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Un pas après l’autre, il se mut parmi les couloirs étriqués de l’hôpital, la blouse blanche parfaitement repassée et le pyjama cintré comme il le fallait. Landry avait de l’allure dans sa tenue de travail, comme si elle avait été façonnée pour lui. Adepte des déguisements qu’ils soient visibles ou non, il s’était construit l’image du docteur Chamberlain, celui qui avait toujours le bon mot pour plaire à ses patients mais aussi à ses collègues, et qui était très appliqué dans ce qu’il faisait. Le neurochirurgien avait tout du bon samaritain, du moins, en façade. Car il y avait un cerveau derrière toute cette manière d’agir, une succession d’actions aussi anodines les unes que les autres mais qui constituaient une véritable stratégie. L’objectif : atteindre les sommets. Pour ce faire, il montrait très régulièrement ses capacités au bloc, toujours de manière à ce qu’il soit mis en valeur, complimenté. Musique pour ses oreilles, il dansait sur les louanges de ses aînés, lui donnant le tempo pour écraser la concurrence. La concurrence, un autre pan de sa détermination sans faille, qu’il appréciait consumer à petit feu, pour faire durer le plaisir. Qu’il y ait des dommages collatéraux, ou non.

Landry fit sa ronde habituelle, prit des nouvelles de ses patients et assista ses collègues lorsque les visites étaient multidisciplinaires. Les phrases d’accroche étaient son principal allié, gommant de manière net son indifférence au profit d’une oreille faussement attentive. ‘Alors ton week end ?’ ‘Comment vont les enfants ?’ ‘On est en garde ensemble cette semaine, non ?’ formaient un échantillon représentatif de ce qu’il pouvait débiter. Certains diraient même qu’il pouvait se montrer extraverti. La blague. Mais c’est lorsqu’il s’approcha de l’espace cafétéria que ses iris pétillèrent, tel un enfant devant son gâteau d’anniversaire. Nina, appréhendée par des collègues qui se succédaient, était l’attraction du jour et pour cause, elle revenait d’une mission en Afrique. Si cela pouvait paraître totalement anecdotique pour ceux qui n’étaient pas dans son cercle proche, lui avait très vite intégré l’information lorsqu’il apprit la nouvelle. L’imprévisible rajoutait des inconnus à l’équation, de quoi faire palpiter le neurochirurgien. Un sourire en coin, il garda ses distances, se servit un café suffisamment loin pour passer inaperçu, suffisamment proche pour écouter la conversation. Posé contre le dos d’une chaise, il plaça le gobelet chargé d’excitants à ses lèvres alors que ses prunelles ne quittèrent jamais sa proie. D’autant plus que cette dernière était perspicace, intelligente, de quoi faire durer la danse et donc, le satisfaire.

Il vit une fenêtre, une occasion qu’il ne put laisser passer lorsque le groupe actuel avec lequel elle discutait se détacha d’elle. Landry se leva de sa chaise rapidement, un détour vers la machine à café avant de doubler ceux qui s’apprêtaient à interagir avec Nina. Il passa devant elle – un sourire discret sur son visage avant de hocher la tête en guise de salut – avant de se placer juste à sa droite. « Sterling. » Stoïque, de là où il était placé il découvrait le champ de vision de la jeune femme. D’un regard en coin, il narguait ceux qui devraient patienter pour avoir un moment avec elle. C’était son moment. Elle lui tendit le second gobelet à la boisson ébène, où était soigneusement écrit au feutre noir Welcome back. Ne cachant guère son côté séducteur, le neurochirurgien renchérit, dans l’offensive. « Je suppose que l’on t’a posé la question des centaines de fois déjà et qu’on te la posera encore mais, ton voyage s’est-il bien passé ? » Tournant son visage d’un quart de cercle pour apercevoir sa réaction, il attendrait le eye contact pour reprendre. « On t’a manqué ? » Les on avaient pour valeur un je dans le vocabulaire du Chamberlain. Une arrogance trop peu perceptible tellement il arborait un ton bienveillant à côté, la dualité entre son visage impassible et son attitude charmeuse. « Sache que tout le monde parle de ton retour, même au médico légal. » Un fin rictus, aucun de ses mots n'était superflu, tous participaient à la gradation qu'il avait soigneusement imaginée. « Tout le monde est venu t'accueillir ? » Par 'tout le monde', il entendait surtout 'même Hartfield ?' car là était la pièce maîtresse de son jeu. La suite dépendrait inévitablement des réponses de son interlocutrice et à cela, il ne pouvait qu'être surpris.

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Dans son dos, elle peut entendre ses internes glousser comme des adolescents, si fiers de leur guet-apens. Elle n’avait qu’eu le temps de passer se changer dans les vestiaires avant d’être entraînée dans cette salle de pause, coincée autour d’une dizaine de personnes, ravie de son retour et avide de lui sous tirer la moindre information sur son voyage. La traduction de son pire cauchemar. Si elle aime avoir toute l’attention sur sa personne, elle déteste devoir se plier aux conversations mondaines. Les questions fusent sans que personne ne lui propose une tasse de café et, au fur et à mesure des minutes qui s’écoulent, sa patience se réduit à peau de chagrin. Du coin de l’œil, elle foudroie les internes, jurant intérieurement de leur coller les tâches les plus ingrates pour le reste de la semaine. « Oui, c’était une expérience particulièrement enrichissante. » Qu’elle affirme dans un sourire de circonstance. Certains s’étonnent de ne pas avoir été prévenus de son absence, d’autres s’émerveillent de son courage et il y a les autres… Les jaloux maladifs qui cherchent à dénigrer son projet. Ceux qui l’amusent le plus en sommes. « Tu devrais sortir de Brisbane parfois, Winston. » Lui qui se voulait si critique sur les dispensaires du tiers monde, comme il ne cessait de le répéter à tort et à travers. Tout cela l’ennuyait profondément, Nina voulait s’échapper, faire le tour du service, voir les patients. Mais les conversations de bienséance font partie du travail, laissant entrevoir aux autres qu’elle était une compétitrice hors pair et que la titularisation promise à la fin de l’année serait pour elle, et personne d’autre.

