@Megan Williams

Le sentiment est étrange. Il est nourri par l’impression d’être dans le tort, tout en étant alimenté par l’idée qu’il n’y a rien de mal et sûrement rien de plus sain que de faire la paix avec son passé. Elle est ce passé là, Lucia. Il n’aurait jamais pensé la conjuguer à ce temps au moment de leur rencontre et il aurait encore moins pensé avoir besoin de “faire la paix” avec elle mais ce sont le genre de choses qui arrivent en grandissant, sans doute. Pendant un instant, il s’est surtout demandé si elle lui avait proposé ce café uniquement pour lui cracher au visage ce qu’elle a dû retenir durant toutes ces années, quand la communication a été rompue autant que leur couple. Ca, il ne l’a pensé qu’un seul instant, bien incapable d’imaginer sincèrement Lucia capable d’une telle chose, quand bien même il lui accordait aisément le droit d’être en colère de façon justifiée. Il n’a pas été juste envers elle et pourtant il pense paradoxalement avoir pris la meilleure décision. Cela ne lui permet pas de faire la paix avec lui-même, mais cela lui a au moins permis d’accepter la possibilité d’aller de l’avant sans se brider de trop. Il avait le droit de s’en vouloir autant qu’il avait le droit de goûter au bonheur plein et entier. Maintenant, une telle idée le rend plus triste qu’autre chose tant la période est difficile mais il veut croire qu’il ne s’agit que d’une période, justement.

L’idée d’une discussion avec son ex-petite-amie le pousse à commander un chocolat chaud sans qu’il ne s’en rende compte, sans doute un peu trop happé par des souvenirs particulièrement doux qui caractérisent la présence de la jeune femme dans sa vie. Elle a été bonne pour lui et il espère l’avoir été tout autant pour elle, si bien que cette simple idée lui tire un sourire sur le visage, même alors qu’il est seul à la table, arrivé bien plus tôt que l’heure de rendez-vous convenue. Pendant un instant, il se demande à quoi aurait pu ressembler leur vie si elle avait suivi le cours initialement imaginé ; et ironiquement c’est à cet instant bien précis qu’il reconnaît la silhouette svelte de Lucia passant le pas de porte. Silhouette svelte élancée par un ventre aussi rond qu’une pastèque, ne laissant que peu de doutes quant à son état actuel. L’image chamboule Swann qui ne l'avait pas anticipée le moins du monde mais il se rattrape bien vite en reprenant son sourire qu’il doit forcer un peu plus que prévu ; il ne s’imaginait pas retrouver son ex enceinte jusqu’aux yeux alors que la cause de son chagrin réside justement autour du sujet des enfants. « Hey, tu es venue. » Il se lève pour l’embrasser tendrement, n’osant pas jusqu’à la prendre dans ses bras, sans doute aussi déstabilisé de la voir dans une forme physique qu’il ne lui connaissait pas - surtout alors qu’il mentirait s’il disait ne pas l’avoir imaginée enceinte un jour, certes, mais de son enfant à lui. Ses mots sont un bras maladroit mais il se montre assez chaleureux pour les compenser, lui montrant déjà la banquette sur laquelle s’asseoir pour qu’elle ne se fatigue pas davantage. « Je… savais pas. Félicitations. C’est la nouvelle que tu voulais m’annoncer, j’imagine. » Et là encore, quand il sourit, il ne le fait pas malgré lui. Il est sincèrement heureux pour elle, heureux de la voir réaliser son rêve de devenir mère et sans doute de le faire avec une personne qu’elle aime sincèrement. Il craint un instant qu’il s’agisse de Lawrence mais il n’y pense qu’un seul instant, justement, tant l’idée lui semble peu probable. « Tu es rayonnante. » La grossesse réussit mieux à certaines femmes qu’à d’autres, et le groupe auquel appartient Lucia n’est en rien une surprise. Elle a toujours eu un don avec les enfants, il n’est pas etonné qu’elle semble particulièrement vivre sa grossesse. « C’est prévu pour quand ? » Il n’est pas un expert mais il pense tout de même que cela ne devrait plus tarder. « Dis moi ce que tu prends, j’irai commander pour toi. » Elle n’est pas en sucre, certes, mais il a tout de même à cœur de la ménager autant que possible, c’est plus fort que lui. Elle est sortie de sa vie et n’y rentrera sans doute jamais plus mais prendre soin d’elle reste toujours sa priorité, peu importe si plus aucune étiquette ne peut être posée sur le duo qu’ils forment. Il l’aimera toujours d’une certaine façon, l’amour ne faisant parfois pas tout.

