Se laissant diriger par les instructions de son GPS, il se demanda ce qui lui avait pris en s’inscrivant sur cette fichue application. Il n’avait pas besoin de rencontrer l’amour, il avait déjà tout ce qui lui fallait sur ce terrain. Il n’avait jamais été du genre à vouloir une centaine d’amis non plus. Certes, il en avait tout autour du ventre à l’époque de Londres, mais ces gens-là s’intéressait à lui uniquement pour son patrimoine. Peut-être que c’est ce qui lui manquait au final ? Des personnes qui le connaisse uniquement pour qui il souhaite être et non pas parce que son nom de famille leur était familier. Il n’avait aucune idée de ce qu’allais donner ce rendez-vous avec Ottie. Il ne craignait pas le silence, toute sa vie, on lui avait appris à diriger une conversation, il pouvait le faire dans son sommeil. En réalité, il n’avait aucune idée de ce qui rendait ses mains moites. Le fait qu’il surveillait sa consommation ? Peut-être bien. Il n’avait rien touché depuis quelques jours et forcément que son corps commençait à se rebeller contre lui. S’en était toujours ainsi. Mais il avait encore assez de jugeote, ou Greta avait assez bien fait son boulot, pour ne pas se pointer à une rencontre avec le cerveau embrouillé par la drogue. Secouant la tête, il finit par s’engouffrer dans le parking de l’Université. La soirée promettait d’être intéressante, rien que par le programme qui avait été sélectionner pour eux. Il fallait qu’Arthur lâche un peu du lest sans juger cette fille dès le premier abord. Il savait faire à une époque.

Bien sûr, il était en retard. De peu, mais la jeune femme qui se tenait devant le panneau indiquant le début, des tunnels paraissaient l’attendre. Il passa une main dans ses cheveux avant de la rejoindre, un léger sourire aux lèvres. « Ottie ? » La question se voulait un peu idiote, elle était la seule à attendre à cet endroit. « Tu crois qu’il fallait venir avec une lampe frontale ? » Comme s’il possédait le moindre équipement de camping qui aurait pu être utile. Il avait juré ne pas être claustrophobe, mais Arthur aimait savoir où il se rendait, tout de même. « Prête pour l’exploration ? Ou la trouille de dernière minute ? » Il faisait le malin maintenant, parce qu’il savait faire, rouler des mécaniques avec ses sourires en coin.

Il est venu les mains dans les poches. Est-ce qu’il aurait dû amener quelque chose pour Ottie ? Ce n’est pas un date, ce n’est pas comme s’il allait chercher à la séduire après tout. Ce n’était qu’une opportunité pour rencontrer de nouvelles têtes, juste une soirée comme une autre. Il lui offrira sûrement un verre après leur aventure. Enfin, s’ils en sortent vivants. « En personne » Il lui adresse un sourire et se retient de lui tendre la main. Ce n’est pas une rencontre professionnelle. « Aucune idée, mais j’ai une lampe de poche… Au cas où. » Et c’est là que se dresse la différence entre un esprit féminin et celui d’un homme un peu trop terre à terre comme Arthur. « Tu es venue préparer. » Après, il a bien son téléphone dans sa poche, mais il espère ne pas avoir à se servir de la moindre lampe. 

« Born ready ; et je suis bien trop fière pour avouer avoir la trouille --- fière et bonne actrice, qui plus est. » Il ne peut s’empêcher de rire face à la détermination de la jeune femme. Ils paraissent avoir au moins un point en commun. « J’en déduit que tu n’aime pas les surprises, toi aussi ? » Arthur aime trop avoir une vue concrète de ce qui l’attend et pour le moment, ils font simplement face à l’entrée du tunnel qui n’indique pas grand-chose. « Dire qu’on aurait pu passer la journée avec des koalas… ou des bébés kangourous --- tu crois qu’on a tiré la bonne pioche ou on s’est fait arnaquer avec cette histoire ? » Relevant la tête vers la jeune femme, il s’amuse un peu de sa tirade. « Personne nous oblige à rien, tu préfères aller voir les koalas ? » Après tout, l’application leur avait suggéré l’activité, mais si elle n’a pas envie de s’aventurer dans le tunnel, il ne va pas la forcer. « Mais… Il paraît qu’il y a quelqu’un déguisé en Nephilim sur le parcours. » Bien sûr qu’il s’était renseigné ce matin avant de la rejoindre. « On devrait aller vérifier si c’est vrai et rédiger un commentaire sur TripAdvisor si on nous a menti ? » Il adore ça, écrire des commentaires sur un restaurant ou un lieu. Généralement, c’est lorsqu’il n’a rien de positif à dire, mais parfois, il sait aussi être positif.

Il faut croire que cette application n’a pas fait un si mauvais travail. Ils semblent s’entendre sur le fait que les surprises, ce n’est pas spécialement pour eux. Arthur aurait préféré avoir un guide précis lui indiquant point par point à quoi allait ressembler leur soirée, mais il peut aussi s’adapter au fait qu’il ne se retrouve pas seul et qu’un peu d’aventure ne fait jamais de mal. « Excellente déduction, Watson. » Il hausse un sourcil interrogateur avant de sourire. Si ça l’amuse, il pourrait bien être l’assistant de la détective un peu décalée. Néanmoins, il s’assure qu’elle a bien l’envie d’accomplir l’activité qui les attend. Ce n’est pas dans son idée d’obliger qui que ce soit à faire quelque chose. Mais elle est parue résolue à vouloir explorer le tunnel et cela l’amuse. « L’aventure, c’est mieux que les ours en peluche. » Ce n’est pas qu’il méprise les koalas, mais il ne leur porte pas un véritable intérêt non plus. « Nephilim, tu dis… Ok, là, ça devient définitivement plus intéressant… En plus on est deux contre un… » Il relève les yeux vers elle. « Par ce que tu comptes attaquer quelqu’un ? » Et cette fois, il lui lance un regard empli d’interrogation. « Ou de te laisser corrompre ? » N’est pas le rôle d’un Nephilim que de corrompre l’âme des hommes ? « Allons-y. » D’un geste théâtral, il lui indique l’entrée du tunnel avant de la suivre.

« Et donc comme ça tu es du genre à lire et écrire des commentaires sur TripAdvisor ? » Il ricane face à sa remarque. Ce n’est pas comme s’il faisait cela de manière assidue, loin de là même. « J’ai jamais rencontré de personnes qui écrivent des commentaires --- j’avoue, parfois j’en lis et ça me fait rire. On a un deal. On les bombarde si jamais on est déçu par cette… aventure. » Et dans cinq minutes, elle allait se mettre à sortir tout un attirail de son sac pour s’élancer comme les Goonies. « J’écris que quand j’ai à cœur d’annoncer mon mécontentement. » Autrement dit, son compte ne rassemble que des commentaires négatifs rédigés avec goût. « Il y a rien de plus satisfaisant, en vrai, mais il faut que ce soit bien rédigé, sinon le fun s’annule. » Oui, parfois, il pouvait passer une heure à juste rédiger sa connerie qui dénigre un établissement. « Je peux t’apprendre, mais tu seras piqué après, tu voudras recommencer. » Et pour l’instant, rien ne pouvait réellement s’avérer décevant dans leur début d’aventure. Le tunnel est plutôt bien éclairé et le chemin indiqué. « Quelle idée d’emmener des gens dans des tunnels. On dirait le début d’un film d’horreur de seconde zone. » Autrement dit, tout ce qu’il déteste.