’’J’ai toujours peur qu’elle prenne un mauvais coup, tu sais…’’ dans les gradins, derrière ses lunettes de soleil, Yasmin ne quitte pas le terrain des yeux. L’échauffement des joueuses est bien rythmé, elles semblent soudées malgré les luttes et les collisions, les bras qui se serrent, les crânes qui foncent et le ballon qui voltige, convoité par toutes les mains qui passent à sa portée. ’’Si jamais, j’embarquerais la fautive pour coups et blessures.’’ la plaisanterie roule sur ses lèvres pour dessiner les contours d’un sourire amusé, tandis qu’elle balance très légèrement sa nuque en arrière, joue inclinée vers son épaule, afin de lancer un regard complice en direction de Wells, installé à côté d’elle. Oh, bien sûr, Yasmin n’en pense pas un mot, mais difficile pour cette maman-ours d’assimiler la possibilité que (leur) sa fille soit blessée pendant l’exercice de son sport de prédilection. ’’T’as des notions de secourisme, toi ?’’ maintenant sa position, elle apporte la paille de son gobelet à ses lèvres pour en aspirer une petite gorgée, le coude appuyé sur le gradin au-dessus du sien. Pendant qu’elle observe le visage de Wells, les joueuses forment une mêlée pour prendre le ballon puis courent à travers le terrain pour marquer un essai, sous les ferventes exclamations des parents passionnés qui font trembler les bancs en fer. ’’Elle va être contente que tu aies pu te libérer… Ce matin encore, elle m’a demandé si tu venais.’’ son sourire ne diminue pas mais prend une forme davantage suave, qui est rapidement entaché par ses propres pensées baignées de honte et de culpabilité, qui forment un malaise assommant. Elle redresse alors son buste féminin en détournant le regard, cherchant la silhouette de sa fille parmi les dossards qui courent sur le terrain, et elle n’a aucun mal à retrouver Derya parmi ses semblables. Il y a quelque chose, dans son coeur, comme un poison de vérité dissimulée, comme une liane douloureuse qui serpente à l’intérieur pour la piquer quand elle se rend compte qu’elle est loin d’être la mère et l’amie qu’elle prétend être. Il paraît que mentir est plus facile que dire la vérité, qu’il faut du courage pour avouer ses fautes, mais il en faut tout autant pour s’enfoncer dans la fausseté, pour supporter d’être l’odieuse faussaire qui mène tout le monde en bateau, qui omet une réalité délicate, inavouable, difficile. Mentir n’est pas simple. Mentir use, abîme, terni. Elle s’en veut de lui cacher sa paternité, mais elle ne sait pas comment détruire le mur maintenant qu’elle a érigé chaque brique. Est-ce que leur amitié s’effondrera en même temps ? Est-ce qu’il lui en voudra au point de ne plus pouvoir la regarder sans éprouver du dégoût ? Elle peut supporter sa colère, mais pas son rejet. Elle peut endurer ses cris, mais pas son absence.  ’’Et toi, ça va ? En ce moment, je veux dire. Tout va bien pour toi ?’’ raclant discrètement sa gorge, elle aspire une nouvelle gorgée de son soda avant de faire rouler ses lèvres l’une contre l’autre, tâchant de faire disparaître la sensation de lourdeur qui pèse dans sa cage thoracique. ’’Tout va bien avec Anna ?’’ en reportant ses iris sombres sur son visage, Yasmin le demande sans aigreur et sans douleur, puisqu’il y a bien longtemps qu’elle n’éprouve plus le moindre sentiment amoureux envers lui ; elle a fini par comprendre qu’elle n’était pas de taille. Elle est raisonnable, Yasmin, elle s'est fait une raison, elle s'est résignée, elle a accepté. Encore un aveu qu’elle n’a jamais formulé. Décidément.

