Assise à la table du bar, Cleo est penchée sur son carnet sur lequel elle griffonne avec ses marqueurs. Elle dessine une silhouette dans une robe qui ressemble à une framboise, et elle note ses idées - utiliser des fleurs de douche pour l’effet, ou du coton, ou du papier mâché - pour réaliser l’ouvrage. C’est la fin d’après-midi, et le Canvas est plus calme que d’habitude, et Cleo y attend deux amis à elle en retard, parce que leur bus a été dévié; elle en profite pour laisser libre court à l’idée qu’elle a eu, tout à l’heure, sur son vélo. Une nouvelle idée de numéro, elle voudrait un costume qui fait disparaître toute forme de son corps et la transforme en quelque chose d’antropomorphique, pas vraiment une femme, plutôt une créature, mais quelque chose d’organique. Elle ne sait pas encore pourquoi, elle n’a pas les tenants et les aboutissants dans sa tête, mais elle prend l’idée comme cela lui vient ; elle se rappelle de ses parents qui grondaient tout le temps son esprit trop rêveur, sa tête dans les nuages. Aujourd’hui, elle attrape ces nuages-là, les observe, les couche sur le papier sans attendre, essayant de plonger dans sa créativité le plus possible, sans se juger, un exercice qu’elle ne maîtrise pas encore tout à fait. Sur une autre page du carnet, elle gribouille un visage, et imagine aux marqueurs le maquillage qui pourrait aller avec la tenue, en imagine un second, qui lui plait plus - des gros cercles roses et rouges sur le visage, du blush marqué, quelque chose de très graphique, visible. Cleo dessine, sirote la fin de sa pinte de bière - la moins chère de la carte, celle qui a un goût plat et pourtant acide. Elle arrive à la fin de son verre, et regarde l’écran de son téléphone : un texto de Malik lui indique qu’ils sont en route, mais pas là avant une vingtaine de minute, voire plus. Elle leur envoie une série d’émoji pour dire que c’était pas un souci, verrouille son téléphone. Dans le reflet de l’écran éteint, elle peut voir les strass vert collés sous ses yeux, qui brillent dans la lumière du bar, et contraste avec son fard à paupières orangé. Elle réapplique un peu de gloss, et décide de retourner se prendre un verre, oubliant l’état de son compte en banque.

Elle embarque ses affaires et va vers le bar, laissant les gens lui passer devant, trop timide pour s’imposer, elle attend patiemment son tour, ne sachant comme attirer l’attention de la barmaid, une jeune femme aux cheveux tressés et au sourire beaucoup trop charmant, qui fait monter le rouge aux joues de Cleo déjà couvert de blush vif. Elle lisse nerveusement sa chemise colorée, et joue avec les fausses perles de nacre de son collier, avant d’arriver enfin au bord du comptoir, juste à côté d’une grande jeune femme blonde que Cleo remarque ; elle écarquille les yeux, se sent bête d’avoir l’air surprise, cligne des yeux, se dit qu’il faut détourner le regard, mais qu’en même temps ça sert encore pire de faire genre qu’elle n’a pas eu l’air surprise, qu’elle n’a pas retenue Laurie Wright qui est installée à côté d’elle, alors elle bégaye, se sentant bête, « Désolée, euh, c’est juste que j’adore ton maquillage », avant de continuer, « enfin, de manière générale », parce que ce n’est pas juste un compliment sur le maquillage actuelle de Laurie, mais en même temps, elle est bien maquillée aussi, alors Cleo rajoute précipitamment, « mais euh, celui que tu portes là aussi ! »

