sometimes you just don't know the answer
@Mabel Griffiths (crédit gif/lunapacks)

Jo n’en sait pas plus que Mabel à propos de cette putain de soirée. Ce qu’elle sait, en revanche, c’est que c’est elle la plus fraîche à trois kilomètres à la ronde, et que la satisfaction de voir la majorité des convives se retourner sur son passage lorsqu’elle a fait son apparition sur le rooftop du Sixteen Antlers est réelle. Elle ne cherche pas à se faire voir cependant, elle fait juste ce qu’on lui demande de faire pour assurer la pérennité de ce qu’elle est en train de créer autour d’elle, gommant sa réputation sulfureuse pour qu’on la prenne au sérieux et qu’on cesse de s’intéresser à qui passe entre ses cuisses ; pas grand-monde en vérité, ils seraient déçus d’apprendre qu’elle est fidèle, heureuse, et déterminée à le rester. Peut-être qu’elle devrait songer à faire une liste des types et des nanas qui lui sont passés dessus pour qu’on passe à autre chose et entende que, parler à quelqu’un en soirée, laisser des commentaires sur ses publications Instagram, ce n’est pas une preuve de grand-chose si ce n’est d’un minimum de sociabilité. Elle s’est finalement laissée alpaguer par le média qui couvre la soirée, sautant sur l’occasion pour briller au travers de la lentille d’une caméra à qui elle a fait du gringue sans se faire prier tout en parlant de la suite des évènements pour elle ; sa modeste tournée, la sortie de la réédition de son album qu’elle a teasé avec le talent qu’on lui connait,  charmeuse et provocatrice, ne lésinant pas sur les clins d’oeil et les sourires carnassiers. On lui a bien sûr demandé si Midas la rejoindrait ce soir, et parce que laisser planer le doute, c’est plus amusant que tout le reste, elle a coupé l’interview à ce moment précis, sans brutalité, mais avec l’intention ferme de frustrer ceux qui suivent l’échange en direct sur le Live Instagram du média en question. Ça les forcera à passer sur ses propres réseaux sociaux dans la seconde, à l’affût du moindre indice confirmant que oui, le couple le plus en vue du moment sera bel et bien présent, ensemble, ce soir.

La soirée est prometteuse, elle sait qu’elle ne restera pas longtemps toutefois. Elle s’échappe du coin média, remercie l’équipe autour en rejoignant Thomas qui lui fait savoir qu’elle s’améliore de jour en jour, et ça lui faisait plaisir, à la chanteuse. Elle est faite pour le star-system, mais elle n’ignore par ses lacunes pour paraître likeable, alors qu’il lui fasse la réflexion, ça la touche sans qu’elle ne sache véritablement si c’est parce qu’elle le ressent comme un vrai compliment ou si c’est parce que, parfois encore trop à fleur de peau, elle a tendance à prendre à coeur absolument tout ce qu’on lui dit, bien ou mal. Elle ne s’appesantit pas, elle se reprend vite, et descend les quelques marches qui la mène au plus gros de la soirée : au loin, elle remarque quelqu’un qu’elle connait, et ça lui permet de définitivement chasser son émotion "Comme on se retrouve, partner." Elle roucoule, sa voix arrivant par derrière à Mabel qu’elle contourne pour se mettre en face d’elle. Elle ne se souvient pas de la dernière fois qu’elle l’a vue, mais ça fait un sacré bout de temps, elle en est sûre. Elle est contente de la voir ce soir, lui donne deux baisers sur les joues que ses lèvres touchent à peine, et se recule pour la toiser, bien sûr. Elle la trouve superbe, mais l’accessoire qu’elle a dans la main lui fait hausser les sourcils "On fête quelque chose en particulier ?" lui demande-t-elle, désignant d’un léger coup de menton la flûte de champagne pleine qu’elle tient à la main.

sometimes you just don't know the answer
@Mabel Griffiths (crédit gif/lunapacks)