« Sterling. » Elle venait tout juste de s’isoler pour avoir la chance d’obtenir une tasse de café noir. « Chamberlain. » Bien sûr qu’il allait s’inviter à la petite fête, toujours prêt à ramasser les miettes des autres, celui-là. Par politesse, et parce qu’elle préférait encore échanger avec le neurochirurgien plutôt que les autres vautours présents dans la salle, elle lui tend un gobelet du précieux sésame caféiné. « Je suppose que l’on t’a posé la question des centaines de fois déjà et qu’on te la posera encore, mais, ton voyage s’est-il bien passé ? » Surprise par un tel intérêt, elle hausse un sourcil curieux dans sa direction. « On t’a manqué ? » Elle lâche presque un soupir de soulagement, rassurée de voir sa vraie nature refaire surface. Elle connait assez ses tours de passe-passe pour en avoir la réponse parfaite. « J’aurais pas tenu un jour de plus sans toi, Chamberlain. » Le sarcasme s’écoulait entre ses mots, mais ils ne savent que jouer de ce pain là entre eux.

« Sache que tout le monde parle de ton retour, même au médico légal. » - « Comment tu te sens ? Pas trop fébrile de ne pas être la discussion du jour ? » Lui qui vendrait père et mère pour être sous la lumière des projecteurs. Toujours à s’incruster de partout, à écouter dans les couloirs. Lui qui connaît tout de la vie de l’hôpital et qui pourrait bien mettre un terme à certains de ses doutes. « Tout le monde est venu t'accueillir ? » Elle ne va pas entrer si facilement dans son jeu. Prendre de la distance lui avait permis d’avoir une vue d’ensemble sur sa propre situation, et au milieu du puzzle sans fin était venu s’additionner toutes les petites remarques que Landry dissimulait dans le moindre de leur échange. « Qu’est-ce qui se passe, Landry ? Mon mari a mangé ton sandwich en salle de pause ? » Il ne s’approchait jamais sans raison et évoquer Ruben était une porte ouverte pour venir titiller l’ego de Chamberlain. Elle releva les yeux pour lui adresser un regard empli d’innocence, attendant la moindre de ses réactions.

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Aguerri de la mascarade, Landry cachait à la perfection sa satisfaction d’interagir avec la Sterling, après l’avoir épiée un certain temps dans un coin de la salle de pause. Au-delà du fait qu’il n’agissait jamais sans arrière pensée, il n’avait aucun mal à avouer que Nina figurait parmi ses interlocutrices favorites. Elle était intelligente, charmante, comprenait les nuances dans le jeu de Landry et le temps n’avait fait que le confirmer. Forcément, il se demandait à chaque fois à quel point elle voyait à travers les épaisseurs qui composaient son personnage. Il ne faiblissait pas pour autant, après tout il y tenait à son image du neurochirurgien parfait. « Chamberlain. » Son sourire se dressa, une réponse tout à fait anodine mais qui ne manquait pas de le faire réagir. « Ouf. Content que tu ne m’aies pas oublié. » Mimant la goutte de sueur qu’il essuya de son front d’un coup de main, il apposa ses lèvres sur le gobelet et ingérer la boisson couleur ébène. « Ou pire, que tu ne confondes toujours pas les neurochirurgiens de cette hôpital. » Écarquillant grossièrement les sourcils, une pique facile qui ciblait son collègue avec qui Nina partage sa vie – du moins aux dernières nouvelles. Une façon pour lui de jauger à quel point il pourrait aborder le sujet avec son interlocutrice, à quel point il pouvait continuer à parsemer son jugement d’incertitude.

« J’aurais pas tenu un jour de plus sans toi, Chamberlain. » Quand bien même l’ironie était très clairement perceptible, Landry accepta la louange histoire de satisfaire son ego. Ce qu’il aimait tant dans leurs conversations, c’est qu’elles pouvaient à tout moment devenir des joutes où le sarcasme régnait en maitre. Et le sarcasme était une arme qu’il avait soigneusement façonnée pour un usage quotidien. « Et moi donc. Les journées sont d’un ennui lorsque tu n’es pas là. » Comme s’ils interagissaient tous les jours. Non pas que cela déplairait à Landry, bien au contraire. Il reprit, non sans un brin de dramatisme. « Je n’imagine pas ça me ferait si tu partais plusieurs mois ou même si tu partais tout court… Rassure moi, tu ne comptes pas quitter l’hôpital de sitôt ? » Peut-être que cette mission à l’étranger était également un test pour évaluer à quel point elle était attachée à ces lieux. Le neurochirurgien, lui, y voyait un moyen d’alimenter le doute : accepterait-elle de travailler au même endroit que lui une fois la vérité sous ses yeux.

« Comment tu te sens ? Pas trop fébrile de ne pas être la discussion du jour ? » Une moue faussement décontenancée, avait-il déjà été le centre de l’attention ici, du moins de son point de vue. Encore une fois, il n’y verrait aucun objection, à condition que cela soit en lien avec son professionnalisme ou son talent. « Je vais m’en remettre. Mais c’est bien parce que c’est toi. » Clin d’œil, il se doutait qu’elle n’avait pas demandé à être le sujet de toutes les attentions et même qu’elle n’appréciait pas du tout cette situation. « Qu’est-ce qui se passe, Landry ? Mon mari a mangé ton sandwich en salle de pause ? » Sa parole manqua de l’étouffer alors qu’il but une seconde gorgée de café, la surprise venant dilater ses iris azurées. « Mari ? Qui ça ? » Un sourire en coin, la malice coulait dans ses veines. « J’avais presque oublié que tout le monde faisait des erreurs, même Nina Sterling. » Elle-même lançait le sujet de Ruben, de quoi lui faciliter le travail. Pour autant, il ne pouvait s’empêcher de commenter, après tout elle n’était pas passée à côté de la rivalité entre le Hartfield et lui. « Il mange comme nous ? Je croyais qu’il se nourrissait d’aigreur nuit et jour. » C’était de bonne guerre, surtout que ce genre de paroles permettrait à Landry – à travers les réactions de son interlocutrice – d’estimer l’état d’avancement de son enquête. Enquête qu’il suivait comme un feuilleton, en somme.

