacité à accepter que son frère veuille gérer seul ce qui selon lui nécessitait d'être accompagné. « Ta coloc est pas là ? Je veux vraiment pas déranger, je t’assure c’est idiot … » Son regard se perdait déjà dans l’appartement parce qu’il était effrayé à l’idée de pouvoir réveiller Olive, déjà extrêmement nerveux de se présenter ainsi à Shiloh. « On vient de finir le repas du dimanche, Atlas était pas là, ça m’a contrarié. » avait-il commencé sans plus attendre puisqu'elle savait qu'il venait dans l'optique de discuter avant de réaliser qu’elle ne pouvait pas comprendre ce qu’impliquait cette absence. « Mais moi aussi j’ai des trucs à te raconter, Shy. Je choisis mal mon moment hin ? » Il avait ajouté une touche d'humour puis un léger rire à son affirmation pour ne pas l’inquiéter davantage, elle saurait bien vite qu’il ne s’agissait pas de lui.

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La sonnerie de son téléphone l’a tiré dans sa frénésie créative. S’il n’est pas inhabituel que Lewis lui écrive à cette heure-ci, il l’est totalement qu’il demande à la voir. Shiloh choisit de ne pas s’alarmer inutilement, mais ne se pose même pas de question avant de lui répondre dans la minute. Il sera toujours le bienvenu chez elle, surtout après ces dernières semaines. Elle n’a aucune idée de ce qui a poussé Lewis à faire une telle requête, mais elle ne compte pas le laisser s’emmurer dans son silence, comme il semble avoir pris l’habitude de le faire. Il dit ne pas avoir changé, mais elle a noté, dans son comportement, de subtiles altérations. De la façon qu’il a d’être encore plus réservé qu’avant, à cette fichue habitude qu’il a prise de se mordiller les lèvres comme s’il se retenait constamment de dire quoi que ce soit. Elle n’est pas certaine de pleinement être capable de cerner cette version de Lewis, mais quelque chose lui fait dire qu’il se retient autour d’elle. Comme s’il avait peur de la briser ou de lui faire peur. Elle n’a pas encore voulu lui en parler, tout est encore si frais, avec tout ce qu’elle lui a annoncé, tout ce qu’il doit prendre en compte et digérer. Au fond d’elle, Shiloh espère sincèrement qu’il ne prendra pas la fuite et le message de ce soir, lui donne encore de l’espoir, sur cette amitié retrouvée.

Il arrive presque timidement, à moitié certain de pouvoir entrer, alors que son regard cherche à sonder l’appartement au-dessus de son épaule. « Ta coloc est pas là ? Je veux vraiment pas déranger, je t’assure c’est idiot… » Elle pourrait s’offusquer de la question, mais ce serait malvenu. Il est stressé, pour une raison qu’elle ignore, et elle ne compte pas se moquer de lui alors qu’il paraît être sur le fil. « Olive passe la nuit au dispensaire. » Comme si l’inverse l’aurait empêché d’inviter Lewis à entrer. « Et même si elle était là, ça ne change rien. » Qu’elle lui assure dans un doux sourire alors qu’elle se permet d’attraper la main de Lewis pour l’entraîner à l’intérieur. Qu’il ne reste pas sur le palier alors qu’elle s’inquiète déjà de le voir ainsi. Qu’est-ce qui t’arrive, Lewis ? « On vient de finir le repas du dimanche, Atlas était pas là, ça m’a contrarié. » Elle enregistre l’information sans forcément faire le lien avec l’agitation de son ami. Son frère aîné a la quarantaine, il est militaire de profession, il devait probablement avoir une bonne raison ? Lewis ne serait pas aussi contrarié pour quelque chose d’aussi simple, toute sa vie, il a dû jongler avec les absences de son frère. Il s’agit d’autre chose que Shiloh n’arrive pas à cerner, mais qui l’inquiète alors qu’elle a bien du mal à trouver le regard de Lewis. « Mais moi aussi j’ai des trucs à te raconter, Shy. Je choisis mal mon moment hin ? » Par automatisme, elle secoue la tête en signe de négation. « Jamais. Tu tombes jamais mal, d’accord ? » Une fois encore, elle lui offre un sourire qu’elle espère rassurant, alors qu’elle l’entraîne un peu plus loin dans l’appartement. Dans la cuisine, plus exactement, où elle l’invite à s’asseoir, alors qu’elle s’agite déjà pour leur faire une tasse de thé. « Tu veux me raconter ? » Elle ne l’oblige à rien, elle espère que cela est évident pour lui. Sans même lui demander, elle choisit parmi sa collection de thé un dont elle est certaine qu’il appréciera le goût.

S’il ne restait jamais bien loin de son ordinateur, il en était de même pour son téléphone - pour des raisons professionnelles, ou parce qu’il avait un peu plus de raison de l’avoir constamment en main maintenant que Shiloh était de retour dans sa vie. Leurs échanges de messages ressemblaient normalement à une suite chaotique de memes, de photos sans aucun contexte et de discussions aléatoires n’ayant pour unique but que de se faire sourire mutuellement. Ils avaient des discussions par ce biais même s’ils préféraient se parler en face, mais une chose était sûre, il était extrêmement rare que Lewis utilise ce moyen de communication pour ce qui ressemblait à un appel à l’aide. Alors il savait qu'elle s’inquiétait, malgré la façon dont elle le dissimulait presque parfaitement. « Olive passe la nuit au dispensaire. » Il avait acquiescé avant d’enfin rentrer, soulagé. « Et même si elle était là, ça ne change rien. » Cela ne la dérangeait pas elle, mais lui se sentait déjà de trop, et le problème aurait été encore plus évident si Olive avait été présente. Il continuait de s’excuser, pourtant persuadé que c’était la bonne chose à faire, n’en pouvait plus de prétendre que tout allait bien. « Jamais. Tu tombes jamais mal, d’accord ? » Sa douceur lui faisait du bien presque instantanément mais elle ne l’aidait aucunement à faire le tri de toutes les pensées qui l’empêchaient d’y voir clair alors que son cœur s’était mis à battre la chamade après ces quelques mots.