crédits/crackshipandcrap

there's a rumbling in the skies
@Yasmin Hikmet + Samuel Wellington
lieu: terrain de rugby, logan city

Les cris d’enfants sont nombreux et si ton allure donne l’impression que tu n’as pas la patience pour les sports de gamins un samedi matin, bien trop tôt pour être déjà parmi les vivants surtout quand l’on sait que tu vis de nuit, mais tu ne pourrais être plus heureux d’être là. Quand Derya demande, tu acquiesces. C’est un fait que plus personne ne peut contester désormais, et tu n’en as pas honte. Tu fais partie de la vie de la jeune fille depuis sa naissance, présent pour sa mère depuis bien des années avant et tu n’imagines pas le moment où cela changera alors si Derya demande ta présence pour un match de soccer alors que le soleil se lève encore dans le ciel, alors c’est avec un café et ta plus grosse voix que tu scanderas des encouragements pour la petite tête brune. « J’ai toujours peur qu’elle prenne un mauvais coup, tu sais… » Tu hoches légèrement la tête, le café aux lèvres. C’est souvent la même chose. Yasmin stresse de voir les petites filles, certaines bien plus petites et d’autres plus grandes se chamailler pour le ballon, souvent inconscientes de leur force. « Si jamais, j’embarquerais la fautive pour coups et blessures. » « Tu sais, je plains les garçons qui voudront un jour s’approcher de ta fille. » que tu commentes avec un rire, connaissant déjà le caractère fort et les tendances parfois over protectrices de la jeune femme avec sa fille. Tu étais loin de pouvoir la juger toutefois, tu étais toi-même assez féroce avec les garçons qui s’approchaient de Delilah, à son plus grand dam. « T’as des notions de secourisme, toi? » Un autre rire franchit tes lèvres, alors que tu viens passer un bras autour de ses épaules et la serre légèrement contre toi. « Tous les entraîneurs ici ont des notions de secourisme et tu le sais très bien. Relax un peu. Elle s’amuse, regarde. » Ta main libre pointe vers sa fille qui est complètement concentrée sur ce qu’elle fait, son attention entièrement portée sur le ballon. « Elle va être contente que tu aies pu te libérer… Ce matin encore, elle m’a demandé si tu venais. » « Tu sais que je manquerais ça pour rien au monde. » Tu en avais manqué beaucoup des parties pendant les mois où tu étais en tournée, et tu comptais bien rattraper le temps perdu, autant avec la mère que la fille.

Ton attention est complètement sur Derya, tentant de laisser loin derrière toute trace d’Hadley et de son retour dans ta vie. « Et toi, ça va? En ce moment, je veux dire. Tout va bien pour toi? » La voix moins assurée qu’à l’ordinaire de ton amie te sort de ta transe et le match derrière ne devient soudainement que bruit de fond. « Tu sais quelque chose que je sais pas? » que tu demandes, ton rire pratiquement aussi incertain que la voix de ton amie. « Tout va bien avec Anna? » À cette question, tu hoches légèrement la tête. Tout va bien, oui. Il y a trois semaines, à ton retour, tout allait merveilleusement bien. Le bonheur de la retrouver était pur et simple, rien n’aurait pu entacher cela. Et puis fin septembre est arrivé, un anniversaire de mariage qui n’a pas été célébré, mais qui a amené le retour de ta femme, légalement parlant, à un moment où tu ne l’attendais plus. « Anna va bien, tout va bien entre nous… » Ton hésitation est trop grande pour ne pas être remarqué par la policière et ton regard se fait fuyant, s’accrochant à la bouille angélique de la petite Hikmet avant d’ajouter. « La mère de Delilah est revenue dans le portrait. Peux-tu croire? Après plus de vingt ans, elle revient et j’apprends que ça fait des années qu’elle est ici, à Brisbane. » Des années qu’elle est si proche, et pourtant si loin. Des années qui ont été perdu, de souvenirs qui auraient pu être créées, des années où ta mère aurait pu avoir sa mère dans sa vie. Maintenant, tu n’es pas certain de vouloir lui faire la moindre place que ce soit. « Elle dit qu’elle veut faire partie de la vie de Del. Elle dit qu’elle nous a jamais oublié. Je sais pas… » Tu te râcles la gorge bruyamment, faisant au mieux pour ne pas te laisser être secoué par une énième vague d’émotions trop foudroyantes, colère et déception un mix jamais bien loin lorsqu’il s’agit d’Hadley Wellington. « Je sais pas quoi faire avec ça. Et Anna… Elle est parfaite dans tout ça, et je m’en veux tellement de la mêler à mes histoires qui ont pas d’allure. » Et ce serait mentir de dire que tu n’es pas complètement effrayé de voir votre relation s’effriter à cause de tout ce qui se passe, à cause de certaines choses que tu as omises de lui dire, comme le fait que tu étais encore légalement marié à la mère de ta fille. « J’suis désolé, j’avais pas prévu de te déballer tout ça ici. » Et soudainement, tu as besoin de quelque chose de bien plus fort que ton simple café.