just woke up from a dream
Lucia Whitemore & @Swann Craine ☆ crédit/harlivygifs

Mon coeur a été brisé. Avec ma sensibilité exacerbé, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant des jours entiers, cochant tous les clichés des films tel que Bridget Jones, refaisant notre relation dans ma tête pour comprendre ce que j’avais mal fait, là où j’avais pu pécher pour que Swann me quitte sans la moindre explication, du jour au lendemain et alors que nous vivions ensemble. Puis j’ai pris la fuite, incapable de rester à Brisbane, de supporter d’être de retour chez mes parents alors que j’avais pris mon envol, incapable de défaire les cartons et d’être confrontée à des mois de souvenirs de ma relation que je supposais jusque là idyllique. J’ai fui au Cambodge, mais cela aurait pu être n’importe où ailleurs ou, en tout cas, c’est ainsi que je voyais les choses.

A présent, je me dis que c’était le destin. Que sans ça je n’aurais pas rencontré l’homme qui est devenu ma personne au point que cela semble être évident, nous deux. Sans ça je ne serais pas devenue la femme d’Harlowe, nous ne nous serions pas mariés dans les traditions Cambodgiennes avant de nous dire oui à nouveau en bonne et due forme chez lui, à Christchurch, je n’aurais pas découvert mon pays d’adoption et, surtout, je n’aurais pas Lottie ou la nouvelle vie qui pousse sous mon nombril. Alors si pendant les premiers mois qui ont suivi notre séparation à Swann et moi, je ne m’imaginais que lui demander "pourquoi" si nous devions nous revoir, je n’ai depuis longtemps plus envie que de lui dire "merci". Et puisque le destin a un drôle de sens de l’humour - je préfère penser qu’il finit toujours par bien faire les choses - c’est maintenant que je n’en ai plus besoin que j’ai appris le pourquoi de la bouche de ma soeur qui l’a appris presque juste après les faits mais a gardé cela pour elle pour ma protection. Et cela n’a fait que renforcer mon envie de m’asseoir une fois en face de mon ex et de le remercier de m’avoir permis de rencontrer l’homme avec lequel j’espère avoir encore plusieurs enfants. Oh, pas une équipe de rugby à sept, mais après Elijah - nous avons choisi le prénom - j’espère encore en avoir au moins deux. « Hey, tu es venue. » Swann n’a pas changé et, si autrefois cela m’aurait écrasé le cœur, aujourd’hui je ne ressens rien de plus à son égard qu’une profonde affection. Il m’a quittée mais, avant celà, il m’a reconstruite après ma relation avec Lawrence et je ne veux que son bien, rien de plus. C’est peut-être également pour ça que mon regard se dirige presque instinctivement vers ses poignets. Pour être sûre qu’il va toujours bien. Bien sûr, c’est furtif et bien vite je relève mon regard dans le sien pour accueillir dans un sourire le baiser qu’il dépose sur ma joue.