Déjà, Shiloh s'affairait dans la cuisine à leur préparer un thé et à sélectionner celui qui lui plairait le plus. L'attention le touchait et il gardait un sourire aux lèvres, déjà apaisé par sa simple présence ici, rassuré par le bazar engendré par la séance de couture de son amie. « Tu veux me raconter ? » « Ben… Vaudrait mieux maintenant que j’ai décidé de débarquer chez toi à cette heure. » Il lui avait lancé une grimace exagérée pour la faire rire et détendre l’atmosphère - il savait qu’elle ne l’y obligerait pas, mais lui le ferait, parce qu’il devait cesser de se cacher. Lewis devait profiter du retour de son amie pour tenter d’apaiser un peu son esprit torturé depuis l’accident.  « Il est pas venu parce qu’il a perdu son meilleur ami… » Les deuils se succédaient autour de lui, sans qu’il ne réussisse à gérer en ayant le sentiment de devoir lui-même faire le deuil d’un grand frère qui pourrait ne plus jamais redevenir celui qu’il était. Si le sentiment de ne plus être que l'ombre de lui-même effrayait Atlas, Lewis ressentait le même sentiment à l’idée de perdre ce lien qu’ils entretenaient normalement. « Je m’inquiète beaucoup pour lui. Je voulais pas t’embêter avec ça mais… il a eu un accident qui l’a plongé dans le coma. Il s'en est sorti, je te rassure c’était il y a plus de deux ans déjà. Mais je suis pas convaincu qu'il aille bien. » Difficile de tenir un discours cohérent alors qu’il livrait en simplement quelques mots quelque chose qu’il aurait dû prendre le temps d’expliquer pour justifier son propre état. Shiloh avait besoin d'être rassurée, alors il s'était empressé de le faire tout en se livrant. Pour une fois, il souhaitait être le protagoniste, se défaire de l’ombre d’Atlas qui demeurait pourtant l’une des personnes les plus importantes de sa vie. Shiloh aurait des questions, c’était évident, mais il était fatigué, contrarié, et il avait besoin de quelque chose de positif. « Et j’sais pas, c’est bête, mais j’avais besoin d’être avec toi pour pas y penser. » Lewis aurait pu terminer sa phrase plus rapidement, lui indiquer qu’il avait ressenti le besoin d’être avec elle, tout simplement. Le sentiment était décuplé par toutes les idées qui lui trottaient dans la tête depuis que Atlas lui avait demandé de mentir à leurs parents, mais la réalité était là : depuis qu’elle était de retour, il voulait passer le plus clair de son temps à ses côtés et n’avait jamais aucune envie de la quitter lorsqu’ils se retrouvaient.

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Un regard suffit à lui faire comprendre que quelque chose ne va pas. Il n’est pas très expressif dans ce genre de moment, mais elle le connaît assez pour lire entre les lignes. Quelque chose le tracasse et cela sort des futilités du quotidien, elle le sait, elle va devoir faire preuve de patience alors qu’il joue déjà à se cacher derrière son léger sarcasme et les blagues qu’il a pour habitude de débiter à toute vitesse. « Ben… Vaudrait mieux maintenant que j’ai décidé de débarquer chez toi à cette heure. » Elle lui adresse un regard légèrement amusé, même si elle voit bien au-delà de la façade qu’il lui présente. « Tu peux très bien débarquer sans raison. » Qu’importe l’heure en réalité. S’il pensait vouloir se confier et qu’il a changé d’avis, elle ne lui en voudra pas. Surtout, elle ne sera jamais celle qui le forcera à parler. Elle espère qu’il a conscience de cela, qu’il n’a aucunement besoin d’une raison pour l’appeler, pour chercher un peu de réconfort ou quoi que ce soit. Il est difficile de le dire ainsi sans laisser transposer bien d’autres sentiments qu’elle n’ose encore affronter, mais elle espère que son sourire rassurant parle de lui-même.

« Il est pas venu parce qu’il a perdu son meilleur ami… » Elle n’a pas besoin de se retourner pour comprendre la tristesse qui vient de s’emparer de Lewis. Un deuil n’est jamais aisé, encore plus lorsque la personne est jeune. Ce n’est pas dans l’ordre des choses, ce n’est pas ce qui devrait se passer. « Tu le connaissais ? » Est-ce que lui aussi a du mal à réaliser ? Elle s’interroge alors que l’eau commence à chauffer dans la bouilloire et qu’elle détourne son attention sur le blond. Ses traits sont tirés, empreints d’une tristesse qu’elle ne lui connaissait pas, mais quelque chose lui fait dire que Lewis n’a qu’une seule inquiétude et que cette dernière concerne son frère aîné. « Je m’inquiète beaucoup pour lui. Je voulais pas t’embêter avec ça mais… il a eu un accident qui l’a plongé dans le coma. Il s'en est sorti, je te rassure, c’était il y a plus de deux ans déjà. Mais je suis pas convaincu qu'il aille bien. » Les informations se bousculent dans son esprit. Atlas a eu un accident ? La culpabilité vient la ronger de l’intérieur, consciente de ne pas avoir été présente à ses côtés pour cette épreuve qui semble l’avoir profondément chamboulé. « Je suis désolé, Lewis. » Elle sait à quel point il aime son frère, à quel point il l’a toujours vu comme un héros. Est-ce qu’Atlas avait eu un souci dans l’exercice de ses fonctions ? À quel point cela s’était avéré grave ? Les questions s’enchaînent, mais elle préfère ne pas insister, alors que Lewis vient de verbaliser l’inquiétude qu’il semblait avoir gardé profondément ancrée en lui depuis bien trop longtemps. « Il a du mal à s’en remettre ? » À quel point est-il inquiet ? Est-ce que cela s’affaire uniquement autour de la santé physique de son aîné ou cela a bien plus attrait avec sa santé mentale ? Comment est-ce qu’elle pourra bien le soutenir dans cette épreuve qui paraît le ronger en silence depuis près de deux ans ? « Et j’sais pas, c’est bête, mais j’avais besoin d’être avec toi pour pas y penser. » Son visage se fend d’un nouveau sourire rassurant. « C’est jamais bête. » Elle préfère le savoir ici plutôt que seul chez lui entraîner de ruminer tout cela. Elle préfère pouvoir garder un œil sur lui.