Jo arque un sourcil à la réponse de Mabel. Elle fête le fait d’être ici et de s’amuser, c’est ce qu’elle lui répond avec un enthousiasme que la jeune femme ne peut s’empêcher de trouver très mal joué. Elle ne s’intéresse qu’à un type de cinéma particulier Jo, elle n’a donc jamais fureté plus que ça dans les projets dans lesquels Mabel a tourné jusqu’à présent, seulement elle se dit que si c’est comme ça qu’elle s’y prend devant la caméra, les réalisateurs ont du souci à se faire parce que merde, que c’est mauvais. Elle essaie de se rappeler de son jeu lorsqu’elle s’est tapé les deux heures de navet intersidéral qu’a été le bien-nommé Nine et laisse de côté ses considérations puisque de toute façon, tout le monde est mauvais dans ce film à la con — Megan et Micah lui pardonneront, ils sont au courant d’à quel point ça a été une catastrophe industriel, ce projet que tout le monde préfère oublier. Elle plisse les yeux, la rangée d’extension de cils qui allonge la courbe des naturels qu’elle a dessous se rassemblant en un plumeau qui rend son regard plus sombre tandis qu’elle la fixe.

Et puis une seconde passe, et sa concentration file sur un autre pan de sa mémoire. Quand ça ne concerne pas les prénoms — qu’elle retient une fois sur deux, souvent parce qu’elle ne fait aucun effort —, elle l’a plutôt bonne, Jo, alors elle sait que Mabel reste loin de l’alcool d’habitude. Elle n’a jamais essayé de savoir pourquoi, ça la regarde, et puis de toute façon, ça peut être pour tout un tas de raisons que Jo n’a pas besoin de connaître. Elle-même n’est pas une grande buveuse, et tout le monde s’en étonne quand ils l’entendent l’avouer, s’attendant sans doute à ce qu’elle se pinte la gueule plus souvent qu’à son tour. C’est la vérité pourtant, celle qu’elle donne à la blonde qui s’étonne de la voir les mains vides "Je bois pas tellement, c’est pas mon truc." Elle ne se sent pas obligée de se justifier, elle ajoute cependant "Je tiens à ma voix, et cette merde, c’est comme la clope : ça te la ruine en un rien de temps." Si Jo n’a plus sa voix, elle crève, de ce fait elle en prend soin. Chacun dorlote son instrument comme il l’entend ; certains accentuent le rauque de leur timbre en forçant sur la cigarette et le whisky, mais pas elle. Elle, elle a une hygiène de vie impeccable si on ne compte pas ses insomnies que les cachets qu’on lui a prescrit ne soulagent pas vraiment depuis sa retraite à Ibiza. C’est une autre raison qui explique qu’elle préfère rester loin de tout verre d’alcool, même les plus légers : ça ne fait pas bon ménage avec ce qu’elle prend. Pour des raisons évidentes, elle fait attention, très attention, même quand elle doit se mêler à la liesse environnante en tachant de faire comme ses acolytes célèbres ; elle est unique dans tous les cas, ce n’est pas un vulgaire verre d’alcool qui changera ça.

La tête penchée, elle observe Mabel en silence. Elle la trouve différente, mais elle ne saurait dire sur quoi elle base son observation. C’est peut-être le champagne. Elle a entendu dire que Dom Perignon lui-même prétendait que le champagne, ça goûte comme les étoiles — elle les voit briller dans les yeux de son interlocutrice dont l’aisance à détourner le sujet d’elle la rend un peu plus suspicieuse. Elle ne dit rien sur l’instant, elle prend l’opportunité qu’elle lui tend de parler d’elle, jamais mal à l’aise de le faire, surtout pour parler de ses accomplissements. Une douce vague de nonchalance précède sa réponse, un léger soupir faisant vibrer sa poitrine subtilement découverte par un décolleté en dentelle ; elle n’est pas venue pour faire de la figuration Jo, c’est une certitude "C’est pas le pire qui m’est arrivée, je m’y fais plutôt pas mal." lui fait-elle, poursuivant dans la foulée "Je pars pour les premières dates de ma tournée dans quelques jours, j’ai pas fini de passer mes nuits à l’hôtel." Elle ne compte pas lui demander de recommandations, tout est déjà réservé, tout est déjà bien en place : elle n’a plus qu’à plier bagages, prendre la route et chanter. Après un court instant à recentrer son regard sur elle, elle laisse un rire lui échapper "Je me demandais ce que je trouvais changé chez toi… et ça y est, je sais." Elle ne lui dit pas qu’elle a cru un instant qu’elle s’était fait tirer les rides, mais ça lui a traversé l’esprit. Elle la pointe du doigt, fait la focale d’un nouveau plissement d’yeux sur chaque trait de son visage sublimé par le maquillage, et lui annonce la couleur de sa conclusion prononcée avec un léger sourire "T’es cuite, en fait." Il n’y a que les stars pour se bourrer la gueule au champagne.