« Je… savais pas. Félicitations. C’est la nouvelle que tu voulais m’annoncer, j’imagine. » Instinctivement, je dépose une main sur mon ventre. C’est bizarre, cette impression que nous sommes des étrangers sans en être. Il ne sait rien de ma vie actuelle et je ne connais pas davantage la sienne. « Tu es rayonnante. » - « Merci. Et toi toujours aussi gentil. » Parce que tout son être n’est que bienveillance, et que c’est précisément ce que j’ai tant aimé chez lui. Il était doux, aimant et attentif à mes besoins quand moi j’avais besoin de tout ça et d’être le centre du monde de quelqu’un d’autre pour réapprendre à m’aimer. L’amour avec un grand A n’existe plus entre nous mais ça, cela ne se fanera jamais. Je ne précise pas tout de suite que je ne suis en réalité pas là pour ça. Je ne lui ai pas écrit lorsque Lottie est née, aurais-je dû ? Je m’en excuserais si je juge que c’est nécessaire, je n’ai jamais été avare à ce sujet. « C’est prévu pour quand ? » - « Dans deux mois. Harlowe n’était pas tranquille à l’idée qu’on prenne l’avion mais je voulais voir ma famille avant la naissance. Tu sais ce qu’on dit, que gérer deux enfants sous la barre des deux ans à la fois c’est pas de tout repos. » Et moi, je voulais profiter des miens et qu’ils puissent voir ma fille avant que je n’ai plus une minute à moi. J’ai l’impression de discuter avec une vieille amie. Quand je réalise que ce n’est pas tout à fait le cas et que Swann ne doit pas tout comprendre, je m’explique avec un sourire comblé sur les lèvres. « Harlowe c’est mon mari. Et j’ai une petite fille de onze mois, Lottie. » Je meurs d’envie de lui montrer une photo de la frimousse enchanteresse de ma princesse, mais je me retiens tant qu’il ne le demande pas. Après tout, il n’a peut-être aucune envie de voir à quoi elle ressemble. « Eeeet ça fait peut-être beaucoup d’infos. C’est promis, y’aura pas d’évaluation à la fin de l’heure. » Je lui adresse un sourire bienveillant, profitant de l’excuse de pouvoir poser mes mains sur mon abdomen énorme comme un ballon pour éviter de jouer nerveusement avec mes doigts.

« Dis moi ce que tu prends, j’irai commander pour toi. » Il est toujours aussi prévenant et j’hésite un instant, observant les lieux à la recherche d’une carte accrochée au mur. « J’adorais cet endroit. Il font toujours leur infusion glacée à l’hibiscus ? » Je fais attention à mon taux de sucre et j’ai arrêté la caféine ou tout autre chose qui peut être ne serait-ce qu’un tantinet déconseillée pendant la grossesse. J’ai toujours été une bonne élève. Swann n’a pas changé. J’ai pris en confiance en moi - un peu - mais je n’ai pas non plus réellement changé au-delà de ça. Nous, c’est ça qui a changé, mais ce n’est plus la tragédie que c’était à mes yeux autrefois.

« Merci. Et toi toujours aussi gentil. » Les mots de Lucia lui tirent un rire sincère ; un rire qu’il n’a pas connu depuis de longs jours maintenant. Venant de n’importe qui d’autre, il aurait sûrement été vexé qu’on puisse simplement le résumer à quelqu’un de “gentil” tant cela se veut être synonyme de dernière description possible quand aucune autre ne vient à l’esprit mais venant de Lucia, il sait bien que cela n’est pas la conclusion d’une quelconque arrière pensée. Elle le pense sincèrement, et il la remercie pour cette simplicité qui lui avait manqué sans même qu’il ne s’en rende compte avant aujourd’hui, une fois devant le fait accompli. « Dans deux mois. Harlowe n’était pas tranquille à l’idée qu’on prenne l’avion mais je voulais voir ma famille avant la naissance. Tu sais ce qu’on dit, que gérer deux enfants sous la barre des deux ans à la fois c’est pas de tout repos. » Il apprend par la même occasion qu’elle est déjà mère une première fois, alors, et cela lui brise le cœur autant que cela le lui remplit de joie. Il est heureux pour elle, sincèrement, mais il ne sait pas faire sans parallèle avec sa propre histoire et cette vie qu’il a pu toucher du bout des doigts tout en sachant maintenant qu’il ne la connaîtra pas: ils ont failli avoir deux enfants de moins de deux ans. Ils étaient à ça, et il comprend seulement maintenant que c’est pour le mieux qu’ils ne sont pas allés au bout de l’idée de Swann. Ils n’ont pas une vie normale, ils ne peuvent pas agir comme s’ils étaient un couple normal aussi. « Félicitations à tous les deux. » Il souffle humblement, espérant du fond de son cœur que l’homme avec qui elle partage sa vie est une bonne personne, parce qu’elle n’en mérite pas moins. « Le voyage s’est bien passé ? » Il aurait été terrifié de la savoir prendre un avion à sept mois de grossesse mais il ne l’aurait pas empêchée, parce qu’il connaît effectivement toute l’importance que sa famille a pour elle. « Eeeet ça fait peut-être beaucoup d’infos. C’est promis, y’aura pas d’évaluation à la fin de l’heure. » Il avait effectivement réussi à associer les nouveaux prénoms à des personnages de sa vie mais s’amuse du brin de panique qui semble avoir envahi Lucia. « Ta vie a tellement changée depuis. » Et qu’on ne s’y détrompe pas : c’est une bonne chose. Une merveilleuse chose, même. « J’ai une fille aussi. » Il confesse à son tour, pourtant à peu près certain qu’elle avait déjà l’information. Cela ne l’empêche pas d’être heureux de l’annoncer à voix haute. Leur vie a pris des chemins séparés mais ils suivent un schéma étrangement similaire.

