Feu d’artifices de couleurs omniprésentes. Eclats de rire de-ci de-là. La bonne humeur est maîtresse et les sourires sont contagieux. Cette atmosphère est une source d’inspiration illimitée qu’Akira ne manquerait pour rien au monde. A chaque célébration, c’est un rituel, il ne manque l’événement sous aucun prétexte. Assis sur un banc, à quelques mètres des festivités, le jeune artiste a envie de tout dessiner. De tout immortaliser. Bon nombre de photos ont été prises sur son téléphone pour capturer l’instant. Le pique-nique est convivial et vivant. L’envie de les rejoindre pour participer est forte mais pas autant que celle de gribouiller sur son carnet. Les minutes s’égrènent aussi vite que les pages blanches sont recouvertes d’esquisses en tout genre. Chaque profil qui déambule ou s’illumine de sa joie de vivre sous ses yeux est un sujet qu’il veut coucher sur papier. Son crayon n’arrête plus sa course effrénée. Les pages se remplissent et bien vite son carnet petit format rejoint vite les planches du banc à ses côtés au profit d’un cahier plus grand. Intérieurement, Akira se félicite d’avoir pensé à ramener son bloc A4 dans son sac à dos, posé sagement à ses pieds.

Concentré sur son œuvre, la mine de son outil glisse sur la feuille blanche dans un ballet de courbes entrelacées. On y distingue deux femmes, main dans la main, assises dans l’herbe face à face. Devant ses yeux, elles semblent rayonner et c’est cette aura qu’il veut représenter. C’est cette émotion de bonheur et d’amour qu’il souhaite retranscrire dans son dessin. Son coup de main est sûr et maitrisé, Akira n’hésite jamais quand il est question de son domaine artistique. Si sa vie est remplie d’incertitudes en tout genre, le dessin n’en fait pas partie. Il est son moyen d’expression le plus précieux et le seul dans lequel il a réellement confiance. Le jeune Satō est tellement focalisé sur le cheminement de son crayon qu’il ne capte pas qu’un spectateur s’est joint à son passe-temps du moment. Il lui faut d’ailleurs une poignée de secondes pour réaliser qu’un homme s’adresse à lui. Perplexe, Akira relève la tête pour constater que c’est bel et bien le cas. Ce n’est pas si mauvais, a-t-il dit. D’ordinaire, c’est Akira lui-même qui est assez pointilleux avec son art et qui repère toujours le moindre défaut. Personne ne remarque jamais ce genre de détail, hormis les artistes eux-mêmes. Aucun de ses amis n’a jamais critiqué le moindre de ses dessins ou apporté une évaluation si neutre. Alors qui est-il ? Le jeune japonais n’a pas le temps d’ouvrir la bouche qu’une autre personne se mêle à la danse pour y apporter son grain de sel. Un mot s’échappe de leur échange pour s’ancrer dans l’esprit du dessinateur, le crayon figé mais toujours en main. Tu recrutes. Est-il un chercheur de talent ? Un agent ? Quelque chose dans ce genre là ? Evidemment, la curiosité exacerbée du concerné prend le dessus, quand bien même le premier inconnu ne semble pas très aimable. « Je pense que j’aurais remarqué les caméras si on était dans un film. » Ne peut-il s’empêcher de rétorquer malgré lui, un petit rire s’échappant de ses lèvres dans le même temps. « Mais, merci ? Enfin je crois. » Etait-ce réellement un compliment ? Ou une simple constatation ? Toujours est-il qu’il ne peut pas en rester là. Son crayon vient se caler derrière son oreille tandis qu’il tend son carnet à l’homme visiblement de mauvais poil. « C’est pas si mauvais. » Répète-t-il en se levant finalement. « Ça veut dire que c’est perfectible. Alors à votre avis, qu’est-ce qui peut être amélioré ? » Il semble travailler dans le domaine artistique, ce serait stupide de ne pas en profiter. « Je prends tous les conseils qu’on peut me donner, j’suis pas expert. » Un petit sourire vient étirer le coin de ses lèvres. « Contrairement à vous ? » Il tente, Akira, l’audace s’immisçant dans la conversation. Prêcher le faux pour savoir le vrai, c’est une technique qui a tendance à fonctionner en règle générale.