Noah était un gamin d'une résilience incroyable. Il connaissait mieux les couloirs de l'hôpital que sa propre mère, si bien qu'en plus de relativiser sur sa relation atomisée avec son père, Charlie s'était donné pour mission d'être toujours présent pour lui changer les idées. L'aider à se découvrir loin des drames perpétuels qui secouaient leur famille. Si Ezra se mordait parfois la lèvre de peur que son frère l'embarque dans une propagande queer imaginaire, il faisait preuve d'assez de sagesse pour ne pas les soustraire à ces moments que Charlie estimait indispensables à ses désirs non assouvis de paternité. Ils se retrouvaient souvent pour des activités sportives auxquelles Charlie l'initiait. D'autres fois à la fête foraine ou à des bornes d'arcade que Noah n'était pas encore assez ingrat pour trouver ringardes. C'était aussi l'avantage de ne pas être son père. En compagnie de son oncle, l'adolescent était plus clément et beaucoup moins susceptible de baisser la tête de honte lorsqu'il croisait de façon fortuite des camarades du collège. Un privilège dont Charlie ne se vantait pas auprès de son frère, qu'il complimentait d'ailleurs bien plus aux oreilles de son fils que des siennes, car en dépit de tous ses défauts on ne pouvait lui retirer qu'il était un père présent et dévoué qui faisait de son mieux. Il faisait des erreurs, mais il faisait de son mieux. Dans ces situations où ils se retrouvaient à deux, Noah se sentait suffisamment en confiance pour se livrer sur ses sentiments, et ça n'avait pas échappé à Charlie que le retour de Ginny l'avait perturbé. Il était pris en étau entre le besoin de renouer avec sa mère et la volonté sensible et mature pour quelqu'un de son âge de ne pas heurter les sentiments de son père. Charlie naviguait souvent avec précaution dans les affaires qui impliquaient la mère du garçon. Dans un sens il ne pouvait nier les sentiments de Noah et dans un autre il n'était pas non plus question de léser Ezra, qui n'était pas qu'une présence inconstante dans la vie de son fils. C'était injuste, mais c'était souvent avec les absents qu'on était le moins exigeant. Ce fut donc dans cet état d'esprit que Charlie s'apprêtait à rendre Noah à son père, qui lui avait demandé de le déposer directement au garage dans lequel il se consacrait depuis plus de 10 ans. Maintenant qu'il était propriétaire de son entreprise, Charlie comprenait la dévotion de son frère pour cet endroit qu'il avait contribué à faire prospérer. Quelle ne fut pas sa surprise, alors qu'ils descendaient de sa Tesla, de tomber nez à nez avec un panneau annonçant la vente du garage. Noah, voyant que son oncle lui lançait un regard circonspect, se contenta de hausser les épaules comme s'il était lui-même résigné. Il resserra la bretelle de son sac à dos avant de se diriger d'un pas nonchalant vers le garage, Charlie lui emboitant le pas. Après des salutations réglementaires et fugitives à son père, il s'installa sur un tabouret disposé près de l'établi. « Je te ramène ton fils. On a fait de l'escalade, et figure-toi que Noah préfère observer ce qui se passe sur la voie d'à côté plutôt que d'assurer correctement son oncle. » dit-il un brin taquin, l'adolescent perturbé par les formes des grimpeuses sublimées par l'agilité. « C'est quoi cette histoire de vente ? Tu vends le garage ? » demanda-t-il toujours aussi confus, dans la mesure où ce garage avait une valeur inestimable à ses yeux.

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@charlie beauregard

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Il avait peut-être omis de préciser à Lily que Noah passait la journée avec Charlie, parce-qu’il trouvait que les choses seraient bien plus simples de cette sorte. Et parce-qu’il savait que son fils adorait passer du temps avec son oncle, et que lui était content qu’un lien solide se forme entre eux malgré tout; il était toujours le premier à mettre en avant l’importance des liens familiaux et surtout au sein de leur famille, cette dernière ayant été un pilier pendant des années et surtout une base solide pour traverser les épreuves de la vie. Alors lorsque son petit frère lui avait proposé d’embarquer son fils pour la journée, Ezra avait dit oui sans même hésiter: il savait d’avance qu’ils passeraient tous les deux une bonne journée et que cela leur ferait du bien - et à lui aussi, cela lui permettrait d’avoir une journée complètement libre où il pourrait mettre son nez dans des papiers qui attendaient depuis trop longtemps désormais.