« J’adorais cet endroit. Il font toujours leur infusion glacée à l’hibiscus ? »
« Bien sûr. »

Tout a changé pour eux mais rien n’a réellement changé autour d’eux, si bien que le choix de boisson de Lucia se trouve être rapidement commandé et posé devant elle quand Swann opte de son côté pour un simple café. « Tu es en ville juste le temps de voir ta famille ? » Elle sera à nouveau repartie loin, très loin, pas vrai ? C’est une nouvelle qui ne changerait rien au quotidien de Swann, peu importe la réponse qu’elle pourrait apporter, mais il ne s’y intéresse pas moins pour autant. Elle continue d’être importante pour lui, même s’il n’existe aucuen réminiscences de sentiments amoureux. Il n’en reste pas moins fidèles à ses proches. « Je pensais pas vraiment que tu voudrais me revoir un jour. » Il finit par avouer, empruntant un chemin annexe et lui faisant ainsi comprendre qu’il a encore du mal à comprendre pourquoi elle leur a proposé de se revoir, même s’il n’en est pas moins heureux.

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Lucia Whitemore & @Swann Craine ☆ crédit/harlivygifs

Si j’avais été sa petite amie – je n’ose même pas penser le terme si j’avais été sa femme, comme de peur que ce scénario d’horreur quitte l’hypothétique pour surgir dans la réalité – Lawrence n’aurait pas accepté que je prenne un café en compagnie de mon ancien petit-ami. Swann n’a pas n’importe qui, il n’est pas qu’un homme avec lequel je suis sortie une ou deux fois, nous nous sommes installés ensemble et nous avons fait des projets d’avenir tous les deux. Nous avons parlé d’avoir des enfants et de vieillir ensemble. Lawrence serait rentré dans une rage folle et, au regard de ce que Shiloh a vécu après m’avoir remplacée, je suis presque sûre qu’il m’aurait cogné pour avoir l’audace de ne faire qu’envisager revoir l’anglais. Mais Harlowe n’est pas Lawrence. Il sait qu’il est l’homme de ma vie, que je ne vois plus que lui. Il a confiance en lui, en nous, et n’a pas cillé un seul instant lorsque je lui ai décliné l’identité de la personne que je retrouvais pour l’après-midi. Je n’étais même pas angoissée à l’idée de le lui avouer, tant ma démarche est innocente, tant notre relation est saine et tant nous nourrissons tous les deux une confiance profonde en l’autre, et la certitude que nous étions faits pour nous rencontrer et fonder une famille. Il n’a même pas demandé à venir. Il ne pouvait pas plus se moquer du fait que je retrouve mon ex après plus de trois ans sans entendre le son de sa voix, et cela prouve à mes yeux le genre d’homme qu’il est. Bon, bienveillant, confiant en lui et en les autres. J’ai envie de dire à Swann à quel point je suis heureuse avec lui, mais je n’ose pas, par crainte d’être inutilement cruelle. Je n’ai pas envie qu’il pense que je les compare d’une quelconque façon. Les deux ont leur place dans mon cœur, mais la cloison est hermétique : l’attachement qu’il me reste à son égard est bien différent de l’amour que je ressens pour mon époux. « Félicitations à tous les deux. » - « Merci. » J’esquisse un sourire timide et, alors que mes joues rosissent, je ramène une mèche de cheveux derrière mon oreille. « Le voyage s’est bien passé ? » Je hoche la tête, avant de lui confier ce que j’ai dit à ma famille après avoir rencontré mon mari. « Je ne pensais pas du tout que je serais un jour le genre de personne à faire sa vie hors d’Australie. » Il n’y a rien d’étonnant à ça : j’étais confortable dans mon cocon. Si Swann ne m’avait pas brisé le cœur, jamais au grand jamais je ne serais partie faire du bénévolat dans un pays lointain. « On se serait pas rencontrés si… Si j’étais pas partie au Cambodge. » Je ne veux pas dire si tu ne m’avais pas quittée tant il me semble inutile de retourner le couteau dans une quelconque plaie. Il fera le rapprochement tout seul comme un grand, et j’espère qu’il comprendra par la même occasion que je n’ai plus la moindre raison de nourrir de la rancœur envers lui. Je crois en la destinée. Je suis convaincue dur comme fer que nous étions voués à nous séparer pour que je puisse me sentir bouleversée au point de quitter le pays et de rencontrer l’homme que j’étais supposée épouser depuis le début.

