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L’ambiance est à mille lieux de tout ce que Shiloh a pu connaître dans le milieu de la haute couture. Exit les regards emplis de jugements, les questions de hiérarchisation, les centaines de traditions plus idiotes les unes que les autres. Ici, il n’est que question d’amusement, d’excentricité, de couleurs en tout genre et surtout d’un désir de sublimation des corps, qu’importe leur forme. Elle s’émerveille face aux tenues sélectionnées par les participants, les excès de tulles aux couleurs flashy, à l’emploi des paillettes à outrance, le mélange des tissus qui l’étonne et qui surtout l’inspire à chaque seconde. Les notes s’accumulent déjà dans son téléphone, avec des idées, des envies et des folies. Elle est passée entre les mains de Cleo pour un maquillage tout en douceur, mais à la hauteur de l’évènement. Il lui était difficile de garder les yeux fermés tant elle voulait apprendre, voir le déroulement du processus pour mieux le reproduire ensuite. Elle a observé, posé des questions et désormais, elle se sent incroyablement inspirée. 

En jouant quelque peu des coudes, elle a fini par dégoter une petite place à une station de maquillage un peu à l’écart de l’agitation ambiante. Ce n’est pas qu’elle souhaite se cacher, mais elle ne possède pas le même talent que les réels artistes présents et surtout, elle souhaite pouvoir échanger un peu avec Megan sans avoir à lui hurler dans les oreilles. Son amie assise sur la chaise face à elle, Shiloh fouille encore un peu dans la trousse que Cleo a bien voulu lui prêter pour l’occasion. « Je vais te faire quelque chose de simple. » Déjà parce qu’elle n’a pas le talent pour se lancer dans une création complexe, mais surtout parce qu’elle ne veut rien imposer de trop charger à Megan. Après avoir trouvé ce qu’elle voulait, Shiloh se redresse pour se planter devant son amie. « Faut que tu choisisses entre… » Elle lui montre une palette de fard ouverte, puis une autre et enfin une troisième qu’elle tente tant bien que mal de toutes faire tenir entre ses mains. Les trois options réunissent au bas mot les couleurs préférées de Megan et donc un choix cornélien. « Baby pink et gold avec tes yeux, ça ressortirait bien, non ? » Sans attendre, elle approche la palette qui lui semble la plus adéquate pour comparer avec le teint de peau de Megan. Elle lui trouve un teint plus rayonnant, même s’il manque encore un peu d’espièglerie dans son regard. Elle avait tenu à l’inviter à cette journée, pour lui parler de quelque chose en particulier, parce qu’elle a besoin de l’avis de son amie de toujours, mais avant tout, elle a envie de s’amuser. « Et des paillettes ! » Mais elle n’a plus assez de main pour tout lui montrer.

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Je ne dirai pas que je suis comme un poisson dans l’eau dans un endroit comme celui-là, dans un contexte où chacun assume et porte même en étendard son originalité, sans peur de passer pour un marginal. J’ai toujours été une conformiste ou, plutôt, j’ai toujours bien trop cherché à me faire apprécier pour envisager de sortir des lignes bien définies de ce qu’est la norme. Il n’y a pas une once d’intolérance en moi ; j’ai dis à Damon que sa bisexualité ne changeait rien à l’homme qu’il était à mes yeux et je le pensais, tout comme je crois que chacun devrait être la personne qu’il veut être. Simplement, je ne veux pas de ça pour moi. J’ai grandi en marginale. L’expérience m’a traumatisée au point de ne jamais vouloir la réitérer. De toute façon, ce ne sont pas les quelques expériences que j’ai eue pendant ma première année de fac il y a des années qui m’ont convaincue d’explorer un univers relationnel plus vaste. J’aime les hommes, c’est acté.

Mais quand Shiloh m’a annoncé qu’elle participait à un défilé mettant en avant la culture queer et qu’elle avait besoin d’un cobaye pour s’entraîner au maquillage, j’ai accepté sans souffler ou même me forcer à quoi que ce soit. La vérité est simple, finalement, j’ai autant eu envie de passer du temps avec mon amie que j’ai ressenti le besoin de me sortir de l’esprit le combat que nous menons avec Damon contre l’infertilité.

Lorsque j’entre dans le lieu où se tiendra l’événement, je suis habillée bien plus simplement que la majorité des personnes présentes. Avec un jean brut et un débardeur blanc, c’est presque moi qui semble anormale finalement. C’est finalement face à une Shiloh concentrée que je prends place. « Je vais te faire quelque chose de simple. » - « S’il faut que tu t’entraînes, tu peux te lâcher. Tant que je me reconnais quand même un peu dans le miroir. » J’esquisse un sourire amusé tandis que la blonde, qui a déjà fait mon teint observe une palette de fards à paupière de toutes les couleurs, sourcils plissés en signe de concentration. « Faut que tu choisisses entre… » J’ouvre mes les yeux et observe mes options, plissant à mon tour les lèvres. Je suis coquette ; en revanche, je n’ai rien d’une artiste. « Baby pink et gold avec tes yeux, ça ressortirait bien, non ? » - « Je te fais confiance. » Tout ce qu’elle m’a montré est ravissant et je n’ai de tout façon rien de particulier de prévu après si ce n’est de rentrer auprès de Damon. Et même si je ressemble à une peinture plus qu’à une femme, mon époux n’est pas du genre à s’en formaliser. « Et des paillettes ! » - « Evidemment. Autant que tu veux. » Si je ne parle pas le langage du drag, je parle celui des festivals et il s’agit là d’un point d’esthétique que ces deux univers ont en commun.

« C’est marrant, ça ressemble pas du tout au genre d’univers dans lequel j’ai l’habitude de te voir. » Shiloh évolue dans le milieu de la haute couture ou le maximalisme n’est pas à l’ordre du jour, où les tenues, maquillages et tissus ne rassemblent pas en une seule même pièce toute les couleurs de l’arc en ciel. « Pourtant ça te va bien. » Il n’y a aucun sous-entendu caché sur la sexualité de la blonde. Quand bien-même se serait-elle découvert une attirance pour les femmes que cela ne changerait pas grand-chose à mes yeux. Non, ce que je cherche simplement à dire, c’est que dans un univers aussi joyeux et gai que celui-ci, Shiloh rayonne. « Je veux un trait d’eye liner dramatique, je te préviens. » J’esquisse un sourire amusé, avant de refermer les yeux pour la laisser s’affairer.

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« S’il faut que tu t’entraînes, tu peux te lâcher. Tant que je me reconnais quand même un peu dans le miroir. » Elle sait que Megan est venue pour elle, uniquement parce qu’elle le lui a demandé. Ce ne serait pas d’elle que de lui imposer quelque chose qui viendrait clasher avec sa personnalité ou ses goûts. Elle a simplement l’intention de s’amuser, en profitant de la présence de son amie et, pourquoi pas, en l’aidant à se sentir belle dans le miroir. Après les dernières épreuves que Megan a traversées, il n’y a pas de mal à prendre soin de soi, et à vouloir lui proposer une après-midi de détente. « J’ai une idée, et ce sera rien qui ne te correspond pas. » C’est peut-être également un avantage conséquent de si bien connaître le modèle. « Je te fais confiance. » Et pourtant, Shiloh prend un temps inconsidérable pour être certaine de choisir les bonnes couleurs, quelque chose qui plaira à Megan sans donner dans une extravagance qui serait la touche de trop. « Évidemment. Autant que tu veux. » Au moins, dès que ça brille, elles trouvent un terrain d’entente. Shiloh sait que son amie maîtrise les codes des festivals de nos jours, la bonne dose de paillettes sur un os saillant et c’est une pommette qui irradie sous les projecteurs. Il sera aisé de mettre en valeur ce visage de poupon avec des touches de lumières placées à des endroits stratégiques.