@Laurie Wright

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C'est dans un bar que tu as choisi de faire cette série d'entretiens d'embauche. Pas un lieu conventionnel, hors de question de faire ça chez toi, tu es bien trop protectrice de ton espace pour inviter qui que ce soit. Et ce n'est certainement pas une bonne idée pour la personne sobre que tu essayes d'être depuis ton accident... Quoi que, il y a eu une petite rechute, après avoir recroisé Winston, tu t'es permis la moitié d'une bouteille de vodka, pour arrêter de faire trembler ton cœur et pour reprendre le contrôle de ta situation. Tu n'en es pas fière, le Docteur Flynn t'a dit que faire des erreurs, c'était tout simplement être humain et désormais, tu la vois deux fois par semaine au lieu de d'un seul rendez-vous hebdomadaire. Mais c'était juste ça, une erreur débile, pas du tout calculée, parce que croiser Winston ce n'était pas prévu. Tu te reprends en main depuis, tu n'as pas refait d'accro et tu n'as commandé que des verres sans alcool pendant les deux heures qui viennent de s'écouler. "Okay, d'après toi, quelles sont les qualités d'un bon assistant ?" Oui, tu as posé des questions bateau, en carton, mais cela a été un très bon moyen de te faire une opinion sur le type de candidat que tu avais en face de toi. Et pour le coup, tu es plutôt déçue, si tous, paraissaient prometteurs, ils sont un peu trop obsédés par leur nombre d'abonnés et par savoir si tu vas les filmer aussi, les trainer avec toi quand tu dois te rendre à l'atelier Prada ou aux autres événements de ce style. Et si c'est important de demander ce genre de choses, tu as besoin d'une personne un minimum concentré. Donc, non, sur les quatre candidats vus aujourd'hui, absolument aucun ne fera l'affaire.
Tu pousses un soupir et tu finis par ranger ta tablette et tout ton bazar dans ton sac. Tu supposes que c'était à prévoir pour une première fois, tu n'as qu'à continuer de chercher et tu finiras bien par trouver quelqu'un qui parle Instagram et Photoshop aussi bien que toi, mais qui est là pour te rendre la vie plus facile et s'écraser un minimum. Tu n'en demandes pas trop en voulant cela d'un assistant, du moins, tu ne penses pas que tu l'es et tu finis par te lever, gagnant quelques centimètres de plus, grâce à tes longues jambes, mais également grâce aux plateformes que tu as aux pieds. L'établissement te parait plus rempli qu'il y a quelques minutes de cela, mais tu réussis quand même à aller jusqu'au bar et tu fais un signe de la main et un sourire à la barmaid. "Hey, est-ce que je peux avoir une bière sans alcool? Merci." Tu restes sérieuse, tu ne referas pas deux fois la même bêtise, pas après tous les efforts que tu as fait, c'est comme si tu avais oublié que tu avais des contrôles sanguins réguliers et légaux à cause de ton accident. Bon, c'est pour détecter des substances illicites, l'alcool n'est pas sur la liste, mais tout de même, tu n'est pas toute blanche ni même innocente dans toute cette histoire, il ne faudrait pas que tu l'oublies en fait. "Hmm?" On s'adresse à toi et quand tu fais face à la personne concernée, une rouquine que tu sembles avoir devancé, tu ne perds pas ton sourire."Oh merci, faudrait que je repasse aux toilettes me remettre du gloss sur les lèvres, mais j'ai eu une longue journée." Le sourire est sincère, sa tenue à elle est géniale, tu adores sa chemise et tu te demandes si tu pourrais lui piquer ses chaussures à elle, mais plutôt que d'être aussi directe, ton regard remonte jusqu'à son visage. "On se connaît, non?" Tu ne sais pas pourquoi, sa tête te dit quelque chose, tu n'as pas une bonne mémoire... Correction, ta mémoire est affreuse, et tu ne saurais pas la replacer maintenant que tu y penses bien. "Et je crois que je suis passée devant toi en fait..." Tu le réalises avec un temps de retard, tu es plus fatiguée que ce que tu pensais. "Je peux te payer ton verre pour me faire pardonner."

détails inutiles:

C’est comme ça que Cleo a commencé à explorer sa non-hétérosexualité : en s’abonnant à des personnes sur instagram qui parlait de ces sujets, qui partageaient leurs vies, leurs réussistes, mais aussi leurs luttes, faisaient de la pédagogies, parfois - comme le podcast la grande blonde qui se tient devant elle. Cleo a baigné dans un milieu si conservateur qu’encore aujourd’hui, elle doit pêler les mille et unes couches d’idées reçues et d’homophobie qui lui collent à la peau, au coeur. C’est étrange, pour elle, de croiser Laurie ici, cette fille dont elle suit les maquillages et le travail depuis un moment, une personne de pixel qui maintenant se trouve devant elle, en chair et en os. Cleo la regarde avec des grands yeux, avant de se sentir gênée d’observer ainsi, surtout que Laurie doit être habituée - et fatiguée (?) - qu’on la fixe lorsqu’on la reconnait. Alors Cleo tente un compliment qu’elle bredouille à moitié, pas tout à fait sûre de l’attitude à adopter.  "Oh merci, faudrait que je repasse aux toilettes me remettre du gloss sur les lèvres, mais j'ai eu une longue journée." Le coeur de Cleo bat stupidement, parce que sa timidité l’empêcherait presque de vraiment réagir, mais elle se force à répondre, essayant de ne pas regarder ses pieds ou de trop rougir : « C’est joli comme ça aussi, le mat des lèvres qui contraste avec les pailettes sur les paupières », elle offre, avant de se corriger presque, « même si plus ça brille, mieux c’est », elle plaisante en faisant un geste vers sa tenue, parce qu’elle espère que Laurie comprenne qu’elle plaisante de sa propre manie d’être couverte de paillettes, les strass sur les yeux, les boules d’oreilles en forme de boule disco, l’highlighter qui brille sur ses joues.