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Ce n’est pas la première fois qu’elle peut sentir le regard de Chamberlain épier le moindre de ses faits et gestes. Jamais il ne cherche à être discret, mais ses tentatives d’approche se sont multipliées ces derniers mois. Comme s’il cherchait à obtenir quelque chose, à la recherche d’un détail, d’une miette qui pourrait lui permettre d’alimenter sa vendetta envers Ruben. Elle se méfie de son air amusé et des sourires innocents qu’il ne cesse de lui accorder depuis qu’il s’est faufilé à ses côtés. « Ouf. Content que tu ne m’aies pas oublié. » Elle ne se cache pas pour lever les yeux au ciel. Comme si elle avait le temps de remarquer sa présence. Il se donne bien trop d’importance. « Ou pire, que tu ne confondes toujours pas les neurochirurgiens de cet hôpital. » Elle rit du bout des lèvres sans jamais relever les yeux vers lui. « Tu pensais que j’allais te prendre pour Barnes ?! » Ils peuvent être deux à jouer à ce jeu. Amener Ruben dans la conversation sans jamais employer son prénom. Elle pourrait en faire une habitude désormais. Surtout, si elle avait été du genre à tenir des listes, elle aurait pu rajouter un décompte dans celle qui prenait attention aux différentes remarques déplacées de Landry. Il cherche à l’amener vers un chemin glissant, elle l’a compris depuis un moment, la nuance étant dans ce qu’elle a récemment appris de son côté.

« Et moi donc. Les journées sont d’un ennui lorsque tu n’es pas là. » Cette fois, elle relève un sourcil surpris dans sa direction. À quoi joue-t-il ? Ce n’est pas comme s’ils entretenaient une quelconque amitié notoire. « Je n’imagine pas ça me ferait si tu partais plusieurs mois ou même si tu partais tout court… Rassure moi, tu ne comptes pas quitter l’hôpital de sitôt ? » Lentement, ses insinuations se glissent sous son épiderme, venant démanger ses blessures encore à vif, malgré le mois passé loin de cette ambiance tendue. « Tu admets enfin ta défaite ? » Elle sait autant jouer sur ses nerfs qu’il sait s’immiscer dans ce qui le fera tiquer. « Le poste sera le mien, Chamberlain, va emmerder quelqu’un d’un autre service. » D’ici la fin de l’année, le chef du service pédiatrique aura fait son choix pour le poste de titulaire qui va se libérer dans son service. Nina a l’œil sur la titularisation depuis son arrivée dans le service en tant qu’interne. Personne ne lui prendra sa place.  

La conversation n’a jamais autant perduré entre eux et puisque Landry ne semble pas décidé à partir, elle s’amuse à lui lancer un pique à son tour. Rien de méchant, mais assez pour qu’il manque de s’étouffer et que sa propre curiosité soit relancée. L’air de rien, elle se picore dans une part de gâteau, relevant un regard innocent vers le médecin. « J’avais presque oublié que tout le monde faisait des erreurs, même Nina Sterling. » Cet enculé sait frapper fort. Elle lui adresse un regard noir alors que chacun de ses doutes semble sortir de l’ombre, croulant sous sa peau, pour lui rappeler le nombre exact de fois où Landry s’est permis un commentaire sur son mariage. Il est bien trop intelligent pour constamment frapper sur le même clou, elle peut le deviner dans son regard, à la simple manière dont il analyse la moindre de ses réactions. Landry attend quelque chose de sa part et dans un coin de son esprit, les éléments s’assemblent dangereusement. Partir n’a pas atténué son intuition, cette petite voix affreuse qui vient la chercher dans ses rêves et lui rappelle que Ruben s’est probablement emballé pour une conne qui travaille avec eux. Il y avait les sous-entendus de Chamberlain, puis la pseudo attention que lui avait accordée Barnes junior. Nina peut sentir son sang bouillir lentement, replongeant tête la première dans la trahison de son mari. « Il mange comme nous ? Je croyais qu’il se nourrissait d’aigreur nuit et jour. » Elle ne sait retenir le ricanement qui s’échappe d’entre ses lèvres. « Il a une préférence pour le sang frais de ceux qui tombe sous son charme. » La remarque est acerbe, dans un autre contexte, elle serait profondément déplacée de sa part, mais Nina sait parfaitement jouer à son tour. Elle scrute le visage de son interlocuteur, remarque le léger tic dans sa mâchoire et relève son regard vers les prunelles azur du neurochirurgien. « Au départ, je te trouvais subtile, désormais, je sais juste que t’es lourd quand tu penses avoir une idée en tête. » Jouer avec sa sensibilité pour qu’il cède en premier, sans que jamais elle n’ait à lui demander de cracher le morceau. Que le match commence.

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Plus la proie se débattait, plus le chasseur y prenait du plaisir. Le jeu qui s’installait entre Nina et Landry le stimulait d’une telle façon qu’il ne se voyait pas y mettre un terme de sitôt. En plus, elle lui répondait pour qu’il surenchérisse. Forcément, il n’allait pas se gêner. « Tu pensais que j’allais te prendre pour Barnes ?! » Un sourire aux lèvres, était-elle sûre de vouloir s’aventurer sur ce terrain-là. Soit, mais dans tout cette histoire, c’était elle qui finissait écorchée vive. « Ouh, tu brûles. » Double sens, certes elle avait donné un autre neurochirurgien mais elle avait nommé celle qui jouissait d’une proximité qui n’avait pas lieu d’être avec Ruben. Pour autant, il ne connaissait pas l’état d’avancement de Nina quant à cette liaison, si elle a pu les confronter ou si elle n’avait que des spéculations à émettre. « Un certain Ruben ? Non toujours pas ? Sûrement quelqu’un de pas très intéressant. » Il se jouait des piques, les employait avec minutie. Aiguille contre le ballon de baudruche, il ne voulait pas le faire exploser, pas tout de suite.