sometimes you just don't know the answer
@Mabel Griffiths (crédit gif/lunapacks)

Mabel est toujours intéressée par ce que Jo à lui dire. Parfois,  ses questions sont si aléatoires qu’elle se demande si elle ne fait pas un peu semblant pour se donner bonne conscience. Seulement, depuis qu’elles se croisent, depuis qu’elles échangent, Jo a compris qu’on ne force pas Mabel à être aimable, ainsi si elle remet en doute son intérêt la concernant, c’est pas pure esprit de contradiction, et rien d’autre. Elles sont de la même trempe, même si elles ne le présentent pas de la même façon. Là où Mabel sait rester délicate, Jo réagit toujours avec l’énergie d’un pitbull surentraîné pour mordre… reste qu’elles ont toutes les deux leur caractère, et que c’est peut-être pour ça qu’elles ne s’entendent pas si mal. Elle l’écoute déballer la légende autour du titre le plus connu de Celine Dion et ça la fait sourire, mais pas tellement rebondir sur quoi que ce soit à ce sujet. Il existe tellement d’histoires de ce genre que c’est difficile de savoir si ce n’est que du storytelling, ou si ça s’est vraiment passé. Maintenant que Jo a les deux pieds dans ce monde-là, elle n’ignore pas que les artistes aiment enjoliver la réalité pour façonner leur légende. Dans des années, ce sera elle qui racontera ce genre d’anecdotes dont on se demandera si elles ont vraiment existé ou pas et ça lui donne hâte ; de soulever la curiosité d’autrui au point de leur faire gober tout et son contraire.

En attendant, elle n’a que des vérités à dire "Pour une quarantaine de dates environ." Elle hoche la tête, retient un léger sourire en dépit des sentiments contradictoires qu’elle ressent à ce propos. Elle attend un instant, puis elle avoue à la jeune femme sur qui elle se penche très subtilement, tenant à éviter les oreilles indiscrètes de s’approcher trop près de ses secrets "Je suis dans l’attente d’une proposition de première partie avec plus de dates encore, mais j’ai pas vraiment le droit d’en parler." Personne ne croira jamais qu’elle est assez docile pour obéir. Et pourtant, elle s’y tient : elle ne dit rien sur les projets qui la lient à d’autres artistes — elle a peur que ça ne se concrétise pas, elle a peur tout court. Jo, elle a mal vécu qu’on lui annonce que sa tournée sera aussi modeste que celle pour laquelle elle s’apprête à partir sur les routes, alors elle se protège. Elle a appris à apprécier l’idée que, tant qu’elle chante, elle est heureuse, mais elle a vu grand, et elle n’aura que du petit : des petites salles et des clubs, c’est tout. C’est déjà pas mal, elle ne tient plus en place… sauf qu’en même temps, elle redoute, et cela malgré le fait que toutes ses dates soient complètes, même celles qui auront lieu ailleurs qu’en Australie.