Et elle préfère avoir le contrôle sur un morceau de la situation. Alors, sans se défaire de son sourire solaire, elle vient poser une tasse brûlante entre ses mains. « Prends ça, et viens avec moi. » Elle ne lui laisse pas vraiment le choix, mais c’est pour le mieux. Sans un mot de plus, elle l’entraîne dans le salon, l’invitant à s’installer sur le canapé pendant qu’elle joue avec la télécommande de la télévision. Après quelques manipulations, le générique du troisième Harry Potter commence à jouer sur l’écran, alors que Shiloh attrape un plaid et le dépose sur les cuisses de Lewis. Tout va trop vite dans son esprit pour le moment, il a besoin d’une pause, d’un moment à simplement profiter de l’instant, sans se torturer. Sans un mot, parce qu’elle ne saurait vraiment quoi dire, elle vient se faufiler à côté de lui. Elle n’hésite pas une seconde à coller son corps au sien, venant poser sa tête contre son épaule alors qu’à l’écran, le trio de sorciers se retrouve pour la rentrée. 

C’est après de nombreuses minutes et alors que leurs tasses vides ont trouvé une place sur la table basse que Shiloh ose légèrement se redresser pour observer le profil de Lewis. Son regard reste rivé sur l’écran alors qu’elle catalogue l’inquiétude qui marque encore ses traits. « Est-ce que tu lui as dit ? » Elle sent son hésitation et ajoute en douceur. « À Atlas, est-ce que tu lui as dit que tu t’inquiètes pour lui ? » À quel point leur relation a pris un coup ? Elle a la sensation qu’ils ne sont plus aussi proches qu’avant et que, par conséquent, Lewis ne sait plus vraiment à qui s’adresser. Elle espère qu’il trouvera l’envie de se confier dans cet instant, alors qu’ils ne sont que tous les deux dans le cocon de son appartement.

« Tu peux très bien débarquer sans raison. » Il aurait adoré avoir la confiance de certains, celle qui l’aurait poussé à venir toquer à la porte de Shiloh lorsque l’envie se faisait pressante. La vérité était qu’elle l’aurait vu bien trop souvent s’il suivait cette envie là, qui ne quittait jamais réellement son esprit. Alors plutôt que de continuer à se perdre dans ses pensées et à tenter de les formuler, il s’était retenu, trouvant bien plus simple d’utiliser une plaisanterie. « Hey tu vas pas me faire passer pour celui qui te contacte qu’en cas de besoin, hin ? » Ses sourires étaient toujours similaires lorsqu’il s’agissait de désamorcer ses traits d’humour qui le représentaient mais qu’il était toujours trop timide pour oser pleinement. Surtout maintenant qu’il savait, qu’il avait eu l’intégralité de cette partie d’histoire qu’il lui manquait et que Shiloh lui avait raconté sans détour. Sans omettre le moindre détail. Alors il avait entrepris de s’adonner au même exercice. « Tu le connaissais ? » « Vaguement. » C’était assez pour informer Shiloh que son chagrin à lui ne découlait pas de là. Et le moment était venu de lui en expliquer les raisons. « Je suis désolé, Lewis. » Bien sûr que ces excuses étaient celles que n’importe qui aurait prononcées suite à une pareille nouvelle. C’était la réponse la plus basique qui était, mais justement, Shiloh était loin de l’être, et Lewis savait que celles-ci étaient bien plus profondes qu’elles en avaient l’air alors il s’était permis de répondre à sa manière. « Nan, nan, s’il te plait, Shy… » avait-il commencé en fermant doucement les yeux et en prenant soin de maîtriser le ton de sa voix pour ne pas la brusquer. « C’est pour ça que je disais rien. Je voulais pas que tu culpabilises. » avait-il terminé dans un sourire qui se voulait rassurant alors que si Atlas allait bien physiquement, mentalement, le drame était encore palpable. « Il a du mal à s’en remettre ? » Il pourrait en parler des heures, des montagnes russes que les Siede vivaient en même temps que la guérison d’Atlas traînait. Mais il sélectionnait ses mots, plus pour se préserver lui que Shiloh. « Sa carrière a été brisée, et je crois que t’en sais assez sur lui pour savoir que ça résume assez son état mental. » L’expression de son visage disait son désarroi, mais au moins, il était avec elle. « C’est jamais bête. » Il espérait que ses sentiments ne seraient jamais vus comme tel, pourtant conscient qu'il ne franchirait jamais l'étape de les lui confier.

Ses sourires étaient rassurants, presque plus que la chaleur de la tasse qu’elle lui avait apportée. « Prends ça, et viens avec moi. » Il l’avait suivi sans un mot, parce qu’il pensait savoir ce qui allait suivre. Comme à son habitude, avec la douceur qui la qualifiait, Shiloh allait lui éviter de trop en dire car elle connaissait ses difficultés à se confier. Et en un instant, ils s’étaient retrouvés lovés l’un contre l’autre dans son canapé, avec un film qu’ils connaissaient par cœur et les empêcheraient de devoir trop se concentrer. C’était parfait parce qu’il était tard et que le cerveau de Lewis ne semblait pas décidé à stopper le cours de ses pensées. Pourtant, le pouvoir de Shiloh était tel qu’il avait fini par ne plus penser à autre chose qu’à sa tête sur son épaule et aux répliques qu’ils ne pouvaient s’empêcher de murmurer tant ils les connaissaient par coeur. C’était à ça qu’il rêvait, maintenant, à une manière de capturer ce moment pour toujours ou à lui permettre de se réaliser encore et encore, et juste comme ça, il avait retrouvé un certain calme. « Est-ce que tu lui as dit ? » La pièce avait été baignée dans un silence apaisant qui l’avait presque fait s’endormir, mais la voix douce de Shiloh l’avait tiré de ses pensées. « À Atlas, est-ce que tu lui as dit que tu t’inquiètes pour lui ? » « J’ai essayé, ouais. Mais dans sa tête je suis encore qu’un gamin et s’il reçoit de leçons de personne, encore moins de moi. » Il avait un besoin immense de déverser sa rage, celle qu’il dissimulait à l’intérieur et qu’il était toujours trop poli pour cracher au visage de son frère. Trop peureux, probablement aussi. Cette rage qui ne pouvait être verbalisée qu’auprès de ceux qui n’étaient mêlé que de très loin à l’histoire principale, pour ne pas être vu comme minable et incapable de gérer une situation compliquée. Cette rage silencieuse qui vous bouffait de l’intérieur si elle n’était pas expulsée. Mais elle était là, le visage légèrement éclairé par les lumières de l’écran, et chacun des traits de son visage sur lequel il posait les yeux semblait plus beau que le précédent. Il était incapable de la laisser assister à ce moment là, alors il avait tempéré son discours. « Alors j’essaie de le faire parler dès que j’en ai l’occasion, quand je vois qu’il est un peu plus réceptif. C’est rare, mais ça arrive. » Il avait laissé s’échapper un léger rire en pensant à sa brute de grand frère. « Je déteste qu’il ne comprenne pas à quel point j’suis impliqué, qu’il le veuille ou non. Cet accident, ça m’a impacté. » Son regard était vide alors qu’il l’avait posé sur un point fixe du mur et que, pour la première fois, il avait semblé avoir ouvert son cœur à la bonne personne même s’il ne s’agissait pas de la façon dont il avait imaginé le faire. Ni du bon sujet.