« Tu sais, je plains les garçons qui voudront un jour s’approcher de ta fille. » paille entre ses dents, elle pince davantage le plastique du tube rouge en fronçant lentement ses sourcils, comme si les paroles qu’elle venait d’entendre avaient ravagé sa faculté à réagir correctement. Au bout de quelques secondes, Yasmin éloigne sa boisson de ses lèvres pour tourner son menton vers Wells, qu’elle toise avec un air soudainement méfiant ’’Parce que des garçons vont vouloir approcher ma fille ?’’ haussant ses sourcils en plissant son front, elle abaisse légèrement le menton pour le regarder par-dessus ses lunettes, visiblement peu encline à accepter cette perspective ’’Il va falloir me passer sur le corps.’’ et autant le dire tout de suite, son flingue n’est pas d’humeur à coopérer et ne le sera jamais, surtout pas quand il s’agit de son enfant. Leur enfant. C’est pas le sujet, mais il lui rappelle un peu cette vérité avec son accolade amicale, qui fait germer les bribes d’un sourire adoucit sur ses lèvres légèrement maquillées « Tous les entraîneurs ici ont des notions de secourisme et tu le sais très bien. Relax un peu. Elle s’amuse, regarde. » - ’’Et moi je fais de la tachycardie.’’  elle le dit d’une voix morose en aspirant une nouvelle gorgée de sa boisson, reportant son attention sur le terrain même si le plaquage vif subit par sa fille lui donne des sueurs froides, qui lui font regretter de s’être levée ce matin. « Tu sais que je manquerais ça pour rien au monde. » oui, elle le sait, mais Derya est peut-être moins consciente de l’affection portée par Wells, même s’il est souvent celui qu’elle cite quand elle a besoin d’une figure paternelle ; un rôle qu’il a toujours endossé, sans que personne ne lui demande. En cet instant, au moment précis où il prononce ces quelques mots, elle est prise d’une culpabilité étourdissante, comme si elle était tout à coup projetée dans le mur de ses trop nombreuses omissions, et si elle pourrait franchir le rideau de cette mascarade en partie involontaire, les gradins d’un entraînement de rugby ne lui semble pas être l’endroit idéal pour annoncer une paternité révélée sur le tard, alors changer de sujet lui paraît être bien plus judicieux. « Tu sais quelque chose que je sais pas? » remontant l’une de ses épaules, elle se fend d’un ’’Bien sûr que non’’ bien sûr que si pendant qu’elle entoure son gobelet de ses deux mains, comme s’il lui fallait soudainement se rattacher à quelque chose de tangible plutôt que la boule nerveuse qui s’est développée dans son ventre en un temps record « Anna va bien, tout va bien entre nous… » ce n’est pas tant qu’il hésite mais plutôt qu’il répète : le lieutenant de police flaire le mensonge. ’’Tu le dis deux fois parce que le premier vise à me convaincre moi, et le second vise à te convaincre toi.’’ elle n’étale pas sa science psychologique pour le simple plaisir de parader, mais pour qu’il économise sa salive à lui mentir. Coudes appuyés derrière elle, épaules légèrement remontées vers ses lobes d’oreilles, elle tourne son menton vers lui en l’encourageant d’un regard silencieux, se demandant bien ce qui cloche dans le décor de leur couple ; tout allait pour le mieux avant sa tournée, non ? « La mère de Delilah est revenue dans le portrait. Peux-tu croire? Après plus de vingt ans, elle revient et j’apprends que ça fait des années qu’elle est ici, à Brisbane. » plissant légèrement ses paupières sous la réflexion imposée par cet aveu, qui semble sortir de nulle part ’’Des années ? Pourquoi elle ne s’est pas manifestée avant ?’’ c’est la question la plus légitime, pas vrai ? Même si elle l’a pose en se sentant elle-même illégitime, mais elle est très douée pour le masquer « Elle dit qu’elle veut faire partie de la vie de Del. Elle dit qu’elle nous a jamais oublié. Je sais pas… Je sais pas quoi faire avec ça. Et Anna… Elle est parfaite dans tout ça, et je m’en veux tellement de la mêler à mes histoires qui ont pas d’allure. » - ’’Ce n’est pas de ta faute, Wells.’’ cela lui semble être la chose la plus importante à faire : le dédouaner de toute culpabilité, et elle le fait en posant une main sur son bras pour attirer son attention « J’suis désolé, j’avais pas prévu de te déballer tout ça ici. »  remontant ses lunettes de soleil sur le haut de son crâne de sa main libre, elle presse ses lèvres l’une contre l’autre en sachant très bien à quel point elle n’est pas douée pour ces choses-là ’’Je sais que tu veux toujours bien faire, et c’est ce que tu fais la plupart du temps, mais tu ne peux pas contrôler ce que les autres font. En l’occurence, tu ne peux pas t’en vouloir pour ce que la mère de Del a fait et continue de faire, et Anna le comprendra. Elle est formidable.’’ qu’on s’entende, c’est Anna qui est formidable et pas la mère de Del, mais elle ne pense pas avoir besoin de le préciser ’’Elle t’a dit quoi ?’’ basculant sa joue contre l’épaule de Wells sous quelques coups de sifflet de l’arbitre, elle attend sa réponse en jouant distraitement avec une petite bouloche formée par son haut, espérant sincèrement que les choses s’arrangent pour son ami.

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« Parce que des garçons vont vouloir approcher ma fille? » Un ricanement s’échappe d’entre tes lèvres alors que Yasmin garde un air foncièrement sérieux sur son visage, et c’est une raison de plus pour laquelle tu redoutes déjà le moment où Derya deviendra une adolescente et une jeune adulte qui a envie de se découvrir, de connaître les plaisirs des premiers amours, que ce soit avec fille ou garçon, franchement dans les deux, tu restes persuadé que Yasmin n’hésitera pas à tout faire pour protéger sa fille. « Il va falloir me passer sur le corps. » « Va falloir que tu ranges les griffes à un moment ou un autre, maman ours. » C’était sûrement un conseil légèrement hypocrite de ta part quand on savait les mauvais quarts d’heure que tu avais fait vivre aux différents prétendants de Delilah, mais tu ne souhaitais qu’une seule et unique chose : que Yasmin cesse de s’en faire trop pour sa fille, parce qu’elle aura beau vouloir la protéger de tous les maux du monde, elle ne pourra pas empêcher les expériences de la vie, la douleur et les peines de se faire une place dans celle de Derya. « Et moi je fais de la tachycardie. » « Tu veux que j’appelle le mec là-bas? Celui qui a l’air de même pas avoir 20 ans? Je suis sûr qu’il sait comment faire du bouche-à-bouche. » Pratique pour la tachycardie? Sûrement pas non, mais ça ne t’empêche pas de déconner, surtout quand c’est pour te moquer gentiment de Yasmin. Tu la taquines, la jeune femme qui semble avoir fait vœu complet de célibat depuis plusieurs années maintenant. Il fut un temps, tu as presque cru qu’il aurait pu y avoir quelque chose entre vous deux. Mais elle était en couple, et la confiance que tu accordais à autrui, même à elle, avec ton cœur était encore trop fragile. La perdre elle au risque d’une histoire qui aurait pu finir de manière aussi désastreuse que celle avec Hadley, c’était quelque chose que tu n’avais pas osé. Et aujourd’hui, tu étais heureux avec Anna, et si jamais tu ne voudrais voir Yasmin avec un petit coach de rugby à peine prépubère, tu ne pouvais t’empêcher de souhaiter la voir heureuse avec quelqu’un, quelque chose qu’elle ne semblait pas chercher activement.