"On se connaît, non?" L’estomac de Cleo se contracte, et son cerveau se met en marche à toute vitesse : non, elle n’a jamais croisée Laurie, elle s’en serait souvenue, même avec trop de grammes dans le sang et/ou le nez. « Euh, je ne crois pas?.. Enfin, je te connais », elle ajoute, honnête, « et j’adore tout ce que tu fais. » Cleo déteste à quel point on peut entendre l’émotion dans sa voix, parce qu’elle est impressionnée par Laurie face à elle, et son anxiété sociale lui murmure à l’oreille qu’elle a l’air ridicule, mais elle n’essaie de pas trop l’écouter, de ne pas gâcher ce moment.  "Et je crois que je suis passée devant toi en fait..." Cleo secoue la tête, les queues de bar, c’est un peu l’endroit où tout le monde se passe devant accidentellement. "Je peux te payer ton verre pour me faire pardonner." Le rouge monte aux joues de Cleo, instantanément, et elle réplique précipitamment, « oh, mais non, ne t’inquiète pas », parce qu’elle ne veut pas déranger, avant de se dire qu’elle est en train d’accidentellement se priver de quelque chose, et elle continue, hésitante, « enfin, je veux dire, vraiment, ne te sens pas obligée, mais, euh, pourquoi pas ? » Elle tente un sourire un peu timide. « Mes amis sont en retard, comme d’habitude », elle confie en haussant les épaules, comme pour expliquer pourquoi elle est seule. « Tu attends aussi quelqu’un ? » Elle demande à Laurie, qui ne semble pas être accompagnée elle aussi.


@Laurie Wright

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Ce n'est pas la première fois qu'on te reconnait dans un lieu public, du tout, et si certains sont fatigués de l'entendre et sont même assez malpolis envers les personnes qui les abordent... ce n'est pas encore ton cas. Non, la nouveauté de tout ça ne s'est pas encore estompé, et cela arrive de plus en plus, entre les contrats de maquillage et ton plus gros contrat avec Prada, ça ne fait qu'augmenter. Tu ne peux pas te plaindre, tu vis de cela, que ce soir aux arrêts de bus ou sur le téléphone des gens, tu sais que tu as su trouver une certaine audience et maintenant tu as le genre de plateforme où tu peux te permettre de ne pas t'inquiéter à propos du futur. Ce n'était pas le cas quand tu venais de débarquer à Brisbane, comme quoi, le temps passe vite, tu seras la première à le dire."Oh je suis tout à fait d'accord avec toi, et j'ai de la chance d'être née avec un teint parfait pour les paillettes, c'est qu'il faut bien en profiter." Tu ponctues ta phrase par un sourire, avant de tourner la tête pour montrer ton meilleur profil à cette parfaite inconnue. Même dépitée par ta série d'entretiens que tu estimes ratés, tu restes tout de même toi, ça ne changera jamais. Les compliments arrivent, la rouquine est plus timide que toi, tu le vois, tu l'entends, mais tu ne commentes pas. Tu as juste plus d'expérience qu'elle quand il s'agit de rencontrer des inconnus, c'est le métier qui veut ça. Cela et le fait de faire 1m78 et d'adorer porter des plateformes, il est presque impossible de passer inaperçu quand on est toi.
"Tiens assied-toi." Tu tires un tabouret pour elle, avant de nouveau héler la personne derrière le comptoir. Encore une fois, c'est facile à faire et quand on te demande ce que tu veux, tu as un coup de tête vers la nouvelle rencontre. "Je m'occupe aussi de la commande de la Miss." Tu la laisses commander ce qu'elle veut et tu prends une gorgée de ta bière sans alcool. Le goût n'est... pas si infect que cela, et c'est une pensée que tu ranges bien loin avant de te concentrer sur celle qui t'a abordé. "T'as un prénom ? Des pronoms?" Elle ne s'est toujours pas présentée que tu réalises, et tu ne veux pas passer pour l'influenceuse détachée qui est incapable de se rappeler d'un simple prénom. Non, ça c'est seulement parce que tu es beaucoup trop distraite, et que tu es incapable de te concentrer sur une seule information à la fois, ça n'a rien avoir avec le reste, ou même avec les gens qui t'abordent. Ses amis sont en retard, tu ne peux pas en dire autant et tu hausses tout simplement les épaules."Je n'attends personne, je viens juste de finir ma journée de boulot... ouais je sais, dans un bar, c'est bizarre." Tu réponds déjà aux questions que personne n'a posé, et oui, tu es capable d'avoir des conversations entières toute seules. Même pas besoin d'être abonné à ta page pour en avoir conscience, il suffit juste de te côtoyer cinq minutes."Mais j'essaye désespérément de me trouver un ou une ou des assistants cools. Une recherche qui n'est pas de tout repos." Tu as un soupir dramatique alors que ton regard bleuté passe et repasse sur ta copine du jour. On t'a déjà dit de pas faire ça, que tu ressemblais à un alien avec tes yeux trop bleus et tes cheveux trop blonds, mais tu t'en fiches.
"Je suis sûre qu'on s'est déjà croisées…" Tu le sais, tu ne peux pas faire partir le sentiment. Tu as une épiphanie la seconde suivante, tu reposes ta bière, bruyamment, sur le comptoir, pour sortir ton téléphone. "Attends... est-ce que c'est toi ?" Où est ta galerie photo, tu as trop de photo, mais enfin, tu en trouves une, d'une artiste en drag, Supernova il te semble, et tu montres le cliché à la rouquine, certaine de voir une ressemblance entre les deux.

