Il ne sait pas trop comment il a réussi à convaincre Wells de le rejoindre dans ce parc bondé mais, une chose est sûre : Izan a franchement galéré pour concocter le panier qu’il a apporté avec lui, si bien qu’il a presque regretté d’avoir été l’investigateur de cette idée saugrenue. Mais il lui fallait un endroit neutre pour formuler à Samuel l’annonce qu’il doit lui faire, puisqu’il ne peut pas repousser indéfiniment le moment tant redouté ; dans son esprit, il est tout bonnement hors-de-question qu’il épouse l’homme de sa vie sans la présence du musicien à ses côtés mais, il n’est pas certain que son ami acceptera de se joindre à eux pour l’heureuse cérémonie. Wells n’a rien caché de sa réticence à l’idée qu’ils se remettent ensemble, et le pianiste ne peut pas réellement lui en tenir rigueur ; s’il aime affirmer que son choix est murement réfléchi et légitime, il n’est pas assez hypocrite pour nier le fait qu’il réagirait de la même façon — peut-être même avec plus de virulence — s’il était à sa place. Il le reconnait, d’un point de vue extérieur, son histoire d’amour paraît comme largement alambiquée de traits toxiques et de points problématiques mais, comme il est tout de même le premier concerné par cette relation, il estime que son entourage doit lui faire confiance et ne pas l’infantiliser ; c’est tout le point à aborder avec Samuel, même s’il craint que l’issue ne soit guère favorable entre eux. Pourtant, il n’est pas prêt à renoncer à l’avenir qui se profile aux côtés d’Asher, et le projet de son mariage n’est pas sujet à débat ou reconsidération : qu’importe ce que les autres en disent, il ne changera pas d’avis.

Peut-être est-ce le stress qui l’a motivé à accomplir cet exploit mais, pour l’une des rares fois de sa vie, Izan a pris soin d’arriver un peu en avance sur les lieux du rendez-vous afin d’installer la nappe de leur pique-nique sur l’herbe encore humide, sous l’ombre d’un grand arbre qui étend ses branches quelque peu dégarnies au-dessus de leurs têtes. Il a envie de faire les choses bien, le pianiste, que tout soit parfait pour que Samuel puisse accueillir la nouvelle dans les meilleures conditions possibles mais, il ne se fait pas tellement d’illusions ; il est prêt à accepter le fait que son ami va le traiter d’idiot — ce ne sera pas le premier et sûrement pas le dernier, de ce fait, il ne s’en formalise pas trop. Prenant place sur la nappe en attendant l’arrivée de Wels, il entreprend de disposer toutes les choses à grignoter qu’il a ramené, ayant honoré la couleur désignée pour ses victuailles : des pommes d’amour, des fraises tagada et autres bonbons de la même couleur, des paquets (rouges !) de chips et toute une panoplie d’apéritifs salés, des kit-kat, des skittles et tout un tas de choses ayant la bonne couleur, dont des canettes de soda. Pour ainsi dire, il n’a pas vraiment réfléchi et il a simplement pioché dans les rayons du magasin pour acheter tous les emballages vermeils qu’il a pu croiser, puisque la nourriture n’est pas réellement sa première motivation, et l’appréhension l’envahit d’un seul coup lorsque Sam fait enfin son apparition. ’’Salut…’’ qu’il souffle d’un ton qu’il s’efforce de garder serein, même s’il apparaît déjà comme sous le joug d’une certaine anxiété qui corrompt jusqu’aux traits de son visage ’’T’as pas trop galéré pour ta couleur ?’’ il le demande en souriant volontiers, pensant avoir le temps d’instaurer un climat propice à son annonce, en ayant totalement oublié l’anneau de promesse qui ceint son annulaire gauche… Il a pensé à tout, Izan, sauf à ce minuscule détail qui le trahit déjà.

you're always strong when i'm tired and weak
@Izan Da Silva + Samuel Wellington
lieu: rainbow picnic, brisbane pride festival (event)