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« Hey tu vas pas me faire passer pour celui qui te contacte qu’en cas de besoin, hin ? » Si elle en avait été capable, elle lui aurait probablement lancé un regard noir pour avoir osé penser cela. Elle sait qu’il se cache derrière son humour, c’est encore plus évident quand la moindre de ses interventions devient aussi bancale. « À se demander si tu viens pas chez moi uniquement pour me piquer des cookies. » Elle délivre sa réplique sur le même ton que lui, lui faisant alors comprendre qu’elle est parfaitement encore capable de voir au travers de son petit jeu. Car derrière les remarques se planque un Lewis qui cherche à garder la tête haute face à des soucis qui semblent le ronger de l’intérieur depuis trop longtemps. 

Elle sait à quel point il admire son frère aîné. Elle n’a jamais vraiment eu l’occasion de passer du temps en compagnie d’Atlas, elle se souvient qu’il venait parfois les chercher en soirée et qu’il s’amusait à toujours faire une petite remarque à Lewis. Elle n’avait retenu que son allure et ce qu’il dégageait comme confiance et sureté. Il était difficile d’imaginer que cet homme ne serait aujourd’hui plus que l’ombre de lui-même. « Sa carrière a été brisée, et je crois que t’en sais assez sur lui pour savoir que ça résume assez son état mental. » Elle se rappelle de Lewis qui attendait nerveusement après son téléphone, de son soulagement quand son aîné finissait par lui envoyer un message ou une photo de l’Océan qui s’étendait à perte de vue. Elle a encore en mémoire les photos d’Atlas en uniforme, un sourire aveuglant en direction de l’objectif. « Je comprends que ce ne soit pas simple pour lui. » Qu’est-ce que l’on devient quand tout s’écroule comme cela du jour au lendemain ? Mais ce n’est pas ce qui lui importe. Atlas doit avoir des gens qui l’entourent, mais qui ce souci de celui qui ne dit jamais rien, qui encaisse en se cachant derrière ses blagues et qui atterrit dans son appartement, tard un dimanche soir, avec un sourire qui ne brille plus très bien ?

À défaut de trouver les mots justes, Shiloh connait encore ce qui peut fonctionner pour au moins apaiser l’esprit de Lewis. Ce n’est trois fois rien, mais une méthode qui a toujours su faire ses preuves par le passé. L’un de leur film favori à la télévision, une tasse de thé et une proximité qui rappelle à l’autre que la solitude n’est pas envisagée. Elle lui laisse le temps de se calmer, lui qui s’agite sans cesse, avant d’enfin s’autoriser à relâcher la pression qu’il avait enfermée dans ses épaules. Elle lui offre un peu de répit, mais ne veut pas refermer la porte qu’il venait d’entrouvrir timidement. Quelque chose ne va pas et il ne peut plus uniquement garder cela pour lui. « J’ai essayé, ouais. Mais dans sa tête je suis encore qu’un gamin et s’il reçoit de leçons de personne, encore moins de moi. » Elle imagine sans mal les réflexions de l’aîné sur son cadet. « Alors j’essaie de le faire parler dès que j’en ai l’occasion, quand je vois qu’il est un peu plus réceptif. C’est rare, mais ça arrive. » Et si ce qui lui importe est avant tout le bien-être de Lewis, durant un instant, Shiloh essaye de se mettre à la place d’Atlas. « Je sais pas ce que je ferais si je venais à perdre Megan comme ça. » La douleur serait trop intense, bien trop vive. Elle en perdrait sa joie de vivre. Alors cela accumulé, à ce qui semblait être déjà arrivé à l’aîné des Siede. « Il doit bien avoir une personne qui peut lui faire entendre raison, non ? » Au-delà de sa tristesse. Pour qu’Atlas réalise que ses proches souffrent avec lui, que son petit frère ne va pas aussi bien qu’il le laisse prétendre en permanence. « Je déteste qu’il ne comprenne pas à quel point j’suis impliqué, qu’il le veuille ou non. Cet accident, ça m’a impacté. » Et tout fait sens finalement. Lewis a cru perdre son frère, elle n’en doute pas un seul instant désormais. Il a eu la peur de sa vie et voir que son aîné ne s’en remet pas l’effraye plus que tout. Sans un mot, elle glisse ses doigts le long de son avant-bras, venant chercher sa main, pour la verrouiller à la sienne. Il ne lui a jamais parlé de tout ça et le simple fait qu’il évite son regard lui fait comprendre qu’elle ne peut pas juste prétendre n’avoir rien entendu. « Lew… » Elle voudrait qu’il la regarde, mais elle n’insistera pas. « Et si tu me disais à moi, ce que ça a eu comme impact sur toi, tout ça. » À quel point a-t-il eu peur sans jamais le dire ? Qu’est-ce qui a si soudainement changé pour que Lewis cache ainsi sa tristesse ?