Préparant son matériel, elle se laisse surprendre par la réflexion de Megan. « C’est marrant, ça ressemble pas du tout au genre d’univers dans lequel j’ai l’habitude de te voir. » Exit les atmosphères austères et bien trop rigides, et bienvenue dans un monde bien plus empli de tolérance et d’autorisation à tout essayer, qu’importe le résultat. « Pourtant ça te va bien. » Un sourire timide étire ses lèvres maquillées. C’est un peu comme si Megan avait lu dans ses pensées. « Je veux un trait d’eye liner dramatique, je te préviens. » Un léger grognement dramatique, justement, lui échappe. « Mais c’est si dur à faire sur les autres ! » Elle n’a déjà pas l’habitude de le faire sur elle-même, mais pour Megan, elle essayera. L’idée d’un trait de liner doré lui vient en tête, quelque chose qui saura sublimer ce qu’elle compte appliquer sur ses paupières. « Je vais commencer par les fards d’abord, et après, on ajoutera toutes les touches dramatiques qui te viennent en tête. » Elle commente en riant légèrement, n’oubliant absolument pas la remarque de Megan sur ce milieu qu’elles découvrent un peu ensemble. Alors qu’elle plonge son pinceau dans le premier fard qu’elle compte utiliser, Shiloh se racle un peu la gorge. « C’est le moment parfait pour te dire que j’envisage de démissionner. » Elle attend une seconde, que Megan réagisse, sans qu’elle ne vienne lui crever l’œil avec son pinceau. « L’idée me terrorise et en même temps, j’y pense trop régulièrement pour ne rien en faire. » Travailler chez Weatherton, c’est la sécurité, sa promotion datant de moins d’un an, elle a fait ses classes depuis plusieurs années. Ce serait une folie que de partir. Et pourtant, depuis plusieurs mois, Shiloh ne se sent plus aussi bien à son travail, constamment excédée par les agissements des vipères, outrée par la sélection des mannequins et désemparée face au désintérêt récurrent de James. « Je crois que je me sens plus à ma place. » Et les idées d’avenir s’empilent dans les notes de son téléphone, sans qu’elle n’ose vraiment faire ce saut dans le vide.

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« J’ai une idée, et ce sera rien qui ne te correspond pas. »
« Fonce. »

Ma confiance en mon amie est entière et mon envie de penser à autre chose bien présente. A partir de là, tant que je ne ressemble pas à un homme qui essaye de passer pour une femme en ressortant de cette séance de maquillage, je serais satisfaite. Si cela ne me plait pas, je serais de toute façon clémente avec Shiloh – elle seule a le droit à ce genre de privilège – et ne me plaindrai pas ; je me contenterai de me démaquiller immédiatement en arrivant chez moi et personne ne sera blessé. «  Mais c’est si dur à faire sur les autres !» - « T’es maquilleuse aujourd’hui t’es pas maquilleuse ? » Sur un ton amusé, je lui rétorque ces quelques mots avec un air satisfait et un tantinet suffisant sur mon doux minois. En réalité, tant que la blonde s’amuse ici, c’est tout ce qui compte à mes yeux. « Je vais commencer par les fards d’abord, et après, on ajoutera toutes les touches dramatiques qui te viennent en tête. » - « Deal. » De toute façon, puisqu’elle tient mon visage entre ses pinceaux et qu’il n’y a aucun miroir en face de moi pour que je puisse suivre en direct ce qu’elle est en train de faire, elle peut bien s’organiser comme elle le désire.

« C’est le moment parfait pour te dire que j’envisage de démissionner. » Surprise, je recule la tête en écarquillant légèrement les yeux. « Sérieux ? » Shiloh m’a annoncé il n’y a même pas un an qu’elle devenait l’une des nouvelles stylistes de la maison de luxe dans laquelle elle trimait en tant que petite main depuis des années. Elle a travaillé dur pour en arriver là, j’ai toujours pensé que c’était son rêve, si bien que je suis réellement étonnée qu’elle pense déjà à tout arrêter. « L’idée me terrorise et en même temps, j’y pense trop régulièrement pour ne rien en faire. » Je fronce les sourcils, avant d’avancer doucement mon menton pour qu’elle puisse à nouveau s’occuper de mon visage. Malgré cela, ma curiosité est piquée et elle ne perd rien pour attendre. « Je crois que je me sens plus à ma place. » - « Comment ça ? » Son boss lui rend-t-il la vie difficile ? Ses nouveaux collègues ne l’acceptent-ils pas, en tant que petite nouvelle ? « Tu t’es battue pour ce poste, non ? Qu’est ce qui ne va pas ? » Je choisis mes mots et mon ton avec soin, peu désireuse de la braquer ou de la faire douter. Shiloh a du mal avec les grandes décisions alors, si celle-là est la bonne pour elle, je ne veux pas la faire douter en sous entendant qu’elle est ingrate. Je ne le pense même pas un peu. « On te traite mal, là-bas ? »

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« T’es maquilleuse aujourd’hui ou t’es pas maquilleuse ? » Sous le coup de la surprise, un rire lui échappe. « Je suis maquilleuse ! » Qu’elle affirme sans jamais se défaire de son sourire, consciente que Megan semble juste vouloir lui rappeler avec amusement qu’elle est parfaitement capable de s’en sortir quand elle se détermine. Elle sent bien que son amie n’est pas particulièrement à l’aise, mais elle compte bien lui faire un make-up qui ne lui donnera pas envie de tout retirer à peine passé la porte de chez elle. Plutôt quelque chose qu’elle trouvera à son goût et qu’elle aura hâte de montrer à son mari. C’est son objectif, en tout cas.

Elle ne l’avait peut-être pas fait de manière intentionnelle, mais ce moment paraît presque idéal pour se confier un peu sur ses dernières pensées qui sont loin de faire parfaitement sens. « Sérieux ? » Elle reconnaît l’étonnement dans le regard de Megan et hausse quelque peu les épaules. C’est compliqué à expliquer quand elle a tant voulu obtenir ce poste qui est désormais le sien. « Comment ça ? » Elle s’applique à ne pas louper la paupière de Megan et celle-ci doit prendre son silence comme un aveu de malaise ou quelque chose dans le genre. « Tu t’es battue pour ce poste, non ? Qu’est ce qui ne va pas ? On te traite mal, là-bas ? » C’est plus fort qu’elle, un léger rire lui échappe. « Toujours prête à sortir les griffes pour me défendre. » Et pourtant, ce n’est clairement pas nécessaire cette fois. Shiloh est peu sûre d’elle, certes, mais c’est bien plus parce que l’avenir loin d’une grande maison de Haute Couture l’effraye quelque peu. Surtout l’aspect financier, en réalité. Autrement, s’il ne fallait pas prendre ce détail en compte, elle aurait sûrement déjà déposé sa lettre de démission sur le bureau de James. « Les vipères restent les vipères, mais ça fait bien longtemps que je prête plus attention aux rumeurs qu’elles démarrent sur mon dos. » Elle a déjà tout entendu de toute manière et elle ne souhaite plus leur accorder le moindre crédit. « Les choses ont drôlement changé depuis le décès de Norman Weatherton. » Outre l’absence grandissante de James. « Et en réalité, je suis plus certaine d’être en parfaite osmose avec les diktats imposés par le monde des défilés de mode. » Elle qui a tant idolâtré ce milieu, elle semble enfin ouvrir les yeux sur tout ce qui ne va pas en réalité. D’un geste plutôt assuré, elle peint la paupière de Megan, avant de marquer une pause. « Tu verrais les mannequins qu’ils ont sélectionnés pour le prochain défilé, les filles sont toutes plus maigres les unes que les autres. » Et encore, sa description reste faible, les demoiselles sont en réalité squelettiques. « Je suis pas certaine de vouloir encenser ça pour le reste de ma vie. » Surtout lorsqu’elle se sent aussi bien et à sa place dans le genre de milieu dans lequel elle évolue depuis le début de matinée.

