the crowds in stands went wild
@Penny Stringer (crédit gif/dreamlonelywolf)

L’avantage d’être la coqueluche des petites vieilles (des petits vieux plus encore), c’est qu’ils vous suivent dans tous vos délires sans craindre l’humiliation ou l’embarras. C’est vrai, il a fallu que Jo bataille avec la direction de la maison de retraite St-Luke pour avoir gain de cause, mais rien ne lui fait peur, c’est connu. Ainsi, au terme d’une discussion houleuse avec la responsable mal embouchée de l’établissement, elle a joué sa carte la plus forte pour la faire céder : son compte en banque. Il n’est pas autant fourni que d’autres, elle a encore beaucoup de chemin à parcourir, c’est un fait… et pourtant, sa jolie petite gueule s’affiche partout dans les médias alors ça aussi, c’est vrai : c’est absolument tout ce qu’il faut pour que le peuple s’imagine qu’elle fait concurrence à Crésus et qu’elle a les moyens de prendre en charge une sortie imprévue dans le programme des activités de l’établissement. Et ça tombe bien au fond, parce qu’elle les a. Bingo ! Encore une partie de gagnée.

L’histoire, c’est qu’elle a entendu les amies de sa grand-mère se plaindre des activités moroses de la maison de retraite. De ce fait, elle a voulu leur faire plaisir pour marquer le coup ; les sortir un peu de leur quotidien pas très joyeux pour la plupart en cherchant de quoi leur mettre sous la dent (pour celles à qui il en reste, s’entend) et les plonger dans un univers différent de ce qu’elles connaissent. Elle s’est creusée les méninges, a missionné son assistante pour trouver un truc fun sur lequel misé parce qu’elle est occupée Jo, qu’elle prépare son départ imminent sur les routes pour les premières dates de cette tournée qu’elle redoute autant qu’elle a hâte de la voir arriver. Il se trouve que la providence a été de son côté, et qu’à défaut de pouvoir leur promettre monts et merveilles, aux copines de sa grand-mère, consciente de leurs capacités limitées à cause de leur grand âge, elle peut au moins leur faire découvrir un monde qui les ravira autant qu’il les laissera pantoises : celui du drag.

Et il faut les voir, elles sont putain d’heureuses d’être immergées dans cet univers, surtout que ça implique une partie de bingo que Jo leur a vendu comme celle de leur vie. Elle espère qu’elles vont s’en souvenir pour le petit reste de celle qu’elles ont encore devant elles — du moins, pour celle qui ont encore le luxe de pouvoir se souvenir. Tapie dans un petit coin d’ombre (définitivement pas dans ses habitudes, elle qui prenait si bien la lumière ), elle observe les membres de son petit squad de la soirée. Elles sont toutes magnifiques, sans exception, apprêtées comme lors de leur jeunesse, les fautes goût n’en étant que parce que leur style est daté et qu’elles tiennent à leurs petites habitudes, mine de rien. Jo a bien essayé de les faire mettre des faux-cils, elle a essayé de leur faire entendre qu’un petit contouring de leur ferait pas de mal et que le matte est le nouveau nacré, mais elle a laissé l’insistance au placard en préférant les complimenter sans se forcer, profondément inspirées par ces femmes qu’elle adore et qu’elle admire. Passons sur l’organisation que ça avait demandé de sortir ces vieilles dames de leur petit pavillon couvert par la maison de retraite : ça avait été un enfer, mais la finalité c’est, qu’accompagnées de quelques bénévoles de La Fondation Tomlinson que la direction a réquisitionnés par manque de personnel, tout a été mis en place pour que le projet de Jo se concrétise dans les règles de l’art. Ça la touche différemment que d’ordinaire, de voir les yeux brillants de vieilles dames émerveillées par les paillettes, mais surtout par la grandiloquence des intervenants drags que Jo encourageaient de loin entre les différents tirages, impressionnée par leur façon de mener un spectacle qui n’en était pas vraiment un, mais qui faisait drôlement bien illusion.