La journée passa à une allure qu’il n’avait pas vraiment anticipé, tant qu’il fut surpris de voir la voiture de Charlie se garer dans la cour, fronçant les sourcils tout en jetant un coup d’oeil à la pendule suspendue sur l’un des murs; c’était pourtant bien l’heure et ils allaient devoir effectivement rentrer dans peu de temps - ce n’était pas pour l’arranger tant il avait l’impression d’avoir encore beaucoup de choses à régler ici. Noah traina des pieds jusqu’à l’intérieur de la boutique, salua son père vaguement - il le reprendrait sur ça plus tard -, avant d’aller s’installer plus loin comme s’il avait vu venir la discussion avant n’importe qui d’autre ici. C’était ça le désavantage d’un enfant perspicace et surtout très observateur des comportements des autres: il comprenait plus rapidement que la moyenne surtout quand une catastrophe arrivait. « Je te ramène ton fils. On a fait de l'escalade, et figure-toi que Noah préfère observer ce qui se passe sur la voie d'à côté plutôt que d'assurer correctement son oncle. » Un sourire traversa le visage d’Ezra, accompagné d’un rire authentique; il jeta un coup d’oeil à son fils, un sourcil quelque peu haussé sur son visage, avec une pointe de fierté surement dans le regard. « Tel père tel fils on dit non ? » Ce fut dans la direction de son frère qu’il se tourna ensuite. « Ca veut aussi dire qu’il grandit trop vite ça. » Il esquissa une grimace.

« C'est quoi cette histoire de vente ? Tu vends le garage ? » Donc pas de temps de latence pour discuter d’autres choses, de la journée plus en détail ou de n’importe quel sujet qui ne susciterait pas une sorte d’agacement chez son frère - il semblait en recevoir une, touche d’agacement, mais il y avait fort à parier que c’était simplement parce-qu’il s’attendait à ce que Charlie réagisse de cette sorte face à cette situation. « Tu sais lire, et t’as lu le panneau. » Ezra haussa les épaules: toute la légèreté qu’il avait pu ressentir la minute précédente s’était évaporée désormais. « Si tu connais un mécano intéressé pour avoir son propre endroit, hésite pas à passer le mot. » La mise en vente était récente, si bien sur le bouche à oreille n’avait pas encore été productif; mais il avait que c’était de cette là que les choses fonctionnaient le mieux en affaires alors si jamais son frère voulait se rendre utile.

A la découverte du panneau, Noah avait compris que son oncle n'aurait aucun problème à briser un tabou instauré par son père, ou encore par Lily, cette dernière tenant souvent une part de responsabilité dans les décisions paradoxales d'Ezra. Comme toujours, Charlie n'hésitait pas à mettre les pieds dans le plat, si bien que son neveu aimait se réfugier dans ses écouteurs, ou dans sa chambre lorsqu'il avait ce luxe, pour s'épargner les disputes incessantes de deux hommes qu'il respectait à part égale, et dont il s'abreuvait des enseignements. Charlie s'était retenu de rouler des yeux en observant la fierté déplacée de son frère, qui comme tout homme cisgenre hétérosexuel, se félicitait de constater que son fils se comportait à son image, malgré les évolutions de la société. Quand il voyait ça, Charlie se rassurait d'avoir au moins l'opportunité d'apprendre autre chose à Noah, d'autres visions de l'amour et des femmes, qui lui permettraient de rééquilibrer un minimum sa représentation des rapports de domination. « Tu crois vraiment qu'il fonctionne cet adage ? Parce que dans ce cas papa aurait mieux fait de s'arrêter au premier. » L'aîné des Beauregard, copie conforme de leur père, remplissait à merveille la mission d'être le garant de son héritage. Plus on avançait dans la fratrie, et plus les dissonances étaient évidentes, souvent motivées par un besoin naturel de s'opposer au conformisme parental. « Mais oui il grandit trop vite. Si t'es pas à l'aise pour avoir ce genre de discussions avec lui, moi ça m'embête pas. Je vais pas lui retourner le cerveau, promis. » Peut-être un peu, mais Ezra ne laisserait jamais son frère éduquer son fils sur les notions de consentement, la fluidité des genres et autres conneries féministes, comme les appelait leur père. Heureusement que Noah avait une tante un peu plus progressiste, et une belle-mère qui, à défaut d'être tout à fait aimable, savait faire respecter ses convictions. On ne pouvait pas reprocher à Lily d'être une femme aussi docile que celles qui faisaient rêver les hommes inquiets pour leur virilité. Comme prévu, Ezra se braqua aussitôt évoqué le sujet du garage. C'était au moins le signe que Charlie ne s'était pas trompé sur la valeur que l'entreprise représentait à ses yeux. Et aussi que, malgré l'aplomb avec lequel il lui répondait, la décision de vendre lui pesait sur le cœur, et n'était pas si anodine qu'il voulait lui faire croire. Charlie recula d'un pas, désireux de faire retomber la tension qui allait inévitablement s'installer au fil de la discussion. Ce n'était pas la peine de partir trop vite dans les tours. « Pourquoi t'es sur la défensive, je suis juste surpris c'est tout. Je pensais que ce garage était aussi ton bébé. Ton refuge. » précisa-t-il en s'appliquant à garder un ton neutre et sans jugement. Déterminé lui aussi à enterrer le sujet, Ezra sollicita l'aide de son frère pour passer le mot. Un service qu'il lui rendrait sans faire de drame, même s'il gardait des doutes sur les motivations de ce choix. « Un ou une. » C'était Charlie tout craché, incapable de ne pas faire de n'importe quelle conversation un terrain propice à déballer ses idéaux. C'était précisément à cause de ce genre d'affirmations ordinaires que lui, sa sœur ou n'importe lequel de ses frères avaient grandi sans voir plus loin que les ambitions que leur père nourrissait pour eux. Pour sûr, Katherine n'avait pas été élevée avec la conviction qu'elle pouvait devenir mécanicienne comme son frère. « Je peux mettre un mot à la salle, on sait jamais. Mais pourquoi tu vends ? Vous êtes dans la merde avec Lily ? » demanda-t-il, résolu à avoir le fin mot de cette histoire.