« Ta vie a tellement changée depuis. » - « Au quotidien je me rends pas compte. Puis je discute avec des amies australiennes, ou avec mes sœurs et mes parents, et je réalise à quel point. » Gabrielle peine toujours à avoir un enfant. Hannah est toujours la même : efficace, froide et dure comme un mur à la première approche. Moi j’ai mûri. J’ai grandi, vécu une véritable aventure à l’étranger et je m’apprête à être mère pour la seconde fois. « Lottie m’a changée. » Ma fille m’a forcée à devenir adulte, une vraie adulte, pratiquement du jour au lendemain. « Les responsabilités, le fait qu’elle dépende entièrement de moi et d’Harlowe. » Cela force à ne plus être une petite fille fragile. Fragile, je le reste toutefois bien plus que la moyenne et à certaines occasions. « Tu voudrais voir une photo d’elle ? » Je n’ose pas lui imposer. Pourtant, je suis totalement le genre de mère prête à dégainer des dizaines de cliché de sa merveille si on la laisse faire.

Je n’apprends rien à Swann, de toute façon. « J’ai une fille aussi. » J’ai fait en sorte de ne plus me renseigner le concernant, même si j’aurais pu au travers de son mari. Toutefois, il y a certaines informations au travers desquelles je n’ai pas pu passer, en partie parce que mes sœurs me l’ont appris après l’avoir elles-mêmes lu dans la presse. « Je suis contente pour toi. Tu mérites d’être le plus heureux du monde. » Et il doit certainement être un père parfait.

