Pour Lena, l'approche de la trentaine signifiait surtout apprendre à se choisir avant tout et à ne plus faire à reculons des choses qu'elle aurait pu refuser sans mal. Elle avait le désir profond de renouer avec ses premiers amours et de retrouver l'authenticité qui faisait d'elle ce qu'elle était, à ses débuts sur les réseaux sociaux. Soutenir une association qui œuvrait pour la communauté LGBT entrait dans ce principe qui lui tenait à cœur, alors elle avait accepté de parler de l'association Manzili juste par envie de bien faire. Son absence des réseaux avait fait parler, en bien comme en mal, et Lena espérait sincèrement que revenir pleine de bonnes intentions et porteuse de messages positifs était la meilleure chose à faire. Et parce qu'elle avait ce pouvoir d'allier travail et bon temps, elle avait proposé à Greta de la retrouver au rainbow picnic pour faire d'une pierre deux coups. Marceline aurait été l'alliée parfaite pour cette sortie, mais elle était déjà bien occupée de son côté et Lena avait eu envie de retrouver Greta qu'elle n'avait pas revue depuis le défilé où elles avaient fait une apparition toutes les deux. Venue la récupérer en voiture pour simplifier leur arrivée sur place, Lena s'était assurée que sa nouvelle amie était toujours d'accord avec le fait de l'aider à filmer les quelques vidéos rapides qu'elle avait prévue d'utiliser pour faire la promotion de l'évènement et de l'association, et elles étaient bien vite arrivées sur place. Le parc était déjà bondé et l'ambiance était des plus agréables à observer. Elle avait sélectionné un angle de vu suffisamment éloigné pour ne pas se faire repérer mais assez proche tout de même pour que le spectacle des dizaines de couvertures colorées parcourant le sol soient visibles à l'arrière de sa vidéo, et une quinzaine de minutes plus tard seulement, Lena annonçait avoir terminé ce qu'elle voulait faire sur place. « Tu fais un plutôt bon trépied je dois avouer. » Qu'elle avait commenté en regardant le dernier rush filmé à l'instant. « Je posterais tout plus tard, ça sera plus simple comme ça. » Déjà parce qu'elle voulait ajouter quelques plans qu'elle avait déjà filmés un peu plus tôt dans la journée mais aussi parce que poster quoi que ce soit sur les réseaux qui pourrait indiquer sa position signifiait risquer de faire tourner court leur petite sortie. « On se trouve un emplacement ? » Lena attrapait son panier rempli de produits verts - oui, elle aurait largement préféré tomber sur une autre couleur, mais elle avait respecté les règles du jeu - et elles s'étaient mises en direction d'un petit coin tranquille qui leur permettrait de profiter des festivités. Quelques instants plus tard et elles étaient installées. « Bon alors, maintenant que je t'ai embêtée avec le boulot c'est ton tour. Tu t'es faite à ta vie en tant que Sighbury ? » Son anonymat ayant pâti des révélations qui avaient été faites à son sujet, Lena s'intéressait à la façon dont elle voyait les choses depuis leur dernière sortie publique.

C’était bien trop beau pour être vrai, elle avait déjà été la protagoniste d’une histoire vouée à l’échec et le fait de lui redonner une seconde chance avait déjà semblé pathétique aux yeux de certains. Même si tout portait à croire que les mêmes erreurs se répéteraient encore et encore, la blonde avait décidé de se divertir pour ne pas commencer à se morfondre alors qu’elle ne possédait probablement pas tous les éléments lui permettant de comprendre à quel jeu était en train de jouer Arthur. Elle lui avait promis d’être là, quoiqu’il arrive, et elle ne regrettait jamais plus sa décision que depuis quelques jours, depuis qu’il avait trouvé judicieux de l’infantiliser devant tous leurs proches. Légèrement humiliée et surtout de nouveau perdue, la proposition de Lena de l’aider à ses tâches d’influenceuse tout en participant au pique-nique au concept original proposé par Brisbane avait semblé être la distraction idéale. Aider une amie, s’adonner à une activité qui défendait une cause qui lui était familière - et qui terminerait d’agacer Arthur qui n’était pas le plus grand allié de la cause - et se casser la tête à respecter la règle imposée étaient autant de points qui l’empêcheraient de se focaliser sur sa toute nouvelle réalité. Greta avait pourtant grimacé en se voyant imposée la couleur jaune - plus parce que cela complexifiait selon elle la sélection d’aliments que parce que celle-ci était intimement lié à l’infidélité et à la trahison. Arthur n’était pas infidèle mais avait une fâcheuse tendance à répéter la seconde action.

Lena était venue la chercher, et Greta avait fait de son mieux pour paraître aussi enjouée qu’elle n’avait pris l’habitude de l’être avant ce froid dans ce duo qu’elle formait avec Arthur. Sur place, la quantité de couleurs, de tenues et de personnalités différentes l’avaient de toute façon empêchée de ressentir autre chose qu’un sentiment de plénitude alors que le lieu semblait plongé dans un sécurisant écrin de bienveillance. « Tu fais un plutôt bon trépied je dois avouer. » Le regard noir qu’elle lui avait lancé était faux et s’était terminé en un éclat de rire qu’elle n’aurait pas cru possible avant d’arriver sur place. « Je posterais tout plus tard, ça sera plus simple comme ça. » « C’est toi la patronne ! » Et c’était amusant de la voir faire, de l’observer ne négliger aucun détail et de se reprendre à plusieurs fois avant d’atteindre ce qu’elle considérait être la perfection. Le métier était incompris, mais Greta apprenait à le faire à travers sa nouvelle amie. « On se trouve un emplacement ? » Greta avait hoché la tête, pressée et curieuse de découvrir de quoi se composerait le panier de Lena - et d’avaler autant de calories que sa contrariété le demandait. « Bon alors, maintenant que je t'ai embêtée avec le boulot c'est ton tour. Tu t'es faite à ta vie en tant que Sighbury ? » « Ca va bientôt faire un an, t’imagines ? Et au final, c’est passé vite, parce que c’était pas si terrible. Comment tu vas toi ? J’ai plus surveillé ce que la presse disait à ton sujet. » Peut-être n’avait-elle plus le temps ou peut-être avait-elle enfin été laissée tranquille. En écoutant la réponse de Lena, Greta sortait ce que contenait son panier : des chip’s - l’élément le plus simple - des épis de maïs, du jus d’orange, du fromage … « Les gens qui ont eu la même couleur que moi ont opté pour des bananes mais j’en ai horreur… » Elle se justifiait plus pour expliquer le médiocre contenu de son panier comparé à ceux des autres. « Le vert t’a inspiré toi ? C’était vachement plus simple que le jaune, c’est pas juste ! » Sur ce point, elle était simplement de mauvaise foi.