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Si la première remarque de Charlie en avait déclenché une autre chez Ezra et avait surtout un rire à ce dernier, lorsqu’il reprit la parole il riait déjà beaucoup moins. « Tu crois vraiment qu'il fonctionne cet adage ? Parce que dans ce cas papa aurait mieux fait de s'arrêter au premier. » Perdant son sourire et remontant son regard vers son frère, il se retint de lui demander s'il était sérieux - parce-qu’avec lui, il y avait de fortes chances pour que la réponse soit qu’effectivement il était sérieux, et alors Ezra n’aurait plus du tout envie de rire. « Mais oui il grandit trop vite. Si t'es pas à l'aise pour avoir ce genre de discussions avec lui, moi ça m'embête pas. Je vais pas lui retourner le cerveau, promis. » Il secoua quelque peu sa tête de gauche à droite, reposant le chiffon qu’il tenait dans les mains sur l’établi le plus proche. « Je pense que je suis capable d’avoir n’importe quel discussion avec mon fils, t’en fais pas. » Ils avaient connu pire situation qu’une simple discussion sur les filles et les relations amoureuses, et ils avaient eu des conversations bien plus dures à aborder que ça; ça ne faisait pas peur à Ezra. « Ca me fait juste mal de le voir grandir si vite, c’est tout. » Il n’y avait aucun mal ici.

Il percevait en revanche un certain mal d’aborder un autre sujet avec son frère: celui de la vente du garage. Pas qu’il n’était pas en droit de lui poser la question ou que c’était là un sujet qu’ils avaient déjà abordé mille et une fois et qu’Ezra en avait marre d’en parler, mais parce-qu’en une seule question il pouvait déjà sentir un jugement de la part de son frère. « Pourquoi t'es sur la défensive, je suis juste surpris c'est tout. Je pensais que ce garage était aussi ton bébé. Ton refuge. » - « Parce-que je sais d’avance que tu vas pas être d’accord avec ma décision et que j’ai pas envie de subir ton jugement. » Il était mal placé pour aborder les choses de cette manière étant donné que des deux, c’était le cadet qui avait été davantage jugé pour ses choix, mais il n’était pas question pour Ezra de ne pas s’exprimer librement. « Et ça l’est. Enfin ça l’était maintenant. » Il ne pourrait nier cette partie là: pendant des années, le garage avait été sa constante dans la vie - mais cette dernière évoluait, alors il était temps de passer le relai. « Un ou une. » Il leva les yeux au ciel. « Si tu connais quelqu’un de compétant, si tu préfères. » Un, une ou plusieurs il s’en fichait ce n’était pas la question. « Je peux mettre un mot à la salle, on sait jamais. Mais pourquoi tu vends ? Vous êtes dans la merde avec Lily ? » Il opina du chef. « Le bouche à oreilles fonctionne le mieux, donc ouais je veux bien. Si c’est pas trop te demander. » Entre frères, ils étaient supposés pouvoir se demander ce type de service normalement. « Et non pas dans la merde, mais on manque de temps. Avec les enfants c’est… compliqué. » C’était un résumé grossier mais qui n’était pas mauvais. « Je vais aller bosser au DBD pour qu’on puisse s’en sortir plus facilement et pas être tout le temps absents à la maison. Ils sont trois en dessous de deux ans, autant te dire que Noah c’est le plus facile à gérer de la bande. »