Laurie est encore plus impressionnante en vrai, grande, assurée, son allure presque royale. Cleo essaie de ne pas trop l’observer, d’avoir l’air normale, mais son regard ne cesse de se perdre dans la courbe de son nez, de sa machoire, elle ne peut s’empêcher de relever à quel point la jeune femme a une aura, un charisme. "Oh je suis tout à fait d'accord avec toi, et j'ai de la chance d'être née avec un teint parfait pour les paillettes, c'est qu'il faut bien en profiter." Cleo a un petit rire, et elle agite la tête pour approuver. « T’as de la chance. Les pailettes se prennent toujours dans mes cicatrices d’acné sur les joues, ça fait une texture pas top », elle avoue, essayant de ne pas écouter la voix dans sa tête qui lui répète que Laurie n’en a absolument rien à faire de sa vie. J’essaie juste de faire la discussion, proteste Cleo à sa voix désagréable pour la faire taire.

Et Cleo ne doit pas trop mal s’en sortir, puisque Laurie lui propose de s’asseoir à ses côtés. "Tiens assied-toi." Cleo s’hisse sur le tabouret, le coeur battant, se demandant comment elle s’est retrouvée elle. Comme toujours, dans ces moments, elle a l’impression d’être une fraude, que l’on va soudain découvrir qu’elle n’est pas douée socialement, ni intéressante, encore moins drôle. Depuis qu’elle est petite, elle a l’impression que les gens vont découvrir un affreux secret sur elle qui la rendrait horrible et pas digne d’amour - il lui a fallu longtemps avant de comprendre que ce sentiment venait surtout d’être dans le placard, et aujourd’hui, elle en paie encore les pots cassés. "Je m'occupe aussi de la commande de la Miss." Le barman se tourne vers Cleo, qui bredouille, « oh, euh, un verre de vin blanc, s’il-vous-plait », elle commande le premier truc qui lui passe par la tête et qui ne semble pas trop compliqué ni cher, et elle se tourne à nouveau vers Laurie, « merci beaucoup », elle ajoute avec un sourire. "T'as un prénom ? Des pronoms?" L’estomac de Cleo pétille, parce qu’elle est toujours ravie de ces questions qui lui font dire qu’elle est au bon endroit, avec la bonne personne, et que Cleo aussi, elle a les codes de cette communauté dont elle rêvait de faire partie. « Cleo, elle », elle répond avec un sourire. Elle interroge Laurie sur sa présence dans le bar, inquiète de la déranger. "Je n'attends personne, je viens juste de finir ma journée de boulot... ouais je sais, dans un bar, c'est bizarre." C’est vrai que Cleo l’imagine plus souvent sur des tapis rouges ou des shooting que dans un bar. "Mais j'essaye désespérément de me trouver un ou une ou des assistants cools. Une recherche qui n'est pas de tout repos." Ooooh, Cleo comprend mieux. « Oh, du coup tu faisais passer des entretiens ici ? Tu as eu des bons profils parmi les candidats ? » Elle demande. C’est l’avantage d’avoir grandi mal à l’aise à l’idée qu’on l’interroge un peu trop longtemps - sur par exemple ses crushs, ce genre de choses (!!) - et très timide : Cleo est facilement à l’écoute, sincèrement intéressée par la vie des autres.