« Tu admets enfin ta défaite ? Le poste sera le mien, Chamberlain, va emmerder quelqu’un d’un autre service. » Un sourire malin se dessina sur son visage. Elle croyait vraiment qu’il jetterait son dévolu sur la pédiatrie. Ce n’était pas prêt d’arriver mais Nina lui servait une faille sur un plateau d’argent, bien sûr qu’il allait appuyer dessus, juste pour savoir comment elle réagirait. « T’auras beau défendre ton expérience ou faire ami-ami avec ton chef de service Sterling, mais à la fin c’est le comité médical qui décide et tout ça, ils s’en foutent. Il regarde avant tout ce que tu leur fais dépenser et si tu publies. » La dure loi à laquelle il fallait se plier et qu’il connaissait sur le bout des doigts. Après tout, il convoitait le haut du panier et pourquoi pas un siège au conseil d’administration. « D’ailleurs j’ai présenté un article sur les encéphalopathies des nouveau-nés qui les a fortement intéressé à la dernière commission… où tu n’es pas venue puisque tu étais en Afrique. » Il ricana avant de prendre une nouvelle gorgée de café. Il ferait tout pour la pousser la bout, même à mimer un intérêt pour un poste dont il venait tout juste de découvrir l’existence. Heureusement pour lui et malheureusement pour elle, Landry excellait dans l’art de la mascarade. « Je plaisante bien sûr. Enfin Nina, je ne suis pas ton ennemi. » Pas sur ce bataillon, en tout cas.

« Il a une préférence pour le sang frais de ceux qui tombe sous son charme. » Sa langue claqua contre son palais, amusé par le commentaire de son interlocutrice. Elle en savait plus qu’il n’imaginait et ce constat suffisait pour remettre une pièce dans la machine. « Je ne peux pas y croire. » Oh que si, il pouvait. Mais il prétendait le contraire, justement pour pousser la Sterling à réagir. Mais s’il n’avait vu l’intéressé qu’avec une de ses internes, la parole de Nina laissait planer le doute que ce n’était pas qu’un cas isolé. « Au départ, je te trouvais subtile, désormais, je sais juste que t’es lourd quand tu penses avoir une idée en tête. » Un rire s’échappa de ses lèvres, si seulement elle savait. Il termina son gobelet de café avant de le jeter dans la poubelle juste à côté avant de reprendre, non sans une pointe de sarcasme. « N’as-tu jamais pêcher ? Il faut certes être calme mais il est parfois nécessaire de relancer la ligne. » Il se pencha vers elle, un fin sourire alors que ses prunelles plongèrent dans celles de son interlocutrice. « Qu’est-ce que tu as appris, Nina ? » Il ne laissait rien transparaître mais il mourrait d’envie d’avoir la réponse à cette question. « Bien sûr on pourrait continuer les sous-entendus, j’ai la patience pour mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas de ton fan club. » Référence à ceux qui attendaient leur tour pour avoir des nouvelles de Nina en personne, ils les regardaient du coin de l’œil comme s’ils attendaient leur moment. « Ce sont tes internes ? Ou alors est-ce le ‘sang frais’ dont tu parlais tout à l’heure ? » Jamais il n’annoncerait la fin de la partie alors qu’elle avait si bien commencé, jamais.

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Une part d’elle sait qu’elle ne devrait pas répondre aux sollicitations de Landry. C’est puéril et mesquin de s’emprisonner dans son petit jeu, mais Nina a toujours eu un faible pour les joutes verbales. Et disons que ces derniers temps, elle a bien assez de grain à moudre, pour prendre la mouche dès que l’on vient la titiller un peu. « Ouh, tu brûles. » Et si elle maîtrise son discours à la perfection, il est certain que Landry sait parfaitement jongler avec le mystère. Si auparavant ses sous-entendus ne venaient que l’irriter, aujourd’hui il réveille pleinement sa curiosité. « Un certain Ruben ? Non toujours pas ? Sûrement quelqu’un de pas très intéressant. » Elle ne répondra pas à ce genre d’attaque. C’est constant entre eux, rien de nouveau sous le soleil. Cela fait des années qu’elle écoute Ruben se plaindre des actions de Landry et plusieurs mois que le second pense pouvoir se confier auprès d’elle. Un jour, elle finira par les enfermer dans une pièce pour qu’ils s’entretuent pour de bon, mais pas avant que Landry ait craché le morceau.

Ils sont en forme ce matin, le café doit être particulièrement bien dosé puisque la joute verbale se veut désormais sans fin. Et bien sûr, qu’ils ne seraient pas eux-mêmes si cela ne dérivait pas un instant sur une compétition liée à leur profession. « T’auras beau défendre ton expérience ou faire ami-ami avec ton chef de service Sterling, mais à la fin c’est le comité médical qui décide et tout ça, ils s’en foutent. Il regarde avant tout ce que tu leur fais dépenser et si tu publies. » Ah, la passion de Chamberlain, publié des articles essentiellement désignés à offrir une bonne branlette de cerveau à ceux qui siègent au conseil d’administration et qui n’ont plus touché un bistouri depuis vingt ans. « D’ailleurs, j’ai présenté un article sur les encéphalopathies des nouveau-nés qui les a fortement intéressés à la dernière commission… où tu n’es pas venue puisque tu étais en Afrique. » Elle ne cache pas son rire, relevant les yeux vers celui qui ne cesse de se rapprocher d’elle. « Je suis censé avoir peur ? » Visiblement, il n’a rien compris ou prétend ne pas voir tout ce qui se tramait derrière ce qui pouvait être en apparence qu’une simple mission humanitaire. « Tu veux que je te réserve un siège à ma présentation de la semaine prochaine ? » Elle n’est pas simplement partie pour s’éloigner de Brisbane et jouer à l’autruche. Nina a également cherché à assurer son avenir et c’est sur place, et un peu avec l’aide de Diego, que les idées ont commencé à pleuvoir. « Au premier rang pour que tu n’en loupes pas une seule miette. » Et c’est son tour de lui servir un sourire carnassier. Ils ne gravitent pas dans les mêmes spécialités, mais elle connaît assez l’ego du Chamberlain pour savoir qu’elle allait le faire courir jusqu’à l’amphithéâtre. « Je plaisante bien sûr. Enfin, Nina, je ne suis pas ton ennemi. » - « Uniquement par alliance. » Comme ce cousin éloigné que personne ne souhaite voir, mais qu’il faut tout de même se coltiner à chaque repas de famille. Landry est encore bien plus persistant que cela, malheureusement.