Des deux frères, Charlie était le moins enclin à tempérer les ardeurs de l'autre, car parmi les nombreux points communs qu'ils détestaient se reconnaitre, la susceptibilité en faisait partie. La ligne rouge était simple à franchir avec un Charlie sans arrêt sur le qui-vive, prêt à sauter à la gorge de ses détracteurs, à interpéter n'importe quelle parole comme une critique à propos d'un mode de vie que peu de personnes approuvaient dans sa famille. Aujourd'hui Ezra avait décidé d'être l'hystérique qui s'opposait fermement à toute méfiance, choisissant délibérément de l'assimiler à du jugement. Bien-sûr, Charlie pouvait reconnaître la mauvaise foi dont il faisait preuve la plupart du temps pour retourner les situations à son avantage et se présenter en victime, ce qu'il soupçonnait Ezra de faire en noyant le poisson et prétextant être offensé par la moindre de ses remarques. Une diversion que n'importe qui d'un minimum lucide discernerait en un seul coup d'oeil. Il suffisait de constater à quel point son visage s'était fermé lorsqu'il avait osé discréditer leur héritage génétique, comme si c'était un choc pour lui d'entendre que Charlie se portait mieux quand il agissait en totale contradiction avec les valeurs dépassées de leur père. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait de secouer son frère parfois, pour lui faire prendre conscience que ce qui se passait autour de lui n'était pas qu'un malaise fugitif, et que la blessure du rejet qu'il avait subi était profonde. C'était à se demander s'il ne faisait pas exprès d'oublier, de jouer aux idiots bienheureux pour ne pas assumer la cruauté de la réalité. Sa capacité émotionnelle frôlait l'inexistant. « C'est pas ce que je voulais dire Ezra. Je me suis peut-être mal exprimé mais fais un effort pour qu'on puisse avoir une discussion normale s-il-te-plait. » exora-t-il, sachant pourtant pertinemment que sa tentative de concession aurait l'effet inverse. De toute manière Ezra prenait toujours les initiatives de son frère pour de la condescendance. « Je me doute bien que tu as déjà eu des conversations plus difficiles que ça avec ton fils. J'essaye juste de trouver ma place. » Une place que son frère lui laissait de bon cœur en dépit de leurs différends, mais qui suscitait son lot de frustration. Jusqu'où avait-il le droit d'aller dans cette relation paternelle qu'il vivait par procuration ? Ezra se doutait-il même de la souffrance que c'était de réaliser qu'à son âge, dans sa condition, Charlie n'aurait probablement jamais d'enfant ? Au lieu de ça il s'investissait dans une multitude de projets, comblant ainsi le vide laissé par cette famille qui semblait volontairement ne pas le comprendre. Le lien que Ezra pouvait entretenir avec son garage était bien le seul pour lequel il était légitime de compatir à ses yeux. Le jugement auquel il avait peur de s'exposer n'était rien d'autre que de la compassion. « Non je comprends pas ta décision, mais c'est pas pour autant que je te juge. T'as vraiment une sale opinion de moi Ezra. » rétorqua-t-il les sourcils froncés, étonamment vexé de relater une évidence. Provoquer son frère n'était pas la bonne stratégie à adopter aujourd'hui, alors il changea son fusil d'épaule pour se faire passer pour un bon samaritain. « Je le ferai. Mettre une annonce à la salle. T'as envisagé l'association aussi ? » La fréquentation de l'association Beauregard faisait souvent des merveilles. Même s'il ne voulait pas y être affilié, Charlie ne s'était jamais gêné pour demander à sa sœur d'aller y placarder sa pub. En revanche, ses bonnes résolutions s'envolèrent aussitôt dévoilée l'alternative à laquelle son frère s'était résigné. Pour ne pas risquer d'aller trop loin, il s'était néanmoins retenu de ne pas rire trop fort, ni trop jaune. « T'es sérieux ? » demanda-t-il comme s'il pouvait s'attendre à moins de naïveté de la part de son frère. « Tu vas abandonner le garage pour bosser au DBD ? » avait-il répété pour que l'absurdité de cette affirmation que son frère avait débitée sans ciller pénètre jusqu'à son cerveau. Visiblement il n'y avait que Charlie qui voyait le problème. « Pourquoi c'est pas Lily qui lâche le bar si c'est une question de temps ? »

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« C'est pas ce que je voulais dire Ezra. Je me suis peut-être mal exprimé mais fais un effort pour qu'on puisse avoir une discussion normale s-il-te-plait. » Il pinça ses lèvres: ce n’était pas ce qu’il disait peut-être, mais c’était ce que lui entendait. Les mots prononcés et reçus étant toujours soumis à un filtre certain selon la personne qui se trouvait d’un côté et l’autre de la conversation, peut-être effectivement qu’Ezra se devait de mettre un peu d’eau dans son vin - ce n’était juste pas aussi simple de le faire lorsque cela concernait Noah, qui restait un sujet sensible qu’importait son interlocuteur. « Je me doute bien que tu as déjà eu des conversations plus difficiles que ça avec ton fils. J'essaye juste de trouver ma place. » Il finit par lâcher un soupir, laissant son regard se porter partout et ailleurs surtout le temps d’un instant. Il ne pouvait pas tant que ça en vouloir à son frère, mais c’était difficile de s’en rappeler lorsque les conversions tournaient de cette sorte - la faute à qui, hein. « Si tu penses qu’il a besoin de te parler, t’es toujours le bienvenu pour le faire. » Ce n’était pas avec gaité de coeur, mais il ne priverait pas son fils d’un contact avec un membre de sa famille, surtout s’il en ressentait le besoin; il ne savait que trop bien ce que c’était, hors de question d’ajouter une touche à ce tableau là.