Elle n’en parle pas plus, elle se concentre sur Mabel dont la réaction à son observation la fait tiquer "C’est pas comme si on se connaissait depuis le jardin d’enfants et que je te connaissais par coeur non plus." Elle base ses observations sur rien que ça, des observations "J’ai pas moyen de savoir à quoi tu ressembles quand t’es plus cuite que ça." Elle lui parait déjà bien trop enthousiaste là, il ne faut pas demander quand elle a plus que du champagne dans le sang. Ça la rend suspicieuse et lui fait plisser les paupières "Tu comptes l’être plus encore, ou t’as atteint ta limite pour ce soir ?" Elle lui demande au cas-où, et pas parce qu’elle s’inquiète, bien sûr que non. Néanmoins, elle ajoute "T’es venue ici comment ? Avec un chauffeur ?" Roulant ses lèvres l’une sur l’autre, Jo se tord le cou pour regarder à droite et à gauche sans but particulier si ce n’est celui de vérifier si Marcus, son propre chauffeur qui est davantage devenu un garde du corps depuis quelques temps, n’est pas dans le coin.

sometimes you just don't know the answer
@Mabel Griffiths (crédit gif/lunapacks)

Elle croit Mabel lorsqu’elle lui dit qu’elle va suivre son actualité de près et ne trouve pas nécessaire de le lui dire à voix haute. Elle lui sourit juste, note de plus en plus l’entrain qu’il y a dans sa voix et qui lui semble galvaudé par ce qu’elle tient dans la main. Ce ne sont pas ses affaires, et elle n’a pas l’instinct pour protéger son prochain et leur éviter l’humiliation d’une soirée de beuverie, Jo. Ce qu’elle a, en revanche, ce sont des regrets et des traumatismes qui la font pencher vers l’hypervigilance lorsqu’elle se rend compte que quelqu’un qui se comporte comme la reine des glaces d’ordinaire est soudainement bien trop amicale et guillerette à son goût. Charlie était d’une neutralité sans pareil quand elle n’était pas pleine de poudre, mais quand elle se métamorphosait en bonbon de sucre glace, débordant de poussière de la merde qu’elle prenait en s’agitant comme un pantin désarticulé, elle paraissait aussi enjouée que Mabel l’était sur l’instant. D’accord, la comparaison est malheureuse, exagérée, elle est rien de moins induite par ce que Jo n’a pas su faire pour aider une amie. Mabel n’est pas son amie, elle a cependant un peu d’estime pour elle — au point de la confronter sur ce qui était en train de se passer sous ses yeux ?

Elle n’en est pas sûre, tout comme elle n’est pas sûre de ce que veut dire la remarque de la jeune femme au sujet des magazines à scandales que Jo ne consulte pas. Elle ne relève pas, la laisse répondre à sa question à propos du chauffeur qu’elle espère qu’elle a emmené avec elle pour ce soir, et se rend compte qu’elle essaye de gagner du temps en défonçant une porte que Jo laisse ouverte en l’interrogeant à nouveau. La réaction de Mabel ne se fait pas attendre, celle de la chanteuse non plus "Parce qu’on se croise en soirée depuis des mois maintenant et que c’est la première fois que je te vois boire autant." Elle aussi, elle soulève une évidence, sa tête s’inclinant sur le côté pour continuer de la regarder "Tu fais ce que tu veux, je suis pas ta daronne. N’empêche que ça m’interroge, et comme on est dans un pays libre, je crois pas être dans mon tort, si ?" Elle attend un instant avant de lui demander ce qui lui traverse l’esprit, se rappelle qu’elle se doit d’être un tantinet délicate si elle veut avoir le fin mot de l’histoire. Elle finit enfin par lui faire "T’es sûre que tout va bien ?" Si ce n’est pas le cas, qu’est-ce qu’elle va bien pouvoir foutre avec ça ? Elle n’en sait rien, mais elle demande quand même.