Elle agit étrangement, et ça te met tout de suite en alerte, comme si vous vous nourrissiez mutuellement de l’anxiété de l’autre. « Bien sûr que non. » Tu fronces les sourcils, mais choisis de la croire alors qu’elle te questionne sur comment les choses se passent avec Anna et de toute évidence, ta réponse ne se veut pas aussi convaincante qu’elle ne devrait l’être, bien que tes problèmes actuels n’ont rien à voir avec la Constantine. « Tu le dis deux fois parce que le premier vise à me convaincre moi, et le second vise à te convaincre toi. » « On ne peut rien vous cacher enquêteure. » que tu marmonnes avant de finalement vider ton sac. Tu étais naïf de croire que tu pouvais venir ici et laisser derrière le fantôme d’Hadley. Elle était constamment dans ta tête et c’était déjà un miracle que tu n’aies rien dit à Delilah alors que ton humeur témoigne totalement que quelque chose te tracasse en permanence. « Des années? Pourquoi elle ne s’est pas manifestée avant? » Tu hausses les épaules, il y a tellement de choses que tu n’arrives toujours pas à comprendre dans toute cette histoire. « Je sais pas Yas. Apparemment qu’elle est à Brisbane depuis huit ans. Qu’elle a voulu venir me voir il y a deux ans, mais qu’elle a vu Anna sortir de la maison et qu’elle a fait demi-tour. » Tu lâches un soupir qui témoigne de cette colère qui continue éternellement de monter en toi chaque fois que tu penses à elle, que tu parles de la blonde, de ses décisions qui ont chamboulé ta vie à un tel point que tu ne sais pas de quoi elle pourrait avoir l’air justement, ta vie, si elle était restée. Si elle était revenue avant. Il y a deux ans, huit ans, vingt ans. Ça te rend complètement fou. « Elle pensait quoi? Que j’allais l’attendre toute ma vie? » Un rire moqueur t’échappe, avant que ton regard ne trouve celui de la Hikmet, et tu réalises que dans un sens, oui, tu avais attendu bien trop longtemps après Hadley, que tu t’étais privé d’opportunités d’ouvrir ton cœur à cause d’elle et que la preuve même de ce fait était sous tes yeux.

Sa main sur ton bras te force dans le présent, et tu viens naturellement poser une main contre la sienne. Tu penses à Hadley, tu penses à Yasmin, et tu penses à Anna aussi, dernière arrivante dans ta vie, celle qui a volé ton cœur, et qui se doit de gérer avec tous les morceaux cassés. « Ce n’est pas de ta faute, Wells. » « J’lui avait pas dit que j’étais encore légalement marié avec Hadley. » que tu admets, te trouvant terriblement con d’avoir cru pouvoir garder ce morceau d’information comme si cela n’allait jamais avoir un impact sur elle, sur vous. « Je sais que tu veux toujours bien faire, et c’est ce que tu fais la plupart du temps, mais tu ne peux pas contrôler ce que les autres font. En l’occurrence, tu ne peux pas t’en vouloir pour ce que la mère de Del a fait et continue de faire, et Anna le comprendra. Elle est formidable. » « Elle mérite pas ça. » Et c’est ce que tu ne cesses de te répéter depuis le jour où Hadley s’est retrouvée devant ta porte. « Elle t’a dit quoi? » Yasmin pose sa joue contre ton épaule, son corps se crispant inévitablement aux sons de quelques coups de sifflet, et tu laisses ta joue s’accoter contre le haut de son crâne, dans une proximité dont tu as drôlement besoin en ce moment. « Elle a dit qu’elle nous avait jamais oublié. Qu’elle veut faire partie de ma vie, de celle de Delilah. Qu’elle est partie parce qu’elle pensait qu’elle gâcherait nos vies. » C’est cette dernière partie qui te fait le plus mal, celle avec laquelle tu as du mal à composer parce que tu n’avais rien vu, rien compris de sa détresse. « Elle m’a dit qu’elle avait fait une dépression post-partum sévère. Qu’elle était persuadée que Delilah n’était pas en sécurité avec elle, que c’était pour le mieux qu’elle ne soit plus dans nos vies. Elle avait tellement l’air de se croire… » Et toi, tu nageais dans un tourbillon de colère, de déception, d’incompréhension et pire encore duquel tu n’étais pas certain de pouvoir te sortir un jour. « J’suis censé faire quoi moi, avec tout ça? » C’est idiot sans doute, de croire que Yasmin puisse avoir une solution toute parfaite à t’offrir, mais au point où tu en es, le simple fait de pouvoir te vider le cœur ainsi sans aucune retenue te fait un bien fou.