Elle déporte ses yeux de ce qui se passe au loin pour le poser sur une silhouette qui s’approche soudain d’elle "Tu sais, c’est marrant." Elle se recale doucement contre le coin de mur qu’elle occupe, les bras croisés sur sa poitrine qu’on devinait sans mal sous la transparence de son top pailleté. Accolée contre l’angle, sa tête s’inclina graduellement sur sa propre épaule, la neutralité de son air ne cadre pas avec l’idée qu’elle a un truc drôle à dire. Et en effet, c’est juste une réflexion qu’elle fait sans y songer tandis qu’elle observe Penny qui la rejoint "Je t’imaginais pas être aussi à l’aise dans un univers de ce genre." Ça part de de ce qu’elle connait d’elle, de ce qu’elle a entendu de la bouche de Micah à l’époque, de ce qu’elle a lu sur elle et sur sa petite vie parfaite et de la commisération dont elle fait preuve en donnant son temps à des associations, dont celle de leur ami en commun. Ce n’est pas un reproche, c’est une vraie et sincère constatation qu’elle prononce sur son ton usuel ; qui paraît empli de jugement, qui ne l’est pas. Ce n’est en fait que la façon dont elle s’exprime, c’est tout.

the crowds in stands went wild
@Jo Carter + Penny Stringer
lieu: défilé d'initation drag, brisbane pride festival (event)
crédit gif (c) harley

De toutes les activités que tu avais été amené à superviser et accompagner dans le cadre de tes fonctions de bénévoles pour la Fondation Tomlinson, tu devais admettre que celle d’aujourd’hui sortait grandement du lot. Jamais tu n’aurais cru voir venir le jour où l’association prêterait mains fortes pour une activité de Bingo Drague, mais tu devais avouer que tu aimais voir une génération plus vieille, connue pour ses jugements et ses pensées coincées dans un temps ancien s’ouvrir à la diversité et profiter des célébrations de la ville pour souligner la Pride. Sans trop savoir à quoi t’attendre, tu t’étais vêtue d’un corset rose pâle jumelé à un jean blanc sur lequel tu avais dessiner nombreux symboles de la fierté gay, en plus d’avoir changé ton traditionnel mum look pour quelque chose de plus prononcé, un maquillage aux couleurs arc-en-ciel, tout particulièrement autour des yeux et tes cheveux avec le triple de volume que tu ne leur en donnes normalement. Tes enfants t’avaient regardé avec curiosité lorsque tu t’étais préparée ce matin, Jude ayant même commenté comme quoi tu avais l’air ‘’différente’’ de d’habitude, et tu avais bien tenté de lui expliquer le pourquoi du comment, tes explications ne semblaient pas avoir touché le petit garçon qui avait finalement décidé de retourner à ses dinosaures et ses casse-têtes. Maia elle avait tenu à ce que tu lui fasses des lèvres aussi colorées que les tiennes (ses mots à elle, évidemment) et tu avais trouvé un vieux lip gloss avec lequel tu n’avais pas de mal à te départir que tu avais dessiné les lèvres de ta fille, qui avait été tout énervée de montrer le résultat à son père. C’était sans grande surprise que le tout s’était transformé en fashion show, Maia s’amusant à prendre les devants et à déguiser son petit frère et sa petite sœur, en plus d’utiliser Isaac comme cobaye vivant pour ses pratiques de maquillage. C’est un Isaac avec les mains pleines que tu avais laissé derrière, après qu’il t’ait assuré à de nombreuses reprises qu’il gérait la situation et de profiter de ta journée.