Inévitablement, le sujet revient à Ruben. Il insiste trop pour que cela soit simplement anodin et Nina entre dans son jeu. Pour la première fois, elle choisit de s’aligner aux remarques incessantes de Landry, voir jusqu’où il est capable d’aller, lui qui cherche à la titiller depuis des mois désormais. « N’as-tu jamais pêché ? Il faut certes être calme, mais il est parfois nécessaire de relancer la ligne. » Il sait quelque chose, elle ne pourra désormais plus en démordre désormais. Et elle est fatiguée de ses sous-entendus, de ses énigmes à trous et de la façon qu’il a de lui sourire comme s’il détenait un pouvoir sur elle. « Qu’est-ce que tu as appris, Nina ? » - « Qu’est-ce que t’as découvert, Landry ? » Leurs questions se croisent et elle pourrait en rire si elle n’était pas déterminée à lire la vérité entre ses traits. Il ne lâche rien, le médecin probablement trop fier de pouvoir la faire tourner en bourrique. « Bien sûr, on pourrait continuer les sous-entendus, j’ai la patience pour, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas de ton fan club. » Elle n’est pas certaine que ce soit son cas, surtout. Mais effectivement, il y’a bien trop de monde qui semble attendre après elle. « Ce sont tes internes ? Ou alors est-ce le ‘sang frais’ dont tu parlais tout à l’heure ? » - « Simplement mes internes. » Ceux qui veulent tout savoir de son voyage ou qui viennent simplement gratter un peu de répit avant qu’elle ne leur rappelle toutes les tâches qui leur incombent. « Il faut que l’on parle Chamberlain. » Il en avait désormais trop dit ou plutôt, pas assez. « Rejoins-moi dans mon bureau d’ici un quart d’heure. » Elle le sait, il se rendra disponible. En attendant, elle va se débarrasser des sangsues matinales. 

Les non-titulaires n’ont normalement pas accès à un bureau personnel, se contentant de partager un vestiaire commun où se trouve un pauvre canapé défraîchi. Nina avait su tirer les bonnes cartes, assez pour se faire attribuer un bureau digne de ce nom et où elle pouvait souvent travailler en paix. Il n’est pas question de publication, de consultation ou autre chose en rapport avec la médecine aujourd’hui. Mais plutôt de Landry qui semble l’attendre avec impatience. « Je n’ai vraiment plus envie de jouer. » Et il n’est plus question de lui servir le moindre sourire désormais. « Tu sais quelque chose et tu penses que ça va m’intéresser, alors crache le morceau Chamberlain. »

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Landry observait Nina avec cette attention calculée qui trahissait son désir de contrôle. Chaque mot de leur échange devenait une pièce d’un puzzle qu’il avait commencé à assembler bien avant qu’elle ne le sache. « Je suis censé avoir peur ? » Il retint un rire, se contenta d’un simple sourire. Il se délectait de cette possibilité, même si elle refusait de l’admettre. Il inclina légèrement la tête, son sourire toujours là, mais plus appuyé, presque carnassier. « Ça dépend, Nina. Est-ce que tu me vois comme une menace ? » répondit-il d’un ton suave. Son but n’était pas de répondre franchement, mais de lui faire réaliser que la peur n’avait pas à être déclarée pour exister. Surtout si elle lui répondait par l’affirmative. « Tu veux que je te réserve un siège à ma présentation de la semaine prochaine ? » Son ton se voulait léger, mais Landry percevait le défi. Bien sûr qu’il ne manquerait pas ça. Il sourit, l’air faussement intéressé. « Avec plaisir. Je ne raterais ça pour rien au monde. » Son sourire s’élargit encore lorsque Nina ajouta : « Au premier rang pour que tu n’en loupes pas une seule miette. » C’était exactement là où il comptait être. Voir Nina sous les projecteurs, vulnérable sous le regard des autres, voilà une scène qui le stimulait. Elle voulait qu’il ne rate rien ? Parfait. Il ne perdrait pas une miette, et il s’assurerait que tout le monde sache où elle échouait. « C’est tout ce que je mérite, n’est-ce pas ? » Puis la pique de Nina vint rendre visible ses dents. « Uniquement par alliance. » Elle parlait bien sûr de Ruben, elle savait très bien que les deux neurochirurgiens étaient rivaux. Landry laissa cette remarque résonner en lui, il imaginait que leur couple battait de l’aile. Il croisa ses bras, l’air faussement songeur. « Pour combien de temps encore, tu penses ? » demanda-t-il doucement. Et si leur couple n’était qu’une ombre vacillante, prête à disparaître au moindre coup de vent ? Il adorerait être en première loge pour voir cela.

Nina le dévisagea un instant avant de renverser la question, habilement. « Qu’est-ce que t’as découvert, Landry ? » Un sourire presque carnassier étira les lèvres du neurochirurgien. Il aimait cette tournure. « Je ne sais pas, Nina. Qu’est-ce que toi tu penses que j’ai découvert ? », dit-il alors que ses prunelles la fixaient intensément. Il ne dévoilerait pas ses cartes. Pas tout de suite. Jouer la carte du mystère, laisser planer le doute, c’était sa spécialité. Mais ce qui l’amusait vraiment, c’était de voir Nina se débattre, chercher désespérément à comprendre ce qu’il savait. Puis Nina changea brusquement de ton, adoptant une posture plus formelle. « Il faut que l’on parle, Chamberlain. » Il haussa un sourcil, intrigué. Elle venait d’abandonner le terrain du jeu pour celui de la confrontation directe. Cela ne fit qu’aiguiser son intérêt. « Rejoins-moi dans mon bureau d’ici un quart d’heure. » Forcément, il irait. Comment aurait-il pu résister à une telle invitation ? « Bien sûr. », dit-il simplement. Mais intérieurement, il brûlait de curiosité et il avait hâte que ce quart d’heure passe. Il s’éloigna de la Sterling, faisant signe à ses internes que leur tour était arrivé.