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« Toujours prête à sortir les griffes pour me défendre. » Et il en sera toujours de même, je n’ai pas l’intention de rester sans réagir - quels que soient mes propres problèmes et leur urgence - si quelqu’un s’en prend à Shiloh. J’ai "payé" ma dette à son égard depuis bien longtemps. La gamine qu’elle a protégée des moqueries quand notre écart d’âge était encore signifiant ne se sent plus redevable depuis longtemps. Si je tiens à la protéger c’est d’une part parce que je l’aime de tout mon coeur, et d’autre part parce que je sais que les êtres comme Shiloh sont bien plus susceptibles de tomber sur… Et bien sur des gens comme moi. Discrète et effacée, il est bien plus facile de l’écraser que ce n’est le cas de la majorité des individus, et je ne pourrais pas tolérer que quelqu’un le fasse. Moi-même, je l’ai toujours gardée bien à l'abri de mes côtés les plus piquants et les moins… Agréables et fréquentables, disons. Ses dires, je les confirme donc d’un claquement de langue amusé. « Les vipères restent les vipères, mais ça fait bien longtemps que je prête plus attention aux rumeurs qu’elles démarrent sur mon dos. » Ce n’est pas ça donc, elle le dit et je la crois : Shiloh n’est pas une menteuse particulièrement douée. Elle est au contraire plutôt facile à lire. « C’est pas pour autant que je les déteste pas. » Et si intégrer ce genre de mauvais de haute couture n’avait pas été le rêve de mon amie, il y a bien longtemps que j’aurais tenté de la convaincre de faire quelque chose. Mais elle s’est battue dure pour avoir ce poste, si bien que j’ai ravalé mon venin et mes envie de briser une ou deux rotules pour qu’elle puisse le conserver. Qu’est-ce qui a changé, dans ce cas ?

« Les choses ont drôlement changé depuis le décès de Norman Weatherton. » - « Hum ? » Je n’ai suivi l’information qu’avec un intérêt modéré. Lorsqu’un pilier de la mode décède dans des circonstances aussi tragiques que dans une tempête ayant ravagé la ville, cela fait forcément parler, mais j’ai eu mon lot de tragédie à gérer en début d’année, si bien que les ragot ne me concernant pas direction sont passés au second plan à mes yeux. Je n’ai pas imaginé toutefois que cela changerait quelque chose pour Shiloh, puisqu’elle n’était à peine qu’une jeune styliste ; pas le genre à être en contact avec le créateur. « Quel genre de choses ? » L’ambiance sur son lieu de travail ? La dose de stress et de pression placée sur ses épaules ? La politique même de l’entreprise ? Je me moque bien de la maison Weatherton, en revanche, je m’intéresse à Shiloh et à tout ce qui remue son quotidien. « Et en réalité, je suis plus certaine d’être en parfaite osmose avec les diktats imposés par le monde des défilés de mode. » - « Ah, ça… » Je n’ai pas de mal à l’imaginer. Lorsque je bossais sur des shooting - en tant que photographe - j’étais généralement atterrée par le manque de personnalité des physiques choisis, par ces filles qui n’osaient même pas ouvrir la bouche pour dire qu’elles avaient fait, besoin d’aller au toilette ou simplement de prendre une pause après trois heures entières debout sur des talons de douze centimètres. J’ai toujours pensé que la beauté exigeait des sacrifices - je n’ai jamais été engagée dans les causes féministes d’acceptation de soi ainsi que de body positive. Toutefois, j’avais parfois du mal à trouver de la beauté et de la vie dans ces corps. « Tu verrais les mannequins qu’ils ont sélectionnés pour le prochain défilé, les filles sont toutes plus maigres les unes que les autres. » Je fais une grimace désolée en tentant toutefois de ne pas mobiliser le haut de mon visage sur lequel Shiloh s’affaire avec ses pinceaux. « Je suis pas certaine de vouloir encenser ça pour le reste de ma vie. » - « Ça n’a pas toujours été comme ça ? » Je n’ai jamais suivi l’actualité de son employeur en particulier, j’avais simplement le constat que c’était une sorte de règle pas si tacite que ça dans toute l’industrie de la mode et ce depuis des décennies. « Ça fait peur de se jeter dans l’inconnu comme ça, t’es courageuse. » Je l’ai moi-même fait en reprenant mes études mais le courage que cela m’a demandé est très relatif : être mariée à Damon m’offre un confort financier qui fait office de filet ; je ne prends pas un énorme risque. « Tu sais où tu voudrais bosser ? J’ai du mal à te voir faire autre chose que créer. » Depuis aussi loin que je me souvienne, Shiloh confectionnait des vêtements à l’image de sa personnalité. Je ne l’imagine pas emprunter une voie radicalement opposée.

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Ce n’est pas une pensée nouvelle qu’elle s’autorise enfin à exprimer, mais plutôt le fruit d’une réflexion qui dure depuis des semaines. Néanmoins, avoir une idée est une chose, en parler pour la première fois à haute voix se veut bien plus différent. Tout cela devient concret, à mesure qu’elle s’exprime, Shiloh réalise que ce n’est pas quelque chose qui lui passera en un claquement de doigt et cela l’effraye quelque peu. « Hum ? Quel genre de choses ? » Elle n’a pas réellement parlé de tout ce qui trame en coulisse depuis des mois désormais, mais c’est également ce qui l’a amenée à revoir ses attentes et à prendre conscience que quelque chose clochait. « James est énormément absent. » Par pudeur, elle choisit de taire les problèmes de boisson de son mentor. « Son assistante a démissionné et c’est avec elle que je travaillais le plus souvent ces derniers temps. » Si au départ, elle avait craint Millie, leur collaboration s’était avérée très enrichissante. Mais le départ de la jeune femme a créé un bouleversement et éveillé les assoiffés de sang. Les changements n’ont pas réellement été soudains, mais plutôt diffus dans le temps. De manière sournoise, certaines personnes siégeant au conseil d’administration ont décidé de reprendre les rennes à leur manière, crachant sur l’héritage de la famille Weatherton et implantant leur idée à l’opposé de la direction artistique suivie jusque-là. « Ça n’a pas toujours été comme ça ? » - « Ça n’avait jamais été aussi évident. » James tentait de diversifier son choix des modèles, il n’était pas dans une inclusion totale, mais il s’éloignait du stéréotype de la fille qui pouvait passer sans mal entre le mur et l’affiche. « Ou alors, peut-être que je n’y prêtais pas assez attention. » Elle n’est pas certaine de trouver un juste milieu dans son changement d’opinion, mais une chose est sûre, Shiloh ne se sent plus en harmonie avec la maison. « J’ai l’impression de créer pour alimenter une image erronée de la femme et… Peut-être que c’est juste plus pour moi tout ça, qu’importe si j’ai obtenu le poste de mes rêves. » Son mentor est aux abonnés absent, sa meilleure alliée s’en est allée vers d’autres horizons et Shiloh a perdu le voile qui filtrait sa vision jusque-là. 