Apparemment, la visite de Charlie au garage aurait pu être plaisante, mais ce dernier avait décidé de pointer du doigt absolument tout ce qu’il trouvait dérangeant pendant son passage ici - certes, sur un fond de surprise et de curiosité qui était de mise tant le contexte était étonnant, mais étant donné qu’Ezra n’était pas de super composition il avait du mal à s’apercevoir de ça présentement. « Non je comprends pas ta décision, mais c'est pas pour autant que je te juge. T'as vraiment une sale opinion de moi Ezra. » Il soupira, pinçant l’arête de son nez entre les doigts. « Je m’attends juste à ce que tu le fasses. C’est tout. » Parce-que c’était un peu malheureusement les habitudes qu’ils avaient eu depuis petits, de juger quelque peu lorsque les choix sortaient des cases habituelles. Il n’approuvait pas forcément cette façon de faire, mais lorsque cela le touchait davantage personnellement, c’était un brin plus compliqué de réagir de façon adéquate. « Je le ferai. Mettre une annonce à la salle. T'as envisagé l'association aussi ? » Il secoua quelque peu la tête de gauche à droite. « C’est pas vieux, j’ai pas encore pris le temps. » Il avait mis l’affiche à l’entrée du garage à peine quelques jours plus tôt, alors la mettre ailleurs n’avait pas encore été dans ses priorités. « Je verrai avec Lily si elle peut y mettre un flyer aussi. » C’était pas comme si ce serait quelque-chose de difficile pour eux de faire.

Et en parlant de Lily… « T'es sérieux ? Tu vas abandonner le garage pour bosser au DBD ? » C’était plus une réaction de cet acabit là qu’il avait anticipé, alors que son frère avait mentionné la vente du garage; pas tant qu’il se sépare de ce dernier, mais plutôt des raisons qui le poussaient à le faire. « Pourquoi c'est pas Lily qui lâche le bar si c'est une question de temps ? » Pinçant ses lèvres, il haussa un sourcil en regardant Charlie. « Tu vas pas me faire le discours du la femme doit s’occuper des enfants, quand même ? » De tous ses frères et soeurs, il ne s’attendait pas à entendre ça de la part de Charlie. Un soupir lui échappa - il avait l’impression que sa décision était remise en question plutôt aisément par tout le monde. « Si ça peut te rassurer, Lily pensait pas que c’était une bonne idée. » Au moins, il saurait que pour une fois il était dans le même camp que sa belle soeur. « C’est moi qui veux avoir plus de temps pour les enfants. Le garage, c’est un petit trésor pour moi… » Et il aurait toujours mal au coeur quand il y repenserait, même dans quelques années. « Mais je préfère mes enfants. J’ai envie de passer plus de temps avec eux. » Et c’était surement là quelque-chose que Charlie ne pouvait pas comprendre. « Et le DBD, c’est le DBD: on peut pas l’abandonner. »

Les souvenirs d'une relation apaisée avec ses frères étaient si vagues et lointains que Charlie les apparentait davantage à un fantasme qu'à une réalité qui avait existée. Pour tout dire, il n'était pas le dernier à se complaire de ces éternelles tensions, et ne serait certainement pas le premier non plus à arrondir les angles tant il tenait à montrer par tous les moyens à quel point il s'était éloigné de l'idéal projeté par son père. La moindre discussion était un prétexte pour prouver qu'il était fier et épanoui d'avoir pu se construire seul, en s'affranchissant de l'archétype du fils Beauregard que Thomas incarnait à la perfection. Parfois ça lui manquait tout de même, de pouvoir échanger de façon plus saine avec Ezra, de mettre les différends de côté pour se concentrer davantage sur tout ce qui continuait de les lier l'un à l'autre, comme leur attachement aux valeurs de Noah, ou l'inquiétude bienveillante qu'ils éprouvaient pour Katherine. Tout de même capable de faire preuve de perspicacité de temps en temps, Ezra se résigna à mettre lui aussi un peu d'eau dans son vin, ne serait-ce que pour s'accorder au sujet de son fils, un des rares qui ne les divisait pas encore. « Merci. » se contenta de répondre Charlie à la concession de son frère. Il valait mieux en profiter, car l'ambiance était vouée à se dégrader. Avec les années, Ezra s'avérait aussi désillusionné que son frère, et Charlie pas encore assez hypocrite pour lui en tenir rigueur. Il se risqua tout de même à se faire passer pour moins critique qu'il ne l'était en réalité, ne serait-ce que pour se déculpabiliser d'échouer à tenir le cap de ses bonnes résolutions bien longtemps. « On est pas obligés de faire ça. C'est pas parce que papa a toujours entretenu la rivalité entre nous qu'on doit continuer sur cette voie. Et même si je te juge, c'est parce que j'estime que tu vaux mieux que ce que tu penses. » avoua-t-il avec une étonnante sincérité. Ce qui énervait de fait le plus Charlie, c'était de voir son frère brider son potentiel parce que, contrairement à lui, il tenait à ne pas faire de vagues. Son conformisme autant que son incompétence pour défendre son intégrité avaient tendance à l'agacer. Ezra préférait s'écraser la plupart du temps plutôt que d'offenser les autres, et particulièrement Lily, avec qui il faisait montre d'une infinie conciliance. « T'as un délai pour la vente ? Ça peut durer longtemps ces situations. » C'était tout le mal qui lui souhaitait d'ailleurs, si cela pouvait planter la graine du remord dans son esprit. Seuls les imbéciles ne changeaient pas d'avis après tout. Mais l'éventualité s'éloigna aussitôt éclairci le rôle de Lily dans l'entreprise. Abandonner un garage pour travailler dans un bar semblait vraiment une idée tirée par les cheveux pour soi-disant passer plus de temps avec ses enfants. Mais les ambitions de Lily pour ce bar étaient aussi grandes que tout l'estime qu'elle préservait pour l'héritage de Matt, sur lequel elle était évidemment incapable de tirer un trait aussi facilement qu'Ezra sur le rêve de sa vie. La répartie de son frère lui arracha un rire nerveux. Il avait de l'audace, de s'aventurer sur le terrain de ses prétendues valeurs féministes pour rejeter ses arguments. « A quel moment j'ai dit ça ? Entre nous Ezra, s'il y a bien une chose que je peux pas enlever à Lily, c'est la culotte qu'elle porte dans votre couple. » Ni lui, ni Ezra, ni personne ne pouvait lui enlever d'ailleurs. En revanche, il avait du mal à croire que Lily s'était battue pour ce rêve qui n'était pas le sien. Charlie la savait aussi bornée que lui, alors elle avait forcément une ambition secrète en cédant cette bataille à son frère. « Ok, mais à quel point elle a essayé de te dissuader ? Juste une fois pour pouvoir se défendre de l'avoir fait quand on lui reprochera l'inverse ? Non, que JE lui reprocherai l'inverse, puisque tout le monde lui mange dans la main. » Charlie était bien insensible à ces deux globes bleus avec lesquels Lily envoutait tout le monde. D'abord l'association Beauregard, puis le DBD, pourquoi devait-elle gagner sur tous les tableaux ? « Je dénigre pas ton intention Ezra, je veux juste m'assurer que tu le fais pour les bonnes raisons, et excuse-moi de me méfier de Lily. C'est pas comme si elle en était à sa première tentative de te retourner le cerveau. » Il serait bien incapable de citer un autre exemple, mais sa mauvaise foi suffisait à le convaincre qu'il y en avait des tas. En tout cas, Charlie n'avait aucune attache particulière pour ce bar et il ne comprenait pas la complaisance de son frère pour ce lieu hanté par le fantôme de celui qui lui avait précédé, et peut-être même qui le surpassait encore, dans le cœur de sa femme. « C'est quoi le DBD au juste ? Sérieux Ezra, t'en as pas marre d'être toujours le plan B ? Même mort c'est Matt qui passe en premier. C'est pas à toi de t'occuper de ça, je trouve même que c'est franchement déplacé de sa part de te laisser faire. »