Mais Laurie lui donne le change et semble aussi s’intéresser à elle, puisqu’elle reprend son idée de tout à l’heure : "Je suis sûre qu'on s'est déjà croisées…" Cleo fronce un peu les sourcils, parce qu’elle est sûre qu’elle s’en serait souvenue, mais Laurie s’agite tout à coup, s’empare de son téléphone, et lui tend l’écran sur lequel les pixels montre le visage de Cleo en drag. "Attends... est-ce que c'est toi ?" Les yeux de Cleo s’écarquillent et elle devient cramoisie. « Oh, euh, oui », elle bredouille, presque gênée, « c’est la première fois qu’on me reconnaît », elle explique avec un rire, pour que Laurie comprenne sa surprise. « Je ne fais pas du drag depuis très longtemps, ça va bientôt faire un an », elle rajoute, pour donner du contexte. Sur la photo que lui montre Laurie, son visage est dans un coeur blanc contre sa peau peinte de rouge, elle ressemble à un petit diablotin avec des cornes. Elle souvient de cette performance : sur Sofia, de Clairo, une vrai hymne saphique plus calme que les habituels banger pop, Cleo a dansé, son visage étrangement sérieux, essayant de raconter l’histoire de cette chanson qui lui parle, l’amitié avec une fille qui pourrait basculer, la peur, l’impression d’être le diable, de pêcher. Ses mouvements sacadés, et ses touches d’humour un peu noir dans ses expressions et ses imitations, les accesoires qu’elle a utilisé - deux barbies, dont une déguisée comme elle-même, une espèce de mise en abyme de jouer elle-même qui joue avec elle-même aussi. Encore aujourd’hui, c’est la performance de drag que Cleo a préféré faire - même si elle est trop timide pour dire du bien d’elle-même à voix haute.


@Laurie Wright

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"Hmm nan, je pense que je vais redevoir retenter le coup pour me trouver un assistant. Ou une assistante mais hein..." Tu hausses les épaules, pour le moment, tu es ta propre assistante et tu te débrouilles très bien. Okay, tu jongles avec deux téléphones et des heures de sommeil programmées, mais ironiquement, maintenant que tu es occupée, tu as une vie plus saine que jamais. Enfin, ça, c'est sans compter le petit accroc que tu as eu il y a quelques semaines de cela. Mais tu te remets et le sourire que tu adresses à Cleo alors que tu peux enfin la replacer est sincère. Il est même rayonnant, et tu es contente que tes instincts aient été les bons, et tu es en présence d'une artiste. Parce qu'il faut bien avoir une âme d'artiste pour faire du drag, monter sur scène et s'exposer comme cela aux autres. Ça et une bonne dose de courage, ça ne fait aucun doute à tes yeux. "C'est moi qui aurais dû te saluer, c'est toi la vraie célébrité." Tu n'es pas du tout sarcastique alors que tu dis cela, prenant une autre gorgée de ta bière sans alcool alors que Cleo t'a bien confirmé que c'est bien elle. Supernova, la même personne et quand tu reposes ta bière, tu es toujours aussi enjouée quand tu parles.
"Oh j'ai un millier de questions, je suis allée à de nombreux drag shows, soit dans les coulisses pour aider mais le plus souvent dans le public." Pour apprécier l'ambiance, pour chanter avec les artistes, verser quelques larmes parfois, mais surtout pour voir et reconnaitre la vulnérabilité du moment et tous les messages cachés. Tu l'admets, certains ont dû te passer au-dessus car bien trop personnels, mais tu te sens toujours mieux après ce genre de performance. Tu te dis que cela doit être aussi cathartique que toi qui t'époumone en direct sur Instagram, ou qui a besoin d'un public d'environ mille personne pour décider quoi porter. Tu aimes le public, la performance, et cela se confirme encore plus avec ta carrière de mannequin qui décolle en parallèle. Tu te retrouves devant l'objectif de la caméra et tu ne peux pas vraiment l'expliquer, mais quelque chose te dit que Cleo peut le comprendre."Déjà, il va falloir que tu me fasses une liste de tous les produits que tu utilises, surtout pour te maquiller les yeux, c'est juste parfait!" Et tu ne mâches pas tes mots, tu reconnais le talent des autres quand tu le vois. "Et ensuite comment tu es tombée dans tout ça?" Pour toi, le maquillage a toujours été quelque chose de sécurisant, pas juste une façon de te déguiser, mais décidément un moyen de dire adieu à Lawrence et de présenter Laurie au reste du monde. Tu n'es jamais allée jusqu'au drag car Laurie c'est toi, car tu as déjà dû te battre avec des idées reçues pour t'exprimer pleinement, tu n'as pas besoin de paillette en plus ou même d'une scène. Tu ne juges pas les gens qui le font, tu es curieuse par nature et encore plus maintenant que tu as reconnu Cleo.
"Oh, on pourrait faire cela devant des micros pour mon podcast!" Tu grilles des étapes, parce que pour toi, c'est évident que Cleo fait partie de la communauté LGBTQIA+, au même titre que toi, tu ne le remets pas en cause une seule seconde. Tu l'imagines déjà en train de raconter son parcours à tes auditeurs, mais, si ça te parait intéressant, tu ne lui as pas encore demander son avis. Qu'est-ce que t'a dit le Docteur Flynn déjà? Que cela ne servait à rien de projeter, tu ne peux pas contrôler les autres et leurs actions, juste les tiennes. "Désolée, je m'emballe, n'hésite pas à m'arrêter." Tu le dis en levant une main, comme pour plaider coupable, ce que tu es, largement.