Sa conscience la travaille depuis des mois, elle essaye de l’apaiser, d’être plus attentive aux autres. Elle l’est là, même si elle ajoute dans la foulée, un peu vexée dans le fond par ce que Mabel est en train de lui dire "Non, je fais partie des gens qui savent comment fonctionne le milieu dans lequel on se trouve et qui sont assez sympas pour éviter à une collègue de s’humilier si elle finit ronde comme une queue de pelle." D’un index, elle englobe l’endroit dans lequel elles se trouvent, s’arrête sur le coin média où campent les journalistes et les photographes qui n’attendent qu’une seule chose : qu’on vienne leur mettre quelque chose sous la dent "Tout est filmé, t’as oublié ?" Elle est certaine que non, pour autant une piqûre de rappel ne lui fera pas de mal. Jo, elle ne fera pas la leçon à Mabel parce qu’au fond, qui est-elle pour ne serait-ce qu’envisager de le faire ? Elle peut toutefois l’empêcher d’entacher sa réputation en lui faisant remarquer que ce n’est pas le lieu ni le moment pour se donner en spectacle. Pas de cette façon là, en tout cas.

sometimes you just don't know the answer
@Mabel Griffiths (crédit gif/lunapacks)

Jo est bien loin d’être en furie. Elle est calme, tranquillement posée près de la jeune femme qu’elle regarde par intermittence, faisant la bascule entre son visage et son verre qu’elle ne lâche pas, un peu comme si elle se raccrochait à une perche dont elle a besoin pour rester en équilibre. Elle ne fait pas de monologue non plus, elle répond simplement à la question de Mabel qui est sur la défensive, ça elle l’entend dans les inflexions de sa voix enrouée par l’alcool. En fait, Jo constate à voix haute, tout simplement. Elle n’insistera pas face à l’obstination de Mabel de camper sur les apparences, elle dit vrai lorsqu’elle dit qu’elle n’est pas sa mère, qu’elle fait encore bien ce qu’elle veut. Ce n’est pas sa responsabilité. Mais doit-elle faire semblant de ne rien voir pour contenter la sensibilité de quelqu’un qui fait une connerie ? Elle sait que non, ainsi elle ne le fera pas, même si, à nouveau, elle n’insistera pas. C’est peut-être ce qui lui a fait défaut avec Charlie, de ne pas insister, seulement les circonstances étaient différentes. À ce moment là, le choc l’avait terrassée, et elle qui n’avait pas voulu croire ce que Megan lui avait raconté et qui l’avait faite intervenir, elle réalisait qu’elle avait eu raison et que leur amie était en perdition. Mais avec Mabel, c’est le fait qu’elles ne se connaissent pas qui la rend réfractaire à l’idée-même de fourrer son nez là où il n’a rien à y faire.

Elle lui répond toutefois "Et il est où là, ton manager ?" Jo regarde autour d’elle, ne voit personne susceptible d’accompagner Mabel qui était seule lorsqu’elle est arrivée et qui, sans sa présence à ses côtés, l’est encore plus maintenant. Elle sent des relents de mauvaise foi dans la manière dont elle choisit d’attaquer, et Jo ne lui en tient par rigueur. Elle l’accule plus subtilement qu’elle ne l’aurait fait d’ordinaire, gardant calme et réserve, mais elle l’accule tout de même, alors son droit à être sur la défensive, elle le lui laisse sans chercher à intervenir et laisse un très léger rire la faire s’agiter lorsqu’elle lui pose une question qui la blesse, c’est vrai, pas assez cependant pour qu’elle garde le silence "Non, ma conscience a l’air de mieux se porter que toi, merci quand même de demander." C’est à peine vrai, mais elle ne compte discuter de rien avec quelqu’un qui a besoin d’avoir de l’alcool dans le sang pour se sentir vivant. Elle ajoute "Je me dis juste que le monde a pas besoin d’une célébrité de plus qui termine en cure de désintoxication." Elle est à ça de lui demander comment va Aiden, et ce par pure provocation. Parce qu’elle ne lit pas la presse à scandales, Jo, mais DeuxMoi s’est fait un plaisir de dégueuler ses scoops sur son feed Instagram sans qu’elle n’y soit abonnée. La magie de l’interdépendance de ses abonnés, de ses abonnements, et du fait qu’elle a plusieurs fois été la cible de cette page connue comme le loup blanc. Elle poursuit, tournant la tête vers la personne qui passe à leurs côtés sans s’arrêter "C’est moins trendy que dans les années 2000 tu sais, t’as un train de retard." Elle fait mine de réfléchir, se détache peu à peu pour ne pas faire plus de corrélation que nécessaire avec ce qui la contrarie, et laisse un autre, plus rapide, rire lui échapper quand elle termine, renouant avec le piquant qui fait sa réputation "Au pire, si t’as envie qu’on parle de toi, commence l’Ozempic, ça te fera pas de mal."