« Ça fait peur de se jeter dans l’inconnu comme ça, t’es courageuse. » Un léger rire lui échappe alors qu’elle échange son pinceau pour un autre un peu plus touffu. « Ce n’est qu’une idée, Megan, j’ai encore rien fait. » Elle aimerait, plus que tout, mais elle est littéralement terrorisée à l’idée de se jeter dans le vide. Démissionner, c’est abandonner un salaire confortable, et pour quoi ? « Tu sais où tu voudrais bosser ? J’ai du mal à te voir faire autre chose que créer. » Elle ne se voit pas faire autre chose non plus et l’idée est bien là quelque part. « J’ai une idée… Mais c’est un peu fou. » Plus fou que tout ce qu’elle avait pu envisager depuis son retour à Brisbane. C’est un saut dans le vide, sans filet et sans assurance que cela fonctionne. Posant son pinceau, elle prend appui sur la coiffeuse, juste un instant pour tout dire à Megan. « J’aimerais créer ma propre marque. » Alors qu’elle s’entend parler, elle grimace, consciente que cela est plus qu’ambitieux. « Enfin… J’aimerais ouvrir une petite boutique en ligne pour commencer. » Elle s’est déjà un peu renseignée, Etsy ne fonctionnera pas, mais pourquoi pas s’associer à Lewis pour monter un site interne digne de ce nom ? « Vendre mes propres créations, créer quelque chose de véritablement inclusif, pour tous les corps et toutes les femmes. » Elle va s’emballer si elle continue, mais elle observe surtout les traits de son amie, à l’affût de la moindre grimace qui lui dira que tout cela est complètement fou. « Je sais que c’est ambitieux, je vais sûrement devoir trouver un autre job à côté, mais je sais pas… Tu trouves ça fou ? » Elle a besoin de son avis, pour se faire une idée, pour échanger avec quelqu’un qui la connaît et qui a la tête sur les épaules, surtout.

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« James est énormément absent. » Et ? Je suppose que de tout évidence, en tant que jeune styliste, elle ne devait pas travailler comme ça avec l’un des pontes, l’héritier en personne de la maison, non ? Était-il comme un genre de mentor pour elle ? Force est d’admettre que je ne suis pas la plus assidue pour poser des questions aux autres et m’intéresser à autre chose que mon nombril. Bien sûr, je suis toujours là quand la blonde le demande, et mon affection pour elle est aussi profonde que sincère. Sauf que m’intéresser aux autres n’est pas mon mode de fonctionnement par défaut, qu’avec les quelques personnes dont je suis proche je fais l’effort, je fais de mon mieux, mais je ne suis pas à l’abri de commettre des erreurs. En bref : je me suis peu intéressée au contexte professionnel de Shiloh, même si j’ai été là pour fêter avec elle se réussites. « Son assistante a démissionné et c’est avec elle que je travaillais le plus souvent ces derniers temps. » Ca, je le comprends un peu mieux. « Merde, c’est la merde là-bas pour que tout le monde quitte le navire ? » Ce tout le monde est peut-être un peu excessif mais cela a l’air d’être à ce point pour mon amie.

« Ça n’avait jamais été aussi évident. Ou alors, peut-être que je n’y prêtais pas assez attention. » - « Ouais, je vois. » Elle ne serait pas la première à avoir des étoiles plein les yeux, à avoir rêvé toute sa vie d’occuper un poste comme le sien dans une maison de haute couture et à occulter ce que l’industrie représente. Je ne suis pas du genre à militer contre la représentation de la femme dans la société, autant par manque d’intérêt que parce que ma propre conception de la chose est faussée, mais je suis toutefois consciente de la réalité de ce genre d’entreprise. « J’ai l’impression de créer pour alimenter une image erronée de la femme et… Peut-être que c’est juste plus pour moi tout ça, qu’importe si j’ai obtenu le poste de mes rêves. » - « T’ouvres les yeux. Ça doit pas être évident. » Parce qu’elle l’a dit : c’est le job de ses rêves. A partir de là, la chute doit être bien plus douloureuse pour elle que pour quelqu’un qui n’a que faire de ce genre d’endroit.

« Ce n’est qu’une idée, Megan, j’ai encore rien fait. » - « Peut-être, mais t’y penses et c’est déjà un début. » C’est même celui par lequel sont obligées de passer toutes les personnes qui songent à tenter quelque chose d’inhabituel. Il faut y penser, avant de faire « J’ai une idée… Mais c’est un peu fou. » - « Fou et Shiloh Atkins ? » Un sourire espiègle étire mes lèvres alors que je me moque gentiment d’elle. « Je pensais pas entendre ça un jour. » Elle est plus mesurée et précautionneuse que tête brûlée, ma meilleure amie. Il n’y a pas de mal à ça, bien sûr, mais le constat reste le même. « J’aimerais créer ma propre marque. » Mon sourire s’agrandit et, cette fois, il est parfaitement authentique. Ca, c’est le genre de nouvelle que j’aime entendre. Si on me demande mon avis, elle a le talent nécessaire, celà ne fait pas l’ombre d’un doute. Et elle a aussi la personnalité : tout le monde qui prend des cours est capable de créer des vêtements, je suppose. Mais tout le monde n’a pas l’univers doux et acidulé et la créativité de Shiloh. Je suis certaine qu’elle a tout ce qu’il faut. « Enfin… J’aimerais ouvrir une petite boutique en ligne pour commencer.  » - « C’est génial. C’est une super idée, doute pas de toi comme ça. » Ce n’est pas surprenant qu’elle le fasse, c’est qui elle est. « Vendre mes propres créations, créer quelque chose de véritablement inclusif, pour tous les corps et toutes les femmes. Je sais que c’est ambitieux, je vais sûrement devoir trouver un autre job à côté, mais je sais pas… Tu trouves ça fou ? » - « J’en pense que plus je t’écoute, plus je me dis que c’est une évidence. » Son univers se rapproche bien plus de la petite marque indépendante que de celui d’une maison de haute couture, si on veut être tout à fait honnête. Et je pense que sa personnalité fait d’elle quelqu’un qui s’épanouira bien plus comme ça. « Tu peux pas commencer par te lancer en gardant ton boulot ? Juste pour tâter le terrain et voir si t’arrives à vendre ? » Son job est-il trop prenant ? Est-ce une question de "déontologie", de "non-concurrence" ? « T’as peur de pas avoir le temps ? » Peut-être cherchera-t-elle plutôt un travail à mi-temps plutôt que celui qu’elle occupe actuellement. « En tout cas, compte sur moi pour poser pour tes collections. » Je sais qu’elle ne m’a rien demandé, mais je m’impose puisqu’en tout modestie, je suis une évidence.