"C'est moi qui aurais dû te saluer, c'est toi la vraie célébrité." Cleo a un rire gêné, parce qu’elle ne comprend pas si c’est de l’ironie ou une plaisanterie. Laurie a l’air étrangement sincère, elle lui sourit avec une chaleur qui donne le tourni à l’angoisse de Cleo. Pendant un instant, elle a la pensée intrusive qu’on se moque d’elle, que Laurie veut la mettre mal à l’aise, et même si cela n’a aucun sens avec l’image qu’elle a de la blonde, Cleo a encore plus de mal à s’imaginer que Laurie est honnête lorsqu’elle lui fait ce compliment. Et pourtant, Laurie continue, en s’intéressant à elle : "Oh j'ai un millier de questions, je suis allée à de nombreux drag shows, soit dans les coulisses pour aider mais le plus souvent dans le public." Cleo sourit, parce qu’elle est toujours à l’aise quand la personne en face parle le même langage qu’elle, que les références soient partagées, bien que Cleo ne se revendiquerait jamais d’être une spécialiste sur les questions queer, elle qui se sent encore comme une bébé sur ce sujet. Elle est toujours un peu impressionnée, quand elle est au contact de personne comme Laurie. « Oh, j’aimerais trop voir ta version d’un maquillage drag », s’extasie Cleo, elle qui explore encore un tas d’inspiration pour chercher sa marque de fabrique. Ce qu’elle aime avec le drag, c’est aussi l’immensité des options, le fait de ne plus être dans une boîte, même pour le maquillage, qui ne se résume finalement pas à gluer ses sourcils ou jouer la féminité extrême.

"Déjà, il va falloir que tu me fasses une liste de tous les produits que tu utilises, surtout pour te maquiller les yeux, c'est juste parfait!" Les joues de Cleo deviennent cramoisies, mais ce n’est pas à cause du blush qu’elle porte - et Dieu qu’elle a la main lourde sur ça. « Oh, merci », elle essaie de ne pas bredouiller, et Laurie semble étonnamment patiente devant sa timidité, ce qui l’aide un peu à s’ouvrir. « J’utilise beaucoup de produits NYX, j’ai pas trop les moyens de mieux, et ils ont pleins de trucs colorés », elle admet avec une honnêteté qui colore à nouveau ses joues. Elle pourrait entendre de loin les cris de sa mère, qui trouvait ça gauche de parler d’argent, encore plus pour dire que l’on en manquait. Cleo n’a pas grandi en manquant, d’ailleurs, c’est bien pour ça que le réajustement aujourd’hui est particulier. "Et ensuite comment tu es tombée dans tout ça?" C’est un sujet qui passionne tellement Cleo qu’elle sent son corps se redresser sur sa chaise, elle pose son verre de vin, ses insécurités s’envolant alors qu’elle répond avec animation : « Je ne sais pas ce qui s’est passé, je ne connaissais pas du tout, et y a deux ans je me suis retrouvée à un show, et… » Elle réfléchit pour trouver les bons mots. « C’était comme un déclic. J’ai fait longtemps de la danse classique, du solfège, mais c’était toujours très… Cadré, classique. Alors que le drag… La liberté, la catharsis, la créativité. C’était la première fois de ma vie que quelque chose me remuait comme ça, que j’étais certaine que quelque chose était fait pour moi », elle admet. « Alors que pourtant, je… Enfin, sur le papier, je n’ai rien d’une performeuse », elle dit avec une grimace et un petit rire d’auto-dérision. « Alors j’ai beaucoup douté. Mais quand je suis montée sur scène quelques mois plus tard, c’était… » Elle se tait un instant, parce qu’elle n’a pas les mots. « Je ne sais pas trop comment le décrire, en fait. » Si elle était ivre, ou honnête, elle dirait que c’est l’expérience la plus mystique qu’elle a vécue, quelque chose de réligieux, qui l’a rapprochée de ce Dieu en qui elle croit malgré elle, et toute la relation complexe qu’elle a avec la religion - et que la religion a avec des gens comme elle.