Il entra dans le bureau de Nina un quart d’heure plus tard, elle semblait plus tendue qu’à l’accoutumée. « Je n’ai vraiment plus envie de jouer. Tu sais quelque chose, et tu penses que ça va m’intéresser, alors crache le morceau, Chamberlain. » Landry se retint de sourire, bien qu’il fût amusé par cette soudaine impatience. Pensait-elle vraiment qu’elle était en position de force ici ? Il croisa les bras, s’appuyant légèrement contre la porte du bureau, sans la quitter des yeux. « Oh Nina… » murmura-t-il, presque avec douceur. « Ce n’est pas à moi de parler. » Il la laissa mariner un instant, savourant chaque seconde de ce silence qui devenait de plus en plus lourd. « C’est toi qui as des questions, après tout. » Il se rapprocha lentement, prenant un malin plaisir à chaque pas qu’il faisait vers elle. « Je te propose quelque chose. Tu me poses toutes les questions que tu veux, j’y réponds par oui ou par non. Ça devrait t’aiguiller, non ? » Il s’arrêta juste devant son bureau, posant ses mains sur le bord en bois, son visage à quelques centimètres du sien. Elle en avait marre des jeux, Landry lui en proposait un nouveau, mais ce dernier pourrait être dans leur intérêt. « Alors, quelles questions brûlent tes lèvres ? »

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« Ça dépend, Nina. Est-ce que tu me vois comme une menace ? »
« Tu aimerais, mais j’ai le plaisir de t’annonce que non. »

Elle ne voit pas une menace en Landry. Au fil des années, elle a appris à ne jamais se soucier de son petit jeu. Il a toujours été ainsi, à vivre avec la compétition, voulant tenir tête à tout ceux qui oserait entrer dans sa cour de récréation. Si elle évoluait dans le même service que lui, elle ne prendrait ses intentions comme le désir de repousser les limites, d’aller toujours plus loin dans ce qu’elle est capable de faire. Il faut bien que certains lui rappellent qu’il n’est pas le seul dans cet hôpital, qu’il n’a jamais été un prodige et que d’autres peuvent prétendre à mieux que ce qu’il saura faire. « Avec plaisir. Je ne raterais ça pour rien au monde. » Elle sait qu’il viendra, même si elle ne lui en reparle jamais. Elle s’attend déjà à le voir et à recevoir ses critiques, car il en aura. Il ne se gênera pas pour l’interrompre avec des questions pointues et elle serait presque impatiente de lui prouver qu’il faut plus qu’un sourire en coin et quelques connaissances médicales pour la déstabiliser. 

Il ne cesse de jouer des sous-entendus, il s’amuse d’elle et Nina perd patience. Il pense avoir une longueur d’avance sur un sujet précis, elle l’a deviné, sans être capable de mettre le doigt sur ce qui l’amuse autant. Il ne cesse de graviter autour de Ruben, mais ça n’a jamais été une nouveauté, ces deux-là se prennent la tête depuis la première année de médecine. C’est plus subtil que cela encore. « Je ne sais pas, Nina. Qu’est-ce que toi tu penses que j’ai découvert ? » Il insiste trop pour qu’elle laisse couler l’information, ce n’est pas fait dans le simple but de la titiller. Il dissimule quelque chose et Nina déteste l’air supérieur que cela lui confère. « Te connaissant, tu pourrais faire toute une histoire d’un rien. » Il n’existe pas plus commère que Landry. Il laisse traîner ses oreilles partout, encore plus vers le bureau des infirmières qui ont toujours une opinion sur tout et des histoires croustillantes sur les médecins de l’hôpital. Mais elle sait aussi ce qu’elle aimerait ne jamais voir alimenter les rumeurs de couloirs et les paroles de la jeune Barnes ne cessent de jouer en boucle dans un coin de son esprit. Elle avait pensé que quelque chose n’allait pas dans leur couple et si Landry avait la même intuition ? Il serait du genre à tout répandre sans se soucier, et ce n’est pas quelque chose qu’elle peut ignorer d’un revers de main. 

Son bureau est un lieu bien plus approprié pour interroger le médecin en herbe. Elle qui s’est juré de ne jamais donner argent comptant au bruit qui court, voilà qu’elle invite le diable en personne à lui partager ce qu’il a bien pu apprendre au cours de ses gardes. Il s’en joue Landry, il pense avoir le dessus. « Oh Nina… » Elle lui adresse un regard noir alors qu’il joue de son sourire de mannequin. « Ce n’est pas à moi de parler. C’est toi qui as des questions, après tout. » Il marque des points, soulignant l’évidence qu’elle lui refusera. Est-ce que sa curiosité l’emportera ? Elle l’observe s’avancer dans la pièce tel un prédateur qui renifle sa proie. Il la pense faible, il cherche à garder la main prise sur la situation et Nina l’observe le menton haut sans jamais baisser les yeux, même lorsqu’il se veut beaucoup trop proche d’elle à son goût. « Je te propose quelque chose. Tu me poses toutes les questions que tu veux, j’y réponds par oui ou par non. Ça devrait t’aiguiller, non ? » Elle soupire. « Tu penses qu’on est dans une cour de récréation ? » Elle va céder, une part d’elle le sait, mais elle ne veut pas qu’il s’imagine quoi que ce soit. Elle ne lui sera jamais redevable, pas vrai ? « Je te dois rien, qu’on soit bien clair ! » Son regard plonge dans celui azur du médecin qui l’observe avec une intensité qui pourrait la faire frémir si elle ne se sentait pas autant sur le point d’apprendre une vérité qui pourrait tout changer. « Alors, quelles questions brûlent tes lèvres ? » Une envie de l’insulter, certaines, et puis tout le reste… Les doutes qui l’habitent depuis des jours, ce qu’elle refuse de rendre évident, mais qui se dirige vers une certaine vérité depuis sa dernière conversation avec l’interne de Ruben. « Cela concerne Ruben ? » Ce n’est pas réellement une question, pour que Landry jubile autant, cela a forcément à voir avec Ruben. « Et ses relations avec quelqu’un de l’hôpital ? » Elle se doute qu’il s’agit de quelqu’un d’ici, elle n’a simplement aucune idée de qui cela pourrait bien être. Et si elle devrait protéger le secret de sa relation mise à mal, surtout face à Landry, son désir de vouloir découvrir la vérité se veut bien plus fort que toute autre logique. Elle ne peut plus avancer à l’aveugle alors qu’elle voit dans le regard de Landry qu’elle brûle concernant la vérité qu’il garde précieusement dans son jeu. Elle s’en voudra sûrement plus tard, alors qu’elle lui donne la possibilité de répandre bien des rumeurs, mais elle sait que Landry joue intelligemment. Il ne dira rien pour le plaisir, il a toujours besoin de quelque chose en échange. Elle lui offre la possibilité de tenir une épée de Damoclès au-dessus de la tête de son mari et, pour la première fois, elle choisit de renverser son camp dans leur bataille futile. Elle a besoin de savoir, elle a besoin d’avoir toutes les armes nécessaires pour affronter Ruben par la suite. « Tu sais qui sait, pas vrai ? »