Izan et ses idées de merde. C’est à ça que tu penses lorsque tu tentes de faire quelque chose de potable pour le pique-nique auquel il t’a convoqué cet après-midi. Si tu es derrière le concept, que tu apprécies les efforts de la ville pour souligner la fierté gay en ce mois de septembre, tu es plutôt agacé par le travail que tu dois mettre dans ce panier où toutes les choses doivent être de couleurs mauves. Mauve, comme s’il y avait la moindre nourriture qui venait naturellement de cette teinte.  Heureusement, tu as eu l’aide de Delilah et d’Anna pour faire quelque chose de moindrement correct, des cupcakes au crémage violacé jusqu’à une salade de pâtes dans laquelle tu as versé quelques gouttes de colorants alimentaire mauve dans le dressing pour y donner la teinte recherchée. Ce n’est pas du grand luxe, mais tu te dis que c’est l’effort et l’intention qui comptent par-dessus tout. Tu n’es pas certain de comprendre pourquoi Izan a tenu à ce que tu le rencontres là-bas plutôt que chez lui ou chez toi, comme vous en aviez l’habitude. Tu te demandes si ça a un lien avec Asher. Ce ne serait pas surprenant après tout. Tu n’es pas assez naïf pour croire que le Thornhill n’a pas raconté à son amoureux la discussion que vous avez eu lorsque vous vous êtes retrouvés nez à nez, et puis tu as dit tout ce que tu avais à dire à Izan sur le sujet lorsque vous avez échangé quelques messages textes quelques heures plus tard. Tu sais que tu ne pourras pas éternellement éviter de croiser le chemin d’Asher, qu’Izan ne parviendra pas à garder sa vie séparée nettement en deux parties pour accommoder ton désaccord face à sa décision de reprendre avec l’anglais, et honnêtement, ce n’est pas ce que tu veux pour lui non plus. Tu veux simplement protéger ton ami, l’empêcher de se retrouver dans une situation où il pourrait se retrouver blessé davantage.

Tu ne mets pas longtemps avant de retrouver Izan malgré la foule populaire qui s’étend dans tous les recoins du parc. Si tu n’es pas un fan des foules, tu dois admettre que ça te fait plaisir de voir la ville se réunir pour une si belle occasion. « T’es là avant moi, qu’est-ce qui se passe? » que tu commentes en lieu de salutations, un sourire moqueur qui se place sur tes lèvres alors que tu viens t’installer en face du pianiste. Il paraît nerveux, légèrement énervé, chose qui ne serait pas si étonnante puisqu’il n’a jamais de bouton off et il est tout le temps un peu hyperactif, mais tu as l’impression qu’il y a quelque chose qui cloche. Tes sourcils se froncent légèrement, et puis tu te concentres sur le spread de choses aux couleurs rougeâtres que ton ami a apporté, s’étant donné bien plus pour la cause que toi. « T’as pas trop galéré avec ta couleur? » C’est d’un grognement que tu réponds, sortant à ton tour la salle de macaroni et les cupcakes que tu as apporté. « Mauve c’est vraiment une couleur stupide. » que tu déclares, avant d’échapper un rire, attrapant une des cannette de soda qu’Izan tend dans ta direction. « T’as vraiment tout donné. » Ton regard passe des différentes collations emportées par le musicien et s’arrête sur quelque chose de nouveau qui orne la main du pianiste, l’anneau qui se trouve là où existe une promesse que tu as toi-même fait il y a bien longtemps à la mauvaise personne. « C’est nouveau ça. » que tu commentes, tentant de garder un air aussi neutre que possible. Sauf que tu devines trop facilement pourquoi cet anneau habite sur son annulaire, pourquoi soudainement il voulait te voir ici, et tu crains le pire. « Me dis pas que tu t’es marié toujours?! » Tu te pinces les lèvres, regrettant déjà les mots t’ayant échappé, le ton sur lesquels ils ont été dit surtout, mais tu ne peux plus faire marche arrière et le mieux que tu puisses faire maintenant, c’est d’écouter ce que le jeune homme a à te dire.