un verano sin ti
ft  @Maritza Gutiérrez  

Diego tentait de se réconcilier avec cette décision qu’il avait prise dans un moment de doute et de faiblesse et qui était très vite apparue comme n’étant que mauvaise. Bien sûr, il était conscient de la bonne action que cela représentait et il était fier à l’idée de donner de son temps pour ce voyage humanitaire et c’était loin d’être la partie qu’il remettait en question, au contraire. Il se retrouvait même à nouveau empreint de cette culpabilité qui était un sentiment devenant un peu trop familier parce que rechigner à partir lui donner l’impression d’être égoïste. Mais qu’il s’agisse de Nina ou de lui, la signature était la réponse à une vie personnelle devenue bien trop difficile à gérer et il n’était pas étonnant qu’il la remette en question. Parce qu’il avait retrouvé Mateo, que lui annoncer qu’il partait avait été compliqué et qu’il savait qu’il était le premier d’une longue liste de personnes à prévenir. Et c’était tout le problème avec Diego : il accordait trop d’importance à ce que les autres pensaient, alors qu’il était adulte et seul décisionnaire de la façon dont il souhaitait mettre ses qualités d’oncologue à profit. Cétait devenu une habitude que d’anticiper les réactions de son entourage et de s’imaginer le pire, et si cela lui avait valu un bon nombre de moments sombres, il n’arrivait pas à se convaincre que sa mère prendrait la nouvelle avec enthousiasme. Maritza allait s’inquiéter, s’imaginer qu’il partait sur un champ de bataille, non pas parce qu’elle n’avait aucune idée de ce dans quoi il s’engageait mais plutôt parce qu’il était dans sa nature de s’inquiéter au point d’imaginer les pires scénarios. Et sur ce point, la mère et le fils étaient extrêmement similaires.

« Mamà ? » avait-il appelé en entrant dans la maison et en se dirigeant vers la cuisine pour y déposer quelques courses. Il serait mentir qu’il n’avait pas ressenti une pointe d’appréhension à l’idée de la retrouver enlacée avec Sergio. S’il avait donné son accord, il y avait des étapes à ne pas brûler et des images qu’il n’était pas encore prêt à voir. C’était idiot, il avait prévenu qu’il viendrait durant son repos et il y avait fort à parier que sa mère aurait fait en sorte de lui épargner cela. Quand elle était enfin apparue dans son champ de vision, il l’avait laissé attraper le bouquet de fleurs séchées soigneusement sélectionnées plus tôt puis il avait souri avant de la prendre dans ses bras. « Feliz cumple, mamà. » Le baiser qu’il lui avait déposé sur la joue était presque négligé tant il avait hâte de lui tendre le petit sachet qu’il tenait dans sa main, agissant encore comme un gamin lorsqu’il était en présence de sa mère et encore plus dans ce genre de moments. « Bon, c’est pas un piano, je sais. Et puis y a plus vraiment de suspens mais j’espère quand même que ça te plaira. » Diego avait offert un bracelet auquel il était possible d’ajouter des breloques à sa mère pour ses quarante-neuf ans et il n’était pas peu fier de son idée : il avait maintenant une idée toute trouvée pour chaque fête des mères, anniversaires ou occasion spéciale. Cette breloque-là représentait un globe, comme un préface à la discussion qui suivrait. « J’ai même laissé mon chien chez moi pour pas te gâcher ta soirée. » En sortant les courses, il cherchait Alejandro du regard, persuadé qu’il se cachait encore dans sa chambre alors il avait levé les yeux au ciel sachant qu’il irait le sortir de sa tanière un peu plus tard. « Je t’ai pris une bouteille de ton vin préféré, des chocolats et de quoi grignoter. Je voulais t’inviter au restaurant mais je sais que c’est pas idéal avec Ale alors on commandera ce que tu veux. Ca te va ? » Il était aux petits soins, encore plus pour fêter son anniversaire, encore plus alors qu’il devait lui annoncer qu’il la quittait pour un mois entier.

