L'hiver australien affiche des températures élevées en ce moment, et c'est en polo et jupe verts - la couleur que tu as tiré au sort - que tu débarques au pique-nique arc-en-ciel, armée de multiples sachets contenant... des salades.
Bah, c'est vert, nan ? T'en as prévu pour tous les goûts : mâche, roquette, chêne... les amateurs de verdure vont être ravis. Lunettes de soleil sur le nez, tu inspectes la foule du haut de ton mètre cinquante-cinq, cherchant le visage familier de la seule figure maternelle digne de ce nom dans ta vie. Pourtant, tu la vois pas trop comme ça, Eve ; plutôt une grande sœur, ou une tante archi cool. Si tu anticipais de cohabiter avec une inconnue et sa fille, les deux se sont frayé un chemin parmi tes épines. Tu t’étais bien juré de ne plus t'attacher... mais comment ne pas s'attacher à une femme si profondément gentille et une gamine si espiègle et pétillante ? T'es pas faite de glace non plus. La bienveillance et la patience sont des armes redoutables contre la plaque de givre qui recouvre ton palpitant.
Tu foules le gazon jusqu’à trouver un coin à l'ombre - les rayons de soleil devraient ravir la Latina en toi, cependant la chaleur t'insupporte rapidement. Tu installes la couverture assez grande pour quatre personnes et lâches les salades en plein milieu, fouillant dans ton sac pour en sortir des assiettes en carton et de la vinaigrette - faite maison,
por favor. Un des premiers trucs que t'as appris à confectionner, suivi du guacamole et des tamales.
Appuyée sur une main, les jambes repliées en biais, tu gardes ton portable sous le coude au cas où Eve aurait du mal à te trouver. Elles ne devraient plus tarder. Un message de ta coloc apparaît sur l’écran :
Kaia
Pourquoi y a de l'huile et du vinaigre partout sur le plan de travail ?
✓✓
Si elle a tendance à transformer la salle de bain en porcherie, pour ta part, c'est toujours la cuisine qui fait les frais de ta précipitation. La vérité là-dessous, c'est que t'y passes le moins de temps possible depuis que ta mère t'a foutue à la porte. C’était le truc qui vous liait, elle et toi, et ça t’agace de ne plus pouvoir préparer à manger sans que ça te fasse penser à elle. Le moins t'y penses, le mieux tu te portes, alors... tu ne cuisines plus, te contentant de plats à réchauffer ou de repas à emporter. Pas super pour le porte-monnaie, mais plus facile pour gérer ton trauma.
Bel
Sorry j’étais en retard. J'nettoierai en rentrant.
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Retournant sur ta conversation avec Eve, tu lui partages ta localisation, histoire d’éviter qu'elle passe une demi-heure à te chercher.
- hj:
J'ai lancé ça