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« On est pas obligés de faire ça. C'est pas parce que papa a toujours entretenu la rivalité entre nous qu'on doit continuer sur cette voie. » Il soupira quelque peu.  « Je sais. » - « Et même si je te juge, c'est parce que j'estime que tu vaux mieux que ce que tu penses. » Là où il évitait le regard de son frère de façon plutôt appliquée jusque maintenant, il se laissa à le regarder droit dans les yeux cette fois-ci - et il ne cacha pas la surprise dans les siens de l’entendre dire de tels mots. Ce n’était pas leur genre, de se dire de telles paroles effectivement, surtout pas entre Charlie et Ezra. Ils étaient plutôt du genre à tirer dans des directions différentes et à ne pas spécialement comprendre pourquoi cela ne fonctionnait pas aussi bien que prévu. Pour une fois, aujourd’hui, le plus jeune des deux réussirait à surprendre son ainé - assez pour qu’il ne sache même plus quoi répondre, se contentant de déglutir presque de travers, et surtout de faire en sorte que son regard se décroche de celui de son petit frère.

« T'as un délai pour la vente ? Ça peut durer longtemps ces situations. » Il secoua la tête de gauche à droite. « Tant que ça se fait, qu’importe quand c’est. » Le but était de s’alléger les poids sur les épaules à tous les deux, et leur famille, qu’importait quand: il fallait que ce soit fait. Si ça prenait plusieurs années, ce serait comme ça.

Il y aurait le temps que les deux frères aient douze fois cette conversation surement, aussi - et qu’elle ne tourne pas forcément de façon charmante à chaque fois. Charlie n’avait jamais pu voir en peinture la femme d’Ezra, ce n’était pas une nouvelle; mais parfois, ce dernier avait un peu plus de mal qu’à d’autres moments à supporter son avis et son jugement. « A quel moment j'ai dit ça ? Entre nous Ezra, s'il y a bien une chose que je peux pas enlever à Lily, c'est la culotte qu'elle porte dans votre couple. » Il leva les yeux au ciel, ne retint pas le soupir qui menaçait de s’échapper. « Ok, mais à quel point elle a essayé de te dissuader ? Juste une fois pour pouvoir se défendre de l'avoir fait quand on lui reprochera l'inverse ? Non, que JE lui reprocherai l'inverse, puisque tout le monde lui mange dans la main. » - « Tu veux l’appeler pour en discuter avec elle, peut-être ? » Il n’aimait pas l’idée que ses proches puissent se dire que sa femme pouvait faire quelque-chose simplement pour se dédouaner aux yeux du reste du monde; Ezra avait été présent dans les deux conversations, il savait qu’elle ne voulait pas que les choses se passent de cette manière là. « Je dénigre pas ton intention Ezra, je veux juste m'assurer que tu le fais pour les bonnes raisons, et excuse-moi de me méfier de Lily. C'est pas comme si elle en était à sa première tentative de te retourner le cerveau. » Il croisa les bras sur son torse. « Ah ouais ? C’était quand, la dernière fois, ou celle encore d’avant ? Ou quand tout court, en fait ? » Ils avaient tous les deux hérité d’une dose de mauvaise foi de leur père, et si elle ne ressortait pas si souvent que cela face à d’autres, quand c’était Charlie c’était facile de lui laisser de la place.