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Ils n’étaient pas parfaits, loin de là, et les mauvais moments semblaient parfois prendre le pas sur les bons, mais avec Maritza, Diego avait le sentiment qu’il était toujours bien plus simple de se rassurer sur les liens familiaux. Il avait été impliqué dans le retour du couple qu’ils avaient un jour formé avec Sergio, sans réellement savoir s’il voyait du positif dans tout cela. Il aimait assez sa mère - et tolérait maintenant son père - pour trouver la volonté de lui donner des conseils aucunement biaisés par un passé qui les avait rendus malheureux bien trop de fois. Ils devaient aller de l’avant, d’une façon ou d’une autre, et si les doutes persisteraient sur la manière dont Maritza avait choisi de le faire, il était décidé à l’accepter. « Gracias hijo » Il la regardait s’activer dans la cuisine, arrangeant de manière élégante le petit bouquet que Diego avait choisi afin qu’il demeure dans le temps. Son sourire était sincère alors que la culpabilité commençait pourtant déjà à le dévorer. « Je sais très bien que ça me plaira ! » L’idée de départ lui avait plu, alors les breloques significatives étaient toujours appréciées. Encore une fois, Diego scrutait chaque geste de sa mère, cherchant à anticiper la façon dont elle prendrait la nouvelle, surtout en ce jour spécial. Il n’avait plus le temps de reculer et ce malgré un timing extrêmement mauvais. Alors il gagnait du temps, plaisantant sur la façon dont il lui avait épargné la présence de Tulum. « Tu n'avais même pas besoin de m'acheter un cadeau, laisser Tulum chez toi était bien suffisant. » Ils s’étaient observés en haussant les sourcils comme ils le faisaient souvent lors de ces moments de silence qui suivaient leurs plaisanteries. « Je plaisante ! Je garde le globe. » Ils avaient ri ensemble et Diego était allé s’asseoir en la contournant délicatement avant de lui présenter le programme de la soirée, frottant ses mains entre elles - parce qu’il était fier et heureux de lui faire plaisir mais aussi parce qu’il tentait de dissimuler sa gêne du mieux qu’il le pouvait. « C'est adorable Didi mais tu n'étais vraiment pas obligé ! » Et lui, pourtant, avait le sentiment de lui être redevable, alors qu’il taisait un bon nombre de vérités.

Si elle n’avait eu ne serait-ce qu’une petite idée de ce qu’il s’était passé dans sa vie ces derniers jours, il savait qu’elle se serait inquiétée. Bien plus encore que cette fois où elle avait perçu la perte d'étincelles dans son regard. C’était évident, que Diego ne dirait rien de l’épisode de l’hôpital à sa mère, ni même à personne d’autre qu’à Mateo. Il était devenu celui à qui il confiait tout, et le constat suffisait à réaliser l’ampleur qu’il avait pris dans sa vie. Tomber, toucher le fond lui avait permis de prendre du recul et d’avancer, et son sourire était pour une fois extrêmement sincère. « Tu boiras bien un verre de vin avec ta vieille mère ? » A l’expression de son visage grimaçant, Maritza avait compris. « Sinon, il y a du soda dans le frigo. » Il était allé se servir parce qu’il avait toujours les mêmes réflexes ici, un endroit qu’il considérait comme chez lui. Un endroit où il se sentait parfois mieux qu’à son appartement, surtout lorsque la maison était vide des reproches de ses frères et sœurs. Et sur ce point également, Diego était resté silencieux, incapable de savoir si Cesar avait parlé de leur dispute ou si Maritza avait pu déceler que quelque chose n’allait pas comme son sixième sens lui permettait bien souvent de faire. « Pourquoi un globe ? » Alors qu’il était déjà perdu dans ses pensées, la question pourtant logique de sa mère l’avait prise de court. « Ah mais c'est parce que je l'ai traversé pour venir ici. » Passant une main sur l’arrière de son crâne, Diego avait souri. « Il y a ça … Et puis il y a autre chose. » C’était une bonne nouvelle. Il s’accrochait à cette affirmation comme à une bouée de sauvetage, se la répétant comme un mantra. « Je t’avoue que j’ai mis les petits plats dans les grands pour une autre bonne raison que ton anniversaire. On pourra plus se faire ça avant un petit moment. » Il gardait son sourire, parce que l’annonce l’excitait autant qu’elle l’effrayait : l’annoncer à Maritza s’avérait bien pire encore que de l’annoncer à Mateo. « J’ai décidé de faire un voyage humanitaire, Mamà. » Il n’en dirait pas plus, se laissant l’opportunité de jauger sa réaction, lui laissant l’opportunité à elle de poser les questions qui avaient dû l'assaillir à la seconde où il avait terminé sa phrase. Il n’avait pas laissé le suspens s’installer, mieux valait aller droit au but, pour profiter au mieux de leur soirée ensuite.