Emballée dans son explication, Cleo a peur d’ennuyer Laurie, et pourtant, c’est l’inverse qui semble se passer. "Oh, on pourrait faire cela devant des micros pour mon podcast!" Une nouvelle fois, Cleo devient toute rouge, et elle bat des cils comme un cerf pris dans les phares d’une voiture, prise de court. "Désolée, je m'emballe, n'hésite pas à m'arrêter." Cleo a un petit rire, parce qu’elle ne sait pas exactement quoi répondre tant elle est surprise. « Oh, non, non, ton podcast est trop bien pour moi, enfin, je veux dire, je suis pas du tout assez à l’aise derrière un micro, je baffouillerais, je serais pas assez intéressante », elle explique, toute gênée. « Sur scène, je sais pas, je suis habitée, mais dans la vie, je suis plutôt du genre à être dans l’ombre des projets. Non, vraiment, je serais même mieux en assistante qu’en invitée », plaisante Cleo, ne pensant pas un seul instant qu’elle tend une perche.


@Laurie Wright

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Tu l'as dit à ta thérapeute, tu adores les nouvelles rencontres, pourquoi ? Parce qu'ainsi, tu peux repartir de zéro. Parce que les gens qui sont tout nouveau dans ta vie ne connaissent pas tes erreurs. Ils ne savent pas de quelle façon tu es déjà tombée et de quelle façon tu doutes, c'est facile, c'est parfait. Et c'est en partie en mensonge, ça, tu en as plus que conscience, mais, contrairement à il y a quelques mois, tu n'essayes pas d'offrir une version polie et bien vendante de toi à Cleo. Non, au fur et à mesure des séances, du podcast, de ta vie, tu te trouves, tout simplement. Et d'après ce que tu comprends, tout le monde en passe par là, les hauts, les bas… C'est le quotidien, tout ce que tu peux faire, c'est mettre un pas devant l'autre et c'est tout. Là, tu discutes avec Cleo, tu n'as pas besoin de penser à la suite, pas besoin d'envisager douze mille possibilités, c'est facile. Et ton sourire s'agrandit de secondes en secondes car, elle ne le sait pas, mais tu te retrouves dans ses mots, dans son discours. Sur le papier, Laurie n'existe pas. C'est Lawrence le roi et pourtant, tu l'as su, en enfilant ta première robe, en trouvant ce prénom, après les questions posées par ta mère, tu as tout de suite su, et c'est bien dans les chaussures de Laurie que tu te sens le plus à l'aise, aucun doute à tes yeux.
"Du moment que tout clique sur scène, pas besoin de se soucier de ce qui se passe sur le papier, n'est-ce pas ? Le plus important c'est que ça te correspond." Tu le dis avec une expression un peu plus douce sur le visage, alors que tu hoches la tête. Tu ne t'es jamais lancée dans le drag mais c'est rassurant à tes yeux de savoir que c'est un véritable refuge pour certains, il ne peut pas en être autrement à tes yeux, sinon, ça ne serait pas idéal, pas vrai ? Sinon, il n'y aurait pas autant de personnes qui se lanceraient dans tout ça, pas vrai ?"Et tu as trouvé ta place sur scène, c'est ça le plus important." Tu gratifies Cleo d'une petite tape sur l'épaule alors que tu dis cela. Elle n'a pas à se soucier du reste, des on dits et ce qu'elle devrait ou ce qu'elle est censée faire, ça n'importe pas au final. Tu as parlé de ton podcast, oui, tu as l'impression que tu passes ton temps à faire la pub de trans alliance, mais ça aussi, ça compte beaucoup à tes yeux. Tu fais quelque chose de tangible, tu crées quelque chose à partir de rien et l'idée te plait. Ce n'est pas grand-chose, mais là aussi, c'est quelque chose que tu peux faire, rien que pour toi et qui n'appartient à personne d'autre que toi. "Hey, aucun soucis à te faire, c'était juste une proposition commme ça en passant hein !" Tu le sais, tout le monde n'est pas une pipelette comme toi, tout le monde n'est pas aussi à l'aise devant un micro que toi. Dans un sens, c'est un art, tu ne peux pas le nier. Tu pioches une carte de visite de ton sac et tu tournes de nouveau vers Cleo.
"Ma carte si jamais tu changes d'avis." Ou si jamais elle veut parler, ou aller faire du shopping, tu es ouverte à absolument tout et tu peux faire une place pour Cleo dans ton emploi du temps, sans aucun soucis. "Et, tu auras peut-être du mal à me croire, mais je suis une grande timide de base, je suis juste devenue douée dans l'art de faire semblant." Tu l'admets sans aucune honte en fait. Tu es douée quand il s'agit de te motiver, c'est tout. "Et si tu fais semblant tous les jours... voilà!" Tu fais un geste pour te désigner de la main. Est-ce que tu sous-entend que Cleo devrait être comme toi? Non, tu ne devrais même pas être comme toi, tu as un léger rire alors que tu réalises ce que tu viens d'impliquer, avant de te reprendre. "Okay, c'est un conseil nul... ce que je veux dire... c'est qu'on essaye tous, moi la première." Voilà, ça sonne mieux, tu te caches quelques instants derrière ta bière sans alcool, tu prends une longue gorgée, t'essuyant la bouche du revers de la main la seconde suivante. "Maintenant tu comprends pourquoi j'ai besoin d'un assistant, rien de ce que je dis ne fait de sens!"