Lewis avait toujours excellé dans l’exercice consistant à cacher ses émotions et à taire l’ensemble de ses pensées. Un mode de vie qu’il avait emprunté à son aîné pour finalement le lui reprocher aujourd’hui. Les membres de la famille Siede étaient devenus des paradoxes ayant bien du mal à s’en tenir à leurs principes et à continuer de laisser se jouer le tableau de la famille parfaite. Ils étaient unis, l’avaient toujours été, mais se débattaient avec bien des difficultés depuis l’accident. Etre considéré comme un enfant simplement parce qu’il était le dernier de la famille avait fait naître une certaine rage chez un Lewis tout à fait capable d’accepter la réalité des choses. Avoir eu le sentiment de perdre Atlas l’avait brisé une première fois et la seconde avait été encore plus brutale, son frère avait survécu, mais quelque chose s’étaient tout de même éteint. Alors il s’était enfermé dans une sorte de mutisme ou il apprenait à vivre avec ses blessures, et ce parce qu’il n’avait finalement plus grand monde vers qui se tourner. Ses parents étaient trop mal à l’aise pour aborder le sujet avec lui, le point de vue de ses autres frères et soeurs ne lui plaisait pas et ses amis ne faisaient plus partie de l’équation. Pas ceux à qui il aurait été capable de se confier. Il lui avait donc fallu se torturer un brin l’esprit pour oser écrire à Shiloh, maintenant qu’elle était de retour et qu’il n’avait plus l’excuse de la solitude pour se laisser aller au même désarroi qu’Atlas. « Je comprends que ce ne soit pas simple pour lui. » L’accident et la perte de mémoire l’avaient laissé sur le carreau et voilà qu’il devait maintenant supporter un deuil. Et Lewis, par extension, continuait à ajouter à son fardeau qui devenait de plus en plus lourd même si en sa présence, il semblait enfin se délester. « Je sais pas ce que je ferais si je venais à perdre Megan comme ça. » Il avait longtemps essayé de se mettre à sa place pour proposer ce qui ressemblait à des solutions efficaces, mais rien ne semblait fonctionner. « Il doit bien avoir une personne qui peut lui faire entendre raison, non ? » « Honnêtement, ouais. Mais s’il m’entendait ne serait-ce qu’envisager l’idée il m’enverrait chier pour de bon. On est à l’aise avec nos sentiments chez les Siede, hin ? » Son léger rictus saurait éviter à Shiloh de comprendre le double sens de sa phrase, celle qu’il avait posée là, pour s’excuser subtilement de ce qu’il voyait comme une erreur, presque une réaction de lâche. Ce n’était pas la première fois qu’il trouvait des moyens détournés de lui dire avec toute la subtilité du monde à quel point il regrettait de ne pas être en mesure de lui dire la vérité. Mais les deux réponses possibles à un élan de sincérité étaient trop opposées pour le mettre à l’aise : si quelque chose de beau pouvait en découler, il risquait également de la perdre. Et à bien y réfléchir, la frénésie qu’apportait la première n’effaçait pas les craintes de la seconde.

Alors il avait soupiré, reprenant la discussion là où il l’avait laissée et se détachant de ce jeu dangereux. Maintenant qu’il avait franchi la première étape, qu’il avait ouvert les vannes, il s’autorisait enfin à s’exprimer sur la façon dont il semblait avoir été oublié. Personne n’avait réellement pris en compte ce qu’il ressentait, ni même souhaité lui accorder un rôle dans la période de guérison et d’accalmie. « Lew… » Il avait frissonné en sentant le bout de ses doigts sur son avant-bras et il avait été incapable de la regarder, cela aurait rendu tout ce qui se tramait dans son estomac bien trop réel. « Et si tu me disais à moi, ce que ça a eu comme impact sur toi, tout ça. » Puis finalement, son regard avait emprisonné le sien un instant qui s’était éternisé, assez pour que Lewis s’y perde. Shiloh y verrait là sa volonté de s’assurer qu’elle était prête à tout entendre, il l’espérait, car il n’était pas prêt à assumer ce qui expliquait réellement ces regards. Fermant les yeux un instant comme pour reprendre le contrôle de la situation, il les avait rouverts pour venir fixer un point devant lui. « J’étais à l’hôpital tous les jours, aussi longtemps que je pouvais. Je prenais mon pc et je gérais certains dossiers là-bas, au cas où. Je voulais être la à son réveil, qu’il comprenne qu’il comptait, tu vois ? » Il avait à nouveau tourné les yeux vers elle pour voir si elle suivait et pour s’évader de ce mur qu’il n’avait pas quitté du regard et qui le renvoyait à la position qu’il avait adopté là-bas, au chevet d’Atlas. « Être sur place ça me donnait l’impression qu’il se réveillerait plus vite. C’est con, hin… j’ai passé tellement de temps là bas que je suis devenu ami avec le neurochirurgien, tu le crois ça ? »  Il était probablement bien plus sain d’en rire que de s'apitoyer sur son sort, ce n’était pas son genre et surtout pas en face d’une Shiloh dont il connaissait maintenant toutes les failles. Il n’avait pas vocation à la protéger, il cherchait simplement à être la meilleure version de lui-même à ses côtés. Elle n’avait pas besoin d’être protégée mais lui avait besoin de s’affirmer, encore plus lorsqu’il s’agissait d’elle. « J’me sens inutile, depuis le début. Et j’ai l’impression d’avoir perdu mon frère, même s’il s’est réveillé. » Le dire tout haut lui faisait froid dans le dos, et s’il ne s’était pas forgé une carapace aussi solide durant ces dernières années, il aurait probablement éclaté en sanglots. A la place, il avait exercé une légère étreinte sur la main de Shiloh avant d’enfin planter son regard brillant dans le sien. C’était de ça, dont il avait toujours eu besoin.

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Les rôles se sont subitement inversés entre eux. C’est Lewis qui vient chercher du réconfort et si Shiloh est prête à lui accorder toute son attention, il faut avouer que le voir aussi désemparé la laisse sans voix. Ce n’est pas dans ses habitudes et elle l’entend à cette fâcheuse manie qu’il a de chercher à insérer de l’humour dans chacune de ses phrases. Comme s’il avait besoin de jouer un rôle devant elle. C’est comme s’il avait oublié tout ce qu’ils ont toujours été l’un pour l’autre, ou plutôt, qu’il n’ose plus être aussi franc qu’auparavant maintenant qu’il connaît toute son histoire. Elle voudrait qu’il puisse se sentir assez à l’aise pour tout dire, sans retenue. Mais elle comprend que la journée a sûrement été assez éprouvante pour lui et que, par conséquent, il ne sait plus réellement par où commencer. Une chose est certaine, la raison principale de son désarroi se prénomme Atlas et semble plus têtue encore que son benjamin. « Honnêtement, ouais. Mais s’il m’entendait ne serait-ce qu’envisager l’idée il m’enverrait chier pour de bon. On est à l’aise avec nos sentiments chez les Siede, hin ? » Elle échappe un soupir alors qu’il semble à nouveau amuser par sa réplique. « Tu la connais, cette demoiselle ? » Il ne peut s’agir que d’une femme et qui semble avoir une certaine emprise sur le cœur de l’aîné. « Il a pas besoin de tout savoir… » Elle n’aime pas aller à l’encontre de la volonté des gens, mais il paraît évident que Lewis semble à court d’idées et surtout qu’il semble persuadé que cette personne pourrait faire la différence. Peut-être qu’Atlas a besoin d’un électrochoc en bonne et due forme ? Pour enfin réaliser que ses proches s’inquiètent, qu’il n’est pas seul et surtout que son petit frère cherche à renouer un lien si précieux à ses yeux.