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« Merde, c’est la merde là-bas pour que tout le monde quitte le navire ? »
« Je pense pas être la seule à réaliser que ce n’est plus comme avant. »

Le ressenti est assez complexe à décrire, mais Shiloh a bien noté que l’ambiance au sein de la maison de couture n’était plus la même depuis le décès du patriarche. Les choses ont changé, les relations entre les uns et les autres se sont exacerbées et certains n’hésitent pas à piétiner les autres pour gagner du grade. Le monde de la haute couture a toujours été particulièrement compétitif, assez cruel même, mais jamais Shiloh ne s’était autant sentie complètement à côté de la plaque et plus véritablement à l’aise dans ce milieu qu’elle a toujours adoré plus que tout. Peut-être également qu’elle avait fini par grandir, reprenant pleinement possession de sa personnalité et repensant enfin ses priorités, ses rêves et ses désirs. « T’ouvres les yeux. Ça doit pas être évident. » Elle hausse légèrement les épaules, changeant de pinceau pour étaler une nouvelle couleur sur les paupières de son amie. « Les choses changent, mais pour une fois, j’ai réellement envie de penser à moi. » Pas au point d’en devenir égoïste, elle n’a jamais été ainsi et ne le sera jamais, mais pour la première fois depuis des années, Shiloh s’autorise de nouveau à rêver et à envisager de prendre action sur ses envies. 

« Peut-être, mais t’y penses et c’est déjà un début. » - « Et je peux te dire que j’y pense beaucoup. » Qu’elle ajoute en riant légèrement. Ce n’est pas une obsession, mais tout de même, cela ne serait pas très loin de la définition, surtout depuis qu’elle a osé en parler à certaines personnes. En parler rend le désir encore plus réel. « Fou et Shiloh Atkins ? Je pensais pas entendre ça un jour. » Elle rit légèrement, avant de lancer son idée folle. Elle ne s’attendait à rien en particulier, mais le sourire rayonnant de Megan réchauffe son cœur et lui donne un peu moins l’impression d’être complètement à côté de la plaque. « C’est génial. C’est une super idée, doute pas de toi comme ça. » Un sourire étire ses traits et, pour une fois, elle choisit de plaisanter de sa personnalité. « Ce ne serait pas moi si je doutais pas un peu. » Un peu, beaucoup en réalité, mais elle n’a pas réellement besoin de le préciser, Megan est bien au courant. Elle le devine dans son regard, cette simple manière qu’elle a de la fixer pour lui indiquer qu’il ne faut pas qu’elle lâche, que c’est réelle une bonne idée qu’elle tient au bout de ses doigts. « J’en pense que plus je t’écoute, plus je me dis que c’est une évidence. » Elle aussi semble avoir trouvé la voie qui serait son évidence, le résultat d’années de travail et qui se concrétiserait juste avec un peu de retard sur le planning initial. Cela a toujours été son rêve. Dans le fond, il s’était simplement retrouvé jeté à la poubelle pour tout un tas de raisons. « Tu peux pas commencer par te lancer en gardant ton boulot ? Juste pour tâter le terrain et voir si t’arrives à vendre ? » Il faut croire que Megan a toujours ce don de pouvoir lire dans ses pensées. « T’as peur de pas avoir le temps ? » Elle hoche la tête légèrement. « Bosser pour Weatherton me prend énormément de temps, en plus avec les Fashion Week qui arrive, ça va être de nouveau sport. » Elle ne s’en plaint pas, c’est un rêve malgré tout, cela s’éloigne de sa personnalité et de ses envies, mais Shiloh ne crache pas sur la chance qu’elle possède d’être parvenue au poste de styliste. « J’ai déjà quelques prototypes en vrai, peut-être que je pourrais juste me lancer avec ça, voir si ça prend. » Elle doit encore s’attarder sur les questions de logistique et la gestion pratique de ce projet qui lui tient tant à cœur. « Je veux pas me précipiter et faire les choses de travers. » Minutieuse autant dans sa couture que dans ses projets, Shiloh pensera forcément au moindre détail avant de se lancer pleinement dans l’aventure. « Lewis a déjà proposé de me créer le site internet gratuitement. » Elle sait qu’avec lui, il n’y aura aucun bug et que tout sera à l’image de ce qu’elle a en tête. « En tout cas, compte sur moi pour poser pour tes collections. » Son regard s’illumine alors qu’elle n’avait pas encore osé en arriver à ce sujet précis. « C’est vrai ? Tu ferais ça ? » Ce n’est pas qu’elle en doute, mais comme toujours, Shiloh craint de s’imposer et estime que les gens ont toujours mieux à faire que de prendre du temps pour l’aider. « J’ai déjà plein d’idées, tu sais, je pensais proposer des hauts comme le dernier que je t’ai fait, tu sais, le rose pâle. » Elle ne copiera pas les pièces qu’elle a offertes à sa meilleure amie, gardant à cœur le souhait de lui avoir créé des pièces uniques, mais ce haut là se voulait assez basique. « Et peut-être aussi une robe pour commencer. » Elle n’a aucune idée de la quantité qu’elle va devoir créer, ni même si cela plairait à qui que ce soit en réalité. « Je sais que tu es biaisé puisque ta garde-robe est remplie de trucs faits par mes mains, mais… Tu penses sincèrement que ça pourrait plaire ? » 

make the whole place shimmer crédit gif - crédit/raquelsgifs Megan Williams & @Shiloh Atkins

« Je pense pas être la seule à réaliser que ce n’est plus comme avant. » Je ne pensais pas entendre ces mots de la bouche de Shiloh un jour, ni voir un géant du luxe comme l’est Weatherton traverser ce genre de mauvaise passe. Du reste, je m’en moque parfaitement : tout ce que je retiens de mon côté c’est que Shiloh ne se sent plus à sa place là-bas, et il n’y a qu’elle qui compte à mes yeux. « Les choses changent, mais pour une fois, j’ai réellement envie de penser à moi. » - « Encore heureux. » Mon exaspération est moins dirigée vers la blonde que vers tous ceux qui ont profité de sa tendance à manquer parfois d’égoïsme. Je n’attendais que ça, que de la voir réfléchir en pensant un peu plus à elle et un peu moins aux autres, à ceux qu’elle peut décevoir en cours de route. « Tu dois rien à personne là-bas. » Je me moque qu’elle considère certains là-bas comme ses mentors, ou qu’elle pense devoir une reconnaissance éternelle à ceux qui lui ont donné sa chance. « C’est pas une ONG. Personne t’aurais donné ta chance si tu l’avais pas méritée. » Et bien sûr, la décision avait certainement été prise pour le bien de la maison ou pour des histoires de rentabilité bien plus que pour faire plaisir à Shiloh. Le monde du travail, surtout celui dans lequel elle évolue, est fait comme ça. L’humanisme n’y a rien a faire dans les questions de business. « C’est le business. Si t’as une meilleure opportunité ailleurs, tu dois penser qu’à toi. » Je hausse les épaules, comme si c’était aussi simple que ça. A mes yeux, ça l’est ; je n’ai jamais fait dans le sentimental lorsqu’il était question de ma vie professionnelle.

