@Hadley Wellington

« Pas d’inquiétude, tout est sous contrôle. » Dans l’histoire de l’humanité, ces mots ont surement été prononcés plus d’une fois quelques secondes avant la catastrophe. Andrew regrettait certainement de les avoir dits à son client. À sa défense, il croyait vraiment avoir les choses en main jusqu’à ce qu’elle arrive dans la salle d’audience, la sublime Hadley Wellington. Andrew sourit poliment alors que dans sa tête, il maudissait tous les saints du ciel. Ils se connaissaient, évidemment. Ils ont eu quelques aventures sans lendemain pour le plaisir et le goût de l’interdit. Ce n’était pas la première fois qu’ils se retrouvaient dans des camps adverses même si, fondamentalement, ils partageaient des idéaux semblables. Le client qu’il défendait aujourd’hui, il ne l’avait pas choisi. Un certain pourcentage de son temps était dédié à l’aide juridique. Il était l’avocat commis d’office pour les personnes n’ayant pas les moyens de s’en payer un. Parfois, il se retrouvait face à de véritables tragédies pour lesquelles il investissait toute son énergie. Dans d’autres cas, comme aujourd’hui, il devait défendre quelqu’un qui méritait ce qui lui arrivait. Non seulement ça, mais si c’était juste de lui, il le conduirait personnellement à la prison, l’enfermerait dans une cellule et jetterait la clef aussi loin que possible. Son client n’était pas un danger pour le reste de la société. Il n’avait commis aucun crime sexuel ni tué personne. Non, il était plutôt une nuisance, la définition même de « la stupidité devrait être punie » et Andrew ne disait pas cela à la légère. Déjà, si on enfermait tous ceux qui faisaient quelque chose de stupide une fois dans leur vie, tout le monde y passerait, incluant Andrew, mais c’était surtout qu’il n’avait jamais vu quelqu’un comme son client. Cet homme remportait la palme de la paresse et des mauvaises idées. Il voulait le plus d’argent possible en faisant le moins d’effort possible. Ainsi, il avait tendance à se lancer dans des entreprises douteuses et souvent illégales et c’était la dernière en date qui l’amenait devant le juge aujourd’hui. Il avait décidé de se lancer dans la culture du cannabis et s’en était vanté sur les réseaux sociaux. La police n’avait eu qu’à aller le cueillir à sa résidence et saisir les 3 plants qu’il faisait pousser dans son salon. Il risquait quand même dix ans d’emprisonnement au maximum. Andrew avait lu sa feuille de route et avait longuement discuté avec son client. Il n’échapperait pas à la prison, l’Australie étant sévère sur les crimes reliés à la drogue, mais vu la quantité, Andrew voulait négocier trois ans. S’il s’était vanté d’en cultiver, selon la preuve, rien ne disait qu’il souhaitait en vendre. Les trois plants pouvaient être pour sa consommation personnelle. Enfin, oui, il voulait en vendre. L’homme s’était confié lors d’un entretien en privé avec Andrew. Pour son bien, Andrew lui avait conseillé de se taire et de le laisser effectuer son travail.

Andrew connaissait le juge. Si son client parvenait à se taire suffisamment longtemps, il avait de bonnes chances de s’en sortir avec seulement les trois ans qu’il demandait. Évidemment, il ne savait pas encore quelle peine Hadley demanderait. « La défense demande trois ans, est-ce exact? » « Oui, votre honneur. » Le juge examina ses notes pendant un moment. « Très bien. Et la couronne? » Andrew tourna la tête pour regarder Hadley. Son expression ne trahissait qu’un intérêt poli qui n’avait rien à voir avec son intense désir de voir cette interminable journée se finir enfin. Jusqu’à présent, son client était parvenu à se taire, mais il le sentait s’agiter sur sa chaise. Hadley lui avait toujours paru être une femme raisonnable. Surement que la sentence qu’elle proposerait ne dépasserait pas son offre. Andrew n’avait vraiment pas envie de négocier.