Tu es aussi ravie que rassurée de voir que les autres bénévoles présents se sont aussi prêtés au jeu, et cela semble avoir inspiré les résidents qui ont ressortis couleurs et paillettes de leur garde-robe. Le bonheur qui s’affiche sur le visage des résidentes était tel que tu as l’impression de les voir rajeunir sous tes yeux. Même certains hommes ont fourni un effort, enfilant leur plus bel habit d’antan pour accompagner les dames. Tu viens de faire une énième tournée, t’assurant que personne n’ait besoin de rien, lorsqu’une voix s’est élevée dans ta direction, attrapant ton attention. « Tu sais, c’est marrant. » Tu lèves la tête, croise le regard d’une jeune femme que tu ne connais que de prénom et de réputation, et tu te doutes que le contraire est tout aussi vrai. Tu sais que Jo est impliquée dans l’évènement d’aujourd’hui, son nom ayant été mentionné comme l’investigatrice de cette idée et tu es curieuse de te retrouver face à face avec elle pour la toute première fois. C’est étonnant d’ailleurs, quand tu y penses bien, que ça ait pris tout ce temps avant que le moment ne se présente, et jamais tu n’aurais cru que ce serait au sein de telles circonstances. Tu t’approches d’elle, elle qui se tapie dans un coin de la salle, loin de cette âme grandiose que tu avais passé plusieurs années à imaginer, et hausses légèrement les sourcils alors que sa voix s’élève à nouveau entre vous deux. « Je t’imaginais pas être aussi à l’aise dans un univers de ce genre? » « Un univers de ce genre? Tu parles du drague ou des retraités? » que tu commentes, un sourire amusé sur les lèvres. Elle est plus petite que tu ne te l’étais imaginée, et si tu es loin d’avoir le monopole de la grandeur, tu as tout de même une demi-tête de plus qu’elle, sûrement un peu aidé par les talons dans tes pieds. Mais elle ne semble pas le moins du monde intimidée la chanteuse, quand elle continue de te dévisager et que tu ne te gênes pas vraiment pour en faire de même. « C’est tout de même étonnant qu’après tout ce temps, ce soit ici qu’on se rencontre pour la toute première fois. » Vous avez sans doute été vues dans de mêmes évènements par le passé, mais jamais assez longtemps pour qu’une interaction ne prenne place entre elle et toi. « Mais probablement pas aussi étonnant que d’apprendre que tu es derrière l’activité d’aujourd’hui. Je ne savais pas que tu étais aussi impliquée dans la Fondation. » Ou du moins, c’est ce que tu assumes sans connaître le moindre détail, si ce n’est son amitié – ou ce que les médias en disent du moins – avec ton ex petit-ami, Micah.

the crowds in stands went wild
@Penny Stringer (crédit gif/dreamlonelywolf)

Elle a du répondant Penny. Jo n’en a jamais douté. Elle connait bien Micah, elle sait qu’il lui faut quelqu’un avec de l’esprit pour lui tenir tête. Rien qu’avec ça, elle a toujours jugé que la jeune femme devait être plus robuste qu’elle en avait l’air. Elle est toujours restée loin d’elle, et ce sans faire de gros efforts, puisqu’elles mènent des vies différentes, et qu’au-delà des quelques évènements auxquelles elles ont certainement participé toutes les deux sans jamais le savoir, Jo n’a jamais ressenti le besoin viscéral de faire la connaissance de l’actrice. Elle a entendu parler d’elle au travers de ce que Micah lui a dit, raconté, et parce qu’elle est plutôt douée pour l’indifférence, elle n’a jamais cherché à fouiner pour en apprendre plus sur son sujet ; elle la connait de loin, ça lui suffit. C’est donc plutôt facile d’émettre des jugements et autres suppositions à son sujet. Comme pour l’indifférence, Jo est à un talent particulier pour ça : elle juge à tout va, ça lui donne souvent le sentiment d’être mieux que tout le monde, et une partie d’elle y croit dur comme fer, même quand la vérité est loin d’être aussi évidente. Aujourd’hui, elle n’a pas de jugements spécifiques à accoler à la présence de Penny, elle s’étonne juste de la voir ici bien qu’elle a su à un moment donné qu’elle faisait partie de l’escouade des bénévoles de La Fondation. Ça, ça ne l’étonne pas davantage, elle a un air à faire des bonnes actions. Ce qui l’étonne plus en revanche, c’est l’aise qu’elle démontre à papillonner au milieu de l’univers dans lequel tous ont mis les pieds.