« Et je peux te dire que j’y pense beaucoup. »
« C’est que c’est vraiment supposer arriver alors. »

Je ne crois pas forcément en le destin ou ce genre de choses. Mais je connais assez Shiloh pour savoir quels sont les arguments à avancer pour la convaincre et, surtout, quels sont les genre de choses qui lui traversent l’esprit. « Ce ne serait pas moi si je doutais pas un peu.  » - « Je sais que tu peux le faire. Si t’as besoin d’un coup de pied aux fesses, tu sais où me trouver. » J’esquisse un sourire, en tentant de rester le plus immobile possible puisqu’elle s’affaire toujours à me maquiller. Vu le temps qu’elle y passe, j’ai presque l’impression de me retrouver sur l’un des shooting que j’ai fait une de mes campagnes photo. Je me demande à quoi le résultat final ressemblera. « Bosser pour Weatherton me prend énormément de temps, en plus avec les Fashion Week qui arrive, ça va être de nouveau sport. » Elle se tue au travail, pas besoin d’être devin pour ça. Même moi qui n’ait été qu’à moitié là pour mes amies ces derniers mois, je m’en suis rendue compte sans mal. « Tu peux pas demander de réduire tes heures ? Peut-être pas pour passer sur un mi-temps, mais quatre-vingt pour cent ou quelque chose du genre ? » Et puis, si cela ne lui convient pas, il sera toujours possible pour elle de démissionner plus tard. Elle n’est pas mariée à son boulot, et elle n’a pas plus signé un contrat avec son sang. « J’ai déjà quelques prototypes en vrai, peut-être que je pourrais juste me lancer avec ça, voir si ça prend. Je veux pas me précipiter et faire les choses de travers. » - « Commencer petit, avec une fabrication à la commande, tu verras bien si ça prend. » Je la sais capable de relever ce genre de défi haut la main et, visiblement, je ne suis pas la seule… « Lewis a déjà proposé de me créer le site internet gratuitement. » - « Oh, Lewis ? » Un sourire espiègle étire mes lèvres, et je me recule même mon visage de quelques centimètres pour pouvoir la regarder dans les yeux et déceler sans son regard ou dans le rougissement de ses joues un quelque chose qui accompagne ce prénom masculin. « Comme c’est gentil de sa part. » Mon sourire ne faiblit pas. « Et généreux et désintéressé, aussi. » Je ne pose pas de question tout de go. Toutefois, elle flotte dans l’air qui nous sépare elle et moi, et quiconque me connaissant un petit peu serait capable de déterminer ce que je pense. Shiloh, elle, me connaît plutôt très bien.

« C’est vrai ? Tu ferais ça ? » - « Comme si j’allais refuser, tiens. » Cela ne me coûte pas grand-chose. Il n’y a qu’un seul obstacle à la réalisation de ce projet, finalement… « Si tant est qu’on fasse ça assez vite. » Un sourire étire mes lèvres et, une fois de plus, je profite du fait que Shiloh ne soit pas au fait de nos problèmes de fertilité, à Damon et moi, pour me projeter dans la maternité sans penser à tous les problèmes que nous rencontrons en chemin. « Avant que je rentre plus dans mes fringues, de préférence. » Je n’ai rien à annoncer à Shiloh et, qu’elle s’emballe par erreur me ferait plus de mal que de bien, si bien que je précise rapidement. « Je suis pas encore enceinte, je préfère le préciser. » Mais bientôt, ou en tout cas, c’est encore ce en quoi je veux croire.

« J’ai déjà plein d’idées, tu sais, je pensais proposer des hauts comme le dernier que je t’ai fait, tu sais, le rose pâle. Et peut-être aussi une robe pour commencer. » - « Pour quelqu’un qui commence à peine à y penser, t’y as vachement réfléchi. » J’espère qu’elle réalisera bien vite qu’elle se projette bien trop pour que ce soit une lubie, ou même une mauvaise idée. « T’as mis un peu d’argent de côté en plus, non ? » Elle doit bien gagner sa vie à Weatherton, et elle n’a pas vraiment le temps de dépenser tout son salaire, puisqu’elle passe des week-end entiers à travailler. La connaissant, Shiloh a fait la fourmi. « Je sais que tu es biaisé puisque ta garde-robe est remplie de trucs faits par mes mains, mais… Tu penses sincèrement que ça pourrait plaire ? » Mes yeux roulent dans leurs orbites, signe qu’à mes yeux la réponse à cette question n’est rien de moins qu’une évidence. « T’es bourrée de talent, Shiloh, vraiment. » Elle a toujours eu besoin de l’entendre et, chez elle, il ne s’agit pas de fausse modestie parce qu’elle prend du plaisir à se faire dire ce genre de chose. Elle doute vraiment, chose que je ne comprendrais réellement jamais étant donnée sa réussite dans le domaine. « Et je suis pas la seule à le penser. T’aurais jamais progressé aussi vite chez Weatherton sans ça. »

make the whole place shimmer crédit gif - mikaeled shiloh & @megan williams brisbane pride festival

Il est rare que Shiloh fasse passer son bonheur avant celui des autres. Assez pour que Megan le souligne sans la moindre hésitation. « Encore heureux. » C’est tout elle que de s’exaspérer pour si peu. Shiloh n’y voit rien de mal, elle sait que Megan aimerait la voir plus égoïste parfois, sur ce point elles ont toujours été diamétralement opposées. « Tu dois rien à personne là-bas. » Il est vrai. Elle n’est pas mariée à son job, mais tout de même. James lui a offert une deuxième chance, il a accepté sa candidature pour le poste alors que tout allait être clos, il a même validé cette dites candidature et, un peu, grâce à lui, elle a obtenu ce poste qu’elle convoitait depuis si longtemps. Elle ne doit rien à personne, si ce n’est à cet homme, pas vrai ?  « C’est pas une ONG. Personne t’aurais donné ta chance si tu l’avais pas méritée. » Elle n’est pas entièrement d’accord, pas sur tous les points, mais cela fait longtemps que Shiloh a appris à ne pas se battre avec les convictions de Megan. C’est futile et cela n’amènera jamais rien de bon dans leur amitié. Elles ont deux visions différentes des choses, ainsi soit-il. « C’est le business. Si t’as une meilleure opportunité ailleurs, tu dois penser qu’à toi. » Elle ne peut s’empêcher de rire un peu, malgré tout. « L’opportunité n’existe même pas réellement. » Elle vivote dans un coin de sa tête, c’est certain, mais personne n’est venu la chercher pour lui proposer de se lancer. « C’est un saut dans le vide là. » Un vrai, de ceux qui font peur, mais qui amène une adrénaline que Shiloh n’avait pas ressentie depuis si longtemps qu’elle lui était foncièrement étrangère. « Je sais que tu peux le faire. Si t’as besoin d’un coup de pied aux fesses, tu sais où me trouver. » Décalant son pinceau au bon moment, Shiloh se mit à rire. « Pas trop fort le coup de pied, okay ? » Elle en aura besoin, elle le sait. Megan recevra sûrement plusieurs messages paniqués à l’idée de lancer le site Internet, de créer un nouveau modèle, ou tout un tas d’autres éléments au long du parcours. Et Shiloh sait que son amie répondra présente, pour la secouer gentiment ou pour l’encourager dans son désir d’enfin prendre son propre envol. 