« C'est quoi le DBD au juste ? Sérieux Ezra, t'en as pas marre d'être toujours le plan B ? Même mort c'est Matt qui passe en premier. C'est pas à toi de t'occuper de ça, je trouve même que c'est franchement déplacé de sa part de te laisser faire. » Parler de Matt touchait trop près de la maison pour qu’il n’ait pas un instant de recul, autant mental que physique, avant de répliquer. « C’est moi qu’ai demandé à bosser au DBD. Pas elle. Elle voulait pas non plus. » Que l’église revienne au centre du village une fois de plus. « Et parce-que le DBD c’est pas que pour Lily, c’est pour tout le monde que c’est important. » Même s’il le disait avec moins de convictions que le reste. « Tu peux pas comprendre. » Il n’avait pas perdu son meilleur ami, il n’avait pas réussi à garder sa femme: il ne pouvait pas comprendre.

Il y avait autant de mouvement dans les dialogues des frères Beauregard que sur un sismographe affolé. La compassion d'Ezra au moment de hisser le drapeau blanc, et cet assentiment sincère qu'on lisait dans ses yeux, témoignaient de sa lassitude à lui aussi de se chamailler sans arrêt comme s'ils étaient encore des adolescents diamétralement opposés. Il était aussi facile pour les Beauregard de s'emporter que de se rappeler tout ce qui les unissait, à commencer par l'importance qu'ils accordaient mine de rien au bonheur des autres. Ezra n'avait même pas eu la force de nier que la dynamique pouvait être différente, et que la seule solution était de se reposer les uns sur les autres, s'armant de leurs ressentiments communs, pour se défendre des affirmations assertives de leur père. Face à ce dernier, Charlie était trop concentré à protéger sa propre intégrité pour prendre la peine de commenter celle de ses frères, qui n'étaient pourtant pas épargnés à leur manière par les lubies du patriarche. En vivant dans l'ombre de Thomas, chacun avait fait de son mieux pour se disputer les miettes de son estime. Ian, qui avait lui aussi enduré les exigences familiales, n'avait jamais paru aussi héroïque qu'à sa mort. Cette perspective, que les enfants Beauregard n'avaient aucune chance d'entrer au panthéon de leur vivant, avait achevé de convaincre Charlie que se tuer à la tâche ne valait pas la peine. Qu'il était peut-être préférable d'être une déception dans une vie assumée plutôt qu'une idole dans la mort.

Si les frères avaient pu s'entendre sur les conditions de la vente, les raisons étaient loin de faire l'unanimité. S'il y avait bien un autre sujet sur lequel Charlie s'opposait à tout le monde, c'était l'influence de Lily dans la vie et les choix d'Ezra. Il se demandait si l'adhésion de la jeune femme dans la famille n'était finalement pas un peu cyniquement liée à l'autorité qu'elle exerçait sur Ezra. Ce côté militaire qu'il avait voulu esquiver lui aussi, et qui lui revenait en pleine figure, faisait le bonheur de tout le monde sauf de Charlie, qui ne pouvait supporter voir son frère brider ses ambitions pour ne pas éclipser les siennes. Il n'avait jamais eu la même vision du couple, et croire qu'il était censé se réjouir parce que la femme avait l'ascendant dans le leur était bien mal connaître sa vision du féminisme. De toute manière, Ezra avait toujours eu des goûts douteux en matière de femmes. Il suffisait de constater comme la première n'avait pas hésité à abandonner son fils pour se concentrer sur elle. Avec un peu de thérapie, Ezra se rendrait compte qu'il avait tendance à chercher des femmes sûres d'elles et un brin égocentriques parce qu'il était lui-même incapable de poser des limites. Pour ça, Ginny et Lily avaient eu de la chance, d'être tombées sur un homme aussi généreux et conciliant que lui. « T'inquiète pas, j'en discuterai avec elle en temps voulu. » promit-il sur un ton de défi. Il connaissait déjà l'issue de cette conversation, mais Charlie était suffisamment obstiné pour ne pas avoir peur de s'engager dans un débat stérile. Lily camperait sur ses positions, affirmant qu'elle n'avait jamais mis le couteau sous la gorge d'Ezra et qu'elle ne faisait que soutenir ses décisions. Les violons habituels qui n'endormaient que les autres.