Ma boisson posée sur la table, j’évite de laisser un silence gênant s’installer. Toutefois, Swann a la même idée que moi et nous nous coupons mutuellement la parole. Rougissant, je lui fais signe d’y aller : je ne sais déjà plus ce que je voulais dire, de toute façon. « Tu es en ville juste le temps de voir ta famille ? » - « Oui, on reste une dizaine de jours, puis on rentre en Nouvelle Zélande. » Là où mes enfants seront élevés et grandiront pour devenir des adultes formidables. L’Australie ne m’a pas offert grand-chose de bon, de toute façon, il n’a pas été difficile de prendre la décision de la quitter définitivement une fois le premier pas franchi. « Je pensais pas vraiment que tu voudrais me revoir un jour. » Je pousse un soupir, avant de relever mes yeux bleus dans les siens. « Je t’en veux plus depuis longtemps, tu sais. » S’il en doute, je ne veux pas que cela dure. « Mais à noël dernier, Hannah avait un peu bu et… » Je fais la grimace en évoquant le souvenir de ce moment qui n’était gênant uniquement parce que mon aînée se donnait en spectacle. « Elle m’a dit qu’elle avait appris pourquoi tu avais rompu avec moi. » Oh, il n’y avait aucun message caché, aucune volonté de nuire à qui que ce soit dans sa démarche. Elle était saoule, et simplement amusée de savoir quelque chose que je ne savais pas, j’en suis persuadée. « Elle m’a expliqué. Je t’en voulais déjà plus mais… J’avais besoin de te dire merci, et que j’étais désolée que t’aies eu à prendre ce genre de décision. » Dans un sens, cela m’a fait plaisir d’apprendre que Swann ne m’avait pas quittée parce qu’il ne m’aimait plus. Mais plus plaisir de la même façon que j’en aurais été soulagée autrefois, puisque j’étais de toute façon déjà en paix avec mon passé et mon présent. « Et je sais pas, après ça, j’ai été un peu obsédée par l’idée de vérifier que t’étais heureux et de le voir des mes yeux. » Je rougis de honte d’admettre que je suis toujours une sentimentale.

La discussion avec Lucia lui semble lunaire tant il n’imaginait pas qu’ils s’adresseraient la parole un jour et pourtant elle lui fait un bien fou, quasi miraculeux. Elle est toujours la même bouffée d’énergie et de positivité qu’il a toujours connue et dont il est un temps tombé amoureux, sans que ce sentiment ne lui semble stupide aujourd’hui. Il n’est plus d’actualité, mais il l’associe à une bonne période de sa vie - parce qu’elle en faisait partie, justement. « On se serait pas rencontrés si… Si j’étais pas partie au Cambodge. » S’il ne l’avait pas quittée. Il comprend aisément le sous-entendu mais n’en dit rien, aujourd’hui certain que cette période difficile de leur vie, à tous les deux, n’a été qu’un tremplin vers quelque chose de plus doux. Ils ont trouvé leur bonne personne, ils ont fondé leur famille. Elle semble être tout aussi heureuse que lui et Swann ne pouvait pas lui souhaiter autre chose. « Ça a été une bonne chose pour toi. » qu’il répond simplement avec un sourire sincère. Ce n’est pas un pays dans lequel il aurait pu l’imaginer, et sans doute qu’elle n’y aurait jamais mis les pieds s’il ne l’avait pas poussée malgré lui, et pourtant le Destin en a décidé autrement. « Au quotidien je me rends pas compte. Puis je discute avec des amies australiennes, ou avec mes sœurs et mes parents, et je réalise à quel point. » Il hoche la tête, n’ayant pas besoin d’attendre davantage d’explications de la part de Lucia pour la suivre sur cette idée. Elle n’est pas celle qu’il a pu connaître il y a quelques années et tant mieux ; non qu’elle avait à s’améliorer, mais bien parce qu’elle semble bien plus épanouie désormais. Assez pour qu’il juge nécessaire de le lui dire. « Tu as l’air épanouie. » Il pense qu’elle l’est sincèrement, pas simplement qu’elle en “a l’air”, mais il reste tout de même un minimum en recul pour ne pas s’imposer dans un quotidien dont il ne fait plus partie. « Lottie m’a changée. Les responsabilités, le fait qu’elle dépende entièrement de moi et d’Harlowe. » Un changement change un quotidien, il le comprend maintenant plus que jamais. « Tu voudrais voir une photo d’elle ? » - « Bien sûr, oui. » Il veut voir à quel point elle aurait pu hériter du bleu des yeux de sa mère, et à quel point elle sera de toute façon une enfant merveilleuse pour son regard loin d’être objectif : il ne l’est jamais en ce qui concerne les enfants. « Tout se passe bien avec elle ? » Elever un enfant est sûrement la tâche la plus difficile en ce monde, alors il préfère tout de même s’en assurer, déjà prêt à partager les anecdotes de parents avec elle.