Elle ne possède aucun pouvoir sur les actions du plus âgé, mais elle pense encore pouvoir aider le petit dernier de la fratrie à se défaire du poids qui pèse sur ses épaules. Elle déteste le voir ainsi, le regard éteint, à vouloir se dissimuler derrière une barricade qui ne lui ressemble pas. Elle comprend que cet accident a profondément chamboulé son ami et elle s’en veut de ne pas avoir été présente dans ce moment de sa vie. Elle n’avait même pas été disponible à l’autre bout du fil, Kendall jouait aux abonnés absents et Lewis a dû tout affronter seul, sans ses meilleurs amis. Un miracle qu’il a su tenir sans exploser en vol. Elle lui accorde tout le temps dont il a besoin, mais lorsque son regard vient attraper le sien, le temps semble soudainement s’arrêter. Dans le creux de ses prunelles bleutées, elle sait lire une hésitation, Lewis n’ose pas tout lui dire. Comme s’il avait peur de la briser avec ses histoires. Dans un sourire timide, elle hoche lentement de la tête, serrant la main de Lewis dans la sienne. Un accord silencieux l’invitant à ne rien lui cacher. Ils peuvent tout se dire, ça ne devrait pas changer, qu’importe ce qu’il sait sur sa personne désormais. « J’étais à l’hôpital tous les jours, aussi longtemps que je pouvais. Je prenais mon pc et je gérais certains dossiers là-bas, au cas où. Je voulais être là à son réveil, qu’il comprenne qu’il comptait, tu vois ? » Elle hoche la tête, comprenant alors que l’accident d’Atlas s’était voulu assez grave pour qu’il se retrouve probablement dans le coma. « Être sur place, ça me donnait l’impression qu’il se réveillerait plus vite. C’est con, hin… j’ai passé tellement de temps là-bas que je suis devenu ami avec le neurochirurgien, tu le crois ça ? » - « C’est bien toi de devenir ami avec tout le monde. » Elle cherche un peu de légèreté à son tour, comprenant qu’il ne lui donnera pas tous les détails, mais que, très probablement, la famille Siede à penser perdre l’un des leurs. 

Elle peut ressentir toute la retenue qu’il s’impose et elle voudrait lui demander de ne pas la traiter comme un être fragile. Elle peut entendre, elle peut encaisser. Elle veut pouvoir l’épauler, surtout alors qu’il semble lutter contre tout un tas de sentiments provoqués par l’absence de son frère à ce dîner. Lewis n’est pas du genre à s’inquiéter d’un rien, quelque chose le tracasse réellement, mais elle ne le presse pas et finalement tout lui échappe. « J’me sens inutile, depuis le début. Et j’ai l’impression d’avoir perdu mon frère, même s’il s’est réveillé. » Lorsqu’il relève un regard humide dans sa direction, elle ne souhaite qu’une seule chose : lui promettre que tout ira bien. Sans attendre, elle se redresse sur le canapé pour s’asseoir sur ses genoux et pouvoir se pencher vers Lewis enroulant ses bras autour de ses épaules dans une étreinte, certes un peu bancale, mais destinée à le rassurer. Les secondes s’écoulent avant qu’elle ne vienne murmurer à son oreille. « T’es plus tout seul maintenant. » C’est sa promesse d’être là, de l’écouter, de le soutenir dans cette épreuve qu’il a trop longtemps portée seul. Elle fait durer l’étreinte une seconde de plus avant de se reculer pour mieux planter son regard dans celui de son ami. « Ton frère est vivant, Lew, je comprends que quelque chose a changé entre vous... » À quel point est-ce qu’Atlas est devenu différent en réalité ? Elle n’a pas toutes les informations, mais elle est certaine d’une chose : « Mais il est là, et vous avez une seconde chance. » Atlas aurait pu mourir, mais il s’en est sorti et il serait bien trop idiot que ces deux-là gâchent le temps supplémentaire qui leur a été alloué. « Il faut que tu lui parles de tout ce que tu rumine dans ton coin, même si la conversation ne sera pas des plus sympas au départ. » Sans même réfléchir, sa main vient se poser une seconde sur la joue de Lewis avant qu’elle ne la retire pour mieux lui accorder un sourire timide. « Il a sûrement terriblement besoin de vous, mais la fierté que vous traînez comme point commun l’empêche de vous en parler. » Elle se souvient d’Atlas, de cet homme droit, à la carrure d’un militaire qui ne s’épanche que rarement sur ses sentiments. Elle imagine sans mal que ce genre de fierté coule comme un héritage dans les veines de chacun des enfants Siede. « Comment ça se passe avec vos sœurs ? Tu as parlé de tout ça avec elles ? » Ou est-ce qu’il s’entête à rester dans son coin comme elle l’imagine parfaitement le faire ?

Il s’exprimait enfin, sur un sujet qui était devenu si compliqué pour l’ensemble de la famille Siede que lui-même avait commencé à l’enfouir, pour suivre les autres et pour se protéger. Ne pas en parler rendaient les choses moins réelles et lui permettait d’oublier mais cela ne durait qu’un temps et il était conscient de la dangerosité de tout intérioriser. Shiloh était celle qui lui montrait le chemin, et à ses côtés, tout devenait plus facile, même l’impossible. « Tu la connais, cette demoiselle ? » Evoquer Lola comme étant la seule personne pouvant lui faire entendre raison était une logique que là encore, les parents n’avaient pas été prêts à aborder avec lui. Par pudeur et respect pour Atlas mais également parce qu’ils partagaient tous ce même regret de voir l’ancien pilote préférer cet avis-là aux leurs, incapable d’avouer poser un avis négatif sur celle qu’ils considéraient tous comme un membre de la famille. La situation était délicate pour Atlas mais l’était tout autant pour l’ensemble de ses proches, Alma ne dérogeant pas à la règle depuis son retour dans la vie de celui qu’elle devait probablement également peiner à reconnaître. « Il a pas besoin de tout savoir… » avait-elle repris avant qu’il n’ait le temps de confirmer autrement que par un hochement de tête qu’il connaissait Lola. « Non, c’est sûr, mais il a traversé assez pour ne pas qu’on lui donne en plus l’impression de le trahir. » Avait-elle seulement conscience de la complexité de la situation dans laquelle il se trouvait ? Il espérait, désespérément, qu’elle réussisse à la saisir pour réduire sa tension de moitié.  « C’est Lola dont je parle, tu la connais, je crois ? » Tout ceux qui connaissaient les Siede de près ou de loin la connaissait et c’était dire l’importance qu’elle avait pour la famille - malgré tout.