Ezra ne se laissa pas berner lui non plus, exigeant les exemples auxquels Charlie n'avait évidemment pas pensé, car ils n'existaient que dans ses fabulations complotistes. « Pour l'association, elle a bien placé ses pions. » s'était-il aventuré au hasard, sachant bien que travailler pour l'association intéressait Ezra à peu près autant que lui. Mais il était de notoriété publique que Lily avaient les dents longues, alors il ne serait pas surpris d'apprendre les sales coups qu'elle avait pu manigancer en coulisses pour parvenir à ses fins. Avec un peu plus de cynisme, Charlie aurait même pu imaginer qu'elle attendait le bon moment pour se débarrasser de son frère comme elle avait pu se débarrasser de Matt. « Elle voulait pas parce qu'elle veut tout contrôler. » dit-il en roulant des yeux. Dans l'angle mort de son regard, il pouvait sentir Noah qui faisait mine d'être absorbé par sa musique alors qu'il entendait certainement toute la conversation. Ces histoires ne le concernaient pas, et Charlie refusait d'enfoncer davantage son frère devant lui comme il devait l'être au quotidien sous l'emprise de Lily. « Je préfère qu'on s'arrête là Ezra, avant que je dise encore des choses que je pourrais regretter. Pas parce que je les pense pas, mais simplement parce que tu vas m'accuser de tout dramatiser. » conclut-il en se tournant pour annoncer son départ autant que pour retrouver le regard de Noah, qu'il salua d'un signe de la main. « Je déposerai l'annonce à la salle. » s'engagea-t-il à nouveau avant de se diriger vers la sortie, espérant néanmoins avoir semé le doute chez son frère.

please don't prove i'm right

@charlie beauregard

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***
« T'inquiète pas, j'en discuterai avec elle en temps voulu. » Ezra secoua quelque peu sa tête de gauche à droite à la réponse de son frère, apposant ses mains sur ses hanches. Oh, il ne remettait pas en question les paroles de Charlie: il savait qu’il le ferait dès que l’occasion se présenterait, et c’était surement ça le pire dans tous ça. Lorsqu’il s’agissait d’aller à l’encontre de sa belle-soeur, il était le premier à répondre présent et à faire en sorte de mettre ses paroles à exécution. Lui n’avait jamais compris cette amertume à l’encontre de sa femme, et plus le temps passait moins il la comprenait. Il pouvait entendre que Charlie se fasse du soucis pour lui, mais qu’il choisisse mieux les sujets sur lesquels il voulait défendre ce droit là alors. Alors, s’il voulait se méfier, et que lui en fasse de même à l’encontre de Lily, il allait devoir lui démontrer avec des exemples concrets - et à peine ses mots prononcés, Ezra sut qu’il n’en avait pas sous la main et qu’il le prenait de court. Il secouait déjà sa tête quelque peu de droite à gauche quand il reprit la parole. « Pour l'association, elle a bien placé ses pions. » Il roula des yeux. « N’importe quoi. On sait tous les deux que c’était une super nouvelle pour l’association qu’elle veuille prendre ce poste et prendre l relève surtout. » Cette dernière méritait qu’elle y dédie son attention et son temps, surtout parce-que lorsqu’elle se lançait dans quelque-chose Lily était particulièrement efficace dans l’entreprise. Il n’y avait qu’à voir le nombre d’enfants qu’ils avaient maintenant…

« Elle voulait pas parce qu'elle veut tout contrôler. » - « Elle voulait pas parce-que c’est de Matt qu’il s’agit. »

Le regard de l’ainé suivit celui de son cadet qui se déporta un instant - pour se poser sur Noah. Pinçant ses lèvres, il frotta ses yeux de sa main propre, avant de laisser son regard revenir vers Charlie. Noah ne méritait pas d’assister à leur discussion, surtout pas alors que cette dernière portait sur un sujet qui était aussi sensible pour lui; outre les problèmes de coeur et de couple que la disparition de Matt avait causée, il avait aussi et surtout perdu un oncle qu’il chérissait. « Je préfère qu'on s'arrête là Ezra, avant que je dise encore des choses que je pourrais regretter. Pas parce que je les pense pas, mais simplement parce que tu vas m'accuser de tout dramatiser. » Soupirant, il finit par opiner du chef; ce n’était pas pour les mêmes raisons, mais effectivement il était d’accord de couper court à cette discussion. « Je déposerai l'annonce à la salle. » Il ne s’empêcha pas un petit soupir malgré tout. « Ca marche. Merci. » Et après un dernier regard, Charlie disparut de son champ de vision - quelques pas encore et il fut sorti du garage, alors que Ezra se concentrait de nouveau sur Noah; ce dernier lui jetait un regard presque perplexe. « Quoi ? Toi aussi, t’as quelque-chose à dire ? » Ecarquillant les yeux, Noah secoua sa tête de gauche à droite avant de descendre de son perchoir et de filer dans le bureau de son père en jetant un « Moi je l’aime bien Lily, tu sais. » - ce qui eut au moins le don de tirer un petit sourire à Ezra. C’était toujours ça de pris, à travers la situation.