lift the veil that lies ahead
@Nina Sterling & Landry Chamberlain

Landry se redressa, ses prunelles suivant avec précision chacun des mouvements de Nina, ses infimes expressions mais aussi ses réactions. Elle évoluait avec cette assurance caractéristique, un aplomb qu’il aimait déstabiliser, une façade si solide qu’il prenait plaisir à effriter. Mais sous le masque de confiance, il percevait une tension infime, une faille qu’elle s’efforçait de masquer, et qu’il ne pouvait s’empêcher de savourer. Le sujet de Ruben la hantait, cela n’était plus un secret, autant qu’il pouvait en tirer avantage. C’était là sa spécialité : percevoir les doutes, les insinuer jusqu’à ce qu’ils se concrétisent et l’enveloppent, la plongeant dans un jeu dont elle ignorait jusqu’aux règles. À présent, elle en venait même à l’interroger, à le jauger, comme on tend la main au serpent pour se convaincre que son venin n’est qu’une rumeur. « Te connaissant, tu pourrais faire toute une histoire d’un rien. » La parole de son interlocutrice lui arracha un sourire en coin, une réaction à peine perceptible, mais lourde de sens. Nina, qui semblait jusque-là imperméable à ses manœuvres, commençait enfin à comprendre que la surface des choses lui importait peu, que son goût résidait dans les complexités, dans les failles qui ne se révèlent qu’à celui qui sait observer. Et chaque pas qu’elle faisait pour percer ces mystères l’enfonçait un peu plus dans ce rôle d’enquêtrice qu’elle s’était elle-même donnée. « Si tu en es si sûre, pourquoi tu es encore ici ? » Il s’avança vers elle, ses pas mesurés, l’air détendu. Mais il jouait avec la distance, tirait sur la tension ambiante. Car si elle continuait à lui parler plutôt qu’à s’occuper de ses internes, c’est bien parce qu’elle se doutait qu’il en savait bien plus qu’un rien. « Même si tu prétends le contraire, tu me proposes un jeu dans un autre, Nina. Alors que tu as déjà perdu. » Une moue faussement triste, il reprit. « Bref. A tout à l’heure. » Il s’éloigna quelque peu, s’inclina légèrement, comme si cette rencontre pouvait demeurer ordinaire, banale. Mais il se plaisait à effacer cette impression de tranquillité d’un seul regard, s’ancrant dans celui de son interlocutrice avec une intensité froide, calculée, presque dérangeante.

Dans le bureau de Nina – car il n’y avait plus docteur Sterling qui tienne – Landry gardait ce même état d’esprit qu’à la cafétéria de l’hôpital. Il savait que ses mots allaient titiller une part d’elle-même, celle qui se tenait entre le doute et l’impatience. La vérité, il en était certain, l’attirait autant qu’elle la mettait mal à l’aise. Nina n’était pas si loin de l’obtenir, il le savait, mais chaque vérité viendrait avec son prix. Lui-même ne la détenait pas mais les éléments en sa possession pourraient bien l’aider dans son cheminement. « Tu penses qu’on est dans une cour de récréation ? » – « A toi de me dire, Nina. Un adulte n’aurait-il pas déjà confronté la source de tout son tracas, plutôt que de chercher désespérément des indices ? » Un sourire malin alors que quelques centimètres séparaient leur visage, toujours en en appui sur son bureau. Après tout, le silence de Nina était le point de départ de tous ces enfantillages. Landry n’était qu’un acteur qui profitait de la scène qui lui était offerte pour se placer sous la lumière. « Je te dois rien, qu’on soit bien clair ! » Il tendit sa main, prêt à se conformer à la condition exprimée par son interlocutrice d’une poignée de mains. Après tout, il n’avait pas besoin de faveur d’un tel ou un autre pour parvenir à ses fins, ce serait beaucoup trop facile sinon. Surtout, voir le couple se déchirer sera déjà bien assez pour le satisfaire. « Cela concerne Ruben ? » La question était aussi évidente que sa réponse. Landry secoua positivement la tête, savourant chaque seconde où elle se battrait pour obtenir une vérité, pour arracher au mystère ce qu’il dissimulait. « Et ses relations avec quelqu’un de l’hôpital ? » Encore une fois, il acquiesça, sans surprise. L’hôpital était son seul terrain de jeu, là où son ambition s’exprimait et se confondait avec ses manigances. Le reste ne l’intéressait pas et Nina devait certainement le savoir. Mais, il ne put cacher sa curiosité, un éclat dans son regard. Avait-elle des soupçons sur quelqu’un en particulier pour lui poser cette question ? Forcément, l’interrogatoire ne serait pas à sens unique et viendrait le moment où lui aussi voudrait des réponses. « Tu sais qui sait, pas vrai ? » Une marque de surprise sur son visage, il écarquilla quelques fois les yeux tant elle brûlait les étapes pour obtenir ce qu’elle voulait. Un ricanement, il s’approcha un peu plus encore, réduisant l’espace qui séparait leur visage tant l’attention de la Sterling était portée sur les sons qui sortiraient de ses lippes. « Ne sois pas si impatiente. », murmura-t-il d’un ton suave, jouant de cette voix qui glissait comme un secret. Un sourire, il s’éloigna brusquement, lâchant par la même occasion le bureau de la docteur. Un demi-tour sur lui-même, il lui fit dos et marcha en direction du mur en face de lui, un pas après l’autre. « Je pense savoir, je ne suis pas sûr à 100%. » Le jeu dans la voix, il prenait un malin plaisir à faire durer le suspense. Car il savait qu’elle se torturerait d’interrogations, que ses pensées tourneraient en rond autour de leurs échanges, tentant d’interpréter chaque silence, chaque mot, de recomposer un puzzle dont il lui avait délibérément caché les pièces essentielles. « Enfin. Tout dépend du type de relations dont tu fais référence, de tes soupçons. » Il en savait des choses sur Ruben, allant de faits anecdotiques à des affaires honteuses. Qu’est-ce qu’elle attendait exactement. Landry le savait, au fond. Mais il aimait prétendre le contraire, pour qu’elle le dise de vive voix. « Est-ce qu’il t’a toujours proposé de l’accompagner à des congrès ? » Elle ne pouvait pas le voir mais le sourire du Chamberlain était carnassier, presque cruel. Il lui donnerait des informations au compte goutte, pour appâter sa soif de réponses. Car cela ne servait à rien de se précipiter, encore moins sans élément de contexte. N’est-ce pas ?