"Je parle du drag." Forcément, les retraités semblent l’adorer "Sans vouloir te vexer, t’as plus l’air d’aimer les activités manuelles et les sorties au parc que les blagues salaces et les shows extravagants." Ça, elle le base sur ce qu’elle sait de sa vie privée et sur ce que ça inspire à Micah que l’une de ses ex soit si heureuse en ménage. Brièvement, elle se demande si ça le dérange autant avec Penny que ça semble le déranger avec elle, réalise au fond qu’elle n’a pas envie de le savoir, que c’est son problème. Elle reste accolée à son angle de mur, fixe sur la jeune femme un regard scrutateur "Ton corset est super beau." Elle commente, et là, tandis que ses yeux glissent de son buste à ses jambes, elle juge l’effet un peu cheap que donnent les ajouts de symboles sur son pantalon laiteux. Mais elle n’en dit rien, et se reconcentre sur ce qu’elle ajoute "Ouais, on a des emplois du temps chargés. Surtout toi, il paraît." Elle marque une très courte pause, incline la tête sur le côté quand elle pose la question qui suit "T’as combien d’enfants déjà ? Une demi-douzaine ?" Elle plaisante, un sourire en biais s’esquissant doucement. Ou peut-être qu’elle vise juste. Il lui semble avoir vu passer des photos d’elle sur son feed Insta avec un polichinelle dans le tiroir plus de fois que la décence l’autorise par les temps qui courent. Elle juge à peine à ce sujet, chacune a bien le droit de faire ce qu'elle veut de son utérus. Tant qu’on ne s’intéresse pas au sien, elle laisse le reste du monde repeupler la planète ; elle se garde juste le droit de trouver les gamins des autres hideux et malpolis, et c’est déjà pas mal.

Le bout de sa langue creuse l’une de ses dents du fond et un nouveau sourire — un vrai — fend sa bouche aux derniers mots de Penny "J’ai pas eu l’occasion de m’impliquer plus que ça jusque-là." Elle jette un coup d’oeil par-dessus l’épaule de la blonde, surveille plus sa grand-mère que les autres membres de leur escapade de la soirée "Mais je comprends que ça t’étonne. Ça colle pas à l’image que je renvoie, hm ?" Et pourtant, elle a passé six ans a donner de son temps à la maison de retraite où les copines de sa grand-mère crèchent à organiser des bingos et à chantonner des vieux standards pour les mamies et papys nostalgiques de leur jeunesse. Elle ne s’en vante pas, ce n’est pas un exploit : ça lui a toujours paru normal de le faire durant tout ce temps-là, et elle ne le regrette pas, pas même un peu. Maintenant, les choses sont un peu différentes, et elle manque de temps, mais lorsque Micah lui a parlé de La Fondation, elle n’a pas boudé sa proposition d’être une ambassadrice de marque pour faire parler de son initiative. C’est plutôt intelligent, il a eu le temps de se figurer des bons outils pour générer de l’intérêt autour de ses projets, et parce que la cause est importante pour Jo, pour Ava, elle n’a pas hésité : ils sont deux à utiliser leur amitié pour leur intérêt personnel. Qu’en est-il de Penny ? "C’est Micah qui t’a fait adhérer à la cause ? Ou c’est le hasard si tu donnes ton temps à une asso qui porte son nom ?" Elle ne dépasse aucune limite en lui posant la question, elle est juste curieuse de connaître les tenants et les aboutissants autour de son implication. Elle évite d’ajouter qu’elle ignorait qu’ils étaient de nouveau en contact, estime finalement qu’elle s’en fout et que, comme beaucoup d’autres choses, ce ne sont pas ses oignons.