Shiloh n’avait pas pris de pincettes, n’avait pas réfréné cette question qui lui brûlait les lèvres et qu’elle avait prononcé juste comme ça. L’impact que tout cela avait eu sur lui, sa position au milieu de tout cela, un point de vue qu’il n’avait jamais réellement eu l’occasion de donner. « C’est bien toi de devenir ami avec tout le monde. » Il lui avait adressé un sourire, c’était effectivement difficile de ne pas se lier d’amitié avec lui, il en avait conscience, et c’était la seule arrogance qu’il s’autorisait que de le croire. Dans un mouvement qui avait laissé son coeur s’emballer, Shiloh s’était redressée pour venir lui accorder une étreinte dont il n’était sûr d’avoir besoin qu’au moment où elle avait commencé. « T’es plus tout seul maintenant. » C’était ce genre de gestes, de mots tendres, qui plus que le convaincre d’une amitié plus forte que les autres, le laissait penser que quelque chose de plus était envisageable. Mais plutôt que de se laisser emporter par des pensées qui les déviaient de la conversation initiale et de ce besoin pour Shiloh de le rassurer, il avait simplement fermé les yeux pour laisser le moment l’apaiser, aussi bref avait-il été. « Ton frère est vivant, Lew, je comprends que quelque chose a changé entre vous... » Son regard ne quittait pas le sien, alors qu’elle tentait de trouver les mots justes. On lui avait déjà dit tout ça, mais l’impact de Shiloh sur lui était bien plus conséquent. « Mais il est là, et vous avez une seconde chance. » Une fois encore, une sensation désagréable était née dans son estomac alors que cet argument-là était encore plus fort que les autres. Lewis avait la chance qu’il pensait ne jamais plus avoir, et il était en train de la gâcher pour respecter les demandes de son frère d’être tranquille. « Il faut que tu lui parles de tout ce que tu rumine dans ton coin, même si la conversation ne sera pas des plus sympas au départ. » Il aurait pu répondre, tenter de rebondir sur les arugments valables qu’elle enchaînait avec beaucoup de facilité, mais à la place, il s’était laissé surprendre par sa main sur sa joue. « Il a sûrement terriblement besoin de vous, mais la fierté que vous traînez comme point commun l’empêche de vous en parler. » « Je sais pas si ça vaudrait la peine que je lui dise tout ce que je ressens, parce que je voudrais pas qu’il culpabilise en plus de tout le reste. Mais je peux faire un effort pour plus le laisser repousser mon aide… » La confirmation qu’il avait écouté et pris en compte ses conseils. « Ça m’a fait du bien de t’en parler, peu importe à qui c’était, j’avais besoin de le faire. » C’était maladroit, parce qu’il était convaincu qu’en parler avec elle était bien plus fort que de le faire avec n’importe qui d’autre. Shiloh n’avait rien relevé, parce qu’elle ne cherchait jamais le conflit, surtout là où il n’avait pas lieu d’être, et elle avait poursuivi. « Comment ça se passe avec vos sœurs ? Tu as parlé de tout ça avec elles ? » « On a essayé. Mais dès qu’on évoque le sujet d’Atlas, ça se termine dans une impasse. » Sur ce sujet, ils en étaient tous au même point. « Pour ce qui est de moi… Je pense qu'ils savent tous que je l'ai mal vécu. Mais comme t’as dû le comprendre, t’es la première à qui j’en parle réellement. » Leurs yeux se fixaient, dans un jeu dangereux où Lewis n’arrivait plus à faire semblant, et il avait donc enchaîné avec une plaisanterie. « La première qui a réussi à me tirer les vers du nez, je sais que tu m’aurais pas lâché alors bon… » Il avait levé les yeux au ciel dans une expression exagérée avant de rire et de poser sa main sur la sienne, la caressant doucement avec son pouce. « Je t’ai déjà dit que tu m’avais manqué ? » Ce n’était plus nouveau, et pourtant, à l’instar d’Atlas maintenant grâce à Shiloh qui lui avait ouvert les yeux, il réalisait la chance qu’il avait de les avoir dans sa vie quand il avait pensé les perdre pour toujours.

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Elle interprète chacune de ses hésitations, chaque respiration qu’il semble retenir dès qu’il s’agit de jeter sur la table les épreuves qu’il traverse avec son frère aîné. Jamais elle ne l’avait vu aussi fragile, capable de s’effondrer après avoir trop retenu des émotions qui paraissent le ronger depuis bien trop longtemps. Elle enregistre le moindre détail, retient ce qu’il dit et imprime ce qu’il ne dit pas, mais qu’elle devine entre les lignes. Lewis hésite, il n’est sûr de rien, semble avoir abandonné l’idée même de pouvoir un jour renouer un lien complet avec son aîné. Elle écoute avec attention, cherche à ne pas céder aux conclusions trop simples et qui se voudraient vides de sens. Elle glane les informations ci et là, ils pourront en reparler, plus tard, quand il ne sera plus autant malmené par ses émotions et la fatigue qui se fait désormais évidente sur ses traits. « Non, c’est sûr, mais il a traversé assez pour ne pas qu’on lui donne en plus l’impression de le trahir. » Elle n’a plus réellement conscience de la dynamique qu’entretient la fratrie Siede. Dans son esprit ne survivent que les souvenirs d’une famille unie, prête à tout les uns pour les autres. Elle se demande à quel point l’accident d’Atlas a bien pu les abîmer, chacun leur tour, individuellement et de manière collective. Elle s’en veut, de ne pas avoir été là, de ne pas avoir pu répondre présente pour soutenir Lewis qui avait clairement besoin que quelqu’un remarque sa détresse. « C’est Lola dont je parle, tu la connais, je crois ? » Elle hoche la tête, le prénom lui étant étrangement familier. Il lui fera une seconde supplémentaire pour l’assimiler à un visage qu’elle avait croisé à plusieurs reprises chez les Siede. « Une grande brune, magnifique et avec une classe incroyable ? » Elle se souvient l’avoir observé cette femme, elle se souvient surtout du regard que le militaire posait sur elle. Et c’est là que les éléments lui échappent encore plus. « Pourquoi il se sentirait trahi si tu en parlais à sa copine ? » Ce n’est pas ce qu’elle était ? La compagne de son frère, cela ferait sens, un pilier dans sa vie, une relation empreinte de sentiments différents, mais qui l’aiderait à prendre de la perspective. « Ils se sont séparés à cause de l’accident ? » Elle a conscience de marcher sur des œufs, de poser des questions qui ne sont sûrement pas sienne à formuler. « Pardon, t’es pas obligé de m’en parler. » Est-ce qu’il s’agit d’une énième blessure encore à vif ? A quel point elle ce qu’elle a tout louper ? À croire qu’ils ne connaissent véritablement plus grand-chose de la vie de l’autre. Le constat l’attriste quand bien même ils s’efforcent dernièrement d’inverser la tendance. 