(c) crackshipandcrap

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@landry chamberlain & nina

À huit clos, l’ambiance se veut d’ores et déjà bien plus tendue. Il n’est plus question de tenir les apparences. Nina ne joue plus avec les limites. Landry pourra se vanter de l’avoir vu légèrement vaciller, personne ne le croira pleinement. À constamment hurler au loup, il avait rendu ses informations bien moins crédibles. Elle en a parfaitement connaissance, Landry se nourrit de la moindre illusion, du moindre regard qu’il pense avoir capté à l’autre bout de la pièce. Parfois, c’est à se demander s’il a réellement le temps de se consacrer à sa profession, tant il semble bien plus au fait des dernières rumeurs que des dernières innovations. Elle entre pourtant dans son jeu, avide de connaître le fond de sa pensée, consciente que tout devra malgré tout être pris avec des pincettes. « À toi de me dire, Nina. Un adulte n’aurait-il pas déjà confronté la source de tout son tracas, plutôt que de chercher désespérément des indices ? » Elle voudrait effacer le sourire malin qui étire ses traits. Elle aimerait le faire taire, mais elle devine que Landry ne lui dit pas tout et qu’il joue intentionnellement avec sa patience. « Le seul désespéré dans cette pièce, c’est toi, Landry. » Elle refuse de se qualifier ainsi alors qu’elle cherche simplement les réponses que Ruben lui refuse constamment. « Et crois-moi, me référer à toi, ce n’est pas ce que je qualifie comme une source d’information fiable. » Mais il sait quelque chose, elle peut le ressentir dans tout son comportement. Il se délecte de l’instant et elle entre dans son jeu simplement pour voir jusqu’où il serait prêt à aller. Va-t’il lui demander quelque chose en échange ? Il en serait bien capable, il faudrait que cela concerne Ruben, bien entendu. Il doit bien avoir un millier d’idées en tête, mais ce n’est pas sa préoccupation première, pour l’instant. Elle le sait, Landry serait prêt à tout pour faire flancher son rival. Alors, s’il sait quelque chose, il crachera le morceau bien trop rapidement.

Les questions s’enchaînent au rythme des hochements de tête du neurochirurgien. Les planètes s’alignent, elle se rapproche de la confirmation de quelque chose, de ce doute qui la tracasse depuis des jours. Elle l’espère, qu’il lâchera l’information simplement pour mettre Ruben dans de beaux draps. Mais un doute persiste malgré tout en elle. « Ne sois pas si impatiente. » Fronçant les sourcils, elle observe à nouveau son comportement. Serait-il en train de freiner de quatre fers ? Il use de tactique vieille comme le monde, faisant de sa voix un filet suave qu’il espère pourra l’enchanter. Cela ne fonctionne que comme une sorte de wake up call pour Nina. Sensation exacerbée dès l’instant où il choisit de lui tourner le dos, brisant la tension qu’il avait lui-même instaurée en se rapprochant dangereusement d’elle. À l’instant où elle lui offre un tapis rouge pour déballer ses horreurs, il choisit de prendre la fuite. Intéressant. « Je pense savoir, je ne suis pas sûr à 100%. » Alors, il ne sait rien. Il suppute, se créer ses propres fantasmes sur les potentiels écarts de Ruben, mais il ne sait absolument rien. Est-ce qu’elle cherche à se rassurer ? Un peu, probablement. Mais une part d’elle reste persuadée qu’il ne lui tournerait pas le dos s’il était sur le point de lui révéler quelque chose qui aurait une véritable importance. « Enfin. Tout dépend du type de relations dont tu fais référence, de tes soupçons. » Comme si elle allait lui donner la véritable raison de son interrogation pour qu’il détourne le moindre de ses mots et s’en serve contre Ruben. « Voyons, tu n’as pas deviné ? » Elle sait aussi bien jouer que lui, prêcher une semi vérité pour laisser l’imagination jouer sur le reste. Elle peut voir ses épaules se tendre légèrement et elle voudrait en rire. « Je pensais que tu avais un peu plus d’aplomb que cela, Landry. » Elle va aller creuser sur sa corde sensible s’il le faut, mais elle déteste qu’il lui tourne le dos de cette manière. Est-ce qu’il a si peu de couilles qu’il n’ose même pas lui faire face. Il ne veut pas plonger son regard dans le sien ? Analyser la moindre de ses réactions. « Tu ne sais rien… » Qu’elle souffle lentement alors qu’il embraye déjà vers une autre question. « Est-ce qu’il t’a toujours proposé de l’accompagner à des congrès ? » Levant les yeux au ciel, elle se trouve quelque peu agacée par ce jeu qu’elle a pourtant elle-même initié. « Tu sais très bien que non. » Et s’il joue sur cette carte, elle se doute qu’il pense avoir vu quelque chose lors de ce genre de congrès. Ce ne serait pas si idiot que cela, après tout, la mini Barnes devait bien participer et l’un d’entre eux avait eu lieu à Gold Coast dernièrement. Elle fera ses analyses par elle-même, après. Pour le moment, elle a parfaitement l’intention de jouer avec les nerfs de son interlocuteur. « Mais étant donné que la dernière fois que l’on s’est croisé dans un congrès, tu as sous-entendu que je faisais des infidélités à mon mari alors que j’étais accompagné de mon frère aîné… Tu m’excuseras de ne pas prendre tes mots pour argent comptant. » Elle ricane simplement dans le but de l’irriter alors qu’elle voudrait lui arracher la vérité de la bouche. Ou tout du moins l’information qu’il semble détenir, qu’elle soit vraie ou fausse, elle en fera son affaire. « Ma belle-sœur est une grande brune, elle ressemble bien plus à son frère aîné qu’à Ruben, tu pourrais t’être méprisée une fois de plus ? » Est-ce qu’il va mordre à l’hameçon et s’emporter qu’elle ose remettre sa parole en doute ? Elle l’espère plus que jamais, et insiste même. « Et fais moi face pour me répondre, soit pas un lâche Landry voyons. »