« Tu peux pas demander de réduire tes heures ? Peut-être pas pour passer sur un mi-temps, mais quatre-vingt pour cent ou quelque chose du genre ? » Elle n’avait pas envisagé cette option et, déjà, une part d’elle sait qu’elle n’aura jamais le courage d’aller demander une telle chose. « Je suis pas sûre que ce soit possible… » Parce que les Fashion Week s’enchaîne, parce que James lui a confié quelques clients particuliers, parce qu’il y aura toujours une raison pour qu’elle enchaîne les heures pour la maison de couture. « Commencer petit, avec une fabrication à la commande, tu verras bien si ça prend. » Elle hoche la tête, même si Megan ne peut pas le voir. « C’est ce que je pense faire. » Lancer un petit site Internet, parce qu’elle s’est renseignée sur les plateformes comme Etsy, et les marges qu’ils prennent sont trop importantes et cela ne lui sera d’aucun bénéfice. Puis, de ce côté-là, d’un point de vue informatique et Internet en général, elle est plutôt bien entourée. Elle a entièrement confiance en Lewis pour lui créer une plateforme qui fonctionnera, qui sera sécurisée et qu’elle pourra gérer à sa façon, une fois qu’il lui aura appris comment s’en sortir. Et visiblement, cela paraît amuser Megan plus que de raison. « Oh, Lewis ? » Elle n’a même pas de besoin de lui répondre, la blonde sait parfaitement de qui elle parle et, à se rapprocher de cette manière, elle va pouvoir compter chaque tâche rouge que Shiloh sent naître sur ses joues. « Comme c’est gentil de sa part. Et généreux et désintéressé, aussi. » Elle rit nerveusement, brandissant son liner tel une arme redoutable. « Arrête avec tes bêtises ou je te barbouille le visage ! » Elle sent le regard de son amie qui se balade sur son visage, à la recherche d’un indice ou n’importe quoi. Et Shiloh finit par lever les yeux au ciel. « Il s’est juste proposé pour m’aider, rien de plus. » Et même si elle aimerait que ça se transforme en un peu plus, ce n’est clairement pas à l’ordre du jour. « Ce que font les amis en général, tu vois ? » Megan la stresse à l’observer de si près et Shiloh finit par lui demander de s’installer à nouveau pour qu’elle puisse terminer son maquillage au lieu de continuer à parler bêtement de son crush qui n’a pas lieu d’être.

Et comme la blonde est également son amie, bien sûr qu’elle se propose pour jouer les modèles. « Comme si j’allais refuser, tiens. » Un nouveau sourire étire ses traits, alors qu’elle pense déjà à des idées pour un potentiel photoshoot. « Si tant est qu’on fasse ça assez vite. » Surprise par sa remarque, Shiloh se stoppe un instant, haussant un sourcil curieux dans sa direction. « Avant que je rentre plus dans mes fringues, de préférence. » - « Oh ! » L’espace d’un instant, elle s’attend à ce que Megan lui annonce une grande nouvelle. « Je suis pas encore enceinte, je préfère le préciser. » Et finalement, cela fait sens, elle ne lui aurait jamais annoncé comme ça, sur un coin de table, dans une discussion qui n’a strictement rien à voir. Shiloh match son sourire à celui rêveur de sa meilleure amie. « Si tu crois que je suis pas capable de tout adapter pour habiller ton joli bidon, tu te mets le doigt dans l’œil ! » Bien sûr qu’elle sera la première à subitement créer des vêtements de grossesses, puis à empiler les différents modèles de body, pyjama, turbulette et des milliers d’articles de puériculture. « Va vraiment falloir que je me penche sur des modèles de patron bien plus petits ! » Elle n’a jamais réellement cousu de vêtements pour bébé, mais il semble que ce soit le bon moment pour apprendre. Et surtout, elle est heureuse de voir son amie parler de grossesse avec le sourire aux lèvres. Les choses s’arrangent, elles envisagent les prochains chapitres de leur vie et jamais Shiloh ne s’était sentie aussi épanouie. 

« Bouge pas, je finis le liner. » Elle s’approche de Megan pour tracer une fine ligne de son liner bleu. Ses doigts tremblent légèrement, mais elle a compris le geste et n’a pas trop besoin de s’y reprendre pour créer une première ligne qui puisse la satisfaire. « Pour quelqu’un qui commence à peine à y penser, t’y as vachement réfléchi. » - « Je t’ai déjà dit que j’avais tendance à faire des fixettes parfois ? » Elle rit légèrement, mais ce n’est pas loin de la vérité. « T’as mis un peu d’argent de côté en plus, non ? » Une fois encore, elle hoche de la tête tout en s’approchant de l’autre œil de Megan pour y mettre la touche finale. « Un peu et puis… J’ai l’argent du procès. » Cet argent qu’elle trouve presque sale, mais qui finalement prend tout son sens. Il lui avait coupé les ailes, avec ce qu’il lui a versé, elle trouvera le moyen de se donner une seconde chance. « C’est pas énorme, mais ça me permettrait de me lancer un peu. Pour un nouveau départ, tu vois ? » Un nouveau départ sans quitter Brisbane, sans avoir honte, sans se cacher. Un nouveau chapitre auprès de ses amis, entouré de ceux qui l’aiment et qui croient réellement en son projet. « T’es bourrée de talent, Shiloh, vraiment. » Et même si elle sait le compliment sincère plus que jamais, Shiloh se sent rougir à nouveau. « Et je suis pas la seule à le penser. T’aurais jamais progressé aussi vite chez Weatherton sans ça. » Posant sa main sur l’épaule de Megan, elle observe le résultat de son maquillage. « Merci Megan. » Pour tout, comme toujours. C’est une habitude désormais de la remercier pour les pep talks, pour ne jamais l’avoir abandonné dans ses moments de doute. « Est-ce que tu penses que j’ai une chance en tant que make up artiste si ça fonctionne pas ? » Qu’elle plaisante tout en se décalant pour que Megan puisse avoir une vue directe sur le miroir. C’est léger, c’est simple, mais c’est quelque chose qui sublime tellement les yeux bleus de la blonde. Sur ses temps, elle a ajouté des paillettes blanches, argent et rose, qui subliment encore plus l’ensemble. « T’es belle. » Qu’elle avoue sans rougir cette fois, mais avec un sourire aux lèvres. « Je vais me lancer dans cette aventure. » Et cette fois, il reste que peu d’hésitation dans sa voix. « Je veux encore planifier certaines choses, prendre le temps de faire des projections, etc., pour pas me planter dès le premier mois, mais je vais le faire. C’est ce que je veux et je… » Elle hausse les épaules, un petit sourire timide étirant ses traits joyeusement. « Si je me répète que je suis capable, tout ira bien, pas vrai ? » Elle rit un peu, nerveusement, surtout. « Et puis, avec Lewis et toi pour m’encourager, tout se passera bien. » C’est la deuxième fois qu’elle mentionne son prénom, mais c’est surtout la première fois qu’elle laisse sous-entendre l’importance qu’il tient dans sa vie ces derniers temps. Il est redevenu un pilier dans son quotidien, son ami, celui qui la regarde toujours avec douceur et qui croit sûrement plus en ses rêves qu’elle ne le fera jamais.

le make up qu'elle lui a fait

make the whole place shimmer crédit gif - crédit/raquelsgifs Megan Williams & @Shiloh Atkins