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Il aurait dû choisir un autre moment que son anniversaire mais il ne lui restait plus beaucoup de temps pour prévenir de son départ. La décision avait été prise sans réellement y réfléchir, avec pour seule motivation le besoin de changer d’air et de voir les choses sous un autre angle. Il n’y aurait de toute façon aucun bon moment pour évoquer une absence d’un mois entier avec sa mère, alors il avait commencé à tâter le terrain, tentant de préparer Maritza à l’annonce qu’il s’apprêtait à faire. Devant elle, il en venait à repenser ses choix et il avait secoué la tête pour ne pas se laisser submerger par des émotions en opposition à toutes les autres. « Comment ça ? » Il avait retrouvé le sourire en se forçant à retrouver les points positifs liés à ce voyage, sa mère, elle, avait perdu le sien jusqu’à croire à une plaisanterie. « Arrête de faire ton hurluberlu. » Relevant le regard vers elle pour la fixer, Diego utilisait son sérieux pour lui indiquer qu’il ne s’agissait pas d’une plaisanterie. Il était même presque vexé, qu’elle ne le pense pas sérieux, ne l’imaginait-elle pas capable de mettre son savoir au profit des autres ? Il ne serait plus dans sa zone de confort, mais il était prêt. « Il faut que je digère l'information » C’était de là que lui venait son côté dramatique, car il cherchait encore les raisons menant sa mère à réagir ainsi. Bien sûr qu’elle s’imaginait déjà tous les pires scénarios, mais sans cette dose d’appréhension bien trop importante comparée à la situation, la nouvelle était plutôt bonne.

« Tu pars où ? » « En Ethiopie. » Il n’avait pas davantage alimentée sa réponse puisqu’il savait que le flot de questions de Maritza ne s’arrêterait pas là. « Pour combien de temps ? » Il s’apprêtait à répondre mais elle ne lui en avait pas laissé le temps, laissant déjà s’échapper une nouvelle question, puis une autre. Maritza s’était laissée happer par sa nervosité, laissant son côté mère poule prendre le dessus sur la raison, et Diego s’était préparé à une telle réaction. « Tu vas faire quoi là-bas ? Et tu y vas avec qui ? Ne me dis pas que tu y vas seul ! » Levant discrètement les yeux au ciel, il était venu se pincer l’arête du nez, cherchant à retrouver les mots qu’il s’était répétés et qui devaient servir à rassurer Maritza. La réalité était bien plus difficile à gérer que durant les maigres répétitions auxquelles il s’était adonné sur le trajet de chez lui à chez elle et il avait marqué un temps de pause, comme pour assimiler tout ce qui venait de lui être demandé. « Je pars un mois, à partir de ce week-end. Et faire quoi, faire quoi… Je ferai tout ce qu’on me demande, principalement poser des diagnostics si besoin mais je ferai surtout de la médecine basique. » Tout ce que supposait un voyage humanitaire lorsque l’on était médecin - il avait du mal à être exhaustif. « On part avec Nina. » Parce qu’on est tous les deux au trente-sixième dessous. Ce n’était plus vraiment son cas, mais était toujours celui de sa collègue. « Je sais que c’est soudain, mais j’avais besoin de ça. » Il y avait cru très fort en prenant la décision, n’en était aujourd’hui plus très sûr mais il ne pouvait pas dire toute la vérité à sa mère et utilisait les informations qu’il souhaitait partager avec elle pour tenter d’être cohérent. « J’ai pas été totalement honnête avec toi. T’avais raison, c’était devenu trop pour moi de bosser dans mon service. » Inutile d’en préciser les raisons, elle en connaissait au moins une : Maria. L’autre n’avait pas de rôle à jouer dans ces explications. « J’ai fini par craquer, je te passe les détails, mais partir me fera du bien, j’en suis sûr. » Si avouer ses faiblesses était presque impossible pour le mexicain, cela restait bien plus facile que d’avouer qu’il était en train de vivre quelque chose avec un homme, alors il avait choisi cette carte. Non pas parce qu’il était à l’aise avec l’idée de montrer ses failles à sa mère, mais parce que celle-ci valait mieux que l’autre. « En fait, ça va déjà mieux, depuis que je sais. » Son sourire n’avait rien d’une tentative de mentir à sa mère : il allait déjà mieux, et ce même si l’idée de délaisser ce qui l’aidait à aller de l’avant le tiraillait.