sometimes you just don't know the answer
@Mabel Griffiths (crédit gif/lunapacks)

Elle n’a même pas besoin de mentionner Aiden — il lui a juste frôlé l’esprit, elle n’a même pas prononcé son prénom — pour que Mabel monte sur ses grands chevaux. C’est drôle, elle doit avoir un accès direct à ses pensées, la blonde, pour tirer des conclusions sur ce qu’elle sous-entend et les intentions qu’elle a derrière les questions simples qu’elle lui pose. Elle ne fait que ça Jo, lui poser des questions pour essayer de comprendre comment quelqu’un de si froid d’habitude s’est soudainement métamorphosé en rayon de soleil. Elle n’insiste même pas, elle fait suivre le cours de la conversation, mais Mabel voit les choses différemment, et grand bien lui fasse. Ainsi, elle tombe dans un piège qui la fait admettre à demi-mots qu’elle a des problèmes et Jo le remarque. Sans sourire, le regard posé sur elle, elle lui fait dans la foulée "Oh donc t’as des problèmes maintenant ?" Il y a quelques secondes à peine de ça, elle lui disait que tout allait bien dans le meilleur des mondes. C’est le plus gros problème, avec l’alcool ; quand on ment pour en cacher sa consommation, on finit par s’emmêler les pinceaux et à perdre le semblant de cohérence qu’on tache de garder en faisant comme si tout va bien. Elle rit très doucement à ce qu’elle ajoute, lance un regard au serveur de l’autre côté du bar pour qu'il s’approche et qu’elle, elle puisse commander un verre d’eau gazeuse qu’elle boira sans doute par la paille avant de rentrer parce que cette soirée est nulle, de toute façon "Hm, ma vie est si triste que j’ai besoin de ruiner celle des autres pour me sentir vivante. Tu te donnes un peu trop d’importance là, Mabel." Elle choisit le sarcasme, ça vaut toujours mieux que de lui avouer qu’elle s’inquiète un peu pour elle.

Il n’y a aucun venin de craché, elle reste toujours aussi calme et sensée, ses yeux scrutant les réactions de la jeune femme sans volonté profonde de la heurter, juste d’anticiper. Mabel en revanche, elle commence à perdre pieds, et c’est triste à constater. Jo ne réagit pas à sa pique sur son poids, ça ne la touche pas ; avec un ratio d’1m54 pour 45 kilos, elle fait partie de la team des crevettes, pas des bulots. Si sa taille est un léger complexe qu’elle soigne avec des chaussures à talons vertigineux, elle n’a aucun problème avec son corps, bien au contraire. Elle le montre, elle le moule pour qu’on le caresse des yeux, elle l’entretient, le célèbre sans juger bon de le comparer à celui des autres, alors ce que Mabel a à en dire, ça ne la concerne pas ; c’est entre elle et ses propres insécurités. Elle s’enfuit déjà de toute façon, et Jo ne compte pas la retenir. Ou du moins, pas plus que nécessaire puisque quand elle annonce qu’elle doit travailler un, elle lui fait pour qu’elle reste un instant de plus "Mabel." A ce moment-là, le serveur qu’elle a apostrophé pose son verre d’eau gazeuse sur le bar. Jo s’en empare, le tend à Mabel ; il était pour la jeune femme, pas pour elle "Eau gazeuse citronnée." Son breuvage de prédilection — rien de fou, elle n’a pas besoin de ça. Elle attend qu’elle le prenne, ajoute dans l’intervalle "Ça t’évitera la gueule de bois." Et avoir un verre à la main, ça lui donnera moins envie de se jeter sur toutes les flûtes de champagne qui lui passeront sous le nez pour se les siffler comme du lait à la grenadine.