À défaut de tout savoir, de tout comprendre, Shiloh ne possède qu’une seule force : celle de rappeler à son ami qu’il n’est plus seul désormais. Et cela commence par une étreinte qu’elle n’a pas planifiée, mais qui semble le détendre quand il se tenait si raide depuis le début de cette conversation. Elle n’estime pas avoir réponse à tout, ne cherche pas à lui faire la leçon et encore moins à l’obliger à prendre des actions. À sa manière, comme elle le peut, Shiloh lui rappelle simplement ce qu’il semble laisser filer entre ses doigts. « Je sais pas si ça vaudrait la peine que je lui dise tout ce que je ressens, parce que je voudrais pas qu’il culpabilise en plus de tout le reste. Mais je peux faire un effort pour plus le laisser repousser mon aide… » Ses traits s’étirent dans un léger sourire alors qu’elle s’assoit de nouveau à ses côtés sans pour autant lâcher son regard du sien. « J’ai conscience de ne pas le connaître comme toi, tu le connais, mais tu sais… Parfois, on fait du mal aux autres sans s’en rendre compte, parce qu’on souffre également. » Elle ne prétend pas avoir été dans les baskets de son aîné, mais elle sait aussi à quoi peut ressembler une dépression et si elle ne se permettra jamais de prononcer ces mots-là, elle veut juste rappeler à Lewis que le comportement de son frère est sûrement loin de sa réalité. Ils ont besoin de parler, elle en reste convaincue, mais elle ressent aussi la légèreté qui semble de nouveau habiter son ami. Il s’est vidé d’un poids, c’est évident. « Ça m’a fait du bien de t’en parler, peu importe à qui c’était, j’avais besoin de le faire. » Il ne verra rien, parce que jamais son sourire ne va fluctuer, mais intérieurement, Shiloh est blessée de l’entendre dire qu’elle pouvait être n’importe qui. Ce n’est pas auprès d’elle qu’il est venu chercher réassurance, elle était simplement la première disponible, ou la dernière sur la liste, ou la seule qui a bien voulu l’écouter. La remarque blesse, mais elle ne relèvera pas ce point, qu’importe, il est venu ici et elle l’a écouté.

Elle l’écoute encore quand il évoque à nouveau sa famille dans son entièreté et si elle a ramené le plaid contre elle, elle ne marque aucun mouvement de recul. Elle fera taire ses pensées, l’essentiel restant Lewis et tout ce qu’il avait à dire. « On a essayé. Mais dès qu’on évoque le sujet d’Atlas, ça se termine dans une impasse. » Il est devenu le tabou de la famille, comme elle a sûrement dû le devenir lorsqu’elle ne donnait plus de nouvelles. Un jour, elle parlera vraiment de tout cela avec Nathan. « Pour ce qui est de moi… Je pense qu'ils savent tous que je l'ai mal vécu. Mais comme t’as dû le comprendre, t’es la première à qui j’en parle réellement. » Elle hoche la tête, préférant ne pas réellement épiloguer sur ce point désormais. « La première qui a réussi à me tirer les vers du nez, je sais que tu m’aurais pas lâché, alors bon… » Elle reste amusée, malgré tout, et lève les yeux au ciel. « J’ai rien tiré du tout, t’avais besoin d’en parler, Lew. » Réellement en parler, pas simplement en le mentionnant à la vitesse de l’éclair et en faisant usage de l’humour pour déguiser le reste. Elle le voit faire, reprendre ses bonnes vieilles habitudes là où il les avait laissées en démarrant sa confession. Elle ne le lui en veut pas, il se protège comme il peut après tout. Il la surprend de son geste, empli de douceur, une reconnaissance silencieuse, un remerciement qu’elle prend à cœur alors qu’il marmonne bien plus doucement. « Je t’ai déjà dit que tu m’avais manqué ? » Elle rit à son tour, pour désamorcer, comme il sait si bien le faire. « Deux ou trois fois oui. » Pourtant, elle ne s’en lasse pas. Et sans réfléchir, parce que la spontanéité fonctionne auprès de lui, elle vient déposer un baiser sur sa joue. À la vitesse de la lumière, avant d’à nouveau se laisser tomber dans les coussins du canapé. « Toi aussi, tu m’as manqué. » Plus qu’elle ne serait réellement capable de l’admettre. Peut-être un jour, elle lui dira, qu’elle aurait dû rester à ses côtés, qu’elle aurait dû répondre à ses appels, qu’il aurait pu la sauver. Aujourd’hui, elle se contente de lui sourire avant d’attraper la télécommande et de relancer le film.

Elle n’initie rien cette fois. De lui-même, il revient prendre la même place. Dans un geste aussi cliché qu’attendrissant, il replace son bras au-dessus de ses épaules et, instinctivement, elle revient se blottir contre lui. Le film passe, ils enchaînent sur un deuxième et alors que ses paupières se font de plus en plus lourdes, elle marmonne doucement. « Lew… Tu pourras toujours venir te réfugier ici, quand t’as besoin. » Elle relève un instant la tête pour trouver son regard et lui sourit. « Même si c’est juste pour allumer la télé et regarder un film. » Même s’il n’a pas envie de parler, même s’il veut jouer au roi du silence, elle l’accueillera toujours ainsi, les bras grands ouverts.