C’est un peu surréel de discuter ainsi avec Laurie, de la voir si attentionnée et à l’écoute de Cleo qui est tout le temps inquiète d’ennuyer les gens, de ne pas être intéressante. "Du moment que tout clique sur scène, pas besoin de se soucier de ce qui se passe sur le papier, n'est-ce pas ? Le plus important c'est que ça te correspond." Cleo plisse les yeux, réfléchit à l’affirmation simple, évidente, et pourtant révolutionnaire. Oui, qui se soucie de ce qui se passe sur le papier, quand ça fonctionne quand elle est sur scène, ou chez elle en train de faire ses tenues, ses maquillages, ses répétitions. Tout ça lui plaît, n’est-ce pas suffisant ? « Oui, c’est vrai », admet Cleo. « J’ai l’habitude de surpenser et douter, en fait », elle avoue avec les joues un peu rougies par la gêne d’admettre qu’elle est un tourbillon anxieux. "Et tu as trouvé ta place sur scène, c'est ça le plus important." Cette fois-ci, les joues de Cleo rougissent de plaisir, parce que la gentillesse de Laurie lui font plaisir, que cette petite tape sur l’épaule qui marque la connivence la fait sourire, et un peu bredouiller aussi, parce que Laurie est charismatique, belle, et que l’estomac de Cleo a décidé de rattraper des années de placard : il se contracte à chaque sourire un peu appuyé d’une jolie fille.

Le sujet du podcast est évoqué, et bien vite, l’anxiété de Cleo prend le dessus. "Hey, aucun soucis à te faire, c'était juste une proposition commme ça en passant hein !" Pas rancunière, elle tend sa carte à Cleo. "Ma carte si jamais tu changes d'avis." Cleo la prend, toujours un peu intimidée, ayant de mal à réaliser sa chance. Elle se dit qu’il lui faudrait une carte, elle aussi - elle vient d’une génération plutôt du genre à échanger des @ instagram. « Merci beaucoup, Laurie », elle répond avec un petit sourire timide. "Et, tu auras peut-être du mal à me croire, mais je suis une grande timide de base, je suis juste devenue douée dans l'art de faire semblant." Cleo lève un sourcil, tellement surprise qu’elle y croit à peine. « Vraiment ? » Elle demande, une voix pleine d’espoir. "Et si tu fais semblant tous les jours... voilà!" Cleo hoche la tête lentement, réfléchissant. Ce n’est pas la première fois qu’elle entend cette idée. "Okay, c'est un conseil nul... ce que je veux dire... c'est qu'on essaye tous, moi la première." « J’ai lu un jour que physiologiquement, l’angoisse et l’excitation provoquent les mêmes réactions dans le corps. Donc avant un événement stressant, tu peux mentir à ton cerveau et lui faire croire que tu es impatiente et pas anxieuse. J’essaie de faire ça avant de monter sur scène », elle confie à Laurie, étonnemment un peu plus à l’aise.

"Maintenant tu comprends pourquoi j'ai besoin d'un assistant, rien de ce que je dis ne fait de sens!" Cleo secoue la tête. « Non, si ça ne faisait pas sens quand tu parlais, tu n’aurais pas un podcast qui a autant de succès », elle proteste avec un sourire - elle a écouté tous les épisodes, elle le sait. « Tu cherches un assistant pour quelle mission exactement ? » Elle demande, curieuse. « Je connais peut-être quelqu’un que ça pourrait intéresser ! » Elle ne s’imagine toujours pas, en cet instant, qu’elle est la candidate parfaite.


@Laurie Wright