« C’est un saut dans le vide là. » J’esquisse un sourire attendri face au constat - perpétuel - de la candeur de ma meilleure amie. Personne ne pourra jamais lui reprocher de manquer d’innocence, c’est l’une des nombreuses choses qu’elle possède à en revendre, sa gentillesse et sa générosité arrivant sur la seconde et troisième marche du podium. Toutefois, je ne suis pas idiote : je sais qu’il n’y a pas que ça et que son expérience avec Lawrence lui a en partie coupé les ailes, la privant d’une partie de ses capacités d’initiative. « Tout ce qui vaut la peine représente un saut dans le vide au début, non ? » Me concernant, il n’est même pas question de mes études ou de ma brève carrière d’actrice ; non, toute ma vie actuelle résulte d’un saut dans le vide, mon mariage et ma relation en tête de file. Et Dieu sait que je suis bien avec Damon et reconnaissante envers le destin de m’avoir donné ça. Je tente de m’en souvenir, lorsque je le maudis de rendre mon accession à la maternité si difficile. « Et c’est pas comme si t’avais aucun filet de protection. T’es pas seule. » Elle ne l’est plus : elle a retrouvé ses repères en rentrant à Brisbane il y a plusieurs années. Elle a une famille sur laquelle se reposer, et pas uniquement celle du sang. Du reste, si cela ne fonctionne pas, elle pourra toujours retrouver un boulot comme styliste ou couturière : elle a le talent pour se permettre de faire des choix risqués sans qu’ils ne le soient vraiment.

Le prénom masculin qui sort de sa bouche me surprend. Tout d’un coup, Lewis veut aider Shiloh et, puisque je ne suis pas idiote, en plus de ne pas croire en l’amitié entre hommes et femmes, l’idée qu’il y ait quelque chose dans l’air entre ces deux-là, quelque chose de concret, s’installe dans mon esprit. Shiloh pour se rebiffer autant qu’elle veut : elle ne parviendra pas à la déloger. « Arrête avec tes bêtises ou je te barbouille le visage ! Il s’est juste proposé pour m’aider, rien de plus. » Je lève un sourcil amusé. Mon scepticisme se lit sans difficulté sur mon visage, et c’est d’autant plus vrai que je ne fais aucun effort pour le masquer. Au contraire, j’exagère même un peu pour que la brunette comprenne que je ne suis pas dupe. « Ce que font les amis en général, tu vois ? » - « Hum hum. » Mon amusement transpire même à travers ces quelques sons. « Oui, tous les amis font des cadeaux de cette ampleur à leurs amis. » Il ne lui a certainement pas demandé le moindre centime, en bon ami. Bien sûr, je propose aussi de l’aider à ma façon : mais c’est différent. La principale raison reste que je suis une femme, mais je suis surtout quasiment de la famille.

« Si tu crois que je suis pas capable de tout adapter pour habiller ton joli bidon, tu te mets le doigt dans l’œil ! » Shiloh pense bien faire. Shiloh a déjà les yeux qui pétillent à l’idée de me voir enceinte, et elle est loin de se douter que ses mots me transpercent le cœur. Bien sûr, elle n’y est pour rien. Elle ne peut pas savoir que Damon et moi traversons des difficultés si je ne le lui dis pas. Alors je garde mon sourire accroché à mes lèvres et je tente de faire briller mes yeux pour de vrai. Après tout, pour elle, il ne doit rien y avoir de bizarre ou d’inquiétant, ces choses là prennent du temps. « Va vraiment falloir que je me penche sur des modèles de patron bien plus petits ! » - « Va surtout falloir que tu te penches sur des modèles plus larges dans un premier temps. » Je tente de plaisanter, je tente de rester d’humeur légère, évoquant même les rondeurs que prendra mon corps quand je tomberai enceinte. Si je tombe enceinte. « T’as le temps va. » Je fais mine d’être presque détachée pour masquer mon impatience et mon désarroi à l’idée de connaître des difficultés à ce niveau-là.

« Je t’ai déjà dit que j’avais tendance à faire des fixettes parfois ? » Un rire amusé soulève ma gorge. Ce que je vois surtout, c’est que l’idée vague n’a rien d’une idée vague : il s’agit déjà d’un plan dans son esprit. Un plan qu’elle a commencé à travailler, puisqu'elle répond à ma question concernant les financements éventuels de son projet. « Un peu et puis… J’ai l’argent du procès. » Mon sourire perd de son éclat, par pudeur et parce qu’il me semble inconvenu de se réjouir de cet argent là étant donné son origine. « C’est pas énorme, mais ça me permettrait de me lancer un peu. Pour un nouveau départ, tu vois ? » Je hoche doucement la tête. « C’est une bonne façon de l’utiliser. » Faire quelque chose de beau de quelque chose de tragique. Finalement, c’est comme si les choses avaient toujours été supposées se passer comme ça, comme si cet argent devait attendre tranquillement sur un compte, le temps que les rêves de Shiloh prennent forme et se matérialisent dans son esprit.

« Merci Megan. » Je bats des cils et secoue la tête, lui demandant par ce geste de ne pas me remercier pour quelque chose qui n’est qu’un compliment sincère, pour ma présence à ses côtés qu’elle mérite étant donné tout ce que elle elle a pu me donner et être présente pour moi. « Est-ce que tu penses que j’ai une chance en tant que make up artiste si ça fonctionne pas ? » Je tourne ma tête légèrement, juste assez pour pouvoir apercevoir mon reflet. Le travail de Shiloh est simple, mais bien plus époustouflant que ce que je la croyais capable de faire à ce niveau-là. Le sifflement impressionné qui m’échappe est tout sauf exagéré  pour lui faire plaisir. « T’es en bonne voie en tout cas. » Tout l’univers dans lequel elle s’est immergée aujourd’hui lui va résolument bien au teint. « T’es belle. » Je sais que je suis belle. Je suis presque lasse de l’entendre puisqu’aujourd’hui, être belle ne m’aide en rien à surmonter les épreuves que le destin a décidé de m’opposer. Alors, je remercie Shiloh d’un simple sourire, rien de plus. « Je vais me lancer dans cette aventure. » Mon sourire se mue en quelque chose de plus franc, mon visage s’éclaire. Bien sûr qu’elle va le faire : je ne la laisserai pas renoncer à ça maintenant qu’elle s’est confiée à moi à propos de ses rêves. Si je peux faire quoi que ce soit pour l’aider à les faire se concrétiser, je le ferai, même s’il s’agit simplement de lui insuffler le courage nécessaire pour se lancer. « Je veux encore planifier certaines choses, prendre le temps de faire des projections, etc., pour pas me planter dès le premier mois, mais je vais le faire. C’est ce que je veux et je… » Elle semble hésiter, et je fronce très légèrement les sourcils. « Si je me répète que je suis capable, tout ira bien, pas vrai ? » - « Tout va bien se passer. C’est pas comme si tu te lançais tête baissée dans un truc dont t’es pas capable. » Elle est bien plus que capable. Elle a passé sa vie à créer et elle a du talent pour ça : je n’en démords pas. « Et puis, avec Lewis et toi pour m’encourager, tout se passera bien. » Un rictus amusé étire mes lèvres et, en me relevant de mon siège, je la taquine une dernière fois. « Oui, si tous tes amis - » J’insiste volontairement lourdement sur ce terme. « - sont derrière toi, ça peut que bien se passer. » Elle peut dire ce qu’elle veut, j’ai remarqué le sourire de mon amie lorsqu’elle a prononcé le prénom du jeune homme, les deux fois où elle l’a cité. Elle a rougi, également, mais par pudeur, je n’ajoute aucune provocation supplémentaire.