La discussion allant, il en profite pour lui annoncer à son tour être devenu père d’une petite fille, ce qui fait évidemment de lui un homme comblé de bonheur - bonheur n’ayant pas été mis à mal par son désir d’un autre enfant, quoiqu’il puisse laisser paraître. « Je suis contente pour toi. Tu mérites d’être le plus heureux du monde. » A nouveau, il sourit. Cette fois-ci, un brin d’émotion se glisse dans la brèche, sans doute parce que sa famille se retrouve impliquée. « J’aurais pas pensé que tu le dirais sincèrement. » Il avoue tout de même, sans préciser pourquoi : ils savent tous les deux qu’il lui a brisé le coeur et personne n’a besoin de revenir sur ce point. « Je t’en veux plus depuis longtemps, tu sais. » Il ne le savait pas, non, et n’aurait jamais osé avancer une telle supposition. Au contraire, à choisir il pensait plutôt qu’elle était en train de le maudire sur plusieurs générations et, à dire vrai, il trouvait cette idée plutôt justifiée après la façon dont il a soudainement mis fin à leur relation alors que tout semblait aller pour le mieux entre eux. Mais Lucia est Lucia, et c’est un point qu’il a préféré oublier pour s’auto-flageller. « Mais à noël dernier, Hannah avait un peu bu et… Elle m’a dit qu’elle avait appris pourquoi tu avais rompu avec moi. » La surprise se lit aussitôt sur le visage de l’anglais qui, de toute évidence, n’avait pas eu vent de cette discussion. Il s’exprime dans un Oh prouvant toute sa surprise face à ce nouveau fait, dont il aurait sans doute apprécié apprendre l’existence. Il pensait qu’Hannah le détestait bien assez pour emporter ce secret jusque dans se tombe. « Elle m’a expliqué. Je t’en voulais déjà plus mais… J’avais besoin de te dire merci, et que j’étais désolée que t’aies eu à prendre ce genre de décision. » - « Je suis désolé de pas avoir trouvé une autre solution, surtout. » Et si maintenant tout va pour le mieux pour eux deux, cela n’empêche pas moins qu’il regrette la décision de ce Swann du passé, parce qu’il aurait pu trouver une bien meilleure façon de faire. « Et qu’il ait gagné, d’une certaine façon… Ça m'a vraiment rendu malade. » Après tout, Lawrence a eu ce qu’il voulait et il a aidé à briser le cœur de Lucia une fois de plus, et celui de Swann au passage. Ce à quoi il se raccroche, au moins, c’est qu’il a tenu parole et n’a plus jamais approché la jeune femme ; ce qui était le seul et unique objectif à tout ce plan.

« Et je sais pas, après ça, j’ai été un peu obsédée par l’idée de vérifier que t’étais heureux et de le voir des mes yeux. »
« C’est le cas. Vraiment. »

Il ne pensait pas le mériter pendant longtemps mais il ne s’imagine pas laisser croire le contraire aujourd’hui. Il est un homme comblé, un mari heureux, un père aux anges. Et ça, ni Lawrence ni personne ne pourra jamais le lui retirer, pas même les aléas de la vie et d’autres décisions hasardeuses prises par ses soins. Il apprend, il le jure. Il devient meilleur ; et ça au-delà de le jurer, il veut sincèrement le prouver. « Et tu… Tu m’en veux pas ? Parce que y’avait beau y avoir une autre raison, je veux dire… Je me suis toujours dit que j’aurais dû appeler la police, en fait. Qu’au final, j’avais aucune certitude qu’il tiendrait parole. » Et il se retient d’ajouter une insulte pour qualifier son ex-petit-ami, chose sur laquelle ils tomberaient sans doute tous les deux d’accord. Après tout, ce n’est pas pour rien s’il est l’un des seuls avec qui Swann s’est battu sur cette Terre : et si c’était à refaire, il frapperait simplement plus fort encore. « T’as l’air plus épanouie que jamais, en tout cas. » Plus encore que lorsqu’ils étaient ensemble, et de ça il ne lui tient pas rigueur de quoi que ce soit. C’